Intervention de François Grosdidier

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 28 mars 2018 à 16h10
Audition de M. Rémy Heitz directeur des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice de Mme Béatrice Bossard sous-directrice de la justice pénale générale et de Mme Marie-Céline Lawrysz chef du bureau de la police judiciaire

Photo de François GrosdidierFrançois Grosdidier, rapporteur :

Cette audition a lieu le jour de l'hommage au lieutenant-colonel Arnaud Beltrame et de la marche en hommage à Mireille Knoll. Notre commission d'enquête a été instituée à la suite des suicides qui ont frappé la police et la gendarmerie. L'expression de colère parmi les forces de l'ordre a surpris presque tout le monde. J'avoue pourtant que nous n'en avons pas été surpris, vu les difficultés auxquelles sont confrontés les gendarmes et les policiers dans l'exercice de leurs missions, avec des exigences de plus en plus lourdes, tant de la part des citoyens que de l'État, dans un contexte de menace terroriste élevé, avec des moyens qui ont été sans cesse réduits depuis des années. Nous avons pu mesurer sur le terrain l'étendue de ces difficultés. Nos forces de l'ordre doivent faire face à un risque d'agression physique élevé car certaines franges populations sont très violentes. Les agents ont le sentiment de ne pas être soutenus ni par le pouvoir politique, ni par leur hiérarchie, ni par la justice et les magistrats. Il n'est pas étonnant dès lors que beaucoup se posent la question de savoir si la prise de risque qu'implique leur métier en vaut la peine.

Cette situation soulève aussi la question du fonctionnement de toute la chaine pénale. Au moment où l'on demande aux policiers et aux gendarmes de renouer avec le contact avec la population, on constate qu'ils doivent passer les deux tiers de leur temps en actes de procédures. Il n'en va pas de même dans les autre pays. Libérer le temps des policiers devient impératif. Pour cela il importe de simplifier le code de procédure pénale. Le gouvernement a dévoilé les grands axes de la réforme de la Justice. Il est notamment prévu de « simplifier les régimes procéduraux et les seuils prévus dans le code de procédure pénale pour rendre les enquêtes plus efficaces ». Pourriez-vous nous détailler le contenu de cette proposition et ses conséquences directes pour les enquêteurs ? Comment comptez-vous alléger la charge procédurale qui pèse sur les agents ?

MM. Jacques Beaume et Frank Natali ont fait des propositions, dans le cadre des chantiers de la justice, qui étaient en retrait par rapport aux attentes des forces de l'ordre et qui n'ont, semble-t-il, pas toutes été reprises par le ministère. L'oralisation de certains actes ne serait pas possible sans porter atteintes aux droits de la défense. Qu'en pensez-vous ? Les agents passent une grande partie de leur temps à transcrire des actes de procédure. Cette transcription ne serait pourtant pas nécessaire si l'on utilisait la vidéo. Cette proposition n'a pas été reprise par le ministère. Il y avait là une immense attente des forces de l'ordre qui semble en passe d'être déçue.

Que pensez-vous aussi d'une extension des pouvoirs de police judiciaire des agents de police municipale ? Parmi les charges indues dénoncées par les policiers, il y a les actes de procédure liés à leur intervention lors de certaines interventions réalisées par la police municipale, par exemple en cas de constatation d'une infraction passible d'une contravention mais non d'une amende forfaitaire. Ainsi pour verbaliser des jeunes faisant du tapage nocturne, il faut demander aux policiers nationaux d'entendre les parents des enfants. C'est le type de procédure que les policiers municipaux pourraient réaliser. Les syndicats des policiers nationaux, auparavant très hostiles à cette réforme, conviennent aussi désormais qu'il serait possible d'augmenter les prérogatives des polices municipales dans le code la route : il conviendrait de formaliser dans la loi que tout agent qui met en oeuvre une prérogative de politique judiciaire le fait sous autorité du procureur et de l'officier de police judiciaire compétent. Cela se passe déjà comme cela dans la pratique. Cela déchargerait les policiers de charges indues, tout en revalorisant les missions des policiers municipaux qui ont parfois le sentiment de souffrir d'un manque de considération.

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