Intervention de Vincent Eblé

Réunion du 18 avril 2018 à 21h30
Projet de programme de stabilité pour les années 2018 à 2022 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Vincent EbléVincent Eblé :

Monsieur le président, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui du projet de programme de stabilité pour 2018-2022, avant sa transmission à la Commission européenne, qui doit intervenir au plus tard le 30 avril prochain.

Nous avons souhaité ce débat, car il s’agit non pas d’un simple document prévisionnel, mais des engagements européens de notre pays. Je pense d’ailleurs qu’il faudrait lier cet exercice de projection de nos finances publiques à l’arrêté des comptes de l’année passée, toutes administrations publiques confondues, afin de tirer toutes les conséquences de l’exécution budgétaire. Nous en reparlerons sans doute avec le Gouvernement dans le cadre de notre réflexion sur l’amélioration de nos procédures budgétaires.

J’en viens au programme de stabilité, désormais quinquennal.

La situation économique de notre pays s’améliore, c’est indéniable : l’environnement international est « porteur », la demande intérieure est « dynamique », la progression de l’investissement des entreprises est « historique ». Cette situation exceptionnelle vous oblige, messieurs les ministres : elle vous oblige à réformer, mais elle vous oblige aussi à répartir avec équité les fruits de cette croissance, à la fois pour redresser nos finances publiques et pour financer nos priorités nationales.

Les réformes fiscales que vous avez vous-même engagées, la transformation de l’impôt de solidarité sur la fortune en impôt sur la fortune immobilière, la création du prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital, la disparition progressive de la taxe d’habitation viennent à peine d’entrer en vigueur ou n’interviendront progressivement qu’à compter de l’automne. Ce ne sont donc pas ces réformes qui expliquent notre dynamisme économique au cours de l’année écoulée. L’amélioration économique résulte autant du contexte international et de la reprise dans la zone euro – le taux de croissance, s’établissant à 2, 5 %, a atteint son plus haut niveau depuis dix ans – que des mesures prises par le précédent gouvernement, qui ont permis à notre pays de retrouver un chemin de croissance.

Ce ne sont pas non plus les mesures budgétaires que vous avez prises depuis six mois, comme la baisse du nombre des contrats aidés ou des subventions au logement social, qui entrent en vigueur cette année, qui peuvent expliquer le redressement de nos finances publiques. Nous ferons plus tard le bilan de ces mesures pour savoir si elles contribuent réellement à augmenter notre potentiel de croissance et nous attendons de voir ce que pourra donner le processus « Action publique 2022 » en termes d’amélioration de l’action publique à moyen terme.

Vous ne pouvez donc pas revendiquer le mérite exclusif du passage de notre déficit public sous la barre des 3 % du PIB en 2017. Nous nous en réjouissons tous, mais la vérité est que notre déficit, qui atteignait 5 % du PIB en 2012, a été progressivement réduit depuis cinq ans, malgré un contexte économique bien moins porteur qu’aujourd’hui, jusqu’à atteindre déjà 3, 4 % à la fin de l’année 2016. Les mesures en dépenses décidées depuis l’audit alarmiste de la Cour des comptes se sont limitées à 0, 2 point de PIB, ce qui correspond à une procédure de régulation classique. En 2017, le passage du déficit public sous la barre des 3 % est entièrement dû à l’amélioration de notre croissance économique et, dans une certaine mesure, à la hausse, en fin d’année, des prélèvements sur les grandes entreprises.

Mes interrogations concernent l’avenir et portent sur trois sujets principaux.

Votre stratégie fiscale est le premier de ces sujets. Après le fort ressaut du taux des prélèvements obligatoires cette année, à 45, 4 % du PIB, vous envisagez une baisse finalement modeste sur le quinquennat, puisque ce taux resterait pratiquement inchangé entre 2016 et 2022 – il passerait de 44, 6 % à 44, 3 % du PIB –, alors même que la baisse de l’impôt sur les sociétés se poursuivrait, de même que la baisse des charges pour les entreprises. Entendez-vous réellement autant alléger la pression fiscale des ménages que celle des entreprises et des patrimoines les plus importants ? Je ne vois nulle part trace de la manière dont vous escomptez financer la perte de recettes de 10 milliards à 14 milliards d’euros liée à la suppression progressive de la taxe d’habitation. Par ailleurs, d’autres prélèvements pèseront fortement sur les ménages, y compris les plus modestes, notamment au titre de la CSG et de la montée en charge de la fiscalité écologique.

L’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE, a démontré que les mesures nouvelles pour les ménages que vous avez fait adopter profiteront largement aux 2 % de ménages les mieux lotis au regard de la distribution des revenus, qui détiennent l’essentiel du capital mobilier. Cette stratégie sera-t-elle poursuivie ? Pouvez-vous nous donner des éléments sur le caractère redistributif de la politique fiscale que vous menez ? Comment comptez-vous mettre en place une réelle évaluation de ses résultats, à l’instar de ce qui a été fait par le passé pour le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ?

La répartition des efforts en dépense entre les administrations publiques constitue le deuxième sujet. Votre trajectoire implique un fort ralentissement de la dépense locale, par une pression sur la masse salariale, les effectifs et les dépenses de fonctionnement. Il conviendra de voir si la contractualisation qui se met en place le permet, sans entraver la libre administration locale.

Votre trajectoire suppose également une progression modérée des dépenses de sécurité sociale. Hormis l’effet de la croissance économique, comment entendez-vous redresser les comptes sociaux dans un contexte de vieillissement de la population et d’accroissement des besoins en santé ?

Pour les années 2019 à 2022, le Haut Conseil des finances publiques considère que le scénario de croissance retenu est optimiste. Nous ne sommes pas à l’abri de nouveaux ralentissements, et des précautions s’imposent.

La dette est le troisième et dernier sujet. Selon vos estimations, elle devrait passer sous les 90 % du PIB en fin de période. Cependant, le projet de programme de stabilité ne dit rien de la reprise progressive de la dette de la SNCF à compter de 2020, pourtant annoncée par le Président de la République. Entendez-vous mettre à jour vos estimations avant la transmission de ce document à Bruxelles ?

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