Intervention de Marie-Noëlle Lienemann

Réunion du 18 avril 2018 à 14h30
Protection des savoir-faire et des informations commerciales — Article 1er

Photo de Marie-Noëlle LienemannMarie-Noëlle Lienemann :

Je suis très étonnée par le cynisme de notre rapporteur, qui nous explique que soit c’est illégal – c’est de la fraude, et il y a déjà des lois –, soit c’est légal, et c’est de l’optimisation fiscale…

Il n’aura échappé à personne que nous sommes à une époque où les puissances publiques, en France, en Europe, voire aux États-Unis ou dans d’autres pays, s’interrogent sur la façon d’établir leur législation afin que la fameuse optimisation fiscale ne prenne pas l’ampleur gigantesque qu’elle a aujourd’hui, ce qui les prive de moyens légitimes. C’est un bras de fer !

Pour remporter ce rapport de force face à des entreprises devenues tellement puissantes qu’elles s’exonèrent des dispositifs législatifs ou fiscaux au sein desquels elles trouvent toujours des failles, il faut avoir des éléments de pression. L’un des moyens de pression, c’est la transparence : c’est la capacité, par la puissance publique, par les lanceurs d’alerte, par les salariés et par d’autres voix, de savoir de ce qu’il serait légitime de ne pas cacher.

S’agissant des mécanismes fiscaux, il existe un point central : les prix de transfert.

Les salariés devraient être en droit – c’est d’ailleurs le cas en Allemagne – de connaître l’établissement des prix de transfert. Je vous rappelle qu’une entreprise comme Colgate peut, par les prix de transfert, rapatrier en Suisse 90 % des profits qu’elle fait en France. Et après, on explique aux salariés qu’il faut qu’ils fassent des efforts, parce que leur entreprise n’est pas rentable ! Évidemment, on l’a dépouillée de sa rentabilité par les mécanismes de prix de transfert…

L’exonération de ce genre de mécanisme du secret des affaires est essentielle en vue de la bataille qui s’opère partout dans le monde pour aboutir à une juste fiscalité de ces grandes entreprises. Croyez-moi, ce ne sont pas les PME qui utilisent, pour une large part, ce type de mécanisme !

Madame la garde des sceaux, j’ai bien entendu votre argument, mais il ne vous aura pas échappé que la transposition d’une directive n’est pas soumise au Conseil constitutionnel français. Au passage, je le regrette. La Cour constitutionnelle de Karlsruhe bénéficie, elle, de ce droit. Quand nous avons ratifié le traité de Maastricht, nous avons inscrit dans notre droit le fait que toute loi européenne s’imposait ipso facto en France et qu’on la transposait sans en contester le principe. Cela n’a pas été le cas en Allemagne ! Cela en dit d’ailleurs long sur le rapport de force que ce pays peut instituer dans les négociations européennes.

Je tiens aussi à dire – nous aurons l’occasion de le voir lors de l’examen des amendements – qu’une partie de la directive…

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