Il serait totalement irresponsable de notre part, alors que nous savons que les taux d’intérêt pourraient remonter d’ici à quelques mois, de traiter la dette comme un problème accessoire, alors qu’il s’agit d’un problème central. L’argent consacré chaque année à son remboursement est perdu pour d’autres dépenses qui seraient infiniment plus utiles, qu’il s’agisse de financer les services publics, les hôpitaux ou les aides aux plus démunis. Tous ceux qui ne veulent pas s’engager dans la réduction de la dette prennent la responsabilité de nous priver de moyens financiers publics indispensables.
Je fais donc de la réduction de la dette une priorité absolue pour le rétablissement de nos finances publiques. Nous avions fixé, il y a quelques mois, le cap « cinq, trois, un » : sur la durée du quinquennat, nous entendions faire baisser la dette publique de cinq points, la dépense publique de trois points et les prélèvements obligatoires d’un point. Je souhaite à présent passer à un cap « huit, trois, un », l’objectif étant désormais de réduire la dette publique de huit points, pour qu’elle représente moins de 90 % du PIB en 2022. Je considère en effet que nous le devons à nos enfants et aux générations à venir.
Le deuxième résultat que l’on peut attendre de la réduction de la dépense publique est évidemment la baisse des impôts. Je ne sais pas, en effet, comment on pourrait baisser les impôts si l’on ne réduit pas la dépense publique. Un point de prélèvements obligatoires en moins : voilà notre objectif, et nous avons commencé à progresser dans cette direction. J’entends dire que nous aurions augmenté les impôts, que nous en aurions même créé : non ! Nous avons engagé la baisse des impôts, tant pour les entreprises, avec la réduction de l’impôt sur les sociétés, que pour les ménages, avec le dégrèvement progressif de la taxe d’habitation. Nous continuerons dans cette voie, parce que la pression fiscale sur les ménages comme sur les entreprises est en France trop élevée et inefficace.
La troisième conséquence à attendre de cette réduction de la dépense publique, c’est la sortie de notre pays de la procédure pour déficit excessif. La France n’a pas vocation à continuer d’être la lanterne rouge des pays de la zone euro. Cette situation nous marginalise et affaiblit la parole de la France sur la scène européenne. Quand vos comptes sont bien tenus, vous êtes écouté et respecté de vos partenaires européens. C’est l’objectif fixé par le Président de la République et le Premier ministre ; Gérald Darmanin et moi-même sommes déterminés à l’atteindre.
Le deuxième volet de notre stratégie recouvre l’ensemble des transformations structurelles que nous avons présentées aux parlementaires et à nos partenaires européens. Nous entendons ainsi montrer que, outre le rétablissement des comptes publics que nous avons engagé, une transformation plus vaste s’opère progressivement en France.
Il s’agit, tout d’abord, d’une transformation du système fiscal. Pour la première fois depuis trente ans, nous avons eu le courage d’alléger la fiscalité sur le capital. Là encore, nous le faisons non pour le plaisir de le faire, mais tout simplement pour répondre aux besoins de notre économie : l’industrie, l’agriculture, l’innovation ont besoin de capitaux ; il faut en mettre à leur disposition.
Nous avons aussi réformé le marché du travail. Nous allons poursuivre ces transformations au travers du projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises, qui vise à rendre notre tissu productif plus efficace et à mieux soutenir nos PME, pour leur permettre de grandir, d’investir, de se projeter à l’international, d’aller chercher des clients sur les marchés les plus dynamiques du monde.
La deuxième dimension de ces réformes structurelles, c’est l’innovation. La France, l’Europe ont pris du retard en matière d’innovation. Ne nous laissons pas bercer par de douces illusions selon lesquelles la France serait pionnière, championne, exceptionnelle dans ce domaine. Certes, nous avons les talents, les compétences, les savoir-faire, une école de mathématiques, des ingénieurs et des ouvriers de qualité, mais nous n’investissons pas assez dans les technologies révolutionnaires, dites « de rupture », qui feront demain la différence et qui nous permettront tout simplement de rester une nation technologiquement souveraine.
Je souhaite que, demain, nos véhicules autonomes soient pilotés par des systèmes européens, et non chinois ou américains. Je souhaite que, demain, les batteries qui alimenteront nos véhicules électriques puissent être produites en Europe, et non en Chine ou aux États-Unis. Je souhaite que, demain, les technologies dans le domaine de la domotique soient européennes, et non chinoises ou américaines. Je souhaite que, demain, en matière d’intelligence artificielle et d’algorithmes, la France et l’Europe aient leurs propres technologies et soient autonomes, plutôt que d’être dépendantes de technologies importées de Chine ou des États-Unis. C’est pourquoi, à mes yeux, le défi de l’innovation est peut-être le plus important de tous ceux qui nous attendent dans les années à venir.
Faire en sorte que cette croissance retrouvée profite non pas seulement à quelques-uns, mais à tous les Français, représente un autre défi. Nous n’accomplissons pas ces transformations économiques pour que ceux qui réussissent déjà réussissent toujours mieux ; nous les faisons pour que chaque Français, d’où qu’il vienne, quelles que soient son origine, sa formation, puisse se dire : j’ai une chance de réussir et, si je me donne du mal, si je travaille, si mon entreprise a de bons résultats, je serai le premier à en bénéficier.
Quand une entreprise réussit, ses salariés doivent avoir de meilleures rémunérations. Si nous avons décidé, avec le Président de la République et le Premier ministre, de totalement supprimer le forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés, c’est parce que nous voulons que chacun des millions de salariés de ces entreprises touche plus d’argent à la fin du mois quand son entreprise fait des bénéfices. C’est une question de justice, c’est une question d’équité ! L’intéressement et la participation, nous n’en parlons pas, nous les faisons. Nous ne nous contentons pas de rêver de l’intéressement pour tous les salariés, nous prenons la lourde décision politique de supprimer le forfait social, pour que tous les salariés des TPE ou des PME, dans le bâtiment ou dans la boulangerie, dans le commerce de bouche ou dans les services, puissent se dire que le temps et l’énergie qu’ils consacrent à leur entreprise paient.
Le quatrième aspect de ces réformes structurelles, c’est la transformation de l’État. En effet, il va de soi, pour nous, que la transformation économique du pays passe par une redéfinition des rôles respectifs de l’État et de l’entreprise dans la société française. J’aurai l’occasion d’y revenir dans les prochaines semaines.
Au-delà de ces précisions sur le programme de stabilité, je voudrais aussi redire à quel point toutes les transformations économiques que je viens d’évoquer ne peuvent prendre leur sens que dans une dimension européenne.
Innover n’a de sens que si nous rassemblons toutes les capacités d’innovation des grands États européens. Se protéger contre le pillage des technologies par d’autres grandes puissances n’a de sens que si nous le faisons à l’échelon européen. Travailler sur l’intelligence artificielle n’a de sens que si on le fait à l’échelle européenne. Investir dans les supercalculateurs n’a de sens que si l’on y emploie toutes les ressources européennes.
Restaurer notre compétitivité sera mille fois plus utile si nous parvenons en même temps à bâtir un marché unique beaucoup plus intégré qui offrira à chacune de nos entreprises, quand elle lancera un produit, non pas 65 millions de consommateurs, mais 450 millions. La profondeur de marché que donne l’Europe, c’est de la puissance pour nos entreprises, en particulier pour nos PME !
Faire l’union bancaire, c’est garantir à tous nos concitoyens que l’économie sera stable, que leur épargne sera toujours protégée et qu’ils ne courent aucun risque face aux différentes crises économiques ou financières qui peuvent toujours survenir à un moment ou à un autre.
Réaliser la convergence fiscale, achever la zone euro, c’est garantir que l’Europe pourra, demain, être un continent aussi puissant, économiquement, que la Chine ou les États-Unis. Contrairement à ce que je lis ici ou là, nous avançons avec l’Allemagne dans l’intégration de la zone euro. Mon homologue allemand Olaf Scholz et moi-même progressons sur l’union bancaire, sur l’union des marchés de capitaux, sur la convergence fiscale. Nous avançons de la seule manière efficace quand il s’agit du couple franco-allemand : sérieusement, discrètement, à l’écart des grandes discussions publiques et des lumières, parce que ces sujets sont difficiles, parce que les enjeux financiers sont importants et parce que les intérêts de la France et de l’Allemagne ne convergent pas toujours naturellement. C’est pourquoi il faut se donner le temps de rapprocher les positions, de discuter, de rechercher un consensus.
Croyez-moi, le Gouvernement français et le Gouvernement travaillent d’arrache-pied, et le Président de la République aura l’occasion de se concerter demain avec la chancelière Angela Merkel ; vous jugerez aux résultats. Nous avons un rendez-vous important : le Conseil européen de juin. Je suis convaincu que, à cette occasion, après des semaines de discussions et de négociations, la France et l’Allemagne pourront présenter une feuille de route commune pour l’avenir de la zone euro ; ce sera une avancée majeure pour le continent européen !