Les résultats définitifs de l’étude menée par l’Institut de veille sanitaire sont connus depuis mars 2008 ; ils sont encore plus inquiétants que les résultats provisoires publiés en 2006.
Cette étude, portant sur 2, 5 millions d’habitants exposés pendant dix ans aux panaches d’incinérateurs, montre une augmentation significative de la prévalence de nombreux cancers du foie, du sein et de lymphomes dans ces zones.
De plus, selon les chercheurs, ces résultats sous-estiment les risques compte tenu des courtes périodes de latence choisies entre l’exposition et l’apparition d’un cancer : cinq ans pour les leucémies et dix ans pour les autres cancers. Il est donc à craindre que le pic d’apparition de cancers ne soit pas encore atteint.
Certes, on pourra objecter que cette étude porte sur une population exposée aux anciens incinérateurs et que, depuis 2002, les valeurs limites d’émission ont considérablement diminué, la mise aux normes de l’ensemble du parc d’incinérateurs ayant également été réalisée.
Il n’en demeure pas moins que cette diminution des normes techniques pour quelques polluants bien identifiés ne suffit pas à nous rassurer totalement : le doute est permis. En effet, des centaines de polluants ne font pas encore l’objet de mesures et, plus inquiétant encore, il existe des « cocktails de molécules », comme les appellent les cancérologues, qui, en se potentialisant les unes les autres, peuvent se transformer en toxiques dangereux.
Pour l’amiante, il a fallu attendre de longues années avant que l’on reconnaisse son caractère cancérogène et que les normes techniques diminuent. Nous ne pouvons que constater les dégâts qu’a causés l’absence d’application du principe de précaution, certes inconnu à cette époque.
Nous pouvons également rappeler l’histoire du sang contaminé. Dans les années quatre-vingt, le professeur Goudemand, du Centre régional de transfusion sanguine de Lille, a été l’un des rares scientifiques à recommander de chauffer le sang avant transfusion. En donnant la priorité au doute, il évita ainsi la propagation du sida transfusionnel dans la région Nord-Pas-de-Calais. Partout ailleurs en France, en toute légalité, on a donné la priorité au risque, avec les conséquences que l’on sait.
De nombreux incinérateurs sont encore à l’état de projet. Dans mon département, le projet Flamoval, que M. Borloo connaît bien, a récemment reçu un avis favorable du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques, le CODERST, sur la base de normes techniques qui, rappelons-le, ne sont pas des normes sanitaires.
L’adoption du présent amendement, qui tend à décréter un moratoire sur la construction d’incinérateurs, permettrait aux chercheurs de continuer leurs investigations à partir des recommandations de l’INERIS, l’établissement public placé sous la tutelle du ministère de l’écologie, notamment sur le critère du diamètre des particules à retenir. La réalisation d’une étude complémentaire avant toute implantation de nouveaux incinérateurs ne peut être que bénéfique, car elle aidera les décideurs à estimer les risques.
Ce temps de réflexion pourrait également être mis à profit afin de mieux prendre en compte les différentes solutions de rechange qui existent en matière d’élimination des déchets et d’éviter ainsi le recours systématique à l’incinération.