Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est en ma qualité de président du groupe d’amitié France-États-Unis du Sénat que je prends la parole sur cette proposition de résolution relative à la situation des « Américains accidentels » concernés par le FATCA, que j’ai volontiers cosignée.
Notre collègue Jacky Deromedi s’est saisie avec énergie de ce dossier. C’est un vrai sujet que celui de ces « Américains accidentels », nés sur le territoire des États-Unis mais n’y ayant séjourné que quelques mois, quelques semaines, voire quelques jours, et considérés, du fait du droit du sol, comme Américains.
Les voilà depuis quatre ans, du fait de l’application du fameux FATCA adopté à Washington en 2010 et en vertu d’un accord bilatéral de 2014, destinataires de courriers de leurs banques leur demandant de communiquer leur numéro d’identification fiscale américain ou d’apporter la preuve qu’ils ont renoncé à la nationalité américaine ; il arrive même qu’elles décident de manière unilatérale de fermer leurs comptes bancaires. Les États-Unis sont le seul pays au monde à faire reposer la taxation sur la citoyenneté plutôt que sur le lieu de résidence : c’est la citizenship-based taxation.
Les « Américains accidentels » sont aujourd’hui contraints de rentrer dans le système fiscal américain avant de pouvoir éventuellement en sortir. Notre collègue Jacky Deromedi a explicitement décrit les affres fiscales qui découlent du FATCA pour les particuliers : en vertu d’une convention bilatérale, les impôts payés en France par les ressortissants américains ne viennent en effet qu’en déduction des taxes dues aux États-Unis !
Quand ces « Américains accidentels » souhaitent fuir – je dis bien « fuir » ! – leur nationalité américaine, les démarches sont alors extrêmement anxiogènes et fort coûteuses : au total, environ 20 000 dollars, car il faut obligatoirement prendre un avocat… de préférence américain. Enfin, cela ne dispense pas de devoir faire des déclarations rétroactives sur les trois, voire les six, dernières années et de payer l’éventuel surplus.
De plus, quelques banques profitent de la situation pour pousser dehors leurs clients présentant cette fameuse « américanité » et les traitent comme des parias.
Entre-temps, M. Donald Trump a été élu quarante-cinquième président des États-Unis. L’abrogation du FATCA figurait dans le programme du Parti républicain. Le 5 avril 2017, le sénateur républicain Rand Paul a déposé un projet de loi visant à abroger la loi FATCA, et le représentant Mark Meadows a présenté un projet de loi complémentaire à la Chambre américaine, en vue de corriger les effets pervers de l’extraterritorialité de la législation américaine. Or, en novembre, selon l’un des défenseurs, « il n’y avait rien dans le texte de la Chambre des représentants ni dans celui voté par la commission des finances du Sénat qui aide les Américains expatriés ou les Américains accidentels ». Ceux-ci, qui comptaient donc sur la réforme fiscale du président Trump, ont subi une forte déconvenue.
Parallèlement, en France, l’Association des « Américains accidentels », créée en 2015 et animée par son dynamique président Fabien Lehagre, a engagé une procédure devant le Conseil d’État pour s’opposer à l’application en France du FATCA, au motif que ; « aujourd’hui, l’accord n’est pas mis en œuvre de façon réciproque par les États-Unis. Or un accord international ne peut être appliqué en droit interne qu’à condition qu’il le soit de façon réciproque. »
À l’Assemblée nationale, la mission Le Fur-Saint-Martin de la commission des finances instruit ce dossier et vérifiera, en particulier, si nos banques n’interpréteraient pas à l’excès les demandes des États-Unis. Devant rendre ses conclusions d’ici à quelques semaines, elle a entendu, comme l’a rappelé Jacky Deromedi, le président de l’Association des « Américains accidentels ». Celle-ci a tenu le 28 avril sa première assemblée générale, réunissant près de 200 de ses membres. Tous sont très attentifs à l’issue de nos travaux.
En amont de la visite d’État, à la fin du mois d’avril, du Président de la République à Washington, à laquelle j’ai eu l’honneur de participer, j’avais saisi les services de l’ambassade, afin de pouvoir m’entretenir avec le ministre-conseiller chargé des questions économiques et fiscales, qui a mené des démarches sur ce sujet auprès des institutions américaines et qui fait la liaison avec le ministre de l’économie et des finances, l’idée étant de créer à Bercy une cellule unique dédiée à l’accompagnement de ces Français « Américains accidentels ».
J’ai aussi pu rencontrer le président du french caucus du Congrès, le sénateur du Delaware Christopher Coons, avec qui nous avons échangé sur ce sujet. Nos collègues parlementaires américains sont bien conscients des difficultés engendrées par le FATCA.
Par ailleurs, l’Association des « Américains accidentels » a déploré le manque de soutien du Gouvernement français et réclame une « action diplomatique forte » auprès des États-Unis.
La discussion de cette proposition de résolution manifeste le soutien que nous élus devons apporter aux dizaines de milliers de nos compatriotes – pour certains encore dans l’ignorance – enfermés dans cette nasse.
En conclusion, je voudrais vous livrer les paroles d’un chef d’entreprise dont la banque va clôturer, unilatéralement, les comptes des différentes sociétés :
« Et quelle tristesse que de voir mon pays, jadis tellement libre et courageux, capable autrefois de sortir de l’OTAN pour garder sa liberté de parole et de décision, ce pays de tout temps à l’avant-garde dans la défense sincère des plus belles valeurs humaines, quelle tristesse, donc, que de voir ce même pays se soumettre aujourd’hui, et supporter que certains de ses résidents se voient interdire, par une autre nation, de devenir entrepreneurs ou de solliciter un crédit immobilier. »
Mes chers collègues, il apparaît important de soutenir la demande d’un traitement dérogatoire pour les « Américains accidentels » leur permettant soit de renoncer à la citoyenneté américaine par une procédure simple et gratuite, soit d’être exonérés d’obligations fiscales américaines, mais aussi de leur assurer le droit au compte bancaire. Je voterai cette proposition de résolution.