Intervention de Fabrice Boissier

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 avril 2018 à 10h35
Soutien aux énergies renouvelables — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Fabrice Boissier, directeur général délégué de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) :

Je salue l'approche de la politique énergétique retenue dans le rapport de la Cour des comptes. Cela permet d'avoir une vision globale du secteur, en évitant de se concentrer uniquement sur l'électricité ou la chaleur.

Premièrement, nous assistons à une révolution du système énergétique et il est important d'imaginer les évolutions possibles du secteur à long-terme. Laurent Michel a évoqué l'horizon de 2050, et il me semble que c'est effectivement l'échéance à retenir dans l'élaboration des politiques publiques, pour aboutir à un système énergétique qui soit soutenable et efficace. Le premier élément de ce système énergétique à venir est la maîtrise de la demande d'énergie. Nous allons avoir une énergie plus chère que par le passé, et d'autant plus qu'on en consommera : les énergies fossiles, contrairement aux énergies renouvelables, deviennent plus chères à mesure que leur consommation augmente car il faut aller chercher de nouveaux gisements, l'offre se raréfie. Il existe donc un double dividende à la maîtrise de la demande d'énergie : on baisse la facture énergétique ainsi que le coût unitaire du kW/h. Par conséquent, je crois qu'on ne peut pas regarder la politique de soutien aux énergies renouvelables sans la mettre en perspective de la politique du soutien à la maîtrise de la demande énergétique.

Deuxièmement, l'incertitude constitue l'autre paramètre de cette révolution énergétique, comme l'a souligné Jean-François Carenco. Dans un contexte incertain, il me semble important de se projeter vers l'avenir en anticipant les coûts, de manière prudente. Il est nécessaire de prendre en compte plusieurs scénarios. Les stratégies déployées par nos voisins européens d'ici quelques années auront un effet déterminant sur notre système énergétique. Le coût de la politique de soutien aux EnR pour la puissance publique ne peut être le seul déterminant à long-terme : les bénéfices socio-économiques et environnementaux des énergies renouvelables doivent être objectivés par des indicateurs, afin de guider la prise de décision.

Deux exemples l'illustrent : en termes de bénéfices socio-économiques, le rapport de la Cour des comptes souligne que le développement des énergies renouvelables est créateur d'emplois et favorable à l'équilibre de la balance commerciale. Il apparaît essentiel que, dans les décisions de politique publique, l'impact positif de ce développement soit pris en compte. En matière d'externalités environnementales, l'ADEME a procédé à une évaluation de la filière éolienne au regard du soutien public qui lui a été accordé sur une période allant de 2002 à 2013. Nous avons constaté que les coûts du soutien apporté s'élèvent à 3 milliards d'euros sur cette période. Toutefois, les bénéfices environnementaux, en termes d'émissions de CO2 évitées et de qualité de l'air, s'élèvent à plus de 5 milliards d'euros, même s'il existe une incertitude sur cette évaluation. Par conséquent, il est nécessaire d'objectiver les bénéfices sociaux-environnementaux.

Troisièmement, il faut souligner que le développement de nouvelles énergies renouvelables nous amène à changer notre vision du système énergétique. Nous ne nous sommes plus dans un système énergétique centralisé, mais décentralisé, caractérisé par des enjeux territoriaux forts. C'est pourquoi les politiques menées par les collectivités territoriales doivent s'articuler avec la politique nationale. L'ADEME s'attache à mener ses actions dans le cadre de partenariats avec les collectivités territoriales.

Nous aurons également besoin d'une mixité de technologies car une seule technologie ne peut pas répondre à l'ensemble des composantes de la demande. Ainsi, il ne faut pas s'attacher uniquement à investir dans la technologie la moins chère, mais il faut plutôt se tourner vers les technologies qui garantiront la sécurité de l'approvisionnement, la compétitivité pour nos entreprises, et qui permettront aussi de répondre aux besoins en carburant.

S'agissant du fonds chaleur, l'ADEME est très favorable à la conclusion du rapport de la Cour des comptes qui préconise d'augmenter le soutien apporté au fonds. Nous constatons également que le soutien alloué actuellement au fonds chaleur ne permet pas d'atteindre les objectifs de la PPE. La trajectoire de la taxe carbone est un paramètre essentiel et positif pour déterminer les projets d'investissement en matière d'énergies renouvelables. Toutefois, la trajectoire prévue sur le quinquennat permet uniquement de compenser la baisse du prix du gaz observée entre 2012 et 2016. Ainsi, en 2022 nous allons retrouver un niveau de compétitivité qui est celui de 2012, alors que la chaleur n'était pas encore compétitive. En revanche, nous avons estimé qu'à l'horizon 2020, une augmentation de la trajectoire carbone, dans un ordre de grandeur qui se situe entre 300 et 350 millions d'euros, pourrait sans doute nous approcher des objectifs de la PPE. Je voudrais souligner aussi que la taxe carbone ne couvre pas l'ensemble des émissions de CO2 en France car une partie de ces émissions est soumise au système ETS européen qui est défaillant. Souvent, la production de chaleur se retrouve en concurrence avec des installations soumises au système ETS. Dans ces situations, l'évolution de la taxe carbone ne permet pas de compenser ce déficit de compétitivité, ce qui invite à faire évoluer le système ETS.

Enfin, je voudrais souligner l'importance de l'innovation pour soutenir les filières industrielles françaises. Les programmes d'investissement d'avenir (PIA), dont l'ADEME est opérateur pour un certain nombre d'actions, apportent des solutions, mais pas suffisamment. Il me paraît important d'accompagner le déploiement de technologies, par le biais des démonstrateurs, que l'ADEME soutient par le PIA. Malgré tout, il reste à trouver des soutiens pour pénétrer le marché sur lequel les acheteurs préfèrent investir dans des technologies déjà éprouvées. Un des outils du PIA que nous allons mettre en oeuvre consiste à intervenir au capital d'entreprises développant des technologies innovantes et bientôt commercialisées. Un travail collectif sur ce point doit toutefois être engagé.

Outre les enjeux liés à la chaleur et à l'électricité, il ne faut pas non plus oublier le gaz renouvelable. En effet, le gaz est une composante forte du mix énergétique et peut constituer une solution d'avenir, notamment en termes de mobilité. Le développement de la méthanisation vise à décarboner le gaz. Ce procédé engendre des bénéfices sociaux-économiques, notamment pour les exploitants agricoles.

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