Dans le mix électrique français déterminé en 2016, le nucléaire représente 72 % de l'électricité produite, l'hydraulique 12 %, et l'éolien 3,9 %. Ce dernier est en forte croissance et devrait représenter à peu près 5 % du mix énergétique cette année. Concernant les intermittences, elles demeurent mais tendent à être réduites par l'amélioration des technologies. Sur l'éolien, avec les techniques actuelles, une éolienne fonctionne désormais plus longtemps qu'il y a 15 ans car elle capte mieux le vent, peut tourner à des vents plus faibles, etc.
L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a publié récemment une étude montrant qu'aux États-Unis, les parcs éoliens fonctionnent en moyenne 40 % du temps contre 20 à 25 % il y a 5 ans. De la même façon, pour l'éolien en mer, de nombreux progrès ont été réalisés : les parcs actuels fonctionnent de 3 500 à 4 500 heures par an, et à Dunkerque, on atteindra de meilleures performances.
Au-delà de l'intermittence de la production, il faut garder en tête qu'une autre intermittence est inévitable : celle de la demande, qui fluctue dans l'année, dans la journée, dans la semaine... Prenons l'exemple du mois de mars : selon qu'il est froid ou chaud, la consommation d'énergie ne sera pas la même.
Nous possédons un réseau très développé : c'est un atout important. Il nous faudra un jour repenser l'alliance entre le réseau de distribution et le réseau de production. Il y a des adaptations à réaliser, avec des sites de production peut-être plus décentralisés, mais la marge de progrès à réseau constant est déjà considérable. On sait que, en mobilisant les outils de pilotage intelligent qui existent déjà, sans besoin massif de capacité de stockage ni d'investissements de grande ampleur, nous pouvons accepter en France 25 à 30 % d'énergies renouvelables dans le mix énergétique. On en est loin aujourd'hui !
Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas se poser la question du stockage - ce qui rejoint la question de Gérard Longuet. Par exemple, l'hydrogène pourrait jouer un rôle de pont entre l'électricité et le gaz, être utilisé dans les transports et les bâtiments. Mais ce sont des possibilités, des projections sur lesquelles il faut se garder de porter dès maintenant des jugements définitifs.
On peut aussi imaginer, par exemple, que la consommation d'électricité pourrait baisser dans les dix ou quinze ans à venir grâce à des économies d'énergie et remonter ensuite, avec une part très importante d'électricité renouvelable dans le mix énergétique.
Ces sujets nécessitent donc à la fois des moyens poussés d'exploration scientifique et technique, une politique résolue de soutien à l'innovation et aussi une certaine souplesse : l'avenir est difficile à anticiper, il ne faut pas fermer certaines options par dogmatisme.
Concernant la question de Fabienne Keller sur la géothermie, effectivement selon le type de technique mise en oeuvre, les phases de permis, puis les phases de travaux ou les procédures ne sont pas tout à fait les mêmes. Des réformes sont en cours, concernant entre autres la géothermie de moyenne importance, avec les mesures prévues dans la loi pour une société de confiance. Je pense qu'il est nécessaire, en la matière, que les porteurs de projet aillent vers les acteurs de terrain, vers les élus, vers les habitants pour expliquer leur démarche et les enjeux qu'elle implique.
Pour finir, je voudrais redire ma conviction que, si nous avons effectivement des filières industrielles à faire monter en puissance, nous devons aussi raisonner de façon plus globale : il n'y a pas que la production d'équipements, mais aussi un travail considérable à mener sur le pilotage de la production.
Par exemple, en France, des start-ups mettent au point des logiciels très astucieux qui pilotent mieux les éoliennes, en les arrêtant uniquement quand les oiseaux arrivent au lieu de les arrêter de façon mécanique, dans la période où ils sont supposés arriver.
Il faut être attentif aux questions d'ingénierie : ce que l'on voit aujourd'hui sur les appels d'offres concernant le solaire innovant, c'est que nous semblons incapables de faire, en France, du solaire flottant mais qu'en revanche des sociétés françaises peuvent vendre ce genre de produits à l'étranger. Tout un tissu économique construit des savoir-faire qui sont parfois peut-être moins visibles mais qui permettent d'aller à l'export - et pas seulement pour de très grandes entreprises comme EDF ou Engie.
Dernier point : sur les bornes électriques, je suis convaincu que la recharge accélérée ou même lente se développant, à proximité des lieux de travail et des logements, le besoin de recharge ultra-rapide ne sera pas si important que l'on a pu le penser par le passé - ce qui est souhaitable, car trop de bornes ultra-rapides pourraient créer des tensions sur le réseau.
N'oublions pas non plus l'augmentation de l'autonomie des batteries, qui est peut-être progressive mais bien réelle et qui devrait aussi permettre d'apaiser les craintes légitimes sur la question de la recharge. A contrario, le véhicule pourrait devenir un lieu de stockage de l'énergie !