Intervention de Emmanuel Capus

Réunion du 18 avril 2018 à 21h30
Projet de programme de stabilité pour les années 2018 à 2022 — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Emmanuel CapusEmmanuel Capus :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, le projet de programme de stabilité présente le cadrage économique et financier retenu par le Gouvernement pour la période 2018-2022. Ce document est accompagné d’un programme national de réformes qui expose la stratégie économique de réformes structurelles de la France.

Ces deux documents sont des outils capitaux du semestre européen et de la surveillance multilatérale des politiques économiques dans l’Union européenne. Ils constituent l’image que notre pays renvoie à ses partenaires européens en termes de volonté de réforme et de respect de nos engagements financiers. Ils ont donc une portée politique majeure, au moment même où le Président de la République entend redonner à la France un rôle moteur en Europe.

L’importance politique de cet exercice de programmation impose, me semble-t-il, de conjuguer trois vertus : sincérité, ambition et réalisme.

Le programme de stabilité doit d’abord être bâti sur des hypothèses sincères, ce qui, il faut le reconnaître, a rarement été le cas par le passé. Le présent texte semble rompre avec cette habitude, au moins en début de période. Les hypothèses de croissance qui nous sont présentées aujourd’hui ont ainsi été qualifiées de « réalistes » pour l’année 2018 et d’« atteignables » pour l’année 2019 par le Haut Conseil des finances publiques.

Si le scénario de fin de période est jugé « optimiste », notamment en raison d’incertitudes pesant sur l’environnement économique international, cet optimisme est, je le crois, une figure imposée pour un exercice de prévision à plus de deux ou trois ans. Comment reprocher au Gouvernement de retenir une hypothèse de stabilité des conditions économiques mondiales ? Nul ne peut sérieusement prévoir l’imprévisible. C’est l’horizon temporel du programme de stabilité qui est trop long pour que l’on puisse produire une prévision fiable, dans un monde où le commerce, les flux de capitaux et les fondamentaux macroéconomiques sont soumis à des variations de plus en plus brutales.

Si un procès d’insincérité de ses hypothèses ne peut donc être intenté au Gouvernement, je lui reprocherai en revanche de manifester une ambition plus limitée pour les deux premières années de programmation. À quoi bon prévoir de consentir l’effort le plus important durant les années plus incertaines que j’ai évoquées ?

Je prends acte des contraintes qui pèsent notamment sur l’année 2019 – vous les avez rappelées, monsieur le ministre –, mais il y aura sans doute d’autres contraintes en 2020, en 2021 et en 2022.

Dans ces conditions, l’excédent budgétaire de 0, 3 % du PIB prévu pour 2022 me semble hypothétique. L’atteindre supposera un courage politique qu’il vous faudra, monsieur le ministre, assumer jusqu’au bout. Vous marqueriez ainsi l’histoire de votre fonction : aucun de vos prédécesseurs, depuis que les programmes de stabilité existent, n’a honoré ses engagements de fin de période. Vous seriez donc le premier !

Le courage politique est la clef de ces exercices de programmation européens.

Du courage, je vous en reconnais lorsque vous avancez la date d’inversion de la courbe de la dette publique à cette année. Il s’agit d’un enjeu vital pour notre économie, mais également pour notre démocratie. Nous devons écarter le plus rapidement possible cette épée de Damoclès qui menace de s’abattre sur la France à la moindre augmentation des taux d’intérêt et qui obère nos marges de manœuvre politiques.

Du courage, je vous en reconnais également lorsque vous vous engagez à diminuer progressivement le nombre des contrats aidés. C’est un dispositif coûteux, inefficace selon la Cour des comptes elle-même. En tant que rapporteur des crédits de la mission « Travail et emploi », j’ai eu l’occasion de défendre au nom de la commission des finances, il y a quelques semaines, un recentrage des politiques de l’emploi sur des dispositifs ayant fait la preuve de leur efficacité à moindre coût, dans le droit fil d’ailleurs de la tradition de la commission des finances du Sénat depuis plusieurs années sur ce sujet.

Les fruits de la croissance et la baisse du chômage dans les prochaines années doivent nous permettre de rompre avec une logique d’emplois subventionnés, pour mettre l’accent sur la formation et la montée en compétences.

Du courage, je vous en reconnais enfin, monsieur le ministre, lorsque vous annoncez vouloir revoir en profondeur les normes et la fiscalité applicables aux PME et aux TPE, notamment dans le cadre de la loi visant à mettre en œuvre le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises, la loi PACTE, que j’espère la plus ambitieuse et la plus large possible, en particulier en vue de réduire le déficit de notre commerce extérieur.

Néanmoins, monsieur le ministre, pour paraphraser Sénèque, faute d’adversaire, votre courage s’étiole. Il ne faudrait donc pas que le retour de la croissance et les bonnes hypothèses conjoncturelles que vous retenez vous rendent trop timide en matière d’effort structurel, notamment en termes de dépense.

Le déficit structurel de la France sera toujours, en 2022, supérieur à la limite fixée par le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. Le niveau de la dépense publique de la France demeurera largement au-dessus de la moyenne européenne, à hauteur d’au moins deux points de PIB. En conséquence, le taux des prélèvements obligatoires ne diminuera que très modestement sur la période, d’un point de PIB seulement.

Il conviendrait donc, monsieur le ministre, que cette programmation nous mette à l’abri d’un retournement de conjoncture ou d’une hausse des taux d’intérêt. Je vous encourage donc à intensifier vos efforts en matière de maîtrise de la dépense publique. Il faut élever les ambitions du programme « Action publique 2022 », qui ne doit pas connaître le destin des précédentes revues de dépense. Vous pourrez compter sur notre groupe pour vous soutenir et vous faire des propositions à cette fin, qui est véritablement d’intérêt national.

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