Intervention de Mohamed Sifaoui

Commission d'enquête menace terroriste après chute de l'Etat islamique — Réunion du 10 avril 2018 à 14h20
Audition de M. Mohamed Sifaoui journaliste-écrivain-réalisateur dirigeant de la société terromag

Mohamed Sifaoui, journaliste-écrivain-réalisateur, dirigeant de la société Terromag :

Depuis la grande manifestation du 11 janvier 2015, la question est posée. Je souhaite rappeler que les musulmans représentent entre 3 à 5 % de la population. Dès lors, dans les rassemblements, on devrait trouver 3 à 5 % de cette population. Je ne sais pas si on les trouve ou pas, car je ne sonde pas les coeurs. En l'occurrence, est-ce que je serai vu demain dans une manifestation comme un citoyen engagé qui vient dénoncer le terrorisme ou comme un musulman ? D'ailleurs comment savoir si je suis ou pas musulman ? On peut penser que je suis probablement d'origine étrangère.

Cela étant dit, la société a raison de se poser la question. Le rôle du citoyen est incontestablement important et il doit être interrogé. Dans le cadre de la citoyenneté, il faut s'engager.

Mais ceux qui ont un rôle qui doit engager leurs responsabilités, ce sont d'abord les associations érigées comme représentantes des musulmans. En effet, comme l'islam sunnite ne dispose pas de clergé, il y a une responsabilité de ceux qui ont voulu représenter ce dogme à clarifier leur position. Or, les pouvoirs publics ont choisi deux types de représentants. Il s'agit d'organisations liées à des pays étrangers et d'une organisation intégriste - en l'occurrence l'UOIF - qui est le représentant des Frères musulmans. Quand les ambassades n'ont pas envie que les associations représentant leurs ressortissants, prennent part à ces manifestations, elles n'y prendront pas part. Il en est de même quand une organisation comme l'UOIF n'a pas envie d'y prendre part, soit parce qu'elle est d'accord, soit parce qu'elle estime que le crime n'est pas important ou pour d'autres raisons. Le problème des musulmans de France est qu'ils sont très mal représentés. Les pouvoirs publics ont une part de responsabilité.

Dans les rassemblements, il faut évidemment appeler les ressortissants de culture ou de confession musulmane à s'engager. Il y a une autre raison, culturelle celle-là. Historiquement, les gens qui sont venus en premier en France n'entretiennent pas de culture de société civile car ils viennent de pays antidémocratiques où la société civile n'est pas reconnue. Aussi participent-ils à une manifestation que si on leur demande de manifester.

Les ghettos produisent aussi ce phénomène. En effet, pour peu qu'une personne aille à une manifestation, cela est considéré comme un acte politique qu'il faut ensuite assumer. Il faut d'abord que cette personne se sente libre et non pas liée à une quelconque communauté dans une logique quasi tribale. Aussi, je le répète la question du ghetto est-elle essentielle.

La religion musulmane est-elle compatible avec la République ? Ce sont des choses qu'il faut mettre sur la table pour en discuter sereinement. L'islam au niveau mondial est phagocyté par deux pensées extrémistes et, dans ce cadre, n'est pas compatible avec les valeurs de la République. L'islam culturel, pratiqué par ceux venus dans les années 1950, qui se vit dans l'intimité est compatible avec la République. L'islam apaisé est de fait invisible car il se pratique dans la sphère privée. Nous avons des millions de personnes qui vivent leur foi dans l'intimité et qui ne font jamais parler d'elles. En revanche, nous avons une forte minorité agissante et active qui est porteuse de ces deux pensées qui sont incompatibles avec la République.

Il est difficile de légiférer sur des réunions privées. Mais avant de s'interroger sur la rédaction d'un tel texte, on ne peut pas faire l'économie d'une réflexion sur la criminalisation du salafisme. Soit on considère le salafisme comme une opinion comme une autre, à ce moment-là il n'y a pas de raison de légiférer. Mais si on considère que le salafisme n'est pas une opinion comme une autre, alors il faut la qualifier afin d'agir en conséquence : est-ce une secte, un groupe totalitaire, un groupe extrémiste et violent ?

Certains pays musulmans mènent une réflexion sur une interdiction du salafisme. En ce qui concerne ces appartements, M. le procureur Molins parle « d'appartements conspiratifs ». C'est un terme adéquat : on n'y discute pas de religion, mais d'embrigadement et de terrorisme capable de mettre à mal la République et ses valeurs.

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