Séance en hémicycle du 18 avril 2018 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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  • stabilité

La séance

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La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Bernard Delcros, pour une mise au point au sujet d’un vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Monsieur le président, lors du scrutin public n° 90 sur les amendements identiques n° 4 rectifié ter, 5 et 13 à l’article 1er de la proposition de loi relative à la mise en œuvre du transfert des compétences « eau » et « assainissement » aux communautés de communes, M. Pierre Médevielle a été considéré comme votant pour, alors qu’il souhaitait s’abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, portant sur le projet de programme de stabilité pour 2018-2022, en application de l’article 50–1 de la Constitution.

La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mesdames, messieurs les sénateurs, Gérald Darmanin et moi-même sommes très heureux de vous présenter aujourd’hui le programme national de réformes et le projet de programme de stabilité que nous enverrons prochainement à Bruxelles pour que puissent en débattre les États membres de l’Union européenne dans le courant du mois de juin prochain.

Ces documents, vous le savez, permettent d’exposer à nos partenaires européens notre stratégie de finances publiques et notre stratégie de réformes, stratégies qui doivent permettre à la France, d’une part, de rétablir ses finances publiques, et, d’autre part, de retrouver sa compétitivité.

Pourquoi nous semble-t-il nécessaire de poursuivre le travail de transformation de l’économie et de rétablissement des finances publiques que Gérald Darmanin et moi-même avons engagé ? Ce travail – je le dis au passage – donne déjà des résultats. En effet, en 2017, pour la première fois depuis dix ans, nous avons réussi à ramener le déficit public sous la barre des 3 % du PIB.

Il est nécessaire de poursuivre ce travail parce que, si la croissance a certes redémarré en France, elle reste néanmoins en dessous de la moyenne des États membres de la zone euro. Or je suis totalement convaincu que la vocation de la France n’est pas d’être dans la moyenne ; elle est d’être la première !

En matière de croissance, nous pouvons et nous devons faire encore mieux. Notre niveau de chômage structurel reste supérieur à la moyenne des pays de l’OCDE. Notre déficit commercial se creuse depuis 2001 sous l’effet des pertes de compétitivité. On peut toujours trouver mille arguments pour ne pas décider, pour ne pas transformer, pour ne pas réformer, mais quand on examine quelle est, depuis trente ans, notre situation économique, financière et de compétitivité, on se dit qu’il était temps de prendre les problèmes à bras-le-corps !

Je rappelle par ailleurs que ces mauvais résultats économiques, en particulier sur le front du chômage, se conjuguent depuis des années avec le niveau de dépenses publiques le plus élevé de tous les pays de l’OCDE. La voie consistant à augmenter systématiquement la dépense publique, comme certains le proposent, a donc déjà été explorée : c’est une impasse !

Quant à nous, nous voulons tenter autre chose, pour éviter d’avoir toujours plus de dépenses publiques, toujours plus d’impôts et toujours moins de résultats économiques et d’emplois ! Notre stratégie, qui commence déjà à donner des résultats, puisque la croissance est de retour, que nous avons créé 270 000 emplois en 2017 et que nous comptons persévérer en 2018, consiste, à l’inverse, à restaurer nos finances publiques et à améliorer notre productivité et notre compétitivité pour créer des emplois.

Pourquoi est-ce maintenant qu’il faut le faire ? Pour la bonne et simple raison qu’il est plus facile d’accomplir des transformations économiques et de rétablir les finances publiques quand la croissance est là, comme c’est le cas actuellement.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Le taux de croissance a été de 2 % en 2017 ; nous prévoyons qu’il sera de 2 % en 2018, puis de 1, 9 % en 2019. Cette croissance est soutenue par nos réformes, par notre choix d’alléger la fiscalité du capital, par l’investissement dynamique des entreprises et par un environnement international porteur.

J’insiste sur la nécessité de décider et d’avancer maintenant. On observe en effet des nuages à l’horizon, des menaces qui peuvent, demain, peser sur la croissance. Je pense au risque de guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine – je constate tous les jours à quel point il s’agit d’une menace réelle pour la croissance, qui peut très rapidement prendre des proportions importantes – et à la remontée progressive des taux d’intérêt. C’est une certitude : les taux remonteront progressivement d’ici à la fin de 2018 ou au début de 2019.

Devant cette situation, quelle stratégie proposons-nous au travers de ce projet de programme européen de stabilité ? Nous comptons mener à la fois une démarche de réduction de la dépense publique et une démarche de transformation structurelle de notre économie. C’est en avançant sur ces deux jambes que nous pourrons rétablir la prospérité en France.

Il ne s’agit pas de tailler dans les dépenses publiques pour tailler dans les dépenses publiques, ou de faire des réformes économiques pour faire des réformes économiques. Il s’agit, à la fois, de rétablir nos finances publiques et de permettre à notre appareil de production de se moderniser, d’innover, de créer des emplois, de faire face à une révolution technologique sans précédent et qui exige des efforts considérables du point de vue de l’investissement, de la formation et de la qualification des salariés. Nous tiendrons ces deux bouts de la transformation de notre nation, car c’est à notre sens la seule méthode pour obtenir des résultats.

Gérald Darmanin vous parlera tout à l’heure de la réduction de la dépense publique. Je voudrais juste, pour ma part, exposer à nos compatriotes quelles conséquences auront les choix que nous faisons en la matière. Nous ne réduisons pas la dépense publique pour le seul plaisir de faire passer le déficit public sous la barre des 3 % du PIB : cela ne fait pas un objectif politique !

Si nous réduisons la dépense publique, c’est d’abord parce que cela nous permettra de réduire la dette. Cette dette, qui atteint environ 97 % du PNB, pèse comme une épée de Damoclès au-dessus de notre croissance et de nos enfants.

Debut de section - Permalien
Bruno Le Maire

Il serait totalement irresponsable de notre part, alors que nous savons que les taux d’intérêt pourraient remonter d’ici à quelques mois, de traiter la dette comme un problème accessoire, alors qu’il s’agit d’un problème central. L’argent consacré chaque année à son remboursement est perdu pour d’autres dépenses qui seraient infiniment plus utiles, qu’il s’agisse de financer les services publics, les hôpitaux ou les aides aux plus démunis. Tous ceux qui ne veulent pas s’engager dans la réduction de la dette prennent la responsabilité de nous priver de moyens financiers publics indispensables.

Je fais donc de la réduction de la dette une priorité absolue pour le rétablissement de nos finances publiques. Nous avions fixé, il y a quelques mois, le cap « cinq, trois, un » : sur la durée du quinquennat, nous entendions faire baisser la dette publique de cinq points, la dépense publique de trois points et les prélèvements obligatoires d’un point. Je souhaite à présent passer à un cap « huit, trois, un », l’objectif étant désormais de réduire la dette publique de huit points, pour qu’elle représente moins de 90 % du PIB en 2022. Je considère en effet que nous le devons à nos enfants et aux générations à venir.

Le deuxième résultat que l’on peut attendre de la réduction de la dépense publique est évidemment la baisse des impôts. Je ne sais pas, en effet, comment on pourrait baisser les impôts si l’on ne réduit pas la dépense publique. Un point de prélèvements obligatoires en moins : voilà notre objectif, et nous avons commencé à progresser dans cette direction. J’entends dire que nous aurions augmenté les impôts, que nous en aurions même créé : non ! Nous avons engagé la baisse des impôts, tant pour les entreprises, avec la réduction de l’impôt sur les sociétés, que pour les ménages, avec le dégrèvement progressif de la taxe d’habitation. Nous continuerons dans cette voie, parce que la pression fiscale sur les ménages comme sur les entreprises est en France trop élevée et inefficace.

La troisième conséquence à attendre de cette réduction de la dépense publique, c’est la sortie de notre pays de la procédure pour déficit excessif. La France n’a pas vocation à continuer d’être la lanterne rouge des pays de la zone euro. Cette situation nous marginalise et affaiblit la parole de la France sur la scène européenne. Quand vos comptes sont bien tenus, vous êtes écouté et respecté de vos partenaires européens. C’est l’objectif fixé par le Président de la République et le Premier ministre ; Gérald Darmanin et moi-même sommes déterminés à l’atteindre.

Le deuxième volet de notre stratégie recouvre l’ensemble des transformations structurelles que nous avons présentées aux parlementaires et à nos partenaires européens. Nous entendons ainsi montrer que, outre le rétablissement des comptes publics que nous avons engagé, une transformation plus vaste s’opère progressivement en France.

Il s’agit, tout d’abord, d’une transformation du système fiscal. Pour la première fois depuis trente ans, nous avons eu le courage d’alléger la fiscalité sur le capital. Là encore, nous le faisons non pour le plaisir de le faire, mais tout simplement pour répondre aux besoins de notre économie : l’industrie, l’agriculture, l’innovation ont besoin de capitaux ; il faut en mettre à leur disposition.

Nous avons aussi réformé le marché du travail. Nous allons poursuivre ces transformations au travers du projet de loi sur la croissance et la transformation des entreprises, qui vise à rendre notre tissu productif plus efficace et à mieux soutenir nos PME, pour leur permettre de grandir, d’investir, de se projeter à l’international, d’aller chercher des clients sur les marchés les plus dynamiques du monde.

La deuxième dimension de ces réformes structurelles, c’est l’innovation. La France, l’Europe ont pris du retard en matière d’innovation. Ne nous laissons pas bercer par de douces illusions selon lesquelles la France serait pionnière, championne, exceptionnelle dans ce domaine. Certes, nous avons les talents, les compétences, les savoir-faire, une école de mathématiques, des ingénieurs et des ouvriers de qualité, mais nous n’investissons pas assez dans les technologies révolutionnaires, dites « de rupture », qui feront demain la différence et qui nous permettront tout simplement de rester une nation technologiquement souveraine.

Je souhaite que, demain, nos véhicules autonomes soient pilotés par des systèmes européens, et non chinois ou américains. Je souhaite que, demain, les batteries qui alimenteront nos véhicules électriques puissent être produites en Europe, et non en Chine ou aux États-Unis. Je souhaite que, demain, les technologies dans le domaine de la domotique soient européennes, et non chinoises ou américaines. Je souhaite que, demain, en matière d’intelligence artificielle et d’algorithmes, la France et l’Europe aient leurs propres technologies et soient autonomes, plutôt que d’être dépendantes de technologies importées de Chine ou des États-Unis. C’est pourquoi, à mes yeux, le défi de l’innovation est peut-être le plus important de tous ceux qui nous attendent dans les années à venir.

Faire en sorte que cette croissance retrouvée profite non pas seulement à quelques-uns, mais à tous les Français, représente un autre défi. Nous n’accomplissons pas ces transformations économiques pour que ceux qui réussissent déjà réussissent toujours mieux ; nous les faisons pour que chaque Français, d’où qu’il vienne, quelles que soient son origine, sa formation, puisse se dire : j’ai une chance de réussir et, si je me donne du mal, si je travaille, si mon entreprise a de bons résultats, je serai le premier à en bénéficier.

Quand une entreprise réussit, ses salariés doivent avoir de meilleures rémunérations. Si nous avons décidé, avec le Président de la République et le Premier ministre, de totalement supprimer le forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés, c’est parce que nous voulons que chacun des millions de salariés de ces entreprises touche plus d’argent à la fin du mois quand son entreprise fait des bénéfices. C’est une question de justice, c’est une question d’équité ! L’intéressement et la participation, nous n’en parlons pas, nous les faisons. Nous ne nous contentons pas de rêver de l’intéressement pour tous les salariés, nous prenons la lourde décision politique de supprimer le forfait social, pour que tous les salariés des TPE ou des PME, dans le bâtiment ou dans la boulangerie, dans le commerce de bouche ou dans les services, puissent se dire que le temps et l’énergie qu’ils consacrent à leur entreprise paient.

Le quatrième aspect de ces réformes structurelles, c’est la transformation de l’État. En effet, il va de soi, pour nous, que la transformation économique du pays passe par une redéfinition des rôles respectifs de l’État et de l’entreprise dans la société française. J’aurai l’occasion d’y revenir dans les prochaines semaines.

Au-delà de ces précisions sur le programme de stabilité, je voudrais aussi redire à quel point toutes les transformations économiques que je viens d’évoquer ne peuvent prendre leur sens que dans une dimension européenne.

Innover n’a de sens que si nous rassemblons toutes les capacités d’innovation des grands États européens. Se protéger contre le pillage des technologies par d’autres grandes puissances n’a de sens que si nous le faisons à l’échelon européen. Travailler sur l’intelligence artificielle n’a de sens que si on le fait à l’échelle européenne. Investir dans les supercalculateurs n’a de sens que si l’on y emploie toutes les ressources européennes.

Restaurer notre compétitivité sera mille fois plus utile si nous parvenons en même temps à bâtir un marché unique beaucoup plus intégré qui offrira à chacune de nos entreprises, quand elle lancera un produit, non pas 65 millions de consommateurs, mais 450 millions. La profondeur de marché que donne l’Europe, c’est de la puissance pour nos entreprises, en particulier pour nos PME !

Faire l’union bancaire, c’est garantir à tous nos concitoyens que l’économie sera stable, que leur épargne sera toujours protégée et qu’ils ne courent aucun risque face aux différentes crises économiques ou financières qui peuvent toujours survenir à un moment ou à un autre.

Réaliser la convergence fiscale, achever la zone euro, c’est garantir que l’Europe pourra, demain, être un continent aussi puissant, économiquement, que la Chine ou les États-Unis. Contrairement à ce que je lis ici ou là, nous avançons avec l’Allemagne dans l’intégration de la zone euro. Mon homologue allemand Olaf Scholz et moi-même progressons sur l’union bancaire, sur l’union des marchés de capitaux, sur la convergence fiscale. Nous avançons de la seule manière efficace quand il s’agit du couple franco-allemand : sérieusement, discrètement, à l’écart des grandes discussions publiques et des lumières, parce que ces sujets sont difficiles, parce que les enjeux financiers sont importants et parce que les intérêts de la France et de l’Allemagne ne convergent pas toujours naturellement. C’est pourquoi il faut se donner le temps de rapprocher les positions, de discuter, de rechercher un consensus.

Croyez-moi, le Gouvernement français et le Gouvernement travaillent d’arrache-pied, et le Président de la République aura l’occasion de se concerter demain avec la chancelière Angela Merkel ; vous jugerez aux résultats. Nous avons un rendez-vous important : le Conseil européen de juin. Je suis convaincu que, à cette occasion, après des semaines de discussions et de négociations, la France et l’Allemagne pourront présenter une feuille de route commune pour l’avenir de la zone euro ; ce sera une avancée majeure pour le continent européen !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mesdames, messieurs les sénateurs, M. le ministre de l’économie et des finances a évoqué la philosophie du programme de stabilité que nous vous présentons. La déclaration du Gouvernement a été approuvée tout à l’heure par l’Assemblée nationale. Nous sommes heureux de vous présenter le projet de programme qui a été adopté mercredi dernier en Conseil des ministres.

La trajectoire a été revue par rapport à la loi de programmation des finances publiques que vous aviez examinée l’année dernière, parce que les nouvelles sont bonnes. Nous allons sans doute débattre de ce point : quand le bébé est beau, il y a plusieurs pères !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

L’été dernier, j’avais présenté devant les commissions des finances et des affaires sociales du Sénat les premières mesures d’économies, à hauteur de 5 milliards à 6 milliards d’euros, à la suite du rapport de la Cour des comptes. M. le ministre de l’économie et des finances et moi-même nous étions alors engagés à ramener, pour la première fois depuis dix ans, le déficit public en dessous de la barre des 3 % du PIB.

Nous pouvons tous aujourd’hui constater que cet objectif a été atteint : le déficit pour 2017 devrait s’élever à 2, 6 % du PIB. Une incertitude demeure quant à la requalification par le comptable européen de la recapitalisation d’Areva, mais, quoi qu’il arrive, le déficit public pour 2017 s’établira, au pire, à 2, 8 %. Nous prévoyons, dans le cadre du programme de stabilité que nous vous présentons, qu’il passe à 2, 3 % l’année prochaine. Nous pouvons même imaginer atteindre l’équilibre budgétaire, voire un léger excédent de 0, 3 %, d’ici à la fin du quinquennat : c’est un fait politique extrêmement important. Le chemin est encore long pour y parvenir, mais nous mettrions ainsi fin à quarante ans de vie politique où le Parlement a dû, malheureusement, adopter des budgets qui n’étaient pas en équilibre.

Pour atteindre cet objectif, la réunion de plusieurs circonstances est nécessaire : sur le plan international, une croissance porteuse ; la mise en œuvre, pour assurer à la France plus de croissance et de recettes, de réformes nationales, que nous présenterons à la Commission européenne en même temps que le programme de stabilité ; la poursuite de la baisse des dépenses publiques. Sur ce dernier point, le plus important, nous regrettons de ne pas en être encore à 0 % d’augmentation en volume, mais nous prolongerons les efforts en ce sens, conformément au discours de politique générale du Premier ministre. Le taux d’augmentation de la dépense publique passera de 1, 7 % en 2017 à 0, 7 % en 2018, pour s’établir à 0, 3 % à la fin du quinquennat. Ce taux se trouvera ainsi divisé par deux, par trois, puis par quatre, alors même que la population de notre pays continue de croître et que des besoins supplémentaires doivent être satisfaits. La Haute Assemblée est parfois traversée par ces demandes, notamment en matière d’infrastructures.

À qui revient le mérite de ce bon chiffre de 2, 6 % de déficit ?

Imaginons un instant que François Hollande se soit représenté et ait été réélu.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

J’avoue qu’il y faut de l’imagination, monsieur le rapporteur général ! Quoi qu’il en soit de ce scénario de politique-fiction, les députés socialistes…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… affirment grosso modo que le Gouvernement n’a fait que poursuivre le travail accompli avant les élections de 2017.

Pourtant, le projet d’économies que j’ai présenté l’année dernière avait soulevé des contestations politiques, portant notamment sur la baisse des dotations aux collectivités territoriales, la réduction des aides personnalisées au logement ou le décalage du dégel budgétaire pour les armées. Je ne reviendrai pas ici dans le détail sur le décret d’avance que j’ai alors présenté devant vos commissions, mais je tiens à remercier M. le rapporteur général de la commission des finances et la majorité sénatoriale de l’avoir courageusement adopté, prenant acte, tout en relevant des différences de points de vue, de l’insincérité soulignée par le rapport de la Cour des comptes…

Les économies permises par ce décret d’avance sont de l’ordre de 5 milliards d’euros, soit grosso modo 0, 25 point de PIB. Si ces économies n’avaient pas été faites, conformément à la position de l’ancienne majorité, selon qui les comptes étaient sincères et seule la croissance revenue à partir du début de l’année 2017 explique la baisse du déficit public, celui-ci s’établirait aujourd’hui à 2, 85 % du PIB, au lieu de 2, 6 %. Dès lors, nous serions en train de nous demander non pas si l’on atteindra, dans quatre ans, l’équilibre des comptes publics, ce qui n’est pas arrivé depuis quarante ans, si les ajustements structurels entrepris sont excessifs ou insuffisants, si le taux de prélèvements obligatoires a légèrement augmenté ou diminué par rapport à celui que nous avons constaté l’été dernier, mais si le déficit public est bien passé, ou non, sous la barre des 3 %. En effet, compte tenu de ce chiffre de 2, 85 % et du 0, 2 point d’incertitude lié au traitement de la recapitalisation d’Areva par le comptable européen, qui n’a pas rendu ses éléments définitifs, nous ne serions pas certains d’avoir franchi ce seuil et d’être ainsi sortis de la procédure pour déficit excessif.

Je crois que la décision difficile que nous avons prise l’été dernier de réaliser ces économies a été salutaire. Nous sommes encore loin, avec 2, 6 % de déficit public, d’avoir atteint notre objectif d’assainir les finances publiques, et il nous faut donc continuer ce travail, mais ces mesures courageuses ont permis de renforcer la voix de la France en Europe et de sortir de la procédure pour déficit excessif : il fallait mettre fin à une situation qui était un sujet de honte pour tous les patriotes.

J’en viens à la baisse de la dépense publique. Lors du débat budgétaire de l’automne dernier, les sénateurs ont souligné que les collectivités locales avaient consenti beaucoup d’efforts…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… pour réduire les dépenses publiques, et contribué à cette réduction plus qu’à raison de leur poids dans les comptes publics.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

C’est tout à fait vrai.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

C’est tellement vrai que, sous le gouvernement précédent, un plan d’économies très important avait été proposé. Si, à un milliard d’euros près, les collectivités locales ont respecté ce plan, cela n’a pas été le cas de l’État, ce qui explique la situation politique dans laquelle nous nous trouvons.

Nous avons tiré la conséquence de ce constat. Nous pensons que l’État doit réaliser plus d’efforts que les collectivités locales, ce qui n’exclut pas que celles-ci poursuivent les leurs. Nous avons choisi de jouer non sur les investissements, et donc sur les dotations, mais sur un contrat avec les collectivités locales dont le budget de fonctionnement est supérieur à 60 millions d’euros – elles représentent moins de 1 % de l’ensemble –, prévoyant que leurs dépenses de fonctionnement ne progressent pas de plus de 1, 2 % par an. Certaines villes en difficulté ou relevant de la politique de la ville pourront toutefois déroger à cette règle.

Au regard de cette référence de 1, 2 %, qui ne concerne donc que les dépenses de fonctionnement, hors investissements, l’État a-t-il fait plus d’efforts que les plus grosses collectivités territoriales ? La réponse est oui, trois fois oui, puisque, en 2018, la dépense de l’État augmentera de 0, 7 % en volume, toutes dépenses confondues. Que l’État accomplisse à peu près deux fois plus d’efforts que les collectivités locales n’est pas un motif particulier de fierté ; ce n’est que justice !

Je remarque d’ailleurs que, sur les travées de droite de la Haute Assemblée, ainsi que sur certaines travées de gauche, on nous avait promis la censure par le Conseil constitutionnel de dispositions qui figuraient pourtant dans le rapport Malvy, notamment la suppression de la taxe d’habitation, au nom du principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales. Or il n’en a rien été. Le mérite en revient à l’ensemble du Gouvernement et à tous ceux qui ont travaillé sur ce budget, en particulier M. le rapporteur général et la commission des finances du Sénat, mais Bruno Le Maire et moi-même sommes assez fiers que, pour la première fois depuis dix ans, les dispositions les plus importantes du budget n’aient pas été censurées, hormis la disposition relative à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises de la métropole de Lyon. La loi de finances, la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de programmation des finances publiques ont été en intégralité validées par le Conseil constitutionnel.

Il est extrêmement important que l’État soit au rendez-vous en matière d’efforts de réduction de la dépense publique. Faut-il pour autant s’arrêter là ? La réponse est non. La trajectoire de réduction de la dépense publique est appelée à s’accélérer à la fin du quinquennat, parce que nous considérons que les réformes doivent se poursuivre. Après celles concernant le travail et le logement, d’autres seront inscrites dans le projet de loi de finances pour 2019. Dans quelques jours, le comité d’experts « Action publique 2022 », au sein duquel la majorité sénatoriale est représentée, rendra ses propositions relatives à la dépense publique et aux services publics. Celles que nous retiendrons trouveront une traduction dans le projet de loi de finances pour 2019, au travers des grandes politiques publiques que nous choisirons de mettre en place.

M. le ministre de l’économie et des finances a souligné à quel point nous avions eu raison de faire le pari du courage en réduisant le déficit public. Depuis dix ans, notre pays n’était pas à la hauteur de ses engagements européens en termes de dépenses et de déficit publics.

Notre objectif, c’est que, dès 2018, la dette baisse. Dans la loi de programmation des finances publiques dont vous avez débattu à l’automne dernier, il était prévu qu’elle ne reflue qu’à partir de 2020. Les bons chiffres et les réformes engagées nous laissent penser que nous pourrons la réduire dès cette année. C’est très important, car cela nous permettra de donner confiance aux investisseurs.

À cet égard, il faut se préparer à la poursuite du relèvement des taux d’intérêt. Aujourd’hui, ils restent légèrement inférieurs à ce qui était prévu dans le projet de loi de finances, mais s’ils augmentaient davantage, nous aurions un problème budgétaire. Il faut donc solder une partie de la dette.

Par ailleurs, la question de la dette de la SNCF se posera. J’imagine, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, que vous comptez nous interroger à ce sujet ; nous vous répondrons bien volontiers.

Enfin, la baisse des impôts ne peut être durable que si la dépense et la dette publiques baissent.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Le taux des prélèvements obligatoires a connu des vicissitudes statistiques qui méritent que l’on s’y arrête quelques instants.

Le comptable – c’est notre juge de paix, il n’est pas question de le contester – inclut désormais la redevance audiovisuelle dans les prélèvements obligatoires, ce qui n’était pas le cas auparavant. Cela a entraîné une augmentation du taux de ceux-ci de 0, 2 %. La taxe de 3 % sur les dividendes a elle aussi été considérée comme un prélèvement obligatoire, ce que l’on peut comprendre. Ce qui est moins compréhensible, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, c’est que son remboursement aux entreprises n’ait pas été déduit du total des prélèvements obligatoires…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… et ait été traité comme une dépense publique supplémentaire. En 2017, nous avons donc perdu, à ce titre, sur les deux tableaux.

Par ailleurs, nous avons eu des recettes supplémentaires. Un regain de croissance amène un surcroît de recettes fiscales, de l’ordre de 1, 5 %.

L’augmentation du taux des prélèvements obligatoires en 2017 est donc due à la fois à la croissance et à l’élasticité des recettes fiscales, au traitement statistique de certains postes et au fait que nous n’avons pas réduit les impôts en 2017, puisque nous n’avons pas présenté de collectif budgétaire cette année-là.

Comme l’a indiqué M. le ministre de l’économie et des finances, en 2018, le taux des prélèvements obligatoires commencera à baisser dans le cadre général qu’il a évoqué. Nous comptons bien tenir la promesse du Président de la République de le réduire d’un point d’ici au terme du programme de stabilité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, telle est la situation des comptes publics. Ils ne sont pas rétablis, mais ils sont en voie de rétablissement. Comme dans toute course de fond, il faut se réjouir de l’étape franchie, mais ne pas se démobiliser : le chemin est encore long !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.

Nous allons procéder au débat.

Dans le débat, la parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, le projet de programme de stabilité pour 2018-2022, qui doit être transmis à la Commission européenne avant le 30 avril, est un document important, qui s’accompagne d’un programme national de réformes.

Compte tenu de l’importance que revêt ce document, notamment au regard du processus européen de surveillance et de coordination des politiques économiques et budgétaires, je ne peux que me féliciter qu’il fasse l’objet d’un débat en séance publique ce soir. Même si ce débat ne sera pas suivi d’un vote au Sénat, sa tenue répond à un souhait de la commission des finances.

En ce qui concerne tout d’abord le scénario macroéconomique retenu par le Gouvernement, on peut le qualifier de raisonnable. Il est porté par une reprise plus vigoureuse qu’escompté depuis le printemps 2017, avec une croissance de 2, 0 % du PIB.

Dans ce contexte porteur, le présent projet de programme de stabilité est marqué par une révision à la hausse de la prévision de croissance. Cela concerne 2018, avec un niveau légèrement inférieur à la moyenne des estimations, mais aussi 2019, l’hypothèse retenue s’établissant ainsi dans la fourchette haute des estimations disponibles. Enfin, sur la période 2020-2022, il est fait l’hypothèse d’une croissance stable. On peut donc considérer que le Gouvernement retient un scénario intermédiaire entre celui du FMI et celui du consensus des économistes.

L’hypothèse d’élasticité des prélèvements obligatoires par rapport au PIB est également essentielle, puisque le déficit public y est davantage sensible qu’à la croissance. Tandis que le Gouvernement avait fait preuve de prudence dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, en retenant une hypothèse d’élasticité unitaire, le présent projet de programme de stabilité est construit selon une élasticité révisée à la hausse, à hauteur de 0, 1 point.

Si cette prévision est plausible, l’élasticité resterait toutefois supérieure à l’unité pendant trois exercices consécutifs, ce qui ne s’est produit qu’à une seule reprise au cours des vingt-cinq dernières années, entre 1999 et 2001. Il s’agit donc là d’un pari.

Messieurs les ministres, vous avez évoqué la question du rythme de remontée des taux d’intérêt, également tout à fait décisive pour les finances publiques. Je constate que, en la matière, le Gouvernement fait preuve d’une grande prudence –peut-être excessive –, puisqu’il retient l’hypothèse d’une remontée des taux d’intérêt deux fois plus rapide que celle qu’ont anticipée les différents organismes de conjoncture ou la majorité de nos partenaires européens. Si l’on retenait le scénario de remontée des taux inspiré du Consensus Forecasts, la charge des intérêts pour l’État serait inférieure de 8 milliards d’euros en 2022. N’y a-t-il pas là une forme de « réserve de précaution », qui devrait vous permettre, si finalement les taux d’intérêt remontaient comme l’anticipent les autres pays, d’absorber d’éventuels dérapages constatés sur les dépenses pilotables ?

S’il apparaît donc raisonnable, le cadrage macroéconomique retenu par le Gouvernement sur la période 2018-2022 reste soumis à des aléas importants. M. Le Maire en a évoqué un certain nombre.

À l’échelon international, tout d’abord, les orientations de la politique commerciale américaine sont susceptibles de peser sur la croissance mondiale en déclenchant une spirale protectionniste. Les risques financiers liés à une correction sur les marchés d’actions – j’espère que cela n’ira pas jusqu’à un krach boursier – et à une remontée non contrôlée des taux d’intérêt sont également préoccupants.

À l’échelon européen, ensuite, outre les incertitudes sur la position des économies de la zone euro dans le cycle et le rythme de croissance, des risques politiques existent, liés en particulier au Brexit ou à la situation politique en Italie.

À l’échelon national, enfin, des événements exceptionnels pourraient peser sur la croissance. Il faut aussi considérer l’hypothèse que l’appareil productif français ne parvienne pas à répondre à la hausse de la demande. En outre, l’inquiétude grandit en ce qui concerne la dynamique du crédit aux entreprises non financières et aux ménages.

Les simulations issues des deux scénarios macroéconomiques construits par la commission des finances, alternatifs à celui du Gouvernement – l’un est plus optimiste, l’autre plus pessimiste –, confirment le caractère central des hypothèses macroéconomiques sous-jacentes au présent projet de programme de stabilité.

J’en viens à l’analyse de l’exécution budgétaire. Cela a été souligné et nous pouvons nous en réjouir, il paraît désormais acquis que la France sortira du volet correctif du pacte de stabilité dès cette année, le doute concernant l’exercice 2019 étant en grande partie levé grâce à l’amélioration de la conjoncture.

Plus globalement, l’amélioration du contexte macroéconomique devrait permettre un redressement accéléré de la situation des finances publiques au cours du quinquennat.

Il convient cependant de s’interroger sur la pérennité de ce redressement, dès lors que le retour à un déficit nominal inférieur à 3 % tient à la reprise économique et au dynamisme des prélèvements obligatoires, davantage qu’à un effort structurel en dépense. En l’absence de « bonne nouvelle » en recettes, ce déficit se serait établi à 3, 4 % du PIB en 2017, les différentes mesures de redressement décidées par le Gouvernement étant insuffisantes pour le contenir.

Bien que l’effet des mesures nouvelles en prélèvements obligatoires, hors mesures exceptionnelles, soit neutre en 2017, la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale progresse encore de 0, 8 point sous l’effet du dynamisme des recettes, pour atteindre 45, 4 % du PIB. J’ai bien entendu, cela étant, les remarques du Gouvernement concernant la redevance audiovisuelle et un certain nombre de retraitements.

Le présent projet de programme de stabilité maintient toutefois l’objectif initial du Gouvernement de baisse de 1 point de la part des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale d’ici à 2022. Avec un taux de prélèvements obligatoires de 44, 3 % en 2022, cela resterait malheureusement insuffisant pour revenir sur la hausse observée au cours du précédent quinquennat ; je me tourne, à cet instant, vers le côté gauche de l’hémicycle…

Autre constat, il apparaît que l’amélioration du déficit structurel, qui s’est réduit de 0, 5 point l’an dernier, a été essentiellement due aux effets d’élasticités.

J’ignore quelle a été la teneur du débat à l’Assemblée nationale, mais cela ne sera pas sans poser au Gouvernement une difficulté politique au regard de la règle de la « cagnotte » qui a été introduite dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques et que la Haute Assemblée n’avait pas validée. Cette règle permet en effet de dépenser jusqu’à la moitié des « bons résultats » constatés en exécution sur le solde structurel. À l’époque, nous avions émis les plus grandes réserves à ce sujet, considérant que, s’il devait y avoir de meilleurs résultats en exécution sur le solde structurel, cela devait se traduire soit par des baisses de prélèvements obligatoires, soit par une réduction du déficit, mais en aucun cas par des dépenses supplémentaires. Je crains, monsieur le ministre, que vous ne vous trouviez piégé par cette règle de la cagnotte.

Parallèlement, l’effort structurel en dépense se révèle négatif, pour la première fois depuis 2012. En outre, l’année 2018 est marquée par un objectif de maîtrise de la dépense moins ambitieux. En effet, lors du débat d’orientation des finances publiques pour 2018, M. Le Maire avait affirmé que les dépenses de l’État ne progresseraient pas du tout en volume. Aujourd’hui, il évoque une croissance de la dépense publique de 0, 7 %. Le Gouvernement est donc quelque peu revenu sur son objectif initial d’une stabilité totale de la dépense publique.

Les économies à réaliser en 2018 s’élèvent à seulement 11 milliards d’euros, soit près de deux fois moins que prévu dans le scénario du débat d’orientation des finances publiques. Il semble donc que le Gouvernement profite de l’indéniable reprise économique en Europe, en particulier en France, pour renoncer à une partie de ses efforts de maîtrise de la dépense. Peut-être le débat nous éclairera-t-il sur ce point.

La nouvelle trajectoire 2018-2022 proposée au travers du présent projet de programme de stabilité doit s’inscrire dans le respect de nos engagements européens, alors que, même si les choses vont mieux, la France se trouve dans une situation atypique par rapport à ses partenaires européens, notamment au regard de son niveau de déficit et de dette publics.

La réduction annuelle du déficit structurel prévue par le Gouvernement est très inférieure aux prescriptions du pacte de stabilité. Elle pourrait même déboucher, à l’horizon 2019, sur l’ouverture d’une procédure pour « déviation significative ». Messieurs les ministres, la France devra-t-elle donc encore espérer une interprétation suffisamment « constructive » des règles européennes pour y échapper ?

Au-delà, nous attendons un effort de redressement. Le Gouvernement évoque la mise en œuvre d’un programme d’économies d’une ampleur inédite. Nous aurions aimé, à cet égard, pouvoir disposer des premières conclusions du comité « Action publique 2022 ». Cela aurait permis de mieux documenter les efforts d’économies envisagés. En tout cas, il faut une stratégie crédible de maîtrise de la dépense. À ce sujet, nous ne pourrons pas faire l’économie d’un débat sur la masse salariale de la fonction publique et les dépenses de retraite, ces deux postes représentant à eux seuls près de la moitié de la dépense publique en France.

J’achèverai mon propos en relevant que le projet de programme de stabilité – c’est la principale surprise qu’il comporte – ne tient en aucune manière compte de deux annonces récentes du Président de la République, confirmées dimanche soir par celui-ci à la télévision, pourtant susceptibles de bouleverser la trajectoire budgétaire, dans la mesure où elles représentent à elles deux un coût de près de 60 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Il s’agit, en premier lieu, de la suppression totale de la taxe d’habitation, qui reste à financer à hauteur de 10 milliards à 14 milliards d’euros. Le Président de la République venant d’exclure toute création d’un nouvel impôt, cela signifie que cette somme viendra alourdir la dépense publique. Elle n’est pas comptabilisée dans ce projet de programme de stabilité.

En second lieu, la reprise progressive, au moins partielle, de la dette de SNCF Réseau à partir du 1er janvier 2020 pourrait représenter jusqu’à 46, 6 milliards d’euros. Voilà un enjeu qui pèsera très lourdement sur nos finances publiques. Cette reprise sera sans doute analysée comme une dépense. Le surcoût temporaire lié à l’opération de reprise pourrait être particulièrement complexe à intégrer à la trajectoire budgétaire.

On peut en conclusion regretter que ces dépenses majeures, qui représentent près de 60 milliards d’euros, n’aient pas été intégrées à un projet de programme portant sur les années 2018 à 2022. Sans doute le Gouvernement pourra-t-il nous répondre sur ces deux sujets de la suppression de la taxe d’habitation et de la reprise de la dette de la SNCF.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Eblé

Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui du projet de programme de stabilité pour 2018-2022, avant sa transmission à la Commission européenne, qui doit intervenir au plus tard le 30 avril prochain.

Nous avons souhaité ce débat, car il s’agit non pas d’un simple document prévisionnel, mais des engagements européens de notre pays. Je pense d’ailleurs qu’il faudrait lier cet exercice de projection de nos finances publiques à l’arrêté des comptes de l’année passée, toutes administrations publiques confondues, afin de tirer toutes les conséquences de l’exécution budgétaire. Nous en reparlerons sans doute avec le Gouvernement dans le cadre de notre réflexion sur l’amélioration de nos procédures budgétaires.

J’en viens au programme de stabilité, désormais quinquennal.

La situation économique de notre pays s’améliore, c’est indéniable : l’environnement international est « porteur », la demande intérieure est « dynamique », la progression de l’investissement des entreprises est « historique ». Cette situation exceptionnelle vous oblige, messieurs les ministres : elle vous oblige à réformer, mais elle vous oblige aussi à répartir avec équité les fruits de cette croissance, à la fois pour redresser nos finances publiques et pour financer nos priorités nationales.

Les réformes fiscales que vous avez vous-même engagées, la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière, la création du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, la disparition progressive de la taxe d’habitation viennent à peine d’entrer en vigueur ou n’interviendront progressivement qu’à compter de l’automne. Ce ne sont donc pas ces réformes qui expliquent notre dynamisme économique au cours de l’année écoulée. L’amélioration économique résulte autant du contexte international et de la reprise dans la zone euro – le taux de croissance, s’établissant à 2, 5 %, a atteint son plus haut niveau depuis dix ans – que des mesures prises par le précédent gouvernement, qui ont permis à notre pays de retrouver un chemin de croissance.

Ce ne sont pas non plus les mesures budgétaires que vous avez prises depuis six mois, comme la baisse du nombre des contrats aidés ou des subventions au logement social, qui entrent en vigueur cette année, qui peuvent expliquer le redressement de nos finances publiques. Nous ferons plus tard le bilan de ces mesures pour savoir si elles contribuent réellement à augmenter notre potentiel de croissance et nous attendons de voir ce que pourra donner le processus « Action publique 2022 » en termes d’amélioration de l’action publique à moyen terme.

Vous ne pouvez donc pas revendiquer le mérite exclusif du passage de notre déficit public sous la barre des 3 % du PIB en 2017. Nous nous en réjouissons tous, mais la vérité est que notre déficit, qui atteignait 5 % du PIB en 2012, a été progressivement réduit depuis cinq ans, malgré un contexte économique bien moins porteur qu’aujourd’hui, jusqu’à atteindre déjà 3, 4 % à la fin de l’année 2016. Les mesures en dépenses décidées depuis l’audit alarmiste de la Cour des comptes se sont limitées à 0, 2 point de PIB, ce qui correspond à une procédure de régulation classique. En 2017, le passage du déficit public sous la barre des 3 % est entièrement dû à l’amélioration de notre croissance économique et, dans une certaine mesure, à la hausse, en fin d’année, des prélèvements sur les grandes entreprises.

Mes interrogations concernent l’avenir et portent sur trois sujets principaux.

Votre stratégie fiscale est le premier de ces sujets. Après le fort ressaut du taux des prélèvements obligatoires cette année, à 45, 4 % du PIB, vous envisagez une baisse finalement modeste sur le quinquennat, puisque ce taux resterait pratiquement inchangé entre 2016 et 2022 – il passerait de 44, 6 % à 44, 3 % du PIB –, alors même que la baisse de l’impôt sur les sociétés se poursuivrait, de même que la baisse des charges pour les entreprises. Entendez-vous réellement autant alléger la pression fiscale des ménages que celle des entreprises et des patrimoines les plus importants ? Je ne vois nulle part trace de la manière dont vous escomptez financer la perte de recettes de 10 milliards à 14 milliards d’euros liée à la suppression progressive de la taxe d’habitation. Par ailleurs, d’autres prélèvements pèseront fortement sur les ménages, y compris les plus modestes, notamment au titre de la CSG et de la montée en charge de la fiscalité écologique.

L’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, a démontré que les mesures nouvelles pour les ménages que vous avez fait adopter profiteront largement aux 2 % de ménages les mieux lotis au regard de la distribution des revenus, qui détiennent l’essentiel du capital mobilier. Cette stratégie sera-t-elle poursuivie ? Pouvez-vous nous donner des éléments sur le caractère redistributif de la politique fiscale que vous menez ? Comment comptez-vous mettre en place une réelle évaluation de ses résultats, à l’instar de ce qui a été fait par le passé pour le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ?

La répartition des efforts en dépense entre les administrations publiques constitue le deuxième sujet. Votre trajectoire implique un fort ralentissement de la dépense locale, par une pression sur la masse salariale, les effectifs et les dépenses de fonctionnement. Il conviendra de voir si la contractualisation qui se met en place le permet, sans entraver la libre administration locale.

Votre trajectoire suppose également une progression modérée des dépenses de sécurité sociale. Hormis l’effet de la croissance économique, comment entendez-vous redresser les comptes sociaux dans un contexte de vieillissement de la population et d’accroissement des besoins en santé ?

Pour les années 2019 à 2022, le Haut Conseil des finances publiques considère que le scénario de croissance retenu est optimiste. Nous ne sommes pas à l’abri de nouveaux ralentissements, et des précautions s’imposent.

La dette est le troisième et dernier sujet. Selon vos estimations, elle devrait passer sous les 90 % du PIB en fin de période. Cependant, le projet de programme de stabilité ne dit rien de la reprise progressive de la dette de la SNCF à compter de 2020, pourtant annoncée par le Président de la République. Entendez-vous mettre à jour vos estimations avant la transmission de ce document à Bruxelles ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, Albéric de Montgolfier ayant déjà livré, au nom de la commission des finances, une analyse détaillée du projet de programme de stabilité, je serai bref.

Bien entendu, je me réjouis moi aussi de l’amélioration des comptes publics. Notre pays est en passe de retrouver une véritable crédibilité budgétaire en Europe, et nous devons tous nous en féliciter.

Naturellement, je centrerai mon propos sur la trajectoire envisagée des comptes des administrations de sécurité sociale, les ASSO.

Le projet de programme de stabilité prévoit une contribution constamment positive des ASSO au solde public sur l’ensemble de la période : + 0, 7 % du PIB dès 2018, après 0, 2 % en 2017. Ce chiffre intègre, d’une part, la reprise en base d’un solde 2017 finalement meilleur qu’escompté –5, 1 milliards d’euros au lieu de 4 milliards d’euros prévus dans la loi de programmation des finances publiques –, et, d’autre part, une prévision plus optimiste concernant la masse salariale privée de 2018, qui entraînerait un surcroît de recettes de 2, 7 milliards d’euros.

Pour chacune des années de 2019 à 2022, la contribution positive des ASSO au solde public atteindrait 0, 8 % du PIB, ce qui correspond à l’hypothèse conventionnelle d’écrêtement des soldes des ASSO sur les années 2019 à 2022 définie dans la dernière loi de programmation des finances publiques. On notera cependant que la méthode de calcul actuelle intègre des « bénéfices » qui n’en sont pas vraiment et qui ne permettent quoi qu’il en soit en aucun cas le financement de dépenses courantes. Je pense aux 14, 3 milliards d’euros de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, destinés à l’amortissement de la dette sociale, et aux 2 milliards d’euros de l’ERAFP, qui ne pourront servir qu’à financer, un jour, la retraite complémentaire des fonctionnaires.

Or, monsieur le ministre, 16, 3 milliards d’euros, cela correspond précisément à 0, 73 point de PIB. Dès lors, on voit bien qu’un tel écrêtement des « excédents » des ASSO à 0, 8 point de PIB laisserait entièrement à l’ACOSS la charge de la résorption de la dette sociale à court terme portée par l’ACOSS… Je me permets de rappeler que celle-ci s’élève aujourd’hui à 21 milliards d’euros.

Par ailleurs, messieurs les ministres, le manque de détail du projet de programme de stabilité pour ce qui concerne les ASSO nous laisse un peu sur notre faim.

Ce manque de détail concerne d’abord la distinction entre solde structurel et solde conjoncturel, qui ne se fait pas au niveau des sous-secteurs. Or, d’une part, le Haut Conseil des finances publiques considère que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2020-2022 est « optimiste ». D’autre part, les comptes sociaux sont très sensibles à la conjoncture, en recettes comme en dépenses. Au-delà, on peut se demander à quoi sert d’établir une telle distinction dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques sans possibilité d’en effectuer un suivi sérieux.

Ce manque de détail concerne également l’évolution des comptes par type d’ASSO. Or, comme vous le savez, le périmètre des ASSO figurant dans le présent projet de programme de stabilité et dans la loi de programmation des finances publiques n’est pas celui du PLFSS, et aucun lien n’est fait entre ces deux périmètres pour la période à venir. Cette lacune nous pose un problème sérieux, puisqu’elle empêche le Parlement, au moment de l’examen du PLFSS, de voir si le projet de loi s’inscrit, ou non, dans la trajectoire que nous avons définie.

Avant de conclure, permettez-moi de poser quelques questions sur les mesures qui permettront au Gouvernement, selon lui, de tenir la norme ambitieuse qu’il affiche.

En matière de recettes, les chiffres du projet de programme de stabilité pour 2018-2022 intègrent-ils une éventuelle révision du principe de compensation des exonérations de cotisations sociales décidées par l’État ?

En matière de dépenses, comment parviendrons-nous, par exemple, à contenir l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, en deçà de 2, 3 % sur l’ensemble de la période ? Le projet de programme de stabilité reste elliptique sur ce sujet. En tout cas, il ne faudrait pas qu’un « fétichisme » de l’ONDAM se traduise par un transfert de déficit et de dettes vers d’autres acteurs publics, comme les hôpitaux. Nous y veillerons.

S’agissant de l’assurance-chômage, comment une norme sévère de dépenses sociales sera-t-elle compatible avec l’ouverture de nouveaux droits pour les personnes qui démissionnent ou pour les indépendants ? Nous n’avons aucune information sur ce point ; cela reste pour nous un mystère.

En conclusion, monsieur le ministre, la commission des affaires sociales se réjouit de l’amélioration des comptes publics et vous soutiendra pour poursuivre dans cette voie, mais elle maintiendra sa vigilance, autant que les outils à sa disposition le lui permettront…

À cet égard, puisque « efficacité » semble être devenu le maître mot pour juger de l’action des pouvoirs publics, permettez-moi de vous dire qu’améliorer les outils de pilotage et d’évaluation du budget de la sécurité sociale et des comptes des ASSO serait sans doute bien plus efficace que réduire de vingt jours l`examen du budget au Parlement ou organiser l’examen commun, forcément artificiel, d’organismes n’ayant ni la même comptabilité, ni le même type de recettes –cotisations d’un côté, impôts de l’autre –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. … ni le même type de dépenses –objectifs évaluatifs d’un côté, crédits limitatifs de l’autre. Nous aurons certainement l’occasion d’en reparler dans les mois à venir.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, à ceux de nos concitoyens qui se demandent à quoi servent les parlementaires, je répondrai qu’il faut une sacrée dose d’optimisme pour vivre une journée comme celle d’aujourd’hui et entendre le même discours anxiogène à neuf heures en commission des finances et à vingt-deux heures trente-cinq en séance publique : la France est au bord du cataclysme, du gouffre, c’est la fin du monde !

Doit-on se féliciter que notre pays se retrouve, au terme de l’année 2017, sur les rails du traité budgétaire européen ? À en croire les déclarations du Gouvernement et certains communiqués enthousiastes, cela ne fait guère de doute : nous serions sur la bonne voie et, grâce au train des réformes, qui traduisent autant d’engagements de campagne, le pays devrait bientôt goûter aux félicités de l’équilibre budgétaire.

Vous avez dit « réduction du déficit budgétaire », « réduction des déficits en format européen » ? Soit, mais la réduction du déficit provient autant de la maîtrise des dépenses que de la progression des recettes. J’ai encore souvenir, mais cela n’a évidemment pas été rappelé, que nous avons voté cet automne un collectif budgétaire prévoyant, « brut de décoffrage », 5 milliards d’euros de recettes nouvelles au titre de l’impôt sur les sociétés acquitté par nos plus grands groupes industriels et commerciaux. La chose a certes fait couiner quelques grands groupes économiques, mais on ne saurait oublier que l’année boursière 2017 s’est achevée sur l’annonce de 94 milliards d’euros de bénéfices cumulés pour les entreprises du CAC 40 : on le voit, du capital, il y en a !

Les salariés des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, les surveillants de prison, les magistrats, les élus locaux, les retraités, les infirmières, bien d’autres encore attendent avec une impatience non dissimulée, ces temps-ci, les effets tant espérés du « ruissellement ».

À la vérité, la stabilité ne s’applique guère aux dividendes et aux profits. Malgré la croissance, qui serait retrouvée, et le retour de l’inflation, qui risque de faire sentir ses effets sur les taux longs, et sans parler de la guerre économique et fiscale relancée ces derniers temps par M. Trump à Washington, comme est fragile le résultat obtenu !

Les signes ne trompent pas et ils devraient interpeller. Nous conservons un déficit primaire important. En clair, cela signifie qu’une fois payés les dépenses de fonctionnement et les intérêts de la dette, nous sommes encore en déficit et que nous n’avons plus d’argent pour investir dans l’avenir du pays.

L’investissement public ayant atteint des niveaux de faiblesse inégalés, la croissance potentielle se trouve de plus en plus fortement obérée, et n’allons pas espérer que l’investissement privé prenne le relais. Ainsi, une députée de la majorité rappelait, ingénument peut-être puisqu’il s’agissait de survendre les initiatives du Gouvernement en la matière, que la France se situait désormais au vingt-quatrième rang européen, sur vingt-huit États, pour la qualité du réseau de téléphonie mobile. Notre réseau est pourtant largement ouvert à la concurrence, laquelle, comme nul ne l’ignore, fait baisser les prix et stimule l’innovation…

L’amélioration du solde budgétaire est donc trompeuse. Elle masque fort mal les restrictions de crédits, comme d’ailleurs les cadeaux fiscaux qui continuent d’être prodigués à ceux qui n’en ont pas besoin et alimentent le robinet du « ruissellement ».

La dépense publique, qui finance l’éducation, les dépenses de santé, la formation, la recherche, contribue elle aussi, qu’on le veuille ou non, à la croissance et au progrès économique. Elle n’est pas nuisible par nature, elle est aussi un levier.

Je pourrais également évoquer la situation des comptes des collectivités locales, eux aussi en excédent en raison d’un ralentissement significatif des investissements locaux, mais il est temps, mes chers collègues, que nous parlions enfin d’autre chose.

Contrairement à d’autres, qui font mine aujourd’hui d’en découvrir les travers et les conséquences sur la vie quotidienne des Français, nous n’avions pas approuvé la ratification du traité budgétaire européen. Nous ne siégeons pas au Parlement pour discuter tous les ans de l’amertume de la purge que les marchés financiers imposent aux populations, des attentes et des aspirations de ceux-ci en vue de garantir au mieux la rentabilité du capital. Il y a des objectifs politiques plus audacieux, mes chers collègues. Il est temps de mettre un terme aux logiques d’arriération des politiques budgétaires actuelles. La question qui se pose avec une acuité forte aujourd’hui, c’est celle de l’indispensable modification de la répartition de la richesse produite dans ce pays.

Enfin, le béotien que je suis s’interroge régulièrement sur la dette. « La dette, la dette, la dette », répète-t-on à l’envi aujourd’hui, comme un docteur Diafoirus, ou comme Toinette à son malade imaginaire : « Le poumon, le poumon, le poumon »… Si vous réduisez trop la dette, ne risquez-vous pas d’inquiéter les marchés financiers qui nous financent depuis des décennies ?

M. Bruno Sido rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Si la situation de la France est si catastrophique qu’on le dit, comment expliquer, monsieur le ministre, que notre pays puisse encore, en 2018, emprunter 195 milliards d’euros – 75 milliards d’euros environ pour financer le déficit et 120 milliards d’euros pour rembourser les obligations échues –, sans difficulté aucune et à des taux historiquement bas ? En somme, c’est la dette à perpétuité pour le peuple, et la rente d’État garantie pour l’éternité pour les marchés financiers ! Voilà une véritable question qui mériterait un débat de fond : la dette aura-t-elle une fin ?

Enfin, je voudrais citer un article des Échos

Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

(Rires sur les mêmes travées.) Cela fait parfois grincer des dents mes camarades, mais c’est la vie !

Applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Il y était question, hier, sous le titre « Une banque proche du pouvoir », de la banque Rothschild :

« De Georges Pompidou, qui travailla près de dix ans au service des frères Rothschild dans les années 1950, à Emmanuel Macron, plus jeune associé gérant de la banque avant de devenir secrétaire général adjoint de l’Élysée en 2012, la maison a toujours cultivé des liens étroits avec le pouvoir. Liens naturels, intimes et surtout plus forts que les bouleversements politiques. »

La fin vaut son pesant de cacahuètes et donne beaucoup à réfléchir. Monsieur le ministre, quelle est votre réaction à cette citation tirée d’un journal que l’on ne peut taxer de bolchevisme exacerbé ?

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Marc Laménie et Jean-François Rapin applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, le projet de programme de stabilité présente le cadrage économique et financier retenu par le Gouvernement pour la période 2018-2022. Ce document est accompagné d’un programme national de réformes qui expose la stratégie économique de réformes structurelles de la France.

Ces deux documents sont des outils capitaux du semestre européen et de la surveillance multilatérale des politiques économiques dans l’Union européenne. Ils constituent l’image que notre pays renvoie à ses partenaires européens en termes de volonté de réforme et de respect de nos engagements financiers. Ils ont donc une portée politique majeure, au moment même où le Président de la République entend redonner à la France un rôle moteur en Europe.

L’importance politique de cet exercice de programmation impose, me semble-t-il, de conjuguer trois vertus : sincérité, ambition et réalisme.

Le programme de stabilité doit d’abord être bâti sur des hypothèses sincères, ce qui, il faut le reconnaître, a rarement été le cas par le passé. Le présent texte semble rompre avec cette habitude, au moins en début de période. Les hypothèses de croissance qui nous sont présentées aujourd’hui ont ainsi été qualifiées de « réalistes » pour l’année 2018 et d’« atteignables » pour l’année 2019 par le Haut Conseil des finances publiques.

Si le scénario de fin de période est jugé « optimiste », notamment en raison d’incertitudes pesant sur l’environnement économique international, cet optimisme est, je le crois, une figure imposée pour un exercice de prévision à plus de deux ou trois ans. Comment reprocher au Gouvernement de retenir une hypothèse de stabilité des conditions économiques mondiales ? Nul ne peut sérieusement prévoir l’imprévisible. C’est l’horizon temporel du programme de stabilité qui est trop long pour que l’on puisse produire une prévision fiable, dans un monde où le commerce, les flux de capitaux et les fondamentaux macroéconomiques sont soumis à des variations de plus en plus brutales.

Si un procès d’insincérité de ses hypothèses ne peut donc être intenté au Gouvernement, je lui reprocherai en revanche de manifester une ambition plus limitée pour les deux premières années de programmation. À quoi bon prévoir de consentir l’effort le plus important durant les années plus incertaines que j’ai évoquées ?

Je prends acte des contraintes qui pèsent notamment sur l’année 2019 – vous les avez rappelées, monsieur le ministre –, mais il y aura sans doute d’autres contraintes en 2020, en 2021 et en 2022.

Dans ces conditions, l’excédent budgétaire de 0, 3 % du PIB prévu pour 2022 me semble hypothétique. L’atteindre supposera un courage politique qu’il vous faudra, monsieur le ministre, assumer jusqu’au bout. Vous marqueriez ainsi l’histoire de votre fonction : aucun de vos prédécesseurs, depuis que les programmes de stabilité existent, n’a honoré ses engagements de fin de période. Vous seriez donc le premier !

Le courage politique est la clef de ces exercices de programmation européens.

Du courage, je vous en reconnais lorsque vous avancez la date d’inversion de la courbe de la dette publique à cette année. Il s’agit d’un enjeu vital pour notre économie, mais également pour notre démocratie. Nous devons écarter le plus rapidement possible cette épée de Damoclès qui menace de s’abattre sur la France à la moindre augmentation des taux d’intérêt et qui obère nos marges de manœuvre politiques.

Du courage, je vous en reconnais également lorsque vous vous engagez à diminuer progressivement le nombre des contrats aidés. C’est un dispositif coûteux, inefficace selon la Cour des comptes elle-même. En tant que rapporteur des crédits de la mission « Travail et emploi », j’ai eu l’occasion de défendre au nom de la commission des finances, il y a quelques semaines, un recentrage des politiques de l’emploi sur des dispositifs ayant fait la preuve de leur efficacité à moindre coût, dans le droit fil d’ailleurs de la tradition de la commission des finances du Sénat depuis plusieurs années sur ce sujet.

Les fruits de la croissance et la baisse du chômage dans les prochaines années doivent nous permettre de rompre avec une logique d’emplois subventionnés, pour mettre l’accent sur la formation et la montée en compétences.

Du courage, je vous en reconnais enfin, monsieur le ministre, lorsque vous annoncez vouloir revoir en profondeur les normes et la fiscalité applicables aux PME et aux TPE, notamment dans le cadre de la loi visant à mettre en œuvre le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, la loi PACTE, que j’espère la plus ambitieuse et la plus large possible, en particulier en vue de réduire le déficit de notre commerce extérieur.

Néanmoins, monsieur le ministre, pour paraphraser Sénèque, faute d’adversaire, votre courage s’étiole. Il ne faudrait donc pas que le retour de la croissance et les bonnes hypothèses conjoncturelles que vous retenez vous rendent trop timide en matière d’effort structurel, notamment en termes de dépense.

Le déficit structurel de la France sera toujours, en 2022, supérieur à la limite fixée par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Le niveau de la dépense publique de la France demeurera largement au-dessus de la moyenne européenne, à hauteur d’au moins deux points de PIB. En conséquence, le taux des prélèvements obligatoires ne diminuera que très modestement sur la période, d’un point de PIB seulement.

Il conviendrait donc, monsieur le ministre, que cette programmation nous mette à l’abri d’un retournement de conjoncture ou d’une hausse des taux d’intérêt. Je vous encourage donc à intensifier vos efforts en matière de maîtrise de la dépense publique. Il faut élever les ambitions du programme « Action publique 2022 », qui ne doit pas connaître le destin des précédentes revues de dépense. Vous pourrez compter sur notre groupe pour vous soutenir et vous faire des propositions à cette fin, qui est véritablement d’intérêt national.

Applaudissements sur des travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, en cette année 2018, le projet de programme de stabilité budgétaire fait l’objet d’une déclaration du Gouvernement devant le Parlement en séance publique. Il s’agit d’un acte politique fort, puisque le Gouvernement, en vertu de la Constitution, n’en a pas l’obligation.

Après les échéances électorales de l’an dernier, nous renouons donc avec un exercice utile. Le moment est bien choisi pour évoquer les perspectives économiques de la France et de ses territoires. Alors que s’achève déjà la première année de présidence d’Emmanuel Macron, l’amélioration de la situation économique globale semble réelle.

Après la présentation technique du document ce matin en commission des finances et les excellentes interventions des rapporteurs, je souhaite apporter un éclairage un peu différent et, je l’espère, plus concret et compréhensible pour l’ensemble de nos concitoyens.

Lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, à l’automne dernier, notre collègue Jean-Marc Gabouty avait qualifié la trajectoire budgétaire de « crédible ». Je reprendrais volontiers ce terme pour qualifier ce projet de programme de stabilité, bien que la trajectoire ait jusqu’ici plutôt péché par pessimisme.

Après la croissance record de 2017, l’exécutif table de nouveau sur un taux de croissance de 2 %, du jamais-vu depuis 2011. À l’instar de la météo printanière, il semble que l’économie, décidément, sourie au président Macron !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

La chance sourit aux audacieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Le solde budgétaire serait, quant à lui, ramené à 2, 3 %, ce qui permettrait à la France de ne plus encourir les rigueurs des règles européennes.

Dernière bonne nouvelle, la baisse des prélèvements obligatoires sur la durée du quinquennat est confirmée.

Cependant, derrière cet ensemble de bonnes nouvelles d’ordre général, la réalité quotidienne des territoires n’est pas toujours rose. Comme l’a dit hier à la tribune de l’Assemblée nationale le Premier ministre canadien, « le changement n’est pas toujours synonyme de progrès ». C’est d’ailleurs l’accord commercial avec le Canada, le CETA, qui suscite des inquiétudes chez les agriculteurs et les éleveurs. Les bonnes nouvelles économiques globales ne doivent pas faire oublier ces inquiétudes légitimes. La proposition de résolution européenne que j’ai déposée en ce début d’année vise à attirer l’attention du Gouvernement sur ce point, afin que soient pris en compte les intérêts des filières agricoles.

Le secteur agricole ne doit pas être le parent pauvre de ce quinquennat. Certains éleveurs et agriculteurs rencontrent des difficultés insupportables, qui ne peuvent pas laisser le Gouvernement sans réaction. L’amélioration de la conjoncture économique et budgétaire devrait permettre à l’exécutif d’agir plus résolument pour leur apporter des réponses.

Les collectivités rurales ont également des attentes fortes. Si le maintien des dotations, après des années de baisse, doit être salué, la perte de ressources propres, due à la suppression d’une partie de la taxe d’habitation, et la marginalisation des centres-bourgs, des communes et des départements ruraux face à la montée en force des intercommunalités et des métropoles sont source de vives inquiétudes.

Le 27 mars dernier, le ministre Jacques Mézard a présenté à Châtellerault, dans la Vienne, le programme « Action cœur de ville », dont doivent bénéficier 222 villes, réparties dans toute la France. Des conventions de revitalisation sur cinq ans seront mises en place afin de redynamiser leurs centres-villes. Ce sujet, qui intéresse depuis longtemps notre assemblée, doit être une priorité de la politique économique du Gouvernement, car ces territoires se meurent !

Les débats sur la trajectoire macroéconomique sont certes importants et intéressants, mais ils ne doivent pas nous conduire à perdre de vue les préoccupations peut-être plus prosaïques, mais non moins importantes, de nos territoires. Contrairement à une image souvent véhiculée, les campagnes et le secteur agroalimentaire ne sont pas à l’abri des évolutions du monde et de la concurrence internationale. Ils sont aussi un emblème de la France à l’étranger, de la richesse de ses terroirs, de la variété de ses produits et de ses appellations.

En conclusion, je comprends bien les contraintes et les objectifs de l’exécutif, ainsi que sa volonté de réformer, de moderniser, de transformer, mais je lui recommande de rester à l’écoute des territoires, des habitants de nos zones rurales et des petites villes.

(Nouveaux rires.) Cela permettrait de prendre conscience de l’augmentation de la dette seconde après seconde et de sensibiliser les Français à un problème très important.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Telles sont les quelques remarques que je souhaitais faire au nom du groupe du RDSE. Je terminerai par une réflexion personnelle et une suggestion concernant la dette. J’ai découvert l’ampleur du déficit lorsque je suis arrivé à la commission des finances, il y a quatre ans. Notre dette s’élève à plus de 2 200 milliards d’euros et elle augmente de 2 665 euros par seconde ! Cette charge insupportable pèse sur nos concitoyens et sur les générations à venir. J’ai été maire pendant plus de vingt-cinq ans : le budget de ma commune a toujours été en équilibre, au contraire de celui de l’État. Ma proposition est iconoclaste et irréalisable, mais je vous la livre tout de même §: pourquoi ne pas afficher un compteur de la dette publique au fronton de Bercy ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Julien Bargeton, pour le groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, chers collègues, je suis heureux que l’Europe soit revenue au centre du débat. Le Président de la République s’était engagé pour l’Europe. Il avait repris le flambeau européen. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles je l’ai soutenu. Dans le discours d’Athènes, dans celui de la Sorbonne et, récemment, devant le Parlement européen, il a tenu cette ligne.

Ces discours doivent bien sûr être accompagnés d’actes, car ce dont l’Europe a le plus souffert, c’est d’un manque d’audace. Certes, il faut continuer à progresser vers l’harmonisation fiscale et sociale en Europe, mais il est aussi important de replacer l’Europe au centre du jeu.

En matière de finances publiques, Europe ou pas, il faut agir. Il y a certes un cadre européen, mais il faut de toute façon maîtriser la dépense publique, notamment pour préserver la souveraineté de l’État. Cela a été dit, le remboursement de la dette préempte nos marges de manœuvre budgétaires.

Cette contrainte n’est donc pas, comme on l’entend trop souvent dire, une contrainte européenne. En tout état de cause, nous ne pouvons plus laisser filer notre déficit public et notre endettement.

Deux points du projet de programme de stabilité peuvent nous satisfaire collectivement, me semble-t-il.

Tout d’abord, la France est enfin sortie, au bout de dix ans, de la procédure pour déficit excessif. C’est une nouvelle que nous devons saluer. Notre déficit s’établissait à 2, 6 % du PIB en 2017. Il sera de 2, 3 % en 2018. Il faut bien sûr continuer dans cette voie.

Le retour de la croissance est un second motif de satisfaction. On le sait, la victoire a mille pères, la défaite est orpheline : c’est un grand classique. Notons simplement qu’une réduction du déficit a déjà été constatée et que le Haut Conseil des finances publiques a jugé réalistes les hypothèses macroéconomiques pour les deux premières années du programme. C’est un point essentiel.

D’autres sujets font débat entre nous, notamment la dépense publique. Il ne faut pas faire dire à ce texte ce qu’il ne peut pas dire. Il s’agit non pas d’un projet de loi de finances, mais d’un texte-cadre. Je relève à cet égard une forme de décalage dans les discours. Lorsque nous examinons des textes-cadres, tout le monde s’accorde à dire qu’il faut réduire la dépense publique, mais lorsque nous envisageons les choses de manière plus concrète, par exemple lors de la discussion d’un projet de loi de finances ou d’un projet de loi de finances rectificative, c’est beaucoup plus difficile !

Debut de section - PermalienPhoto de Julien Bargeton

Lors de l’examen des crédits des missions, on présente de nombreuses propositions de dépenses nouvelles, plus rarement des propositions d’économies réalisables. Il faut le souligner.

La technique du rabot, qui a parfois été utilisée, ne fonctionne pas. En revanche, des réformes structurelles peuvent produire des économies. À cet égard, je ne partage pas les préventions du rapporteur général de la commission des finances : je crois au contraire que ce sont les réformes structurelles qui sont le mieux à même de conduire à des économies, évidemment pas la première ou la deuxième année de leur mise en œuvre. Dans nos collectivités locales, lorsque nous engageons une réforme des services, elle ne produit ses premiers effets, en termes de modération de la dépense, qu’au bout de deux, trois ou quatre ans. Il est plutôt de bonne politique, à mon sens, de miser sur des réformes structurelles pour obtenir une réduction efficace de la dépense. C’est ce que fait le Gouvernement.

Sur les recettes, il y a également des débats, mais ce qui est important, c’est la visibilité en matière fiscale. La stabilité du cadre fiscal permet un retour de la confiance. On attribue volontiers celui-ci au contexte international, aux politiques menées précédemment, etc., mais l’économie, c’est de la dynamique, et la dynamique se crée par la confiance, laquelle résulte de la stabilité, de la visibilité et de la modération en matière fiscale. Il importe, à cet égard, d’enclencher une baisse progressive et continue des prélèvements obligatoires.

Benjamin Franklin disait qu’il y a bien des manières de ne pas réussir, mais que la plus sûre était de ne jamais prendre de risques. La transformation est toujours un risque, mais elle est la condition de la maîtrise des finances publiques. Sans transformation, il n’y a pas d’efficacité des politiques économiques ni de maîtrise de la dépense publique. Il appartient bien sûr au Parlement de vérifier la réalité de cette efficacité. Il le fait déjà, et je souhaite qu’il le fasse davantage encore à l’avenir.

Ce programme est un instrument de lutte contre l’instabilité européenne ou des politiques économiques. Il traduit une volonté de transformation et de visibilité, visant à restaurer la confiance et à permettre la maîtrise des dépenses publiques.

M. Jean-Marc Gabouty applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, chers collègues, le débat sur le projet de programme de stabilité pour les années 2018 à 2022 se déroule dans un environnement macroéconomique plutôt favorable. Après la Banque de France et l’OCDE, vous confirmez, monsieur le ministre, l’amélioration des prévisions budgétaires par rapport à la loi de finances de 2018. Le taux de croissance est revu à la hausse. Il s’établira à 2 % du PIB en 2018 et à 1, 9 % en 2019, contre une prévision initiale de 1, 7 % pour chacune de ces deux années.

Ces chiffres encourageants traduisent la reprise au sein de la zone euro, l’accélération de la demande mondiale, mais aussi le dynamisme des investissements de nos entreprises.

Elle devrait aussi, à juste titre, rassurer une partie de nos concitoyens qui, au-delà des chiffres, attendent des retombées concrètes et des améliorations tangibles de leur quotidien.

C’est bien tout l’enjeu de cette reprise : poursuivre nos efforts pour consolider cette amélioration et accélérer le redressement de nos finances publiques – nous avons indiqué à plusieurs reprises que c’était une priorité -, mais aussi veiller à ce que ce regain de croissance contribue à réduire les inégalités, qu’elles soient sociales ou territoriales, ainsi qu’à maintenir et à améliorer la qualité des services apportés à nos concitoyens sur l’ensemble du territoire national. C’est le juste équilibre que nous devons trouver.

En conséquence le redressement de nos finances publiques, la diminution de la dette et la réduction du déficit public sont au rendez-vous. La dette s’établirait à 96, 4 % du PIB en 2018 et pourrait atteindre 89, 2 % en 2022. Cette nette amélioration par rapport aux prévisions précédentes est plutôt rassurante, notamment dans une perspective de hausse des taux d’intérêt.

Le déficit serait, quant à lui, de 2, 3 % du PIB en 2018 et de 2, 4 % en 2019, au lieu des 2, 8 % et 2, 9 % jusque-là anticipés. Un léger excédent budgétaire pourrait même être obtenu à l’horizon de 2022, ce qui serait une première depuis 1974 et, à coup sûr, un résultat susceptible de donner confiance en l’avenir. Ces résultats devraient permettre à la France de sortir de la procédure pour déficit excessif avant l’été prochain.

Toutefois, deux interrogations demeurent, comme l’ont souligné le président et le rapporteur général de la commission des finances.

La première porte sur la suppression de la taxe d’habitation, qui représente un montant variant de 10 milliards d’euros à 14 milliards d’euros, en fonction de l’inclusion ou non des résidences secondaires et de la date retenue. Cette perspective ne semble pas intégrée dans le programme de stabilité. Comment envisagez-vous le financement de cette mesure ? Quel serait son impact sur la trajectoire de nos finances publiques ?

La seconde interrogation concerne la reprise, même partielle, de la dette de la SNCF annoncée par le Président de la République à l’horizon de 2020, qui pourrait modifier substantiellement cette trajectoire. Comment envisagez-vous de répondre à cette nouvelle donne ?

S’agissant du taux des prélèvements obligatoires, l’objectif affiché par le Gouvernement dans la loi de programmation des finances publiques était d’aboutir à une diminution d’un point de PIB d’ici à 2022, pour atteindre 43, 7 %. Cet objectif est revu à la baisse par le présent programme de stabilité, puisque la pression fiscale devrait désormais s’établir à 44, 3 % du PIB à la fin du quinquennat, soit 0, 6 point de plus que prévu.

Toutefois, nous le savons tous, la reprise économique suscite, et c’est tant mieux, une hausse mécanique des recettes de TVA, de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu, liée à l’élargissement de l’assiette.

L’autre raison qui explique ce résultat, monsieur le ministre, c’est l’adoption par le Parlement, dans la première loi de finances rectificative pour 2017, de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés des très grandes entreprises, pour faire face à l’obligation de remboursement de la taxe sur les dividendes.

Néanmoins, les réformes de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu, de la fiscalité sur le capital que vous avez engagées, comme la suppression progressive de la taxe d’habitation devraient favoriser une baisse progressive des prélèvements obligatoires.

Enfin, le niveau des dépenses publiques devrait atteindre près d’un demi-point de plus que ce qui était initialement prévu, pour s’établir à 54, 4 % du PIB.

J’entends bien tous ceux, nombreux, qui réclament une réduction plus drastique de la dépense publique. Mais on ne peut pas, dans le même temps, demander le maintien de tous les services, voire des mesures nouvelles, qui entraînent des dépenses supplémentaires ! Ainsi, l’objectif de baisse de la dépense publique, qui doit bien évidemment être visé, ne doit pas l’être aveuglément.

Pour conclure sur la question du redressement des finances publiques, sachez, monsieur le ministre, que nous approuvons votre décision de faire figurer cette priorité parmi les quatre axes de votre programme national de réforme. Comme M. le ministre l’a rappelé, nous portons la responsabilité, à l’égard des générations qui viennent, d’assainir nos finances publiques et de réduire notre endettement.

Les fruits de la croissance retrouvée doivent aussi servir à l’amélioration de la situation des plus fragiles, celle des Français comme celle des territoires. Et je veux rappeler que, dans certains domaines prioritaires, le maintien de la qualité du service public nécessite, et nécessitera demain encore davantage, un engagement soutenu de l’État. Par exemple, dans les domaines de la santé, dans nos hôpitaux, dans nos EPHAD, qui doivent faire face au vieillissement de la population et à la dépendance qui l’accompagne, dans l’éducation, le transport, la sécurité, l’approche comptable ne peut pas être la seule réponse.

Par ailleurs, l’aménagement du territoire, qui doit prioritairement viser l’équité dans l’accès aux services pour tous nos concitoyens et dans tous les territoires, nécessite que l’État joue pleinement son rôle de régulateur.

Vous avez annoncé, monsieur le ministre, vouloir engager des réformes structurelles une fois rendu le rapport du Comité action publique 2022. Nous comptons sur vous pour que ces réformes soient équilibrées et que le nécessaire mouvement de réduction de la dépense publique, que nous soutenons, soit raisonné, dans le respect des territoires et des citoyens les plus fragiles.

Mes chers collègues, la feuille de route budgétaire qui nous est aujourd’hui proposée nous paraît réaliste et opportune.

Toutefois, à l’occasion de ce débat, nous avons souhaité alerter sur les écueils que ces réformes devront éviter, afin que le redressement de nos finances publiques, qui doit impérativement accompagner l’embellie budgétaire et pour lequel nous serons au rendez-vous, ne laisse personne au bord de la route, et afin qu’aucun territoire ne soit abandonné.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Claude Raynal, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la garde des sceaux, qui nous rejoignez, monsieur le président de la commission, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, comme chaque année, nous débattons du programme de stabilité réactualisé transmis à la Commission européenne en tant que pays membre de la zone euro.

Comme chaque année, cette trajectoire prévisionnelle des finances publiques doit être considérée avec prudence, tant ses estimations sont par nature fragiles, compte tenu de l’interdépendance des économies européennes et mondiales.

Plus que d’habitude cependant, peut-être parce que c’est un nouveau gouvernement qui nous le présente, l’introduction de ce document ne peut manquer de surprendre par des éléments de langage hautement discutables. Ainsi nous dit-on que « les engagements européens de la France ont été respectés…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

… grâce aux mesures énergiques de redressement déployées par le Gouvernement », …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

… alors qu’il est admis par tous, et surtout par vous, monsieur le ministre des comptes publics, que l’amélioration significative du déficit public est, pour les deux tiers, due à la forte croissance constatée.

Vous le savez, cette croissance, initialement estimée à 1, 5 %, a été présentée comme « inatteignable » lors de la présentation du budget primitif de 2017, puis comme à peine plausible en avril 2017, pour finalement s’établir à au moins 2 % aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

M. Claude Raynal. C’est sûr, il est plus facile d’améliorer une situation avec 2 % de croissance qu’avec 0, 2 % comme en 2012, situation que vos amis de l’époque, monsieur le ministre, nous avaient laissée !

Protestations amusées sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Au demeurant, passer de 5, 2 % de déficit public à 2, 85 %, si l’on suit votre propre démonstration, monsieur le ministre, avec une croissance de 1 % en moyenne, c’est autrement plus compliqué que de gagner 3 points avec 1, 8 % de croissance en moyenne !

D’ailleurs, monsieur le ministre, je vous le dis sincèrement, vous devriez avoir plus de respect pour vos prédécesseurs, quoi que vous en pensiez.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Pour mes anciens ?

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

M. Claude Raynal. Tout à fait ! Ils vous en seront redevables : lorsque vous quitterez ce poste, vous aurez plaisir à ce que les gens ne disent pas du mal de vous !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Dans ce document, plus loin, on lit avec effarement que « les signaux économiques sont venus confirmer la reprise à l’œuvre en 2017, soutenue […] par le retour à la confiance des milieux économiques – jusque-là, ça va ! – suite à l’élection présidentielle de mai 2017 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

M. Claude Raynal. Voyez-vous, cette confiance est mesurée – je n’y peux rien – par l’indicateur de confiance des entreprises. Or celui-ci, qui était de 109 en mai, est de 111 aujourd’hui. Concrètement, je ne vois là rien d’extraordinaire !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Plus loin encore dans cette présentation, qui offre tout de même un grand moment, on lit : « La croissance en volume de la dépense publique s’établira à + 0, 7 % en 2018 et + 0, 4 % en 2019, en net recul par rapport à 2017 ». Nous ne le contestons pas. Toutefois, nous sommes bien loin des premiers discours martiaux d’un certain ministre des comptes publics, qui nous disait, en juillet 2017 : « Le Premier ministre a clairement déclaré que nous limiterons à 0 %, et c’est exceptionnel, la hausse en volume de la dépense publique pendant trois ans ». Zéro pour cent en juillet, 0, 7 % aujourd’hui : que s’est-il passé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Au fond, comme dans l’ancien monde, de longs prolégomènes ne font qu’essayer de masquer une trajectoire finalement très proche de celle qui a été présentée par vos prédécesseurs en 2017, …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

… sinon qu’elle prend appui sur une croissance effective plus forte et une baisse des dépenses publiques annoncée comme plus soutenue, sans pour autant d’ailleurs que cette baisse soit en rien documentée.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

En analysant maintenant plus finement les documents soumis à notre appréciation, il est assez clair que les hypothèses prises sur les grands indicateurs macro-économiques sont pour l’essentiel crédibles, même s’ils interrogent tout de même.

En matière de taux d’intérêt, la courbe de remontée est sans doute assez défavorable. Cette prudence ne nous choque cependant pas et peut s’analyser, cela a été dit par le rapporteur général, comme une sorte de petite réserve de précaution – peut-être une dizaine de milliards d’euros, ce qui n’est jamais de trop, en 2022. Quoi qu’il en soit, cette prudence est une constante des trajectoires depuis la mise en place de la politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne, qui est poursuivie aujourd’hui.

Plus discutable sans doute est l’idée d’une croissance continue et relativement forte jusqu’en 2022. Certes, comme vous, nous la souhaitons, car elle permet d’améliorer nos comptes publics au prix d’un effort mieux lissé dans le temps sur nos dépenses publiques.

Pour autant, la concordance d’une croissance forte, d’une diminution significative des dépenses publiques et d’une augmentation des taux d’intérêt affichée comme forte dans le scénario laisse songeur, ces deux derniers éléments pouvant avoir un effet très sensible sur le niveau de la croissance.

D’ailleurs, dans son avis d’avril 2018, le Haut Conseil des finances publiques ne dit-il pas la même chose, dans un langage technocratique à souhait ? « Le scénario retenu d’une croissance effective demeurant continûment supérieure à la croissance potentielle jusqu’en 2022 est optimiste ». « Optimiste », en mode décrypté, cela veut dire « peu crédible » !

Rires et exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je n’oserais pas dire « insincère », car nous ne sommes pas ici dans la matière budgétaire, mais dans la seule prévision de moyen terme. L’insincérité viendra en avançant…

Ces quelques remarques permettent de relativiser, monsieur le ministre, vos propos introductifs et de pointer les différents non-dits de ce programme de stabilité.

Ainsi, notamment, la baisse volontariste des dépenses publiques peut avoir, si elle est mal conduite, vous le savez, un impact significatif sur la croissance. L’équilibre croissance effective-évolution du solde structurel doit donc être analysé précisément, monsieur le rapporteur général, avant la mise en œuvre de mesures nouvelles.

Il en est particulièrement ainsi des politiques de contractualisation avec les collectivités territoriales, qui vont avoir un effet à nouveau massif sur l’investissement…

Protestations sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Bien sûr que si ! Quand vous diminuez le fonctionnement, cela a un impact sur l’investissement.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Non, c’est le contraire ! On comprend mieux comment vous gérez vos collectivités…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je vous l’expliquerai, monsieur le ministre ! Nous le vivons tous les jours.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

L’investissement, par nature, crée des charges de fonctionnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Vous créez des écoles sans frais de fonctionnement ? C’est fabuleux ! Vous nous expliquerez comment vous faites.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

De même peut-on s’interroger sur la politique menée davantage en faveur des actionnaires que des entreprises pour doper l’investissement privé. Des soutiens directs de l’État en direction des investissements, tant privés que publics, auraient sans doute été bien plus efficaces.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Nos avis divergent sur ce point.

Enfin, l’absence de déficit structurel doit-elle être l’alpha et l’oméga de toute politique européenne ? Si nous pouvons comprendre qu’il faut s’en rapprocher quand on est dans le haut du cycle économique, est-il normal, voire utile, que certains pays aient des soldes structurels largement excédentaires ? En quoi est-ce utile à la croissance et, partant, à l’emploi ?

Finalement, retenons quelques éléments de ce programme de stabilité : un exercice facilité par une croissance retrouvée, …

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

M. Claude Raynal. … surtout grâce aux politiques de vos prédécesseurs.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Eh oui, cela fait mal, mais c’est comme ça !

Retenons également un équilibre complexe à négocier, entre baisse des déficits et croissance, et un objectif de long terme de la Commission européenne à rediscuter : cela fait un beau projet pour les années qui viennent, monsieur le ministre !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. le président de la commission des finances applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

En fait, vous verrez, monsieur le ministre, que nous faisons les mêmes constats et concentrons nos inquiétudes sur les mêmes sujets.

Depuis 2011, les programmes de stabilité budgétaire sont transmis à la Commission européenne non en décembre, c’est-à-dire après la discussion budgétaire, mais au plus tard à la fin du mois d’avril.

L’article 14 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, introduit sur l’initiative du Sénat, dispose que, « à compter de 2011, le Gouvernement adresse au Parlement, au moins deux semaines avant sa transmission à la Commission européenne […], le projet de programme de stabilité. Le Parlement débat de ce projet et se prononce par un vote ».

Malgré cet article, un débat n’a pas toujours eu lieu chaque année au Parlement : en 2012 et en 2017, en raison de la suspension des travaux parlementaires pendant les campagnes présidentielles, mais aussi en avril 2015, François Hollande craignant le vote des députés frondeurs. Pour rappel, l’article 49.3 de la Constitution sera utilisé deux mois plus tard, en juin 2015, sur le projet de loi d’Emmanuel Macron pour la croissance et l’activité. On l’avait oublié !

En 2018, le débat aura bien lieu au Parlement, dans les deux chambres. Le groupe Les Républicains s’en félicite. Cependant, comme par le passé, aucun vote n’aura lieu au Sénat, contrairement à l’Assemblée nationale, ce que notre groupe dénonce à chaque débat. Résolument, monsieur le ministre, le nouveau monde ne semble guère différent de l’ancien…

Pour en venir au fond, ce nouveau programme de stabilité vise notamment à reprogrammer l’objectif de déficit public de la France pour les années 2018 à 2022, afin de tenir compte des résultats de l’année 2017, actant un retour de la croissance, trois mois seulement après la publication de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 du 22 janvier dernier.

L’amélioration du déficit public en 2017, dont se prévaut le Gouvernement, est essentiellement due à des facteurs exogènes : le retour de la croissance en Europe et des taux d’intérêt bas. Malgré une reprise économique plutôt solide en 2017 – quelque 2 % –, la croissance française demeure encore en deçà de la moyenne européenne : 2, 3 % en moyenne prévue en 2017 dans la zone euro et 2, 4 % dans l’Union européenne.

Le programme de stabilité prévoit une plus forte croissance en 2018 et en 2019 que ce qui était prévu dans la loi de programmation : 2 % et 1, 9 % au lieu de 1, 7 %. Nous ne contestons pas ces hypothèses, que le Haut Conseil des finances publiques juge d’ailleurs réalistes. Les prévisions sont en effet dans la moyenne de celles des économistes.

Pour 2018, alors que le Gouvernement table sur 2 %, l’OCDE prévoit 2, 2 %, le FMI 2, 1 %, la Commission européenne 2 % et la Banque de France 1, 9 %. Le Haut Conseil des finances publiques émet toutefois des réserves sur les hypothèses de long terme du Gouvernement, qui estime que la croissance effective sera continûment supérieure à la croissance potentielle, atteinte lorsqu’un pays utilise au maximum ses capacités de production.

Selon le Haut Conseil, ce scénario est « optimiste ». Je le cite : « le contexte macro-économique comporte plusieurs facteurs […] d’incertitude pouvant affecter l’activité mondiale et européenne. » En outre, « la poursuite de la hausse des cours du pétrole et de l’appréciation de l’euro pourrait affecter la croissance de la zone euro. Celle-ci pourrait également pâtir des incertitudes qui caractérisent la situation politique de certains pays et les conditions du Brexit. »

Le déficit public, qui s’établit à 2, 6 % en 2017, retrouve son niveau d’avant la crise, qui était de 2, 5 % en 2007. Néanmoins, ce recul significatif de 0, 8 point par rapport à 2016 repose exclusivement sur une conjoncture favorable : les prévisions de croissance et d’élasticité des recettes ont été révisées, sans quoi le déficit aurait été de 3, 3 % en 2017, bien au-dessus des 3 %. Les recettes ont cru plus vite, de 4 %, que les dépenses, de 2, 5 %.

Rappelons que 2 % de croissance et 1 % d’inflation en 2017, ce sont 40 milliards d’euros de recettes fiscales et sociales de plus dans les caisses de l’État ! Souvenons-nous, cher Claude Raynal, que le président Nicolas Sarkozy avait, pour sa part, connu un effondrement des recettes publiques de 42 milliards d’euros en 2008 et en 2009. Le contexte économique n’a donc rien à voir et il est aujourd’hui extrêmement favorable.

Toutefois, cette amélioration ne doit pas cacher le fait que la France demeure en queue de peloton européen. En Allemagne, les comptes sont en excédent budgétaire depuis 2014. La moyenne du déficit public se situera entre 0, 9 % et 1, 1 %, soit autour de 1 % seulement, dans la zone euro en 2017. Avec 2, 6 %, nous en sommes encore très loin !

Je rappelle en outre que la France est, avec le Portugal, le pays européen qui a passé depuis 2002 le plus d’années en procédure de déficit excessif, même si vous n’y pouvez rien. Gardons-nous par conséquent de tout satisfecit qui serait exagéré, voire déplacé…

La Cour des comptes a de surcroît rappelé en janvier 2018 que « même avec un déficit ramené sous la barre des 3 %, la France continue de présenter une situation financière plus dégradée que celle de la quasi-totalité de ses partenaires de la zone euro. » Aussi, « les conditions à réunir pour atteindre les objectifs » de réduction du déficit fixées par le Gouvernement pour les prochaines années « sont nombreuses et loin d’être acquises ».

Pourtant, à la suite des résultats de l’année 2017, le Gouvernement a fortement révisé ses prévisions de déficit, avec de nouveaux pronostics beaucoup plus optimistes, un déficit inférieur à celui prévu en janvier de 0, 3 point en 2018 puis 0, 6 point les autres années, aboutissant même à un excédent en 2022, ce qui serait du jamais vu depuis 1974.

Monsieur le ministre, vous prévoyez par ailleurs un déficit public structurel inférieur de 0, 2 point chaque année, alors même que l’effort structurel serait désormais deux fois inférieur en 2018 à ce qui était prévu en janvier : de 0, 1 % seulement après 0 % en 2017 – autrement dit, aucune amélioration –, alors que cet effort structurel est reporté essentiellement en fin de quinquennat, nous l’avions déjà souligné lors du débat budgétaire. La conjoncture très favorable devrait au contraire vous inciter à engager l’effort structurel dès à présent, sans plus attendre.

Les nouvelles prévisions du programme de stabilité confirment par ailleurs que la réduction du déficit durant le quinquennat reposerait essentiellement sur l’excédent budgétaire des collectivités territoriales et de la sécurité sociale.

L’État et les administrations centrales resteraient en déficit, de 3, 1 % en 2018 à 1, 2 % en 2022, alors que les administrations publiques locales seraient excédentaires de 0, 1 % en 2018 à 0, 7 % en 2022 et les administrations de sécurité sociale de 0, 7 % en 2018 à 0, 8 % en 2022.

Un autre point nous inquiète dans ce projet de programme de stabilité : les nouvelles prévisions de taux de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires sont bien supérieures à ce qui était prévu en janvier dans la loi de programmation. Ainsi, pour 2018, le taux de dépenses publiques est révisé, en l’espace de trois mois seulement, de 53, 9 % à 54, 4 %, soit 0, 5 point de plus ! Vous vous en êtes expliqué.

Encore ce dérapage n’inclut-il pas le coût de la suppression totale de la taxe d’habitation et de la reprise d’une partie de la dette de la SNCF, deux mesures annoncées par le Président de la République… Cela a été relevé par tous les groupes politiques. Or ces mesures vont peser très lourdement sur nos dépenses et creuser un peu plus le déficit et la dette, puisque leur coût se situe dans une fourchette, excusez du peu, estimée entre 20 milliards d’euros et 60 milliards d’euros !

Quant au niveau des prélèvements obligatoires en 2018, il est quant à lui révisé à la hausse, de 44, 3 % à 45 %, soit 0, 7 point de plus. C’est contraire à ce que vous nous disiez tout à l’heure, monsieur le ministre. En 2022, il est relevé de 43, 6 % à 44, 3 %, soit un niveau en fin de quinquennat quasi équivalent à celui de la fin de quinquennat de François Hollande : 44, 6 % en 2016. Il convient en effet de rappeler que la hausse de la fiscalité énergétique va représenter 14, 2 milliards d’euros d’alourdissement de la fiscalité sur les ménages et la hausse de la CSG 22, 5 milliards d’euros.

Je souhaite la réalité des chiffres plutôt que celle des mots ! Quand Emmanuel Macron se prévaut auprès des Français de baisser les impôts, la réalité est implacable : nous aurons à la fin de son quinquennat le même niveau de fiscalité qu’en 2016 sous François Hollande, soit le plus haut niveau d’Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

C’est votre document qui le dit, monsieur le ministre !

Enfin, pour compléter d’un mot la proposition de notre collègue Requier, s’il n’est pas possible d’installer le compteur de la dette sur le fronton de Bercy, pourquoi ne pas indiquer sur chaque feuille d’impôt sur le revenu le pourcentage dévolu au remboursement de la dette ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, cette idée de compteur est intéressante.

Nous pourrions commencer par en installer un au fronton du Sénat, monsieur le rapporteur général. En effet, je le rappelle, lors des débats budgétaires que nous avons connus ces derniers mois, la majorité sénatoriale, tout en réclamant dans de grands discours la baisse des dépenses publiques – ce « cadre » que M. Bargeton a évoqué tout à l’heure –, a réussi à augmenter celles-ci, par ses amendements, de 10 milliards d’euros, mais aussi de 4 milliards d’euros dans le PLFSS, soit de 14 milliards d’euros au total !

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Si, monsieur le rapporteur général : je parie avec vous un dîner dans le restaurant de votre choix ! Mais vous avez déjà perdu…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

À la liste sympathique de ces nombreux amendements s’ajoute la suppression des 3 milliards d’euros de baisse de la taxe d’habitation, ce qui aurait abouti, pour le coup, à l’augmentation des prélèvements obligatoires. En outre, vous augmentiez la TVA de deux points, puisque c’est ce que vous proposiez pendant la campagne présidentielle.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Non, monsieur Cuypers, j’ai soutenu Nicolas Sarkozy, qui était le seul candidat à ne pas défendre l’augmentation de la TVA : M. Juppé proposait de l’augmenter d’un point et M. Fillon de deux points. Je me souviens très bien de ce que j’avais soutenu, ce en quoi je suis cohérent, contrairement à un certain nombre d’orateurs que nous entendons ici.

M. Rapin avait par ailleurs proposé dans le débat sur le PLFSS, M. le rapporteur général étant lui- même dépassé, si je puis dire, quelque 4 milliards d’euros d’augmentation de dépenses publiques.

Affichons donc ce compteur à Bercy, mais aussi au fronton des deux assemblées, afin qu’il nous rappelle les décisions budgétaires que nous prenons toutes et tous. Cela aurait au moins le mérite d’éviter les discours quelque peu schizophrènes que nous entendons sur le pacte de stabilité ou la loi de programmation des finances publiques, dès lors qu’il s’agit d’entrer dans le détail.

J’ai ainsi noté, à l’attention de M. le rapporteur général, qui m’écoute d’une oreille distraite, …

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Pas du tout : j’entends les chiffres d’une oreille et je vous écoute de l’autre !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… mais je sais qu’il reste très performant, la file des questions d’actualité posées par le Sénat et sa majorité depuis le mois de juillet dernier.

Pour mémoire, il ne fallait pas toucher aux contrats aidés, à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… aux infrastructures de transport et à la politique du logement, à la réforme de laquelle vous étiez défavorables.

Il ne fallait pas non plus, selon vous, toucher à la baisse du nombre d’agents publics dans les territoires, notamment en ce qui concerne mon ministère, qui a porté l’essentiel de la suppression des 1 600 postes.

Il ne fallait pas non plus toucher aux crédits du sport et du CNDS, le Centre national pour le développement du sport – rappelez-vous, cela a fait l’objet d’une question d’actualité voilà une quinzaine de jours. Bercy a même été hué en public, manière de faire somme toute assez classique, si l’on se réfère à la théorie du bouc émissaire bien connue depuis René Girard.

Il ne fallait pas non plus toucher à la santé, ni à la justice, bien évidemment, et je parle sous le contrôle de Mme la garde des sceaux, présente à mes côtés.

Il ne fallait sans doute pas toucher aux armées, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… tant il est vrai que j’ai eu droit à de très nombreuses questions au moment où le Gouvernement a demandé le non-dégel des crédits de l’armée, qu’il a fini par dégeler parce qu’il a su prendre ses responsabilités. Et il ne fallait pas toucher aux dépenses sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

M. Patrick Kanner. Il ne fallait pas non plus toucher à l’ISF !

Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Parlez-nous de l’imposition des plus riches !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Par conséquent, monsieur Rapin, puisque vous m’interpellez aujourd’hui par une série de « il faut, il faut, il faut », en me disant qu’il faut rapidement, dès à présent, sans plus attendre, consentir des efforts structurels, je vous répondrai ceci : le seul problème, c’est que vous n’avez pas précisé lesquels !

On les attend donc en deuxième semaine, comme on dit, lorsque le compteur auquel je faisais référence sera installé dans ce bel hémicycle…

Monsieur Bocquet, si vous lisez Les Échos pour connaître les bienfaits du capitalisme, sachez qu’il m’arrive, de temps en temps, de lire moi aussi l ’ Humanité, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Absolument, nous sommes les seuls à le lire et je suis très heureux de pouvoir le dire ici !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

J’ai trouvé votre intervention particulièrement savoureuse lorsque vous vous êtes appliqué à faire la démonstration que, finalement, la dette n’était pas une si grave affaire, reprenant ainsi peu ou prou ce que dit M. Mélenchon à l’Assemblée nationale.

À vous entendre, dès lors que les deux tiers de nos créanciers ne sont pas français et qu’ils continuent à nous prêter, c’est qu’ils y trouvent un intérêt. Voilà une démonstration pour le moins étonnante, car je ne savais pas que vous aimiez autant enrichir les banques et les financiers.

Un rapide calcul permet de comprendre que la dette occupe le deuxième poste du budget de fonctionnement de l’État, bien avant le budget des armées, lequel, comme vous le savez, connaît pourtant une progression très importante depuis de nombreuses années, qui se confirme particulièrement dans le quinquennat en cours, et cela malgré une dissuasion nucléaire qui nous coûte déjà effectivement un peu cher.

Ces 43 milliards d’euros que nous coûtent chaque année les intérêts de la dette, nous les donnons aux banquiers, que vous dénoncez par ailleurs à la fin de votre propos. Voilà un raisonnement quelque peu contre-intuitif !

Désendetter notre pays, surtout au moment où nous allons supporter des taux d’intérêt de plus en plus élevés, c’est plutôt un système qui consiste à ne pas engraisser ceux que vous dénoncez. Lorsque vous critiquez l’augmentation de notre effort pour diminuer la dette, vous vous comportez, de fait, comme « l’idiot utile » des banquiers. Ne voyez pas là une attaque ad hominem, je ne fais que reprendre une expression historique.

Sourires sur les travées du groupe La République En Marche. – Mme Gisèle Jourda s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Vous les défendez en acceptant l’idée qu’il convient de continuer à verser autant d’intérêts à autant de financeurs qui ne protègent pas tout à fait les mêmes idées politiques que celles que vous prônez. Vous remarquerez sans doute, dans ce contexte, une légère contre-intuition politique et budgétaire… Si elle ne vous apparaît pas clairement, ce n’est pas si grave, nous avons d’autres points de convergence.

Monsieur Claude Raynal, je vous ai écouté avec intérêt et franchement, je regrette que M. Hollande ne vous ait pas choisi comme porte-parole. En effet, après votre propos, comment comprendre qu’il ne se soit pas représenté ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Il aurait sans doute été réélu avec un score quasi plébiscitaire…

J’avoue que votre geste était d’autant plus beau qu’il était inutile.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Vous avez pourtant, si je puis me permettre, commis une erreur d’appréciation sur les collectivités locales. Il est vrai que les encourager à ne pas trop dépenser est un réel changement par rapport à la politique que vous souteniez, laquelle consistait à baisser leurs dotations, ce qui est tout de même, là aussi, quelque peu contre-intuitif.

Vous l’aurez constaté, il a été décidé qu’une collectivité qui aurait, sur son budget de fonctionnement, dépensé 100 une année ne pourrait dépasser 101, 2 à ce titre l’année suivante, et ce en application du taux maximal d’évolution voté dans le dernier budget. S’il existe d’autres critères susceptibles d’augmenter ou de baisser ce taux, c’est en tout cas celui sur lequel nous nous sommes à peu près mis d’accord dans le débat budgétaire, celui que les assemblées, y compris la majorité sénatoriale, ont voté.

Or il me semble que le choix de diminuer la progression des charges de fonctionnement revient, dès lors que l’on est un élu responsable, à contenir les charges de personnel. En effet, ces dernières représentent entre 55 % et 60 % du budget de fonctionnement pour une collectivité dont les dépenses réelles de fonctionnement dépassent 60 millions d’euros, cas de figure visé dans les nouveaux contrats.

Le fait de contenir ces charges de personnel vous permet d’augmenter, à moins d’avoir une vision assez particulière des finances publiques locales, votre capacité d’autofinancement, donc d’investissement. Dans la mesure où cette capacité d’investissement n’est pas affectée par l’application du taux maximal d’évolution de 1, 2 %, cela permet de faire plus d’investissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

L’investissement ne créerait-il donc pas des dépenses de fonctionnement supplémentaires ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Nous pourrions avoir un long débat pour savoir si tous les investissements créent de nouvelles charges de fonctionnement. Ce n’est néanmoins pas le cas de tous les investissements.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Je prendrai l’exemple d’une commune que je connais bien, située dans le nord de la France : sur 17 millions d’euros de dépenses d’investissement, elle en consacre plus de 14 à la rénovation de ses équipements publics. Ce type d’opérations permet même de faire baisser les charges de fonctionnement, notamment grâce à la diminution des dépenses énergétiques et de fluides ou à la mutualisation avec d’autres communes !

Contrairement à ce que vous avez tenté de démontrer, nous n’entendons pas limiter l’investissement, comme l’a fait la majorité précédente, que vous souteniez, en désespérant les élus locaux par cette baisse des dotations de 11 milliards d’euros. Nous encourageons l’investissement en ne le contenant pas dans le champ des nouveaux contrats proposés et nous n’y mettons aucune limite en permettant justement d’accroître l’autofinancement. Il s’agit somme toute d’une politique publique très largement différente de la précédente.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Non, c’est beaucoup mieux !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est d’autant plus efficace que, vous l’aurez constaté, malgré tout ce que l’on a pu entendre, les premiers contrats ont été signés, de manière extrêmement équilibrée selon les collectivités locales. Nous serons très heureux d’en signer d’autres dans les prochains jours, y compris avec des édiles membres du parti socialiste.

Mme Marie-Noëlle Lienemann s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Eux ont le sens des responsabilités, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… considérant que l’accompagnement en termes de suivi des dépenses de fonctionnement dans le cadre de ces contrats est bien préférable aux 11 milliards d’euros de baisse de dotations que vous leur avez imposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Ces contrats sont négociés sous la contrainte avec les préfets !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Ce sont des contrats d’adhésion. Qu’en pense Mme la garde des sceaux ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais conclure rapidement, pour permettre à Mme la garde des sceaux et à vous-mêmes de poursuivre à une heure raisonnable la discussion du texte inscrit à l’ordre du jour.

Le projet de programme de stabilité que nous présentons, cela a été assez peu souligné, et il conviendra de l’acter en 2022, va permettre de diviser par deux, puis par trois, puis par quatre, la dépense publique.

Je regrette néanmoins, monsieur le président de la commission des finances, que nous n’en soyons pas encore au zéro volume, mais c’est un travail quotidien. Permettez-moi de vous rappeler que, sous le gouvernement précédent, puisque vous l’avez évoqué, vos amis étaient plutôt pleins d’allant en la matière, défendant une évolution des dépenses publiques comprise entre 1, 5 % et 2 % par an. Nous serons entre 0, 3 % et 0, 7 % au cours du quinquennat. S’il est vrai que ce n’est pas encore 0 %, force est de constater que les ordres de grandeur ne sont pas tout à fait les mêmes.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Ce n’est pas parce que l’on crie des contre-vérités, madame la sénatrice, que l’on a raison. Même à une heure tardive, il est toujours préférable de nous écouter sereinement, comme je l’ai moi-même fait, me semble-t-il.

Il est vrai que le gouvernement que je représente vous propose l’équilibre des comptes publics, ce qui n’est pas arrivé depuis quarante ans. Rien n’est gagné d’avance, nous n’avons jamais dit que nous y parviendrions de façon certaine, rappelant qu’il fallait compter sur la croissance internationale et, en même temps, sur les économies budgétaires ; encore faut-il savoir lesquelles et, une fois qu’elles sont définies, les tenir.

Il est tout aussi vrai que ce gouvernement propose une baisse des taux de prélèvements obligatoires très importante, ce qui n’est pas non plus arrivé depuis les années quatre-vingt-dix, en permettant notamment 10 milliards de baisses d’impôts dès cette année, baisses qu’une partie d’entre vous a d’ailleurs votées.

Voilà en effet une démarche fondamentalement différente : pour baisser les impôts, pour baisser la dette, encore faut-il baisser les dépenses publiques. Nous aurons sans doute un débat pour savoir lesquelles.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est sur ce point que le Gouvernement, malheureusement, est resté sur sa faim.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – MM. Emmanuel Capus et Philippe Bonnecarrère applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Monsieur le rapporteur général, permettez-moi de vous rappeler que vous avez déjà dépassé votre temps de parole dans le débat. Je vous donne la parole pour un rappel au règlement, mais je vous prie de bien vouloir être bref.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, j’annoncerai simplement que nous acceptons l’invitation à dîner de M. le ministre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Je rappelle que le Sénat, à l’issue du vote de la première partie du projet de loi de finances pour 2018 – j’ai vérifié à l’instant le procès-verbal de la séance du 11 décembre dernier – avait amélioré le solde de 785 millions d’euros.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Vous l’aviez dégradé !

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

Non, nous l’avions bien amélioré, à hauteur, j’y insiste, de 785 millions d’euros.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Mais vous aviez augmenté la dépense publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

M. le président. Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur le rapporteur général.

Cependant que M. le ministre continue d ’ argumenter, de son banc, avec M. le rapporteur général, des murmures se font entendre sur plusieurs travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, si vous souhaitez poursuivre la discussion, je vous invite à le faire à l’extérieur de l’hémicycle.

Pour l’heure, nous en avons terminé avec le débat portant sur le projet de programme de stabilité pour 2018-2022, consécutif à une déclaration du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.

Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons l’examen de l’article 1er.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 16, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Il appartient au plaignant de démontrer que l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’informations protégées au titre du secret des affaires l’a été dans le but de tirer un profit, de manière indue, d’investissements financiers réalisés par un autre, portant ainsi atteinte aux intérêts économiques de l’entreprise victime. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Tel qu’il est conçu aujourd’hui, le texte sur le « secret des affaires » offre une vision extrêmement intéressante du régime de la preuve. En effet, on demande aux lanceurs d’alerte attaqués en justice de prouver que l’information divulguée n’était pas couverte par le secret des affaires, d’une part, et que la divulgation était légitime, d’autre part.

Cela va à l’encontre de la présomption d’innocence et, donc, d’un des principes fondateurs de notre État de droit.

Cela va aussi à l’encontre de ce que rappelait l’Assemblée générale des Nations unies dans un rapport en 2015, à savoir que, quelle que soit la motivation du lanceur d’alerte, une protection devait lui être apportée dans l’intérêt général. Pour résumer, peu importe l’intention, la bonne action doit être couverte.

Cela va enfin à l’encontre même du bon sens. On va donc dédouaner de toute explication des entreprises ayant la puissance financière et l’accès à tous les éléments nécessaires leur permettant de confondre ce qui relève d’une infraction au secret des affaires.

C’est en ce sens que nous proposons, par cet amendement, de revenir sur cette inversion de la charge de la preuve et de nous inscrire dans le droit général, c’est-à-dire la nécessité pour le demandeur de confondre l’accusé.

Une nouvelle fois, on fait comme si le monde de l’entreprise était « hors-sol », au-dessus de toute exigence démocratique. Cela n’est clairement pas acceptable, d’autant plus dans une période où les recours abusifs à la justice sont de plus en plus nombreux.

Brouhaha.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir écouter les intervenants et de cesser ce brouhaha général, qui n’est pas propice à la bonne tenue de nos débats.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 41 rectifié bis, présenté par MM. J. Bigot, Leconte et Kanner, Mme de la Gontrie, MM. Durain, Sueur, Assouline et Courteau, Mmes Taillé-Polian, Lienemann, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Une action ne peut être engagée que si la partie poursuivante démontre que l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’informations qualifiées de secret des affaires l’a été dans le but de tirer profit, de manière indue, d’investissements financiers réalisés par un autre, portant ainsi atteinte aux intérêts commerciaux de l’entreprise victime. »

La parole est à M. Jacques Bigot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Cette disposition va dans le même sens que celle qui vient d’être présentée par notre collègue Éric Bocquet. Il s’agit, notamment dans le monde de la presse, de protéger, par le secret des affaires, une entreprise contre une autre entreprise.

La solution, effectivement, consiste à prévoir que l’entreprise qui engage une action doit démontrer que « l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’informations qualifiées de secret des affaires l’a été dans le but de tirer profit, de manière indue, d’investissements financiers réalisés par un autre », portant ainsi atteinte à ses intérêts commerciaux. Ainsi, on dissipera les inquiétudes en permettant aux entreprises victimes, par des concurrents, de la violation de leurs secrets d’affaires de se défendre efficacement.

Cet amendement devrait donc, à l’évidence, recevoir l’encouragement de M. le rapporteur, ainsi que celui de Mme la garde des sceaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 41

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 152 -1 - … – Il appartient à la partie poursuivante de démontrer que l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’informations qualifiées de secret des affaires l’a été dans le but de tirer un profit, de manière indue, portant ainsi atteinte aux intérêts économiques de l’entreprise victime. »

La parole est à M. Joël Labbé.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Il est proposé d’établir que la charge de la preuve revient à la partie poursuivante. L’inversion de la charge de la preuve, prévue par la directive et reprise dans la proposition de loi, présente en effet de nombreux dangers pour la liberté d’informer.

Des acteurs non économiques qui obtiendraient, utiliseraient et divulgueraient des informations pour des raisons d’intérêt général auraient à apporter eux-mêmes la preuve qu’ils relèvent des dérogations au secret des affaires. Ils s’exposeraient alors à des procédures judiciaires longues et coûteuses face à des acteurs économiques potentiellement très puissants.

Il existe donc un risque très fort d’effet dissuasif sur la liberté d’informer. Les nombreux syndicats et sociétés de journalistes qui se sont mobilisés contre cette proposition de loi nous indiquent l’ampleur de la menace que fait peser cette disposition.

Je citerai ici Édouard Perrin, journaliste à l’origine des révélations de l’affaire LuxLeaks, pour qui cette proposition de loi va servir à dissuader les journalistes d’enquêter. Je rappellerai enfin à mon tour que cet amendement est porté par un collectif d’ONG, de journalistes, de syndicats et de chercheurs, et que la proposition y figurant a fait l’objet d’une pétition, que j’ai précédemment citée, qui réunit plus de 350 000 signatures.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

La directive nous laisse des marges de manœuvre au niveau national. Utilisons-les pour protéger la liberté d’informer.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 29 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 42

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 152 -1 -… - Il appartient à la partie poursuivante de démontrer que l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’informations qualifiées de secret des affaires l’a été dans le but de tirer un profit, de manière indue, portant ainsi atteinte aux intérêts économiques de l’entreprise victime.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

C’est dans le même état d’esprit que nos collègues que nous avons déposé cet amendement. Pour ne pas en rajouter, je le retire, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 29 rectifié est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements restant en discussion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Ces trois amendements sont de même nature que les amendements n° 51 rectifié et 8, ainsi que des amendements identiques n° 67 rectifié et 69 rectifié, qui visaient l’alinéa 21 de l’article 1er.

Il s’agit de limiter la prise en compte des atteintes au secret des affaires aux seuls cas d’atteintes commises dans le but d’en tirer profit, au sens économique, dans le cadre des relations entre entreprises. Cette restriction est inopportune et contraire à la directive.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Il ne semble pas exact de prétendre que la directive et la proposition de loi procèdent à une inversion de la charge de la preuve.

Conformément à l’article 1315 du code civil et à l’article 9 du code de procédure civile, il appartiendra nécessairement au demandeur de prouver le bien-fondé de ses prétentions.

Ce demandeur devra donc démontrer que l’information dont il demande la protection répond aux conditions posées pour être qualifiée de secret d’affaires. Il devra prouver la faute, c’est-à-dire les actes ou les comportements illicites qui sont définis aux articles L. 151-3 à L. 151-5 que le texte prévoit d’insérer dans le code de commerce. S’il demande réparation, il devra prouver le préjudice subi.

De son côté, la partie défenderesse pourra apporter toute preuve contraire. Si elle soutient avoir agi dans le cadre de l’exercice d’un droit, elle devra prouver ce droit, conformément aux principes qui gouvernent la charge de la preuve dans toute procédure juridictionnelle ; la bonne foi sera toujours présumée.

J’ajouterai enfin, comme l’a souligné M. le rapporteur, que l’adoption de ces amendements conduirait à un défaut de transposition de la directive, en restreignant le champ d’application du dispositif de protection du secret des affaires.

Le Gouvernement émet donc lui aussi un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Madame la garde des sceaux, je suis désolé de prolonger le débat, mais votre argumentation est juridiquement inexacte.

Tout d’abord, la directive, en son article 1er, prévoit bien qu’elle ne doit pas porter atteinte à l’exercice du droit à la liberté d’expression et d’information. En l’espèce, l’entreprise qui attaquera un organe de presse ou un journaliste devra effectivement démontrer qu’elle a un secret d’affaires qui est protégé. Mais, ensuite, il reviendra à celui auquel est fait ce reproche de montrer qu’il a entrepris une telle démarche, celle de dévoiler ce secret, de manière licite.

Or, en ajoutant cette exigence, qui consiste à devoir d’abord prouver que l’on est victime d’un acte concurrentiel dangereux, on limitera le nombre de procédures. Ce qui inquiète énormément les organes de presse, notamment les journalistes, c’est que les directeurs de publication ne puissent faire face à la multiplication de procès extrêmement coûteux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Voilà le point essentiel pour la défense. Il s’agit d’éviter les « procédures bâillons », qui sont autant de menaces pour la liberté de la presse, ce que vous ne pouvez ignorer.

Juridiquement, nos amendements sont justifiés et votre position porte effectivement atteinte à la liberté de la presse.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Joël Labbé applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

M. Fabien Gay. J’irai dans le même sens que mes collègues. Moi, j’ai travaillé quatre ans à l ’ Humanité.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Je n’y étais pas journaliste. Si j’ai bien noté le mépris de M. Darmanin pour ce journal, je suis moi-même pour le pluralisme de la presse, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

M. François Grosdidier. Surtout quand elle est de gauche !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

… et j’ai longuement défendu, à l’époque, Le Figaro. Nous avons la chance de vivre dans un pays où il y a encore un pluralisme de la presse, qu’il faut continuer à défendre.

Sur cette question, soyons concrets. Vous avez eu raison, monsieur Bigot, de souligner la menace qui pèsera sur les rédactions. Qu’il s’agisse de LuxLeaks, WikiLeaks, HSBC, ou même de l’affaire Challenges ou de celle qui a opposé Paprec à l ’ Humanité, on ne sort pas une grosse affaire comme cela, dans le vent. Un directeur de publication demande des preuves et veut que l’on croise les sources. Il souhaite s’assurer, au moment de la parution de l’article, que celui-ci est, pour ainsi dire, « inattaquable ».

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Oui, mais cela arrive très souvent.

Or, si le texte est adopté en l’état, le directeur de rédaction, avant de s’engager, y réfléchira, non plus à deux ou à trois fois, mais à cent fois ! Pourquoi ? Parce qu’en plus de tout le reste il va devoir faire face à une avalanche de procès. Même si, au bout d’un certain nombre d’années, il les gagne en arrivant à apporter les preuves nécessaires, vous imaginez ce qu’il va se passer.

Pour les organes d’information indépendants – je cite Mediapart, mais il y en a d’autres –, un procès, c’est déjà beaucoup ; alors, que dire de deux, trois, cinq ou dix ? À un moment donné, mettez-vous à la place du directeur de la rédaction, vous plierez les genoux, vous rendrez gorge, vous ne ferez plus votre métier ; et vous direz à vos journalistes : « C’est sûr que vous avez raison, mais regardez le nombre de procédures qui nous visent. Nous avons à faire face à des groupes, des multinationales souvent, qui, eux, ont les moyens de mettre de l’argent, de payer les honoraires d’avocats, de mener de longues procédures. »

C’est le journalisme que l’on va tuer, mais aussi les lanceurs d’alerte. Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter l’un de ces trois amendements.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 59, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 42

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Par cet amendement, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande de supprimer le I de l’article L. 152-2, introduit dans le code de commerce par votre commission des lois. Y figure une disposition prévoyant que le point de départ du délai de prescription court à compter des seuls faits qui en sont la cause, de sorte que l’appréciation du juge serait purement objective.

Toutefois, s’agissant d’une action en responsabilité civile, le droit commun, tel qu’il est issu de l’article 2224 du code civil, s’applique. Un délai de prescription de cinq ans court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Pour fixer le point départ du délai, le juge fera donc une appréciation in concreto.

Il n’est pas justifié de déroger à cette règle concernant les actions ayant pour objet une atteinte à un secret des affaires. Au demeurant, la règle de prescription spéciale, introduite par la commission des lois, me semble de nature à atténuer significativement la protection du secret des affaires.

Je prendrai un exemple pour éclairer le débat. Le secret des affaires d’une entreprise pourrait être obtenu par un concurrent de manière illicite, puis exploité en toute discrétion pendant plusieurs années, en vue de la commercialisation d’un produit. Il est possible, finalement, que le détenteur légitime n’ait connaissance de ces comportements illicites qu’à partir du moment où ce produit sera commercialisé et qu’à ce moment-là son action soit prescrite. Il sera donc privé de toute possibilité d’obtenir la cessation ou la réparation de l’atteinte au secret des affaires dont il est la victime.

Par conséquent, je suis convaincue que cette disposition est contraire non seulement au droit commun de la responsabilité civile, mais également à l’esprit de la directive.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 80 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 42

Remplacer les mots :

cinq ans

par les mots :

douze mois

La parole est à M. Joël Labbé.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Le texte prévoit un délai de prescription de cinq ans ; la directive, quant à elle, un délai maximal de six ans.

Cet amendement vise à aligner les délais de prescription sur ceux qui sont établis par les ordonnances du 22 septembre 2017, dites « ordonnances travail », à savoir douze mois. Si la prescription est revue à la baisse concernant les salariés, pourquoi ne pas appliquer également ce délai aux entreprises ?

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 17, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 42

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

La parole est à M. Fabien Gay.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Dans la même logique, nous proposons un délai de prescription de trois ans. Cet amendement est donc défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 33 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel, est ainsi libellé :

Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

« Chapitre

« Délai de prescription

« Art. L. … – Le délai de prescription de toute action ayant trait à l’application de la présente loi est de douze mois. »

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Comme mon collègue Joël Labbé, je souhaite que le délai de prescription soit aligné sur ceux qui sont retenus pour les « ordonnances travail », à savoir douze mois.

Il me paraît très important qu’il n’y ait pas deux poids, deux mesures. On nous dit que ce n’est jamais trop pour les travailleurs, qu’il faut aller vite, car les entreprises ont besoin de clarté… Pourquoi ces dernières n’auraient-elles pas autant besoin de clarté dès lors qu’il s’agit du secret des affaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Madame la garde des sceaux, la commission a effectivement proposé de prévoir dans le texte des règles spécifiques en matière de délai de prescription, comme cela a été demandé unanimement, j’y insiste, par les magistrats, les avocats ou encore les entreprises que nous avons entendus lors des auditions.

Bien sûr, en l’absence de mention expresse, l’article 2224 du code civil se serait appliqué. Toutefois, il a paru plus cohérent de prévoir un dispositif de prescription dérogatoire, non pas sur le délai de cinq ans, mais sur le point de départ de ce dernier, directement inspiré du droit de la propriété industrielle, car les analogies sont nombreuses entre ce droit et le dispositif mis en place par la proposition de loi.

Le délai serait donc de cinq ans et le point de départ serait simplement la date des faits en cause, comme en matière de contrefaçon, ce qui appelle effectivement une appréciation objective et non subjective de la part du juge.

Il n’est pas exact de dire que seul le droit des brevets prévoit une telle règle. Celle-ci existe, dans le code de la propriété intellectuelle, en matière de dessins et modèles, à l’article L. 521-3, de brevets, à l’article L. 615-8, de produits semi-conducteurs, à l’article L. 622-7, et d’obtentions végétales, à l’article L. 623-29, hypothèses les plus comparables au secret des affaires.

En revanche, cette règle n’existe pas en matière de marques et d’indications géographiques, mais, en pareils cas, l’utilisation illicite d’une marque ou d’une indication géographique est par nature suffisamment visible pour la personne lésée pour que l’appréciation du point de départ du délai de prescription soit relativement objective.

En tout état de cause, rien ne s’oppose fondamentalement à la solution simple et cohérente prévue par la commission. L’avis de la commission sur l’amendement n° 59 du Gouvernement est donc défavorable.

Par ailleurs, les auteurs des amendements n° 80 rectifié bis, 17 et 33 rectifié proposent de réduire le délai de prescription à trois ans, voire à un an. La commission s’en est tenue au délai de droit commun de cinq ans, par analogie avec le droit de la propriété industrielle. Son avis est donc défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 80 rectifié bis, 17 et 33 rectifié ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Ces amendements tendant à s’opposer à l’amendement que j’ai défendu, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Madame la garde des sceaux, je comprends votre amendement et la proposition de revenir au texte de la proposition de loi.

Si vous aviez déposé un projet de loi, vous auriez fait une étude d’impact, sans doute suivi l’avis du Conseil d’État et proposé d’harmoniser le droit positif. Ce que vient de dire notre rapporteur prouve bien qu’il existe une vraie distorsion, dans le droit de la protection des entreprises, sur la fixation du point de départ. La commission propose de le fixer à compter de la survenance des faits, et vous à compter de leur découverte. Voilà une nuance extrêmement importante, car le délai pourrait courir beaucoup plus longtemps.

Nous allons donc nous abstenir, parce que c’est finalement à la commission mixte paritaire qu’il appartiendra de trouver la possibilité de sortir d’une telle impasse.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il est minuit et il nous reste vingt-cinq amendements à examiner. Je vous propose d’ouvrir la nuit, donc de prolonger notre séance, afin d’achever l’examen de ce texte, ce que nous devrions pouvoir faire dans des délais raisonnables.

Il n’y a pas d’opposition ?…

Il en est ainsi décidé.

L’amendement n° 60, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 53

Supprimer les mots :

, sur requête ou en référé,

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

La commission des lois a estimé utile de préciser que les mesures provisoires ou conservatoires destinées à prévenir une atteinte imminente ou à faire cesser une atteinte illicite à un secret des affaires, et qui seront prévues dans un décret en Conseil d’État, pourraient être ordonnées par le juge « sur requête ou en référé ».

Or cette précision me paraît inopportune, car elle pourrait restreindre les possibilités offertes au juge. En effet, outre la requête et le référé, de telles mesures peuvent également être ordonnées par le juge de la mise en état, par exemple dans le cadre d’une instance au fond.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous demande donc, au travers de cet amendement, de supprimer cette précision.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Le Gouvernement considère que la précision apportée par la commission risque de restreindre les possibilités offertes au juge.

L’objectif de la commission est tout autre ; il s’agit de guider le pouvoir réglementaire dans les procédures particulières qu’il aura à mettre en place, en prévoyant la possibilité d’une ordonnance sur requête motivée, c’est-à-dire rendue de façon non contradictoire, ou d’une ordonnance plus classique en référé.

D’après les magistrats et les avocats que nous avons vus, cette précision est nécessaire ; elle permettrait de mettre en place des procédures analogues à la saisie-description ou à la saisie-contrefaçon, de façon à pouvoir faire constater par huissier, à la demande d’une entreprise, qu’un produit a été fabriqué ou mis sur le marché en utilisant de façon illicite un secret des affaires. C’est un mode de preuve efficace. Dans ces conditions, si l’on peut éventuellement compléter la précision apportée par la commission, on ne saurait la supprimer.

En tout état de cause, le caractère réglementaire de la procédure civile permettrait de prévoir, par décret, d’autres mesures, en particulier des mesures susceptibles d’être ordonnées par le juge de la mise en état, comme cela est suggéré dans l’objet de l’amendement. Mais le dispositif de la proposition de loi en matière de mesures provisoires ou conservatoires s’applique-t-il bien à la mise en état ?

La commission émet donc un avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 87, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 55

Remplacer les mots :

ni ne pouvait savoir au regard des circonstances

par les mots :

, ni ne pouvait savoir au regard des circonstances,

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle avec les alinéas 25 et 26 de l’article 1er. Un pur amendement de virgule…

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 61, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 58

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsque cette indemnité est ordonnée en lieu et place des mesures prévues aux 1° et 2° de l’article L. 152-2, elle ne peut être fixée à une somme supérieure au montant des droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser ledit secret des affaires pour la période pendant laquelle l’utilisation du secret des affaires aurait pu être interdite.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Le paragraphe 3 de l’article 13 de la directive prévoit la possibilité d’allouer une indemnité en lieu et place des mesures correctives et des mesures d’injonction destinées à prévenir et à faire cesser une atteinte au secret des affaires.

Lorsque, au lieu de prononcer l’une des mesures prévues aux 1° et 2° de l’article L. 152-2 du code de commerce, le juge alloue une indemnité, le dernier alinéa du paragraphe 3 de l’article 13 de la directive impose que, par analogie avec le système des licences en matière de droit de la propriété industrielle, cette indemnité soit plafonnée à hauteur du montant des droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le secret des affaires.

Or le dernier alinéa de l’article L. 152-2 du code de commerce prévoit un tel plafonnement pour toutes les mesures correctives et d’injonction, et non pour les seules mesures prévues aux 1° et 2° de l’article précité. Cela n’est pas conforme à la directive et, en outre, cela a pour effet de réduire la protection accordée au secret des affaires – le Conseil d’État l’avait d’ailleurs relevé dans son avis du 15 mars dernier.

Je vous demande donc de préciser que l’indemnité se substituant aux mesures correctives et aux mesures d’injonction ne peut être plafonnée que lorsque la mesure évitée est l’une de celles qui sont prévues aux 1° et 2° de l’article L. 152-2.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Cet amendement tend à apporter une précision utile, qui permet de renforcer la conformité du texte à la directive.

La commission émet un avis favorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 31 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel, est ainsi libellé :

Alinéa 65, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 31 rectifié est retiré.

Je suis saisi de six amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 18, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 152 -6. – Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d’office, déclarer qu’une demande en justice ou un autre acte de procédure sur le fondement des dispositions du présent chapitre, est abusif.

« Si une partie établit sommairement que la demande en justice ou l’acte de procédure peut constituer un abus, il revient à la partie qui l’introduit de démontrer que son geste n’est pas exercé de manière excessive ou déraisonnable.

« La requête visant à faire rejeter la demande en justice en raison de son caractère abusif peut être présentée à titre de moyen préliminaire.

« Le tribunal peut, dans un cas d’abus, rejeter la demande en justice ou l’acte de procédure. Il peut également assujettir la poursuite de la demande en justice ou l’acte de procédure à certaines conditions, requérir des engagements de la partie concernée quant à la bonne marche de l’instance, suspendre l’instance pour la période qu’il fixe, ordonner à la partie qui a introduit la demande en justice ou l’acte de procédure de verser à l’autre partie, sous peine de rejet de la demande ou de l’acte, une provision pour les frais de l’instance, si les circonstances le justifient et s’il constate que sans cette aide cette partie risque de se retrouver dans une situation économique telle qu’elle ne pourrait faire valoir son point de vue valablement.

« Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement des dispositions du présent chapitre peut être en outre condamnée au paiement d’une amende civile. Le montant de l’amende civile ne peut excéder 60 000 euros pour les personnes physiques et 10 millions d’euros pour les personnes morales.

« L’amende civile peut être prononcée sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

La parole est à M. Guillaume Gontard.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Cet amendement vise à protéger plus efficacement journalistes et lanceurs d’alerte. Souvenons-nous en effet de Bolloré contre Mediapart, puis contre L ’ Obs, puis contre Le Point, puis contre France 2, de Chimirec contre Laurent Neyret, ou encore de Vinci contre le collectif Sherpa.

Toutes ces affaires ont quatre points communs. Le premier est la personne intentant le procès, une entreprise ou un groupe jouissant d’une aisance financière importante. Le deuxième est l’infériorité financière des personnes poursuivies. Le troisième est le motif invoqué de la plainte, la diffamation, la procédure faisant suite à des révélations journalistiques ou de lanceurs d’alerte ou à des éléments constitutifs de dossiers de recherche. Le dernier réside dans le but de ces procédures, qui est de trois ordres : intimider des personnes ou des associations, les user financièrement dans des procédures judiciaires longues et répétitives et déporter le débat public vers la sphère plus intime de la justice.

Ces procédures, que les Américains appellent SLAPP, Strategic Lawsuit Against Public Participation, sont des « procédures bâillons ». Le dispositif d’amende pour procédure abusive initialement prévu nous semblait déjà bien faible. En effet, la condamnation de Chimirec l’a montré, soit les entreprises usant de telles procédures ont les moyens d’aller au bout de la procédure et de payer une amende, soit elles ont la certitude, ayant « pressuré » des opposants gênants, que même une issue défavorable à leur procédure leur sera bénéfique.

Cet amendement vise donc à créer, à l’instar de la loi adoptée au Canada en 2009, une procédure accélérée dans le cadre des poursuites pour violation du secret des affaires. Sans rien retirer du droit d’ester en justice des entreprises concernées, l’amendement tend à permettre de rendre, en urgence, un premier jugement sur le caractère éventuellement abusif d’une plainte. Si l’abus est avéré, la procédure est suspendue, ce qui fait gagner du temps et de l’argent aux personnes poursuivies et aux services de la justice. Dans le cas contraire, la procédure suit son cours.

C’est pour éviter ces procédures longues et attaquer de front la pratique de la « procédure bâillon » que nous proposons cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 20, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par cinq alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 25 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l’absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l’amende civile ne peut excéder 100 000 € ou 2 % du chiffre d’affaires de la personne concernée.

« L’amende civile peut être prononcée sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

« Lorsqu’il est découvert ultérieurement que les informations ne sont finalement pas couvertes par le secret des affaires ou lorsqu’il est découvert ultérieurement que les menaces d’obtention, d’utilisation ou de divulgation ne sont pas avérées, la juridiction peut octroyer des dommages et intérêts la partie lésée en réparation du préjudice causé.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit d’un amendement de repli par rapport à celui que Guillaume Gontard vient de défendre.

Si, d’aventure, le Sénat ne souhaitait pas adopter l’amendement n° 18, qui a pour objet un mécanisme juridique permettant de déclarer rapidement le caractère abusif ou non d’une procédure, peut-être consentira-t-il à réintroduire dans le texte la section 4 portant sur les sanctions applicables en cas de procédure abusive, telle qu’elle existait dans la proposition de loi votée par l’Assemblée nationale.

Je ne vous ennuierai pas à répéter le même argumentaire que mon collègue, mais j’aimerais tout de même que la Haute Assemblée comprenne bien les enjeux liés à l’absence de protection vis-à-vis des procédures abusives : celles-ci sont le moyen le plus terre à terre, le plus pratique, pour des entreprises ayant le temps et l’argent, de bâillonner les trouble-fêtes.

Que l’entreprise perde ou gagne n’a, au fond, aucune importance ; elle aura gagné du temps et mis à genoux financièrement les personnes, journaux ou associations qui, eux, auront agi au nom de l’intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 19, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 1752 -6. – Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 25 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l’absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l’amende civile ne peut excéder 100 000 € ou 2 % du chiffre d’affaires de la personne concernée.

« L’amende civile peut être prononcée sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

La parole est à M. Fabien Gay.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

En matière de protection du secret des affaires, nous ne pourrons parvenir à un certain équilibre que lorsque les droits des plaignants seront en parfaite symétrie avec ceux des prétendus auteurs d’infraction.

À la lecture des dispositions de la proposition de loi, nous sommes assez loin de cet équilibre, et tout se passe, à bien y regarder, comme si le secret des affaires devait primer toute autre considération, les libertés les plus fondamentales étant reléguées au rang d’exceptions à la règle et à cette primauté.

Pourtant, il est évidemment une autre arme dans l’arsenal de bien des parties plaignantes, celle de la capacité de riposte, de la puissance économique, de la connaissance des procédures juridiques et de leurs arcanes. Lorsque le contentieux oppose deux entreprises l’une à l’autre, il peut connaître maints développements et durer quelques années.

Lorsque, en revanche, il oppose une entreprise transnationale à un particulier qui aurait eu l’étrange idée de jouer d’un algorithme sur les marchés de produits financiers dérivés ou de se rendre dépositaire d’une liste de clients privilégiés disposant d’un compte domicilié, par exemple, dans une localité helvétique accueillante, les données sont évidemment différentes ; l’une des parties dispose de moyens dont l’autre est en général fort dépourvue.

Il est d’ailleurs parfois assez facile de faire durer le plaisir pour que la partie adverse s’épuise en vaines procédures, en réaction à des pressions plus ou moins amicales, à des mouvements de personnel ou à des responsabilités destinées à créer du malaise.

Si tant est que les salariés, lanceurs d’alerte ou non, aient raison, nous sommes pour empêcher tout ce qui pourrait, au fil de l’instruction et jusqu’au verdict final, constituer un obstacle ou une entrave à la manifestation de la vérité. Il s’agit donc de pénaliser l’ensemble des actes caractérisant ce comportement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 44 rectifié, présenté par MM. J. Bigot, Leconte et Kanner, Mme de la Gontrie, MM. Durain, Sueur, Assouline et Courteau, Mmes Taillé-Polian, Lienemann, S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 152 -6. – Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l’absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l’amende civile ne peut excéder 60 000 euros pour les personnes physiques et 5 % du chiffre d’affaires hors taxes pour les personnes morales.

« L’amende civile peut être prononcée sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

La parole est à M. Jean-Yves Leconte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Cet amendement tend à rétablir le régime autonome d’amende civile prévu par le texte de l’Assemblée nationale et destiné à protéger les journalistes, les organes de presse et les lanceurs d’alerte contre les procédures abusives et contre les demandes disproportionnées de dommages et intérêts. Il s’agit ainsi d’empêcher de dissuader les organes de presse d’user de la liberté, je dirais même du devoir, d’informer.

La suppression de ce dispositif par le rapporteur de la commission des lois du Sénat, outre qu’elle contribue à déséquilibrer encore un peu plus l’économie générale du texte, ne nous paraît pas justifiée en droit.

Ainsi, le rapporteur invoque une décision QPC du 27 octobre 2017, dans laquelle le Conseil constitutionnel a censuré une amende destinée à sanctionner un manquement à une obligation de déclaration.

Toutefois, l’analogie ne nous semble pas recevable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

D’une part, dans la décision citée par le rapporteur, la fixation du montant de l’amende s’opère en proportion de la valeur de contrats non déclarés, alors que, dans la proposition de loi que nous examinons, la fixation du montant s’opérerait en proportion du montant des dommages et intérêts décidés par le juge.

D’autre part, le régime d’amende civile institué par l’Assemblée nationale, et que nous proposons de rétablir, est plafonné, ce qui n’était pas le cas du dispositif censuré par le Conseil constitutionnel.

L’argument tiré du non-respect du principe de proportionnalité de la peine ne nous paraît donc pas fondé. En réalité, nos collègues l’ont dit, au-delà de l’enjeu juridique, c’est la réalité même des procédures abusives, des « procédures bâillons », qui semble remise en cause par le rapporteur. Or la multiplication des procès contre les journalistes ou contre les organes de presse est bien réelle, et elle appelle une réponse, des moyens juridiques.

En tant que législateur, nous ne pouvons rester passifs face aux menaces portées contre la liberté d’informer, d’enquêter et de révéler. Le Sénat, qui a toujours défendu, législature après législature, majorité après majorité, les libertés individuelles, ne saurait déroger, ce soir, à cette tradition.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 54, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :

Alinéas 72 à 74

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

« Art. L. 152 -6. – Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l’absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l’amende civile ne peut excéder 60 000 €.

« L’amende civile peut être prononcée sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Cet amendement tend à rétablir l’amende civile plafonnée à 60 000 euros initialement prévue par le texte adopté par l’Assemblée nationale.

Il s’agit de lutter contre les « procédures bâillons », qui tendent à déstabiliser les journalistes et les lanceurs d’alerte par la multiplication de recours abusifs ou dilatoires. L’amendement vise à plafonner l’amende civile, ce qui permet au mécanisme d’échapper au grief d’inconstitutionnalité.

Ce dispositif nous semble essentiel pour assurer un juste équilibre entre la protection du secret des affaires et le respect de la liberté d’expression. C’est pourquoi nous demandons son rétablissement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 73 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Corbisez et Dantec, Mme Costes, M. Gold et Mme Laborde, est ainsi libellé :

Alinéa 74

Rétablir l’article L. 152-6 dans la rédaction suivante :

« Art. L. 152 -6. – En cas d’action du détenteur licite d’un secret au-delà du délai de prescription ou lorsqu’il est découvert ultérieurement que les informations ne sont finalement pas couvertes par le secret des affaires ou lorsqu’il est découvert ultérieurement que les menaces d’obtention, d’utilisation ou de divulgation ne sont pas avérées, la juridiction peut octroyer des dommages et intérêts la partie lésée en réparation du préjudice causé.

« Toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive sur le fondement du présent chapitre peut être condamnée au paiement d’une amende civile dont le montant ne peut être supérieur à 30 % du montant de la demande de dommages et intérêts. En l’absence de demande de dommages et intérêts, le montant de l’amende civile ne peut excéder 60 000 € pour les personnes physiques et 10 millions d’euros pour les personnes morales.

« L’amende civile peut être prononcée sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.

La parole est à M. Joël Labbé.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

M. Joël Labbé. Monsieur le président, vous avez tout à l’heure proposé d’« ouvrir la nuit ». C’est la première fois que j’entendais cette expression. Nos débats, admettons-le, sont un peu mornes ; ils manquent de poésie, mais ce n’est pas le cas de votre expression, qui me plaît beaucoup !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Derrière ce débat, il y a la liberté de la presse et celle des lanceurs d’alerte. Dieu sait que l’on a besoin, dans la société actuelle – si l’on continue ainsi, on va droit dans le mur –, de lanceurs d’alerte et de journalistes d’investigation ! Il faut donc les défendre.

Le présent amendement vise donc à rétablir le dispositif de sanction prévu en cas de procédure dilatoire ou abusive et supprimé par la commission des lois, tout en le complétant pour en améliorer l’efficacité et mieux transposer la directive. L’amendement tend à reprendre les obligations prévues dans la directive, car la proposition initiale relative aux procédures abusives était incomplète.

Par ailleurs, l’amendement a pour objet de modifier le plafond proposé par le texte initial pour l’amende civile, car celle-ci doit être suffisamment dissuasive pour éviter les poursuites abusives, attentatoires à la liberté d’expression et à l’intérêt général. La somme prévue de 60 000 euros est en effet dérisoire pour une grande entreprise.

Mes chers collègues, il convient de lutter contre les « procès bâillons » intentés pour contrarier la liberté d’expression des ONG, des journalistes et des lanceurs d’alerte, au moyen d’une sanction réellement dissuasive.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Les amendements n° 18, 20, 19, 44, 54 et 73 rectifié – on dirait les numéros du loto !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Toutefois, ma réponse sera suffisamment longue pour couvrir l’ensemble du sujet, qui est d’importance.

Ces amendements visent tous à rétablir, avec des variantes, notamment sur les montants – il faut reconnaître le talent et l’inventivité de chacun –, le mécanisme d’amende civile imaginé par l’Assemblée nationale pour sanctionner les procédures engagées abusivement par une entreprise au titre d’une violation alléguée du secret des affaires. J’observe toutefois que le Gouvernement n’a pas présenté un tel amendement.

La commission a supprimé ce mécanisme, avec une double argumentation.

D’une part, il existe aujourd’hui, dans le code de procédure civile, une amende civile de 10 000 euros pour procédure abusive. Je l’ai vérifié lors des auditions, cette amende n’est quasiment jamais prononcée, ni par les juges civils ni par les juges consulaires. Au nom du droit d’agir en justice, la Cour de cassation est effectivement très regardante sur un tel dispositif, et les juges répugnent donc beaucoup à l’utiliser, dans son principe même, sauf si l’abus est vraiment caractérisé et flagrant.

Dans ces conditions, il n’y a pas de raison qu’un nouveau dispositif soit davantage appliqué, quel que soit le montant prévu, surtout quand celui-ci est exorbitant au regard de l’amende existante de 10 000 euros ou quand il représente 20 % des dommages et intérêts demandés – on semble l’oublier dans nos débats, mais 20 % de 100 millions d’euros, ce n’est vraiment pas négligeable… Réintroduire ce mécanisme ne nous procurerait donc qu’une satisfaction symbolique ; je sais que l’on est ici dans le symbole – beaucoup l’ont affirmé ce soir –, mais on est aussi dans le concret.

Au surplus, les montants prévus par l’Assemblée nationale ne dissuaderaient pas une grande entreprise souhaitant agir quoi qu’il arrive, y compris en étant de mauvaise foi – 60 000 euros, pour une telle entreprise, ce n’est pas dissuasif.

D’autre part, ces amendements posent, à des degrés divers, un problème de nature constitutionnelle relatif au droit au recours et au principe de proportionnalité des peines. Pour ce qui concerne le droit au recours, la probabilité d’une telle sanction peut dissuader une petite entreprise d’agir.

Néanmoins, la fragilité constitutionnelle du dispositif porte surtout sur le principe de proportionnalité des peines. Le montant de 60 000 euros peut paraître disproportionné, de même que, a fortiori, ceux de 100 000 euros ou de 10 millions d’euros, visés par les amendements n° 18 et 73 rectifié, surtout par comparaison avec la sanction de droit commun de 10 000 euros applicable en cas de procédure abusive. On peut d’ailleurs s’interroger sur ce qui justifierait constitutionnellement un montant différent pour le cas précis du secret des affaires, par rapport à toutes les autres procédures abusives en matière civile.

Sur cet aspect de la disproportion du montant de l’amende en valeur absolue, on peut se référer utilement à la décision du Conseil constitutionnel du 23 mars 2017 sur la loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.

Pour ce qui concerne l’amende calculée en proportion du montant des dommages et intérêts demandés, de 20 % à 30 % selon les amendements – niveau inédit –, l’inconstitutionnalité me semble assez nette. Engager une procédure abusive, ce n’est pas commettre une infraction, c’est faire un usage abusif du droit d’agir en justice. Sanctionner cet abus consiste donc à sanctionner non une infraction de fond, mais un manquement procédural. La jurisprudence constitutionnelle est très restrictive en pareil cas.

Je cite, dans le rapport, la décision QPC du 27 octobre 2017, mais il y a d’autres exemples plus anciens, concernant la sanction de manquement à des obligations formelles ou procédurales, de même nature que ce qui nous occupe. En 2017, le Conseil a censuré une amende applicable en cas de non-déclaration de contrats d’assurance-vie conclus à l’étranger, dont le montant était fixé à 5 % de la valeur des contrats non déclarés pour les contrats d’une valeur au moins égale à 50 000 euros ; le montant de l’amende n’était donc pas plafonné, comme c’est le cas ici avec 20 % à 30 % du montant des dommages et intérêts demandés.

Or le Conseil a estimé que, « en prévoyant une amende dont le montant, non plafonné, est fixé en proportion de la valeur des contrats non déclarés, pour un simple manquement à une obligation déclarative, […] le législateur a instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu’il a entendu réprimer ».

Cette décision très récente semble tout à fait transposable : une amende civile de 20 % du montant des dommages et intérêts peut constituer une « sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits » sanctionnés, a fortiori lorsqu’est en cause le droit d’agir en justice.

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable sur l’ensemble des six amendements en discussion commune.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

La mesure introduite par l’Assemblée nationale avait pour objectif de prévenir et, le cas échéant, de sanctionner les procédures abusives, qui peuvent porter atteinte de manière particulièrement forte à l’exercice de ce droit fondamental qu’est la liberté d’expression.

Le risque de « procédure bâillon », relevé par plusieurs sénateurs, ne peut pas être ignoré, et les sanctions encourues en cas d’application du droit commun peuvent paraître insuffisantes, au regard notamment des intérêts à protéger. Je suis donc favorable au principe d’une amende civile, qui permette aux juges de sanctionner efficacement de tels abus.

Toutefois, il me semble important de mettre en place un dispositif équilibré, permettant de préserver le pouvoir du juge dans la caractérisation et la sanction des abus, et le caractère abusif ou dilatoire d’une action en justice ne peut être justement apprécié qu’à l’issue de celle-ci.

Or les amendements n° 19, 20, 18, 44 rectifié et 73 rectifié visent à invoquer l’existence d’un abus non pas seulement à l’issue de la procédure, mais dès son introduction, donc d’en établir la réalité de manière sommaire. En outre, ces amendements tendent à prévoir une amende civile majorée dont le plafond serait disproportionné, puisque ce dernier pourrait atteindre 10 millions d’euros ou représenter un pourcentage du chiffre d’affaires qui ne me semble pas adapté en l’espèce.

En revanche, je suis favorable à l’amendement n° 54. M. le rapporteur de la commission des lois a estimé qu’une mesure d’amende civile n’était pas utile, au motif, notamment, a-t-il précisé, que l’amende civile de droit commun est peu appliquée par les juridictions.

Cet argument ne me convainc pas, monsieur le rapporteur ; l’instauration d’une amende civile d’un type nouveau, telle qu’elle a été prévue dans la proposition de loi, pourrait au contraire, me semble-t-il, inciter les juridictions à se saisir de ce dispositif pour sanctionner les abus de procédure.

La commission des lois s’est également interrogée sur la constitutionnalité de cette amende civile, et je vous ai attentivement écouté sur ce sujet, monsieur le rapporteur. Je ne ferai pas ici de longs développements.

Néanmoins, s’il faut reconnaître que le Conseil constitutionnel a considéré qu’une amende civile était une sanction pécuniaire, soumise à ce titre à l’article VIII de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, il ne s’est, en revanche, jamais expressément prononcé sur la constitutionnalité d’une amende civile au regard du principe de proportionnalité des peines.

Par conséquent, nous sommes obligés de raisonner, comme vous l’avez fait, par analogie, avec une relative certitude ou une incertitude partielle, comme l’on voudra. Pour ma part, je pencherais plutôt, bien évidemment, pour la constitutionnalité du dispositif que le Gouvernement soutient. En effet, il s’agit non pas de réprimer une simple négligence, mais de sanctionner un abus de procédure, c’est-à-dire une véritable faute.

En outre, l’objectif du législateur est tout à fait essentiel, puisqu’il s’agit d’empêcher, par ce dispositif, toute entrave à l’exercice de la liberté d’expression ; l’objectif est bien clairement d’éviter les « procédures bâillons ». Enfin, pour apprécier la conformité à la Constitution du mode de calcul de l’amende civile en fonction du montant de la demande de dommages et intérêts, il faut se poser la question du lien entre le comportement fautif et le montant de la sanction.

Or l’amende civile, telle qu’elle est envisagée dans le nouvel article L. 152-6 du code de commerce, sanctionne le fait d’agir de manière abusive ou dilatoire sur le fondement des dispositions relatives à la protection du secret des affaires. C’est donc non pas la demande de dommages et intérêts en elle-même qui est sanctionnée, mais le montant des dommages et intérêts réclamés, qui constitue un élément permettant de révéler l’abus de procédure.

Je le répète, l’amende civile est destinée à éviter les « procédures bâillons » par lesquelles les grandes entreprises présentent des demandes de dommages et intérêts exorbitantes dans le but de dissuader les journalistes ou les lanceurs d’alerte de révéler certaines informations. Il est donc possible de caractériser un lien indirect entre le comportement fautif et la sanction. C’est la raison pour laquelle cette procédure me paraît être constitutionnelle.

Ainsi, l’amende civile majorée telle que proposée par le député Gauvain lors des débats à l’Assemblée nationale constitue une mesure à la fois très efficace et équilibrée de préservation des droits fondamentaux.

En résumé, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 54 et un avis défavorable sur tous autres les amendements en discussion commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Laménie

Je serai très rapide sur ces six amendements.

Je ne sais pas si, comme l’a dit notre collègue Joël Labbé, notre débat est morne, mais il est certainement complexe ! Ces amendements traitent d’un sujet particulièrement important pour le monde économique, pour les entreprises. Ils visent à poser des seuils différents et des montants importants d’amendes civiles, applicables aux personnes physiques ou aux sociétés, aux grandes entreprises.

Toutefois, compte tenu des explications très pédagogiques du rapporteur, je me rallierai à sa position et suivrai donc l’avis de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Je veux exprimer le soutien, pour plusieurs raisons, du groupe Union Centriste à l’amendement n° 54, présenté par M. Mohamed Soilihi.

La première raison est purement juridique. La rédaction initiale de ces amendements peut surprendre, puisqu’ils tendent à créer un régime dérogatoire, ou plutôt spécifique, d’amende civile.

Par principe, je suis assez favorable à l’application des dispositions de droit commun ; néanmoins, je ferai observer que, en quelques minutes au cours de la soirée, deux régimes dérogatoires au droit commun ont été créés sur proposition de notre commission des lois – je pense en particulier au régime de la prescription. Or, quand on s’engage dans une démarche consistant à se dégager du droit commun, il ne faut pas être surpris si d’autres initiatives émergent en ce sens.

Cela me conduit à poser, en second lieu, la question de l’équilibre politique du texte. J’admets volontiers qu’il existe une pertinence à prévoir dans ce texte une clause « anti-bâillon », tant pour ceux qui veulent légitimement protéger la liberté d’expression que, me semble-t-il, pour ceux – je me tourne vers mes collègues du groupe Les Républicains – qui ont la volonté de défendre le plus fermement possible le secret des affaires.

Nous en sommes tous conscients, à l’Assemblée nationale, le débat a été complexe et la notion de secret des affaires a été prise en compte justement parce qu’elle trouvait en quelque sorte sa contrepartie dans cette clause « anti-bâillon ». Or je crains que le retrait de cette clause « anti-bâillon » ne complique la commission mixte paritaire et que les avancées obtenues par notre assemblée ne soient pas retenues.

Enfin, la rédaction de l’amendement de M. Mohamed Soilihi présente l’avantage d’être constitutionnelle, puisque, dans sa première partie, le montant de l’amende civile est tout à fait proportionnel aux dommages et intérêts.

La référence aux contrats d’assurance me paraît inopérante, puisque, dans la décision visée, il n’y avait aucun lien entre le montant du contrat d’assurance, le montant des capitaux assurés et la question à traiter. Au contraire, les dispositions des autres amendements posent une difficulté, que le plafonnement figurant dans l’amendement n° 54 me paraît résoudre. Je soutiendrai donc cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Je pourrais presque m’abstenir d’intervenir, mon collègue venant de très bien défendre cet amendement et d’expliquer en quoi il échappait au grief d’inconstitutionnalité.

La décision du Conseil constitutionnel citée par M. le rapporteur était notamment motivée par l’absence de dispositif de plafonnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Si !

Par ailleurs, le faible nombre de décisions prononcées par la jurisprudence sur ce motif n’est pas une explication. Pourquoi les décisions ont-elles été si peu nombreuses ? Il faut se poser la question. La pratique montre que c’est tout simplement parce que l’amende civile, à la différence des dommages et intérêts, va au Trésor public, et non dans la poche du plaignant.

M. Philippe Bonnecarrère acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

J’insiste sur la nécessité d’adopter ce dispositif, qui, en accroissant la dimension dissuasive de la proposition de loi, permettra de compléter celle-ci dans sa recherche d’un équilibre délicat entre protection des libertés individuelles et sanction de procédés malhonnêtes.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

M. Fabien Gay. Madame la garde des sceaux, je vous ai interpellée plusieurs fois tout à l’heure pour obtenir une réponse politique. Alors que l’examen de l’article 1er touche à sa fin, je reviens à la charge. Il faut dire que je suis de nature monomaniaque…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Vous n’avez pas répondu aux inquiétudes des journalistes, des chercheurs, des ONG, des représentants syndicaux, qui, dans leur grande diversité, ont pris un certain nombre d’initiatives, nous ont toutes et tous interpellés, ont diffusé une pétition, signée, comme Joël Labbé l’a souligné, par plus de 350 000 personnes. Une autre, lancée voilà quelque temps par Élise Lucet, avait réuni plus de 500 000 personnes, avec de nombreux signataires issus du monde de la radio et de la télévision.

Vous avez refusé les amendements tendant à restreindre le champ d’application du secret d’affaires aux seuls acteurs économiques concurrentiels. Vous avez également refusé l’ensemble des amendements visant à opérer une inversion de la charge de la preuve. Maintenant, vous refusez cette série d’amendements, alors même que leurs dispositions touchent au cœur du débat.

Les professionnels s’interrogent : pourront-ils continuer à exercer leur métier correctement ? Les lanceurs d’alerte pourront-ils continuer à rendre publiques des informations d’intérêt général, ne relevant évidemment pas de l’espionnage économique, comme ils l’ont fait dans des dizaines d’affaires – Mediator, HSBC, LuxLeaks,  « Panama Papers », et j’en passe ?

Telle est la question, madame la garde des sceaux. Or, je suis désolé de vous le dire, je ne vous ai pas entendue y répondre, bien que je vous aie écoutée très attentivement depuis le début de nos débats. Ce n’est pas ainsi que vous lèverez l’inquiétude très légitime de ceux qui nous regardent ce soir !

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Monsieur le sénateur, je vous écoute et je vous ai répondu. Peut-être est-ce vous qui ne m’avez pas entendue…

Tout d’abord, je n’ai pas rejeté tous les amendements, puisque, précisément, je viens d’émettre un avis favorable sur l’amendement défendu par M. Mohamed Soilihi.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

C’est le fond de cet amendement qui est important et qui justifie mon soutien ! De mon point de vue, cette disposition présente l’intérêt de rétablir un mécanisme extrêmement original, précisément destiné à dissuader des entreprises qui voudraient interdire à des lanceurs d’alerte ou des journalistes de mener des enquêtes liées à ce droit constitutionnellement garanti qu’est la liberté d’expression. Tel qu’il est conçu, le mécanisme de l’amende civile est extrêmement protecteur.

D’une part, dans le texte de la proposition de loi que soutient le Gouvernement, il est expressément écrit que le principe de secret des affaires connaît un nombre de dérogations précisément énumérées. D’autre part, nous cautionnons l’équilibre qui a ainsi été établi par la mise en place d’une amende civile dont le montant est lié à la demande des dommages et intérêts. Ce système est extrêmement intéressant, parce qu’il est très dissuasif.

Je crois donc que, contrairement à ce qui est écrit dans la lettre ouverte qui vient d’être adressée au Président de la République et que j’ai sous les yeux, le secret ne devient pas la règle et les libertés l’exception. C’est bien parce que nous sommes dans un pays qui respecte la liberté d’expression, laquelle est garantie dans notre Constitution et, d’ailleurs, dans les textes européens, c’est bien parce que c’est cela la règle qu’il apparaît également nécessaire de protéger le secret des affaires, qui est un élément de l’attractivité de notre économie.

À cet égard, le texte est équilibré : il contient des dispositifs qui permettent expressément de dissuader tout abus ou tout excès dans un sens ou dans l’autre.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er est adopté.

(Non modifié)

La section 2 du chapitre III du titre VIII du livre IV du code de commerce est abrogée.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 24, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Il s’agit d’un amendement de cohérence avec notre amendement n° 21, qui n’a malheureusement pas été adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Par cohérence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui est contraire à sa position.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Même avis défavorable.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 1 er bis est adopté.

Le code de justice administrative est ainsi modifié :

1° Au livre VI, il est ajouté un titre Ier ainsi rédigé :

« TITRE I ER

« LA PROCÉDURE ORDINAIRE

« CHAPITRE I ER

« La communication de la requête et des mémoires

« Section 1

« Dispositions générales

« Section 1 bis

« Dispositions propres à la communication électronique

« Section 2

« Dispositions applicables devant les tribunaux administratifs

« Section 3

« Dispositions applicables devant les cours administratives dappel

« Section 4

« Dispositions applicables devant le Conseil dÉtat

« Section 5

« De la protection des pièces couvertes par le secret des affaires

« Art. L. 611 -1. – Les exigences de la contradiction mentionnées à l’article L. 5 sont adaptées à celles de la protection du secret des affaires répondant aux conditions prévues au chapitre Ier du titre V du livre Ier du code de commerce. » ;

bis La section 6 du chapitre Ier du titre IV du livre VII est complétée par un article L. 741-4 ainsi rédigé :

« Art. L. 741 -4. – La motivation de la décision et les modalités de la publication de celle-ci peuvent être adaptées aux nécessités de la protection du secret des affaires. » ;

2° Le titre VII du même livre VII est ainsi modifié :

aa) Après le mot : « réserve », la fin de l’article L. 775-1 est ainsi rédigée : « des articles L. 153-1 et L. 153-2 du même code et du titre VIII du livre IV dudit code. » ;

a) L’article L. 775-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 775 -2. – L’article L. 77-13-2 est applicable au présent chapitre. » ;

b) Il est ajouté un chapitre XIII ainsi rédigé :

« CHAPITRE XIII

« Le contentieux relatif à la prévention, la cessation ou la réparation dune atteinte au secret des affaires

« Art. L. 77 -13 -1. – Lorsqu’elles relèvent de la juridiction administrative, les actions tendant à prévenir, faire cesser ou réparer une atteinte portée au secret des affaires sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions du présent code, sous réserve du titre V du livre Ier du code de commerce.

« Art. L. 77 -13 -2. – Par dérogation à l’article L. 4 du présent code, l’exécution de l’ordonnance enjoignant la communication ou la production d’une pièce ou d’une catégorie de pièces dont il est allégué qu’elle est couverte par le secret des affaires est suspendue jusqu’à l’expiration du délai d’appel ou, le cas échéant, jusqu’à ce qu’il ait été statué sur l’appel. »

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L’amendement n° 23 est présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

L’amendement n° 34 rectifié est présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel.

L’amendement n° 77 rectifié est présenté par MM. Labbé, Arnell et Artano, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold et Mme Laborde.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guillaume Gontard, pour présenter l’amendement n° 23.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

L’article L. 5 du code de justice administrative prévoit que « l’instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l’urgence, du secret de la défense nationale et de la protection de la sécurité des personnes. »

L’article 1er ter insère, au sein du code de la justice administrative, d’une part, un article permettant de déroger au principe de la contradiction, et, d’autre part, des dispositions renvoyant au code de commerce pour le régime juridique des actions tendant à prévenir, faire cesser ou réparer une atteinte au secret des affaires. Ce faisant, on érige le secret des affaires au même niveau que la protection de la défense nationale, en revenant sur le principe du contradictoire devant les juridictions administratives. Ce n’est pas acceptable !

Cet article a pour but de limiter la liberté du juge administratif en matière de motivation de ses décisions lorsque le secret des affaires serait en jeu, ce qui peut poser problème au regard de l’indépendance de ce juge, qui est affirmée par le code de la justice administrative lui-même.

Au demeurant, il va de soi que le juge administratif respecte, dans la rédaction de ses décisions, le secret médical, le secret défense ou même le secret industriel, alors même que ceux-ci ne sont pas mentionnés dans le CJA.

Le syndicat des avocats de France, que nous avons auditionné, nous rappelle justement que le principe de la contradiction est un principe cardinal du procès administratif, consacré par la Cour européenne des droits de l’homme, la CEDH. Le Conseil d’État a dû, dans certains cas, admettre que l’objet du litige pouvait justifier une dispense du respect du caractère contradictoire de l’instruction et a fait évoluer le contrôle normal du juge vers un contrôle de proportionnalité lorsqu’est en jeu l’exercice des libertés fondamentales, afin de préserver l’équilibre entre les impératifs de sûreté et de sécurité et le droit à un procès équitable.

Par cet article, c’est le contrôle de proportionnalité opéré par le juge qui est remis en cause. C’est pourquoi nous en proposons tout simplement la suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour présenter l’amendement n° 34 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

On ne saurait accepter que les litiges liés au secret des affaires empêchent un débat contradictoire, condition d’un procès équitable.

Des aménagements existent déjà, comme la prise en compte de l’exigence de proportionnalité par le juge, dont mon collègue vient de parler. Il n’y a aucune raison de créer un nouvel aménagement au principe du débat contradictoire. Ce serait gravement dangereux.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 77 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Cet amendement a déjà été bien défendu, mais, comme c’est le dernier que je présente sur ce texte, je ne résiste pas au plaisir de prendre la parole…

Cet amendement vise à faire respecter le droit de la défense, notamment le principe du contradictoire devant les juridictions, qui est menacé par ce texte.

Ce principe fondamental est établi par la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme. Le secret des affaires ne justifie pas de l’aménager. Il est essentiel pour une personne jugée d’avoir accès aux pièces du dossier pour garantir le droit fondamental à un procès équitable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Ces amendements identiques sont contraires à la position de la commission, qui a approuvé l’article 1er ter.

L’avis de la commission est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Même avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

À titre personnel, je ne souscris pas à ces amendements, bien que je comprenne la préoccupation de leurs auteurs au sujet du principe du contradictoire.

En même temps, l’article 9 de la directive insiste sur cette question, en prévoyant que les États membres veillent à ce que les parties, leurs avocats et représentants, le personnel judiciaire, notamment, ne divulguent pas ce qu’ils peuvent apprendre, dans le cadre d’une procédure, sur des choses secrètes.

Comme je l’ai souligné au début de nos débats, cette question compliquée mériterait une réflexion approfondie. Pour l’heure, le texte n’est pas satisfaisant.

En même temps, il faudra bien trouver une solution pour répondre aux exigences de l’article 9 de la directive, qui permet aussi de protéger l’entreprise. En effet, la procédure engagée peut aboutir à un risque majeur pour l’entreprise : que le secret d’affaires qu’elle cherche à protéger ne soit dévoilé encore davantage qu’il ne l’a déjà été.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je mets aux voix les amendements identiques n° 23, 34 rectifié et 77 rectifié.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L ’ article 1 er ter est adopté.

Le chapitre IV du titre Ier du livre III du code pénal est ainsi modifié :

1° Après la section 1, est insérée une section 1 bis ainsi rédigée :

« Section 1 bis

« Du détournement dune information économique protégée

« Art. 314 -4 -1. – Le fait d’obtenir, d’utiliser ou de divulguer de façon illicite une information protégée au titre du secret des affaires en application du chapitre Ier du titre V du livre Ier du code de commerce, en contournant sciemment les mesures de protection mises en place par son détenteur légitime, afin d’en retirer un avantage de nature exclusivement économique, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 375 000 € d’amende. » ;

2° La section 4 est ainsi modifiée :

a) Au premier alinéa de l’article 314-10, la référence : « et 314-3 » est remplacée par les références : «, 314-3 et 314-4-1 » ;

b) Au premier alinéa de l’article 314-12, la référence : « et 314-2 » est remplacée par les références : «, 314-2 et 314-4-1 ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 38 est présenté par MM. J. Bigot, Leconte et Kanner, Mme de la Gontrie, MM. Durain, Sueur, Assouline et Courteau, Mme Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain.

L’amendement n° 55 est présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

L’amendement n° 65 est présenté par le Gouvernement.

L’amendement n° 84 rectifié est présenté par MM. Requier, Gabouty, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, M. Gold, Mme Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et MM. Menonville et Vall.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 38.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Notre commission a introduit dans le dispositif, avec cet article 1er quater, un volet pénal, ce qui nous paraît, en l’état, extrêmement dangereux.

Tout d’abord, le Conseil d’État lui-même rappelle, dans son avis, qu’il avait déjà, en 2011, dans le cadre d’une réflexion sur l’instauration d’un régime de protection des informations sensibles des entreprises, souligné les obstacles juridiques auxquels se heurtaient la définition et la mise en œuvre d’une nouvelle infraction.

Le secret des affaires n’étant pas défini de manière parfaitement claire, la constitution de l’infraction peut poser un premier problème.

En outre, notre rapporteur nous a indiqué que, dans la manière dont il l’avait construit, ce délit ne concernerait pas les journalistes. Cependant, la rédaction ne nous paraît pas tout à fait convaincante de ce point de vue.

Par ailleurs, si la directive ne prévoit pas du tout de délit pénal, elle ne l’exclut pas et permet aux États de l’envisager. Cela dit, la réalisation de votre objectif, qui est de transposer la directive avant le 9 juin prochain, ne nécessite aucunement de consacrer ce délit pénal.

De toute façon, il conviendrait de se donner le temps de vérifier que l’institution d’un tel délit est nécessaire et faire très attention à la manière de le constituer. En droit pénal, il faut être extrêmement prudent.

C’est la raison pour laquelle je propose la suppression de cet ajout de notre commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 55.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Cet amendement vise à supprimer l’infraction pénale prévue en cas de détournement d’une information économique protégée.

Comme notre collègue Jacques Bigot vient de le préciser, la directive ne prévoit pas de sanction pénale en cas d’atteinte au secret des affaires. De fait, les travaux de l’Assemblée nationale ont volontairement exclu le recours à la voie pénale, en préférant la voie civile, pour protéger les atteintes au secret des affaires. Par ailleurs, notre arsenal pénal actuel permet d’ores et déjà de réprimer les atteintes au secret des affaires.

Cette nouvelle infraction pénale n’apparaît donc pas nécessaire. Dans un souci de cohérence avec la directive, il convient de la supprimer.

Lorsque nous avons déposé cet amendement, nous sommes partis d’un équilibre, qui reposait notamment sur l’amende civile. Puisque celle-ci vient d’être désapprouvée, je rechignerais presque à solliciter la suppression de la sanction pénale…

Quoi qu’il en soit, cette sanction serait disproportionnée par rapport à l’objectif de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 65.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Nous proposons la suppression de l’infraction pénale, et cela pour trois raisons.

En premier lieu, cette infraction pénale spéciale constitue une surtransposition, puisque la directive prévoit seulement une obligation de réparation civile en cas d’obtention, d’utilisation ou de divulgation illicite de secrets d’affaires et n’exige donc pas de la part des États qu’ils prennent des mesures afin que ces comportements fassent l’objet de sanctions pénales. L’option pénale a d’ailleurs été écartée lors des travaux d’élaboration de la directive. Par conséquent, il me semble qu’établir cette sanction pénale renforcerait la disparité entre les États membres.

En deuxième lieu, il n’apparaît pas nécessaire de créer une infraction pénale autonome de violation du secret des affaires, les atteintes portées à celui-ci pouvant en effet être sanctionnées par de nombreuses dispositions existant actuellement en droit pénal, notamment le vol, l’abus de confiance, l’introduction et l’extraction de données dans des systèmes de traitement automatisé des données, l’atteinte au secret de correspondance, par des dispositions qui résultent d’autres textes, comme la loi de blocage, ou encore par des dispositions pénales qui sanctionnent les atteintes aux droits de la propriété intellectuelle ou aux droits fondamentaux de la Nation.

En troisième lieu, la rédaction de cette nouvelle infraction ne satisfait pas, me semble-t-il, au principe de légalité des délits et des peines, puisqu’elle renvoie à des règles particulières mises en place par des personnes privées.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour présenter l’amendement n° 84 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Mes arguments seront à peu près les mêmes que ceux de mes collègues.

Il s’agit bien sûr d’une surtransposition, qui peut nous éloigner d’une meilleure harmonisation européenne. L’article crée un nouveau délit, alors que l’arsenal juridique existant suffit à poursuivre l’espionnage industriel tel que cela vient d’être évoqué.

Ensuite, sa rédaction introduit une distorsion dans la compréhension de la proposition de loi, puisqu’elle précise qu’il s’agit d’avantages dont la nature est exclusivement économique, alors que le texte vise à transposer une protection générale du secret des affaires. D’ailleurs, l’amende civile, qui a notre faveur, ne mentionnait pas un tel motif.

J’ajoute que les procédures civiles ont l’avantage d’être beaucoup plus rapides que les procédures pénales.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Ces amendements visent à supprimer le délit d’espionnage économique, ou détournement d’une information économique protégée, introduit par la commission des lois.

Trois arguments principaux sont opposés à l’article 1er quater.

Premièrement, il s’agirait d’une surtransposition, car ce délit n’est pas prévu par la directive. Vous l’avez tous dit, la directive est complètement muette sur d’éventuelles sanctions pénales. Et pour cause ! Devons-nous, mes chers collègues, vous apprendre à lire les textes ?

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Si surtransposition il y a, c’est pour mieux protéger les entreprises. En effet, les États membres sont libres de prévoir un volet pénal en cas d’atteinte grave au secret des affaires. Madame la garde des sceaux, l’Italie est le seul pays, parmi les Vingt-Sept, à avoir officiellement déclaré, dans les négociations et dans cette phase de transposition de la directive, qu’elle envisageait d’assortir cette transposition de la création d’un volet pénal.

Deuxièmement, la définition du secret des affaires serait trop générale ou imprécise pour pouvoir fonder une incrimination pénale conforme au principe de légalité des délits et des peines, qui suppose de définir l’infraction de façon suffisamment précise. C’est exact ! Pour cette raison, l’incrimination est plus précise que la seule atteinte au secret : elle comporte un élément matériel précis, le fait de contourner sciemment les mesures de protection mises en place par le détenteur légitime du secret, et un élément intentionnel tout aussi précis, le but d’en retirer un avantage de nature exclusivement économique.

De plus, pour être constituée, cette infraction nécessitera la preuve du dol général – la volonté d’obtenir une information protégée en contournant sciemment des mesures de protection, donc en ayant conscience de violer la loi pénale –, mais aussi la preuve d’un dol spécial – la volonté d’en retirer un avantage de nature économique.

Que les mesures de protection soient mises en place par une personne privée, ce que discute l’auteur de l’amendement n° 55, est sans portée : dans un vol ordinaire, il s’agit bien de contourner des mesures de protection mises en place par une personne privée pour protéger son bien.

Le texte de la commission ne soulève donc pas de problème de constitutionnalité. Il tient compte des objections du Conseil d’État. Le Gouvernement n’oppose d’ailleurs pas cet argument de l’inconstitutionnalité.

Troisièmement, les incriminations pénales existantes suffiraient à sanctionner toutes les hypothèses d’atteinte au secret des affaires.

Tel n’est pas le constat que je tire de mes auditions, même si l’atteinte au secret professionnel, l’atteinte au secret des correspondances, le vol, l’abus de confiance ou encore l’intrusion dans un système informatique peuvent être invoqués et ont été admis par la Cour de cassation dans quelques cas d’atteinte au secret des affaires. Pour les atteintes les plus graves et frauduleuses à celui-ci, une incrimination pénale spécifique est nécessaire, comme en matière de contrefaçon, laquelle permet, au choix, une action civile ou une action pénale.

L’espionnage économique est une réalité qui frappe les entreprises françaises et pour laquelle l’action civile n’est pas suffisante. Tout le monde s’accorde à le dire. Cette sanction pénale est donc également nécessaire en raison de sa portée plus dissuasive, à l’égard de certains intérêts économiques étrangers, qui, parfois, ne reculent devant aucun moyen pour piller le patrimoine informationnel des entreprises françaises.

Enfin, contrairement à ce que laissent suggérer les auteurs de l’amendement n° 84 rectifié, cette disposition n’a strictement rien à voir avec les journalistes ou les lanceurs d’alerte. C’est évidemment délibéré, car il s’agit de sanctionner une entreprise concurrente particulièrement malveillante.

Pour terminer tout à fait, je veux dire que le débat sur ce sujet est non pas technique, mais bien conceptuel : il s’agit véritablement de savoir ce que nous voulons exactement pour protéger le secret des affaires. Dans la guerre économique que nous connaissons, les Chinois et les Américains, pour ne pas les citer, se sont dotés d’un arsenal juridique et législatif avec un volet pénal particulièrement agressif à l’égard de ceux qui se risqueraient à violer le secret des affaires. Je pense notamment, pour les États-Unis, au Cohen Act.

Je rappelle également qu’une résolution européenne adoptée par le Sénat le 11 juillet 2014, citée à la page 17 du rapport, recommande à chaque État de conserver la faculté d’instituer un délit pénal spécifique.

Le choix qui nous est offert maintenant porte sur la conception même que nous nous faisons de la protection du secret des affaires. Comme l’a déclaré l’une des personnes que j’ai auditionnées, dans cette guerre économique, l’amende civile est une épée de bois. Aujourd’hui, nous offrons, dans cette guerre, un volet pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Mais ce que je dis est important, monsieur le président !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Au reste, il me semble que, répondant à quatre amendements en même temps, je dispose de quatre fois deux minutes trente… Je crois que je n’ai pas utilisé la totalité de ce temps.

J’y insiste, mes chers collègues, il s’agit véritablement d’un choix conceptuel, celui de l’arsenal dont nous voulons doter nos entreprises. Il ne s’agit pas des lanceurs d’alerte, déjà largement protégés et totalement exclus de cet arsenal pénal. Nous avons encadré le dispositif. Maintenant, c’est à vous de choisir !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Mes chers collègues, je vous rappelle que nous devons absolument cesser nos travaux à une heure trente.

La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Comme je l’ai déjà indiqué lors de la réunion de la commission des lois, je soutiens les amendements de suppression de ce délit.

Pour ma part, j’écarterai l’argument de la surtransposition, qui a été évoqué par plusieurs de mes collègues au soutien de ces amendements. En effet, le texte de la directive laisse les États libres de mettre en place une infraction pénale s’ils le souhaitent. Comme M. le rapporteur l’a rappelé, il est exact que, à notre connaissance, un seul pays a exprimé ce souhait de mettre en place un délit. Mais on ne peut pas parler de surtransposition en tant que telle, puisque la faculté était ouverte.

En revanche, plusieurs éléments me paraissent aller à l’encontre de la création d’un délit.

Premièrement, au regard du principe de légalité, j’avoue que j’ai du mal à concevoir de quelle manière on pourrait faire reposer une infraction pénale sur le secret des affaires, qui est la chose des parties. Je vois mal comment on peut intégrer des éléments pénaux, d’ordre public, dans ce cadre…

Deuxièmement, je n’ai pas connaissance, en pratique, de demande en ce sens. Généralement, le monde des affaires se méfie de toute forme de pénalisation. Par ailleurs, les actions civiles sont considérées globalement comme satisfactoires.

Enfin, je reconnais que l’article, dans sa rédaction issue de l’examen en commission, sur l’initiative de M. le rapporteur, procède de bonnes intentions, puisqu’il ne peut concerner que des situations où un avantage économique était recherché. On comprend que l’idée des rédacteurs était d’écarter tout lien avec la liberté de la presse.

À cela près, mes chers collègues, qu’il pourrait arriver que, pour des raisons économiques, M. X, M. Y ou la société Z révèlent un secret d’affaires. Vous risquez alors de poser un problème à l’exercice de la liberté d’expression et de la liberté d’information quant au fait de savoir si l’on peut utiliser un élément pénalement répréhensible. Il s’agit d’un point de déséquilibre du texte.

C’est pourquoi je suggère d’être extrêmement prudent et suis défavorable à la création d’une infraction dont nous n’avons pu analyser toutes les conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Croyez, monsieur le président, que je regrette de devoir prolonger ce débat, mais je veux livrer à notre assemblée les réflexions qui sont nées d’une année de travaux de la délégation parlementaire au renseignement sur les questions d’intelligence économique et de renseignement économique.

Nous avons pu constater, à la lumière des informations qui nous ont été communiquées, que l’agressivité de nos concurrents redouble : non seulement les formes d’ingérence « traditionnelles » – vols physiques de données ou de matériel, intrusions, captations d’information… – continuent de représenter une menace non négligeable pour nos entreprises, mais, plus grave encore, la menace cybercriminelle tend à devenir, compte tenu de la numérisation croissante de notre économie, la voie privilégiée de l’ingérence économique.

La multiplication des attaques informatiques, qu’elles soient conduites à des fins de captation d’une technologie ou de savoir-faire, de sabotage ou encore de chantage, constitue aujourd’hui un risque majeur de déstabilisation de notre tissu économique, qui pâtit encore d’une culture de sécurité, notamment informatique, très largement déficitaire.

Nos débats de ce soir prouvent à quel point cette culture a encore besoin de progresser. En effet, il ne faudrait pas, face à cette concurrence exacerbée au moyen d’intrusions déloyales, que nous désarmions notre pays. Sachez que nos concurrents, eux, n’hésitent pas à recourir de plus en plus à la sanction pénale, à côté des sanctions civiles, pour mieux lutter contre cette forme active de corruption qu’est l’espionnage économique.

Pour faire face à ces atteintes illégales, la compétition économique doit aujourd’hui être mieux régulée. C’est pourquoi la commission a adopté ces dispositions en toute responsabilité, en ayant conscience de fournir à la République les moyens de lutter contre un fléau qui ne cesse de nous faire reculer dans la compétition économique.

Mes chers collègues, je voulais, avant de procéder au scrutin public, vous alerter sur la gravité de cette situation et vous inviter, en responsabilité, à ne pas supprimer ces dispositions adoptées en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Nous sommes tous conscients de la situation que viennent de décrire le rapporteur et le président de la commission des lois. Mais il s’agit ici de protéger le secret des affaires, qui a été défini à l’article 1er de ce texte et dans la directive comme relevant profondément de l’entreprise qui le détient. C’est donc à cette dernière qu’il revient de protéger son secret et d’agir en conséquence, sans en passer par une amende pénale.

La protection du secret des affaires est de la responsabilité de son détenteur, non de celle de la puissance publique !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Ce que vous dites est parfaitement exact, monsieur le président de la commission des lois. Toutefois, l’article 314-4-1 que vous proposez d’ajouter dans le code pénal ne répondra pas strictement à ces difficultés.

Nos juridictions pénales auront énormément de difficultés à interpréter cet article et à le mettre en œuvre. Cette disposition mériterait d’être travaillée différemment pour répondre aux préoccupations que vous évoquez.

Le fait d’obtenir une information protégée « en contournant sciemment les mesures de protection mises en place par son détenteur légitime, afin d’en retirer un avantage de nature exclusivement économique » donnera lieu à toute une série de débats. Ces termes ne permettent pas de répondre à votre objectif de protection.

Comme nous l’avons souligné en défendant notre amendement de suppression, cette infraction n’est pas nécessaire à la transposition de la directive et n’y a pas forcément sa place. D’autres textes nous permettront de travailler de concert avec des spécialistes de ces questions. Méfions-nous : trop souvent, nous adoptons des mesures pénales qui ne sont pas appliquées, car elles sont trop compliquées à mettre en œuvre sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je mets aux voix les amendements identiques n° 38, 55, 65 et 84 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 96 :

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 85 rectifié, présenté par MM. Requier, Gabouty, Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme N. Delattre, M. Gold, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville et Vall, est ainsi libellé :

Alinéa 5

1° Au début, insérer les mots :

À l’exclusion du droit d’alerte tel que défini par l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique,

2° Supprimer les mots :

, afin d’en retirer un avantage de nature exclusivement économique,

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Je retire l’amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 85 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l’article 1er quater.

L ’ article 1 er quater est adopté.

Le livre IX du code de commerce est ainsi modifié :

1° Le 1° de l’article L. 930-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 151-6 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la protection du secret des affaires ; »

2° Le I de l’article L. 950-1 est ainsi modifié :

a) Le 1° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 151-1 à L. 153-2 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la protection du secret des affaires ; »

b) Le tableau du second alinéa du 4° est ainsi modifié :

– la douzième ligne est ainsi rédigée :

Article L. 440-1

la loi n° … du … relative à la protection du secret des affaires

– la dix-septième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

Article L. 441-8

la loi n° … du … relative à la protection du secret des affaires

Article L. 441-9

l’ordonnance n° 2014-487 du 15 mai 2014

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 89, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

C’est un amendement de coordination avec l’amendement n° 90 rectifié tendant à insérer un article additionnel après l’article 3. Il s’agit de déplacer à la fin de la proposition de loi l’article relatif à son application outre-mer, pour assurer une meilleure lisibilité du texte.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En conséquence, l’article 2 est supprimé, et l’amendement n° 66 n’a plus d’objet.

L’amendement n° 66, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 35 rectifié, présenté par Mmes Lienemann, Jasmin et Meunier, M. Mazuir, Mme G. Jourda, M. Tourenne, Mme de la Gontrie, M. Jomier, Mme Préville et M. Cabanel, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article 226-10 du code pénal, il est inséré un article 226-10-… ainsi rédigé :

« Art. 226 -10 -… – L’infraction définie à l’article 226-10 est punie de sept ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende lorsqu’elle vise soit un chercheur ou un enseignant-chercheur pour des propos écrits ou actes tenus ou réalisés dans ses activités d’enseignement ou de recherche, soit un journaliste, une association ou un de ses membres pour des propos ou actes tenus ou réalisés dans ses activités d’intérêt général. »

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

N’ayant pas de doute, compte tenu de nos débats, sur le sort qui sera réservé à cet amendement, je le retire, monsieur le président.

(Non modifié)

I. – À la fin du a du 1° de l’article L. 111-2 du code du cinéma et de l’image animée, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

II. – Au premier alinéa du II de l’article 349 sexies du code des douanes, les mots : « commercial, industriel ou » sont remplacés par les mots : « secret des affaires ou un secret ».

III. – À la fin de la première phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 233-1 du code de l’énergie, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

IV. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :

1° À la première phrase du second alinéa du IV de l’article L. 120-1, les mots : «, du secret industriel et commercial » sont supprimés ;

2° Au II de l’article L. 412-7, au III de l’article L. 412-8, à la première phrase du premier alinéa et au second alinéa du I, à la première phrase du premier alinéa du II de l’article L. 521-7 et au dernier alinéa de l’article L. 523-1, les mots : « industriel et commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

3° À la fin de la première phrase du I de l’article L. 412-17, les mots : « industriel ou commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

4° À la fin de la première phrase de l’article L. 592-46-1, les mots : « en matière industrielle ou commerciale » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

V. – Au premier alinéa du II de l’article L. 283 D du livre des procédures fiscales, les mots : « commercial, industriel ou » sont remplacés par les mots : « des affaires ou un secret ».

VI. – Au a du 1° du I de l’article L. 213-2 du code du patrimoine, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

VII. – À la fin du dernier alinéa de l’article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « de fabrication et de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

VIII. – La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifiée :

1° Au 1° de l’article L. 311-6, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

2° À la fin du 1° de l’article L. 311-8, les mots : « industriel et commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

IX. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° À la seconde phrase de l’article L. 201-3, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

2° Au premier alinéa et à la première phrase du second alinéa de l’article L. 253-2, les mots : « industriel et commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

3° Au premier alinéa du II de l’article L. 612-5, les mots : « commercial, industriel ou » sont remplacés par les mots : « des affaires ou un secret ».

X. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À la fin de la première phrase de l’article L. 1313-2, de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 1333-29 et du 7° de l’article L. 5311-2, les mots : « en matière industrielle et commerciale » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

2° Au dernier alinéa de l’article L. 1313-3, les mots : « industriel et commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

3° À la première phrase du II de l’article L. 1413-9, les mots : « industriels ou commerciaux » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

4° À la fin de la première phrase du 1° de l’article L. 1413-12-3, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

5° Au premier alinéa de l’article L. 5324-1, les mots : « présentant un caractère de confidentialité industrielle ou commerciale ou relevant » sont remplacés par les mots : « relevant du secret des affaires ou ».

XI. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la fin de la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article L. 162-18, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

2° À l’article L. 455-3, les mots : « en matière industrielle et commerciale » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

XII. – À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 1511-4 du code des transports, les mots : « en matière commerciale et industrielle » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

XIII. – Au premier alinéa du I de l’article 44 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, les mots : « en matière industrielle et commerciale » sont remplacés par les mots : « des affaires ».

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 64, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Au début

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

… – Le code de commerce est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du V de l’article L. 440-1, les mots : « industriel et commercial » sont remplacés par les mots : « des affaires » ;

2° Au troisième alinéa de l’article L. 441-8, les mots : « du secret en matière industrielle et commerciale et » sont supprimés.

La parole est à Mme la garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Cet amendement tend à harmoniser les terminologies utilisées dans le code de commerce, afin de faire référence à la notion unique et désormais clairement définie de « secret des affaires », dans un souci de lisibilité et de sécurité juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

J’avais moi-même songé à un tel amendement, dont l’adoption permettra de corriger un oubli de l’Assemblée nationale, qui rendait d’ailleurs incompréhensibles les dispositions d’application dans les îles Wallis et Futuna.

La commission émet donc un avis favorable.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 90 rectifié, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article L. 950-1 du code de commerce est ainsi modifié :

Le 1° est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 151-1 à L. 154-1 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la protection du secret des affaires ; »

2° Le tableau constituant le second alinéa du 4° est ainsi modifié :

- la douzième ligne est ainsi rédigée :

Article L. 440-1

la loi n° … du … relative à la protection du secret des affaires

- la dix-septième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

Article L. 441-8

la loi n° … du … relative à la protection du secret des affaires

Article L. 441-9

l’ordonnance n° 2014-487 du 15 mai 2014

- la quarante-sixième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

Article L. 483-1

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

Articles L. 483-4 à L. 483-11

l’ordonnance n° 2017-303 du 9 mars 2017

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Cet amendement vise à déplacer à la fin de la proposition de loi l’article relatif à son application outre-mer, pour assurer une meilleure lisibilité du texte et la cohérence de la discussion.

En outre, il tend à apporter des précisions et des compléments concernant l’application de l’ensemble de la proposition de loi dans les îles Wallis et Futuna.

La rectification a porté sur les premiers alinéas de l’article, c’est-à-dire sur le livre IX du code de commerce.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Favorable, monsieur le président.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

L’amendement n° 36, présenté par MM. Bocquet, Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet intitulé :

Proposition de loi relative à la protection du secret des affaires des entreprises

La parole est à M. Fabien Gay.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Le texte que nous venons d’examiner n’est pas forcément une bonne nouvelle pour le droit français.

Produit d’une directive européenne engagée par le consortium des plus grandes entreprises européennes qui commençaient, voilà quelques années, à trouver préoccupant le mouvement de transparence affectant certains comportements financiers et fiscaux, et d’une proposition de loi portée par l’avocat fondateur d’un cabinet spécialisé dans le droit des affaires, cette proposition de loi apparaît comme l’instrument d’une prétendue attractivité de notre territoire pour toute entreprise transnationale.

En 2013 et en 2016, il fallait parer, si l’on peut dire, les affaires Luxleaks, « Panama Papers » ou Wikileaks… En 2018, il faut faire accepter TAFTA et le CETA et donc adapter notre droit aux méthodes transatlantiques. C’est oublier que la tradition française et européenne est déjà riche, sur le plan juridique, de nombreux garde-fous destinés à protéger les entreprises.

Nous savons lutter contre la contrefaçon, nous savons protéger notre propriété intellectuelle et industrielle, nous savons agir contre la concurrence déloyale et nous disposons de bien des moyens pour sanctionner tous ceux qui se prêteraient à ces actes délictueux et, pour certains, criminels.

Nous avons même un droit du travail qui fait des salariés eux-mêmes les dépositaires d’une partie du capital immatériel, ne serait-ce que par leur savoir-faire. Notre droit ne souffrait donc pas d’un vide juridique béant en la matière, même si certaines des avancées effectuées en ces domaines sont relativement récentes.

Cela dit, les conditions générales de la concurrence supposent effectivement, dans une société libérale avancée comme la nôtre, que la régulation économique ne se fasse qu’à égalité entre les parties, dans la transparence des règles.

Il ne s’agit pas de gagner la coupe des champions en usant et en abusant de moyens financiers supérieurs dont seraient dépourvus les concurrents. Il s’agit de définir un cadre législatif qui laisse, comme il se doit, la place à l’interprétation des règles et à la singularité des procédures.

Notre intitulé est donc marqué par la simplicité et la sobriété.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

M. Christophe-André Frassa, rapporteur. Je sais bien que l’on ne prête qu’aux riches, monsieur Gay, même lorsque l’on est membre du groupe communiste

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Lors de la discussion générale, j’ai relevé un lapsus, peut-être révélateur, de M. Bocquet, qui a parlé de « secret des enfers » au lieu de « secret des affaires ».

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Ce lapsus savoureux aurait peut-être mérité un sous-amendement visant à intituler ce texte : « Proposition de loi relative au secret des enfers ».

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Souffrez néanmoins que je maintienne celui que j’ai proposé : la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le président, nous avions prévu de rester ensemble jusqu’à une heure trente. Je vois qu’il n’est qu’une heure quinze et je m’apprête donc à vous demander de prolonger un peu nos débats !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

En effet, nous avons adopté tout à l’heure, en début d’après-midi, un amendement n° 8 visant la définition du secret des affaires. Or j’ai pu constater qu’il était incompatible avec la définition que nous avons par ailleurs adoptée du secret des affaires. Nous ne pouvons pas voter maintenant le texte sans avoir corrigé cette erreur.

C’est pourquoi, en application de l’article 43, alinéa 4 de notre règlement, je demande son renvoi à la commission en vue d’une seconde délibération de l’article 1er.

En outre, monsieur le président, je sollicite une suspension de trois minutes pour réunir la commission des lois, ici même, afin d’adopter un amendement corrigeant l’incohérence que je viens de mentionner.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La commission des lois demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 1er de la proposition de loi.

Je rappelle que, en application de l’article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, avant le vote sur l’ensemble d’un texte, tout ou partie de celui-ci peut être renvoyé, sur décision du Sénat, à la commission, pour une seconde délibération, à condition que la demande de renvoi ait été formulée ou acceptée par le Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement sur cette demande de seconde délibération formulée par la commission ?

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Favorable, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération, présentée par la commission et acceptée par le Gouvernement.

Il n’y a pas d’opposition ?…

La seconde délibération est ordonnée.

Conformément à l’article 43, alinéa 5, du règlement du Sénat, lorsqu’il y a lieu à seconde délibération, les textes adoptés lors de la première délibération sont renvoyés à la commission, qui doit présenter un nouveau rapport.

Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants, afin de permettre à la commission de se réunir.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue le jeudi 19 avril 2018, à une heure vingt, est reprise à une heure vingt-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La séance est reprise.

Je rappelle au Sénat les termes de l’article 43, alinéa 6, du règlement : « Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d’amendements, et sur les sous-amendements s’appliquant à ces amendements. »

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Le Sénat a précédemment adopté l’article 1er dans cette rédaction :

Le livre Ier du code de commerce est complété par un titre V ainsi rédigé :

« TITRE V

« DE LA PROTECTION DU SECRET DES AFFAIRES

« CHAPITRE I ER

« De lobjet et des conditions de la protection

« Section 1

« De linformation protégée

« Art. L. 151 -1. – Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux trois critères suivants :

« 1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité ;

« 2° Elle revêt une valeur économique, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ;

« 3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret.

« Section 2

« De la détention légitime et de lobtention licite du secret des affaires

« Art. L. 151 -2 A

« Art. L. 151 -2. – Constituent des modes d’obtention licite du secret des affaires :

« 1° Une découverte ou une création indépendante ;

« 2° L’observation, l’étude, le démontage ou le test d’un produit ou d’un objet qui a été mis à la disposition du public ou qui est de façon licite en possession de la personne qui obtient l’information, sauf stipulation contractuelle interdisant ou limitant l’obtention du secret ;

« 3°

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

« Section 3

« De lobtention, de lutilisation et de la divulgation illicites

« Art. L. 151 -3. – L’obtention du secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime à des fins de concurrence déloyale permettant au bénéficiaire des informations de tirer un profit de manière indue, portant ainsi atteinte aux intérêts de l’entreprise victime, qu’elle résulte :

« 1° D’un accès non autorisé à tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique qui contient le secret ou dont il peut être déduit, ou bien d’une appropriation ou d’une copie non autorisée de ces éléments ;

« 2° De tout autre comportement considéré, compte tenu des circonstances, comme déloyal et contraire aux usages en matière commerciale.

« Art. L. 151 -4. – L’utilisation ou la divulgation du secret des affaires est illicite lorsqu’elle est réalisée sans le consentement de son détenteur légitime par une personne qui a obtenu le secret dans les conditions mentionnées à l’article L. 151-3 ou qui agit en violation d’une obligation de ne pas divulguer le secret ou de limiter son utilisation.

« La production, l’offre ou la mise sur le marché, de même que l’importation, l’exportation ou le stockage à ces fins de tout produit résultant de manière significative d’une atteinte au secret des affaires sont également considérés comme une utilisation illicite lorsque la personne qui exerce ces activités savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret était utilisé de façon illicite au sens du premier alinéa du présent article.

« Art. L. 151 -5. – L’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret des affaires est aussi considérée comme illicite lorsque, au moment de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation du secret des affaires, une personne savait, ou aurait dû savoir au regard des circonstances, que ce secret des affaires avait été obtenu, directement ou indirectement, d’une autre personne qui l’utilisait ou le divulguait de façon illicite au sens du premier alinéa de l’article L. 151-4.

« Section 4

« Des exceptions à la protection du secret des affaires

« Art. L. 151 -6. – Le secret des affaires n’est pas opposable lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l’Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit national, notamment dans l’exercice des pouvoirs d’enquête, de contrôle, d’autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives, pour l’usage exclusif de ces autorités dans l’accomplissement de leurs missions.

« Art. L. 151 -7

« 1° Pour exercer le droit à la liberté d’expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d’information telle qu’établie dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ;

« 2° Pour révéler, dans le but de protéger l’intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l’exercice du droit d’alerte tel que défini à l’article 6 de la loi n °2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique;

« 3° Pour la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national.

« Art. L. 151 -8

« 1° L’obtention du secret des affaires est intervenue dans le cadre de l’exercice du droit à l’information et à la consultation des salariés ou de leurs représentants ;

« 2° La divulgation du secret des affaires par des salariés à leurs représentants est intervenue dans le cadre de l’exercice légitime par ces derniers de leurs fonctions, pour autant que cette divulgation ait été nécessaire à cet exercice.

« L’information ainsi obtenue ou divulguée demeure protégée au titre du secret des affaires à l’égard des personnes autres que les salariés ou leurs représentants qui en ont eu connaissance.

« CHAPITRE II

« Des actions en prévention, en cessation ou en réparation dune atteinte au secret des affaires

« Art. L. 152 -1. –

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

« Art. L. 152 -1 -1

« Section 1

« Des mesures pour prévenir et faire cesser une atteinte au secret des affaires

« Art. L. 152 -2. – I. – Dans le cadre d’une action relative à la prévention ou la cessation d’une atteinte à un secret des affaires, la juridiction peut, sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts, prescrire, y compris sous astreinte, toute mesure proportionnée de nature à empêcher ou à faire cesser une telle atteinte. Elle peut notamment :

« 1° Interdire la réalisation ou la poursuite des actes d’utilisation ou de divulgation d’un secret des affaires ;

« 2° Interdire les actes de production, d’offre, de mise sur le marché ou d’utilisation des produits résultant de manière significative de l’atteinte au secret des affaires ou l’importation, l’exportation ou le stockage de tels produits à ces fins ;

« 3° Ordonner la destruction totale ou partielle de tout document, objet, matériau, substance ou fichier numérique contenant le secret des affaires concerné ou dont il peut être déduit ou, selon le cas, ordonner leur remise totale ou partielle au demandeur.

« II. – La juridiction peut également ordonner que les produits résultant de manière significative de l’atteinte au secret des affaires soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, modifiés afin de supprimer l’atteinte au secret des affaires, détruits ou, selon le cas, confisqués au profit de la partie lésée.

« III. – Lorsque la juridiction limite la durée des mesures mentionnées aux 1° et 2° du I, la durée fixée doit être suffisante pour éliminer tout avantage commercial ou économique que l’auteur de l’atteinte au secret des affaires aurait pu tirer de l’obtention, de l’utilisation ou de la divulgation illicite du secret des affaires.

« IV. – Sauf circonstances particulières et sans préjudice des dommages et intérêts qui pourraient être réclamés, l’ensemble des mesures mentionnées aux I à III sont ordonnées aux frais de l’auteur de l’atteinte.

« Il peut y être mis fin à la demande de l’auteur de l’atteinte lorsque les informations concernées ne peuvent plus être qualifiées de secret des affaires au sens de l’article L. 151-1 pour des raisons qui ne dépendent pas, directement ou indirectement, de lui.

« Art. L. 152 -2 -1 A

« Art. L. 152 -2 -1. – Sans préjudice de l’article L. 152-3, la juridiction peut ordonner, à la demande de l’auteur de l’atteinte, le versement d’une indemnité à la partie lésée au lieu des mesures mentionnées aux I à III de l’article L. 152-2 lorsque sont réunies les conditions suivantes :

« 1° Au moment de l’utilisation ou de la divulgation du secret des affaires, l’auteur de l’atteinte ne savait pas, ni ne pouvait savoir au regard des circonstances, que le secret des affaires avait été obtenu d’une autre personne qui l’utilisait ou le divulguait de façon illicite ;

« 2° L’exécution des mesures mentionnées aux I à III de l’article L. 152-2 causerait à cet auteur un dommage disproportionné ;

« 3° Le versement d’une indemnité à la partie lésée paraît raisonnablement satisfaisant.

« Lorsque cette indemnité est ordonnée en lieu et place des mesures prévues aux 1° et 2° du I du même article L. 152-2, elle ne peut être fixée à une somme supérieure au montant des droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser ledit secret des affaires pour la période pendant laquelle l’utilisation du secret des affaires aurait pu être interdite.

« Section 2

« De la réparation dune atteinte au secret des affaires

« Art. L. 152 -3. – Pour fixer les dommages et intérêts dus en réparation du préjudice effectivement subi, la juridiction prend en considération distinctement :

« 1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte au secret des affaires, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée, y compris la perte de chance ;

« 2° Le préjudice moral causé à la partie lésée ;

« 3° Les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte au secret des affaires, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte.

« La juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire qui tient notamment compte des droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le secret des affaires en question. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

« Art. L. 152 -4. –

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

« Section 3

« Des mesures de publicité

« Art. L. 152 -5. –

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

« Section 4

« Des sanctions en cas de procédure dilatoire ou abusive

Division et intitulé supprimés

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

« CHAPITRE III

« Des mesures générales de protection du secret des affaires devant les juridictions civiles ou commerciales

« Art. L. 153 -1. – Lorsque, à l’occasion d’une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d’instruction sollicitée avant tout procès au fond ou à l’occasion d’une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d’une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu’elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d’office ou à la demande d’une partie ou d’un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l’exercice des droits de la défense :

« 1° Prendre connaissance seul de cette pièce avant de décider, s’il y a lieu, de limiter sa communication ou sa production à certains de ses éléments, d’en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou d’en restreindre l’accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l’assister ou la représenter ;

« 2° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil ;

« 3° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de la publication de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires.

« Art. L. 153 -2. – Toute personne ayant accès à une pièce ou au contenu d’une pièce considérée par le juge comme étant couverte ou susceptible d’être couverte par le secret des affaires est tenue à une obligation de confidentialité lui interdisant toute utilisation ou divulgation des informations qu’elle contient.

« Dans le cas d’une personne morale, l’obligation prévue au premier alinéa du présent article s’applique ses représentants légaux ou statutaires et aux personnes qui la représentent devant la juridiction.

« Les personnes ayant accès à la pièce ou à son contenu ne sont liées par cette obligation ni dans leurs rapports entre elles ni à l’égard des représentants légaux ou statutaires de la personne morale partie à la procédure.

« Les personnes habilitées à assister ou représenter les parties ne sont pas liées par cette obligation de confidentialité à l’égard de celles-ci, sauf en cas de mesures prises par le juge au titre du 1° de l’article L. 153-1 pour restreindre l’accès d’une ou de plusieurs pièces à certaines personnes.

« L’obligation de confidentialité perdure à l’issue de la procédure. Toutefois, elle prend fin si une juridiction décide, par une décision non susceptible de recours, qu’il n’existe pas de secret des affaires ou si les informations en cause ont entre-temps cessé de constituer un secret des affaires ou sont devenues aisément accessibles.

« CHAPITRE IV

« Conditions dapplication

« Art. L. 154 -1. – Les conditions d’application du présent titre sont fixées par décret en Conseil d’État. »

L’amendement n° A-1, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Supprimer les mots :

à des fins de concurrence déloyale permettant au bénéficiaire des informations de tirer un profit de manière indue, portant ainsi atteinte aux intérêts de l’entreprise victime,

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Le présent amendement vise à supprimer une disposition contraire à la directive et dont l’adoption a eu pour effet de créer une incohérence au sein du texte adopté par le Sénat.

En effet, la directive ne limite pas les cas d’obtentions illicites aux seuls cas d’obtentions à des fins de concurrence déloyale permettant au bénéficiaire des informations d’en retirer un profit. La protection du secret des affaires n’est pas restreinte au champ des relations entre entreprises ; elle vise toutes les captations illicites d’informations protégées, quel qu’en soit l’auteur, sous réserve des exceptions concernant les autorités administratives et juridictionnelles, les journalistes, les lanceurs d’alerte et les représentants des salariés.

Debut de section - Permalien
Nicole Belloubet

Favorable, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Monsieur le président de la commission des lois, en début de séance, après la discussion générale, j’ai défendu une motion tendant au renvoi à la commission ! Or vous achevez ces débats en demandant un tel renvoi, parce que, dans l’hémicycle, à un moment donné, a été adopté un amendement qui n’était pas contraire à la directive, mais dont les dispositions permettaient de limiter la protection au cadre concurrentiel.

Cela prouve bien que la compréhension de ce texte méritait plus que le débat extrêmement raccourci et bref que nous ont imposé le Gouvernement et l’Assemblée nationale.

Je tiens à le dire, nous ne voterons pas cet amendement de rectification. Mais le sort en est jeté !

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Fabien Gay, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Malgré l’heure avancée, je tiens à dire quelques mots. On vient d’adopter ce texte à marche forcée.

Nous avons été un certain nombre à le dénoncer, il s’agissait de transposer une directive non pas par un projet de loi, mais par une proposition de loi. Nous avons ensuite été confrontés à une procédure accélérée. Enfin, alors que le débat était censé se dérouler sur trois jours, nous avons examiné 90 amendements en une demi-journée. Mes chers collègues, je dis tout cela avec beaucoup d’amitié, en gardant le sourire !

À un moment donné, la majorité sénatoriale, qui s’est d’ailleurs peu exprimée ce soir, …

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

… s’est trouvée en minorité. Nous avons alors réussi à faire adopter un amendement, qui vient finalement d’être retiré du texte. Tout cela aurait mérité un autre débat.

De nombreuses questions se posent autour de ce texte et de la notion de secret des affaires. Elles concernent de nombreux métiers, comme celui de journaliste, mais aussi le mouvement citoyen, les lanceurs d’alerte, les ONG, les chercheurs, les représentants syndicaux, celles et ceux qui ont, parfois seuls, pendant tant d’années, dénoncé les pratiques des multinationales. C’est le pot de terre contre le pot de fer ! Ils mènent ces combats pour l’intérêt général, environnemental, social et économique de notre pays et de l’Union européenne. Or ce que nous venons d’adopter en une demi-journée leur mettra de sacrés bâtons dans les roues !

J’espère que nous poursuivrons ce débat et que, dans les prochaines semaines et les prochains mois, nous nous rappellerons ce que nous venons de voter, face à ceux qui nous diront, dans telle ou telle situation : « Je savais, mais je n’ai rien pu faire ou dire à cause du secret des affaires. » Nous aurions pu agir autrement.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre groupe ne votera pas ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

La parole est à M. Jérôme Durain, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Durain

Mon explication de vote s’appuiera sur des éléments non seulement de procédure, mais aussi de fond.

S’agissant de la procédure, je rappelle de nouveau le choix de l’initiative parlementaire avec le dépôt d’une proposition de loi, une procédure accélérée menée au pas de charge, un déficit de concertation, que le débat public traduit ces jours-ci, et l’absence d’étude d’impact.

En ce qui concerne les éléments de fond, nous avons montré combien il était difficile de cerner précisément l’objet juridique « secret des affaires ». Des éléments existants en droit français permettaient sans doute d’appliquer déjà la directive.

Finalement, le texte proposé n’atteint pas l’équilibre nécessaire entre la protection légitime du secret des affaires et la protection tout aussi légitime de la liberté d’informer et des libertés publiques.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain ne votera pas ce texte, regrettant en outre la pirouette finale !

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié, l’ensemble de la proposition de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 97 :

Nombre de votants343Nombre de suffrages exprimés343Pour l’adoption248Contre 95Le Sénat a adopté.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 19 avril 2018 :

À dix heures trente-cinq :

Trois conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :

- Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale du Nigéria relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces (468, 2016-2017) ;

Rapport de Mme Hélène Conway-Mouret, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (413, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 414, 2017-2018).

- Projet de loi autorisant la ratification de la convention° 184 de l’Organisation internationale du travail relative à la sécurité et la santé dans l’agriculture (n° 597, 2016-2017) ;

Rapport de M. Joël Guerriau, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (415, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 416, 2017-2018).

- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Principauté d’Andorre concernant l’amélioration de la viabilité des routes nationales 20, 320 et 22 entre Tarascon-sur-Ariège et la frontière franco-andorrane (303, 2017-2018) ;

Rapport de M. Olivier Cadic, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (417, 2017 2018) ;

Texte de la commission (n° 418, 2017-2018).

Projet de loi autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en œuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (227, 2017-2018) ;

Rapport de M. Albéric de Montgolfier, fait au nom de la commission des finances (410, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 411, 2017-2018).

Nouvelle lecture du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la protection des données personnelles (425, 2017-2018) ;

Rapport de Mme Sophie Joissains, fait au nom de la commission des lois (441, 2017-2018) ;

Texte de la commission (n° 442, 2017-2018).

À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures quinze et le soir :

Suite de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance es t levée à une heure trente-cinq.

La liste des candidats établie par la commission des lois pour faire partie de l ’ éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes et aux communautés d ’ agglomération a été publiée conformément à l ’ article 12 du règlement.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 9 du règlement, cette liste est ratifiée.

Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. Philippe Bas, François Bonhomme, Mathieu Darnaud, Hervé Marseille, Mme Laurence Harribey, MM. Jean-Pierre Sueur et Arnaud de Belenet ;

Suppléants : M. Philippe Bonnecarrère, Mme Maryse Carrère, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Catherine Di Folco, MM. Laurent Duplomb, François Grosdidier et Didier Marie.

La liste des candidats établie par la commission des lois pour faire partie de l ’ éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte commun sur la proposition de loi portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l ’ obtention, l ’ utilisation et la divulgation illicites a été publiée conformément à l ’ article 12 du règlement.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 9 du règlement, cette liste est ratifiée.

Les représentants du Sénat à cette éventuelle commission mixte paritaire sont :

Titulaires : MM. Philippe Bas, Christophe-André Frassa, François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Jean-Yves Leconte, Jérôme Durain et Thani Mohamed Soilihi ;

Suppléants : M. Éric Bocquet, Mme Maryse Carrère, M. Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de la Gontrie, Muriel Jourda et M. Hervé Marseille.

La commission de la culture, de l ’ éducation et de la communication a proposé des candidatures pour deux organismes extraparlementaires.

Aucune opposition ne s ’ étant manifestée dans le délai prévu par l ’ article 9 du règlement, ces candidatures sont ratifiées.

Mme Marie-Pierre Monier est membre titulaire de la Commission supérieure des sites, perspectives et paysages.

Mme Vivette Lopez est membre titulaire et M. Max Brisson est membre suppléant du conseil d ’ administration du Conservatoire de l ’ espace littoral et des rivages lacustres.