Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, mes chers collègues, Albéric de Montgolfier ayant déjà livré, au nom de la commission des finances, une analyse détaillée du projet de programme de stabilité, je serai bref.
Bien entendu, je me réjouis moi aussi de l’amélioration des comptes publics. Notre pays est en passe de retrouver une véritable crédibilité budgétaire en Europe, et nous devons tous nous en féliciter.
Naturellement, je centrerai mon propos sur la trajectoire envisagée des comptes des administrations de sécurité sociale, les ASSO.
Le projet de programme de stabilité prévoit une contribution constamment positive des ASSO au solde public sur l’ensemble de la période : + 0, 7 % du PIB dès 2018, après 0, 2 % en 2017. Ce chiffre intègre, d’une part, la reprise en base d’un solde 2017 finalement meilleur qu’escompté –5, 1 milliards d’euros au lieu de 4 milliards d’euros prévus dans la loi de programmation des finances publiques –, et, d’autre part, une prévision plus optimiste concernant la masse salariale privée de 2018, qui entraînerait un surcroît de recettes de 2, 7 milliards d’euros.
Pour chacune des années de 2019 à 2022, la contribution positive des ASSO au solde public atteindrait 0, 8 % du PIB, ce qui correspond à l’hypothèse conventionnelle d’écrêtement des soldes des ASSO sur les années 2019 à 2022 définie dans la dernière loi de programmation des finances publiques. On notera cependant que la méthode de calcul actuelle intègre des « bénéfices » qui n’en sont pas vraiment et qui ne permettent quoi qu’il en soit en aucun cas le financement de dépenses courantes. Je pense aux 14, 3 milliards d’euros de la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, destinés à l’amortissement de la dette sociale, et aux 2 milliards d’euros de l’ERAFP, qui ne pourront servir qu’à financer, un jour, la retraite complémentaire des fonctionnaires.
Or, monsieur le ministre, 16, 3 milliards d’euros, cela correspond précisément à 0, 73 point de PIB. Dès lors, on voit bien qu’un tel écrêtement des « excédents » des ASSO à 0, 8 point de PIB laisserait entièrement à l’ACOSS la charge de la résorption de la dette sociale à court terme portée par l’ACOSS… Je me permets de rappeler que celle-ci s’élève aujourd’hui à 21 milliards d’euros.
Par ailleurs, messieurs les ministres, le manque de détail du projet de programme de stabilité pour ce qui concerne les ASSO nous laisse un peu sur notre faim.
Ce manque de détail concerne d’abord la distinction entre solde structurel et solde conjoncturel, qui ne se fait pas au niveau des sous-secteurs. Or, d’une part, le Haut Conseil des finances publiques considère que la prévision de croissance du Gouvernement pour 2020-2022 est « optimiste ». D’autre part, les comptes sociaux sont très sensibles à la conjoncture, en recettes comme en dépenses. Au-delà, on peut se demander à quoi sert d’établir une telle distinction dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques sans possibilité d’en effectuer un suivi sérieux.
Ce manque de détail concerne également l’évolution des comptes par type d’ASSO. Or, comme vous le savez, le périmètre des ASSO figurant dans le présent projet de programme de stabilité et dans la loi de programmation des finances publiques n’est pas celui du PLFSS, et aucun lien n’est fait entre ces deux périmètres pour la période à venir. Cette lacune nous pose un problème sérieux, puisqu’elle empêche le Parlement, au moment de l’examen du PLFSS, de voir si le projet de loi s’inscrit, ou non, dans la trajectoire que nous avons définie.
Avant de conclure, permettez-moi de poser quelques questions sur les mesures qui permettront au Gouvernement, selon lui, de tenir la norme ambitieuse qu’il affiche.
En matière de recettes, les chiffres du projet de programme de stabilité pour 2018-2022 intègrent-ils une éventuelle révision du principe de compensation des exonérations de cotisations sociales décidées par l’État ?
En matière de dépenses, comment parviendrons-nous, par exemple, à contenir l’ONDAM, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, en deçà de 2, 3 % sur l’ensemble de la période ? Le projet de programme de stabilité reste elliptique sur ce sujet. En tout cas, il ne faudrait pas qu’un « fétichisme » de l’ONDAM se traduise par un transfert de déficit et de dettes vers d’autres acteurs publics, comme les hôpitaux. Nous y veillerons.
S’agissant de l’assurance-chômage, comment une norme sévère de dépenses sociales sera-t-elle compatible avec l’ouverture de nouveaux droits pour les personnes qui démissionnent ou pour les indépendants ? Nous n’avons aucune information sur ce point ; cela reste pour nous un mystère.
En conclusion, monsieur le ministre, la commission des affaires sociales se réjouit de l’amélioration des comptes publics et vous soutiendra pour poursuivre dans cette voie, mais elle maintiendra sa vigilance, autant que les outils à sa disposition le lui permettront…
À cet égard, puisque « efficacité » semble être devenu le maître mot pour juger de l’action des pouvoirs publics, permettez-moi de vous dire qu’améliorer les outils de pilotage et d’évaluation du budget de la sécurité sociale et des comptes des ASSO serait sans doute bien plus efficace que réduire de vingt jours l`examen du budget au Parlement ou organiser l’examen commun, forcément artificiel, d’organismes n’ayant ni la même comptabilité, ni le même type de recettes –cotisations d’un côté, impôts de l’autre –, …