Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 18 avril 2018 à 14h30
Protection des savoir-faire et des informations commerciales — Discussion générale

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, dans le cadre de cette discussion générale, je tiens à souligner que cette directive peut apparaître bienvenue. Il est en effet utile que la protection du secret des affaires soit organisée et harmonisée dans toute l’Union européenne. Bien qu’elle soit jugée « très ficelée » par certains, cette directive laisse néanmoins aux droits nationaux des souplesses nécessaires.

Le texte, qui a été débattu pendant trois ans, de 2013 à 2016, date de son adoption par le Parlement européen, a fait l’objet d’énormément de controverses, qui renaissent évidemment dans le cadre de notre débat d’aujourd’hui, pour essayer d’aboutir à un juste équilibre entre protection du secret des affaires et respect de la liberté d’informer. Il est à noter que la protection du secret des affaires n’intéresse pas uniquement les multinationales et les grandes entreprises. Elle peut également concerner de très petites entreprises. Je pense notamment à nos start-up, qui sont moins bien armées que les multinationales en la matière.

Parallèlement, l’histoire récente le montre, les Français sont attachés au fait que les fraudes, scandales financiers, sanitaires – songeons à l’affaire du Mediator – ou environnementaux puissent être révélés.

Nous devons nous faire l’écho des craintes légitimes qui s’expriment – au demeurant, madame la garde des sceaux, vous avez souhaité que le débat parlementaire porte également sur ces questions – concernant la protection des lanceurs d’alerte. À cet égard, la position de notre commission est plus restrictive que la proposition de loi qui nous vient de l’Assemblée nationale. Finalement, monsieur le rapporteur, la protection des lanceurs d’alerte est renvoyée à la loi existante et au Défenseur des droits, qui souligne d’ailleurs, comme le Conseil d’État, la nécessité d’une harmonisation des régimes, mais cela n’est pas fait, faute d’une étude d’impact. Nous serons ainsi confrontés à des situations extrêmement complexes et pénalisantes.

Le texte de la commission se conclut par l’hypothèse du renvoi à un délit pénal, lequel pourra se retourner contre les journalistes ou les organes de presse, qui pourront se retrouver, ne serait-ce que par une caution de partie civile, devant un juge d’instruction. La crainte de l’utilisation des procédures pour menacer les organes de presse et les informateurs est réelle, et le texte ne la supprime pas.

La définition du secret d’affaires mérite d’être affinée. Cependant, vous proposez de passer de la « valeur commerciale » visée par la directive et la proposition de loi initiale à la « valeur économique ». Avec cette notion, n’étendra-t-on pas encore davantage la protection, monsieur le rapporteur ? Comment faire en sorte qu’elle se réduise au champ concurrentiel, c’est-à-dire comment faire pour que celui qui invoquera la protection du secret d’affaires et engagera une action en responsabilité civile, voire une action en cessation, puisse justifier qu’il subit un préjudice ?

Selon moi, toutes ces questions méritent d’être débattues, de préférence en commission. Si la motion tendant au renvoi à la commission n’était pas adoptée, nous nous verrions contraints, madame la garde des sceaux, d’évoquer l’ensemble de ces questions dans l’hémicycle. Mais peut-être souhaitez-vous que les débats aient lieu en public. Nous verrons bien, dans quelques instants, ce que le Sénat décidera.

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