Intervention de Rémy Heitz

Commission d'enquête état des forces de sécurité intérieure — Réunion du 28 mars 2018 à 16h10
Audition de M. Rémy Heitz directeur des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice de Mme Béatrice Bossard sous-directrice de la justice pénale générale et de Mme Marie-Céline Lawrysz chef du bureau de la police judiciaire

Rémy Heitz, directeur des affaires criminelles et des grâces :

C'est plus largement dû à un problème général d'inflation des normes. Il faut du temps pour appliquer une nouvelle loi. Il faut aussi adapter les logiciels. On constate aussi des aspirations paradoxales : l'aspiration au changement cohabite avec un certain conservatisme car chacun est habitué à certaines procédures. Le projet de loi sur la réforme de la Justice constitue une boîte à outils qui comporte beaucoup de mesures pour simplifier le travail des magistrats et des enquêteurs à tous les stades de la procédure. Nous avons voulu harmoniser les régimes procéduraux et les seuils. Les seuils ne sont en effet pas les mêmes pour tous les actes d'enquête. La géolocalisation, par exemple, est possible pour les atteintes aux personnes quand la peine encourue est de trois ans, mais elle n'est possible, en cas d'atteinte aux biens, que si la peine encourue est de cinq ans. C'est compliqué pour les enquêteurs ! Nous avons un seuil unique de trois ans, alors que MM. Beaume et Natali proposaient cinq ans. Toute une série de possibilités seront ainsi offertes aux magistrats comme aux enquêteurs avec ce seuil unique. Il est vrai que cela accroit parfois les exigences : ainsi les interceptions téléphoniques qui étaient possibles si la peine encourue était de deux ans le seront désormais à partir de trois ans. Nous avons voulu en effet rédiger un texte équilibré qui renforce la protection des libertés. Toutefois, si l'interception est diligentée sur la ligne d'une personne victime d'appels malveillants, ce seuil ne joue pas.

Ce texte donne aux officiers de police judiciaire et aux agents de police judiciaire plus de liberté. Ils pourront ainsi adresser directement des réquisitions aux organismes publics, sans autorisation du parquet, si cela n'entraine pas de coûts trop importants des frais de justice. L'autorisation du parquet, qui était systématiquement accordée dans les faits, visait à contenir les frais de justice. Les enquêteurs n'auront plus à demander toute une série d'autorisations. L'excès de formalisme nuit aux garanties essentielles car cela détourne les policiers et les procureurs de l'enquête et du contrôle de l'enquête. Un enquêteur n'aura plus à demander une autorisation pour sortir de son ressort. Un avis au parquet suffira. De même, le médecin légiste pourra effectuer des prélèvements lors d'une autopsie sans la présence d'un officier de police judiciaire. Les agents de police judiciaire pourront réaliser des dépistages d'alcoolémie au bord de la route sans la présence d'un officier de police judiciaire. Une prise de sang la présence pourra être effectuée en présence d'une infirmière, la présence d'un médecin ne sera plus obligatoire. Je ne cite que quelques exemples. Ce texte n'est pas le grand-soir de la politique pénale mais comporte une série de mesures qui simplifieront la vie des enquêteurs, des magistrats et des parquets.

Toutefois la voie est étroite car le formalisme est souvent justifié par la protection des libertés fondamentales. Ainsi il est difficile de modifier le régime de la garde à vue car celui-ci est largement défini par des directives européennes, que nous n'avons pas surtransposées, contrairement à ce que l'on entend parfois. Ainsi la présence d'un avocat lors de la garde à vue est prévue par une directive européenne et nous ne pouvons revenir sur ce point. Ces limites expliquent un peu la frustration des policiers et des gendarmes qui auraient aimé que l'on aille plus loin.

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