Intervention de Yannick Botrel

Réunion du 15 mai 2018 à 14h30
« américains accidentels » concernés par le fatca — Adoption d'une proposition de résolution

Photo de Yannick BotrelYannick Botrel :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour débattre de la proposition de résolution déposée par notre collègue Jacky Deromedi, qui a pour objet le sort de certains de nos concitoyens, mieux connus désormais sous le nom d’« Américains accidentels », aujourd’hui placés dans l’obligation légale de répondre aux injonctions du fisc américain.

Rappelons que cette situation est la conséquence de la loi FATCA, en vigueur depuis le 1er juillet 2014, qui oblige par effet de ricochet tous les citoyens français ayant un « indice d’américanité » – j’ai été, comme Richard Yung, surpris par ces termes – à régulariser leur situation auprès de l’administration fiscale américaine.

Cette injonction aboutit précisément à une situation que M. le secrétaire d’État lui-même a qualifiée de « kafkaïenne », ce qui ne saurait être démenti, mais que l’on pourrait tout autant qualifier d’ubuesque. En effet, ces citoyens, qui sont des personnes ordinaires, vivent, travaillent, paient leurs impôts et sont en règle avec les lois de leur pays de résidence, la France.

Or l’application de la loi FATCA met ces citoyens français, « Américains accidentels », dans une situation intenable, singulièrement sur le plan bancaire.

J’ai d’ailleurs posé il y a peu de temps une question orale au Gouvernement, afin, d’une part, de l’interpeller sur ses intentions, et, d’autre part, de décrire les difficultés rencontrées concrètement par ces personnes victimes – le mot n’est pas excessif – d’un détournement du droit.

Nos concitoyens concernés peuvent en théorie abandonner leur nationalité américaine, mais cette renonciation ne peut être obtenue sans la régularisation au préalable de leur situation fiscale sur le territoire américain.

Or ce processus étant long, complexe et, de surcroît, coûteux, les personnes touchées par l’application de cette loi sont dans l’incapacité de se charger seules de la démarche et doivent donc recourir à une aide juridique. Le coût de la procédure vient s’ajouter au risque de se voir infliger dans certains cas une amende, mais également à celui de voir leur compte bancaire fermé brutalement par les banques françaises, qui préfèrent – cela peut se comprendre – ne pas se mettre en infraction avec le FATCA.

Certes, plusieurs scandales de fraude fiscale – nous connaissons tous ceux de la banque UBS en 2008 et, plus récemment, des « Panama papers » ou des « Paradise papers » – légitiment l’échange automatique de données entre les États. Chacun ici en est persuadé. Toutefois, dans le cas présent, il s’agit évidemment d’autre chose, et j’insiste avec force sur la nécessité de protéger les droits de nos concitoyens injustement mis en cause par l’application de cette loi.

Je veux à cet égard rappeler le manque de considération des institutions fiscales américaines envers nos concitoyens. Le jus soli contraint ces derniers à payer des impôts en France et outre-Atlantique, dans la mesure où l’administration américaine, l’Internal Revenue Service, ou IRS, contourne l’interdiction de la double imposition, établie par la convention fiscale bilatérale du 31 août 1994, en imposant des éléments qui ne le sont pas en France.

Il s’agit d’une unilatéralité agressive, à laquelle s’ajoute une intrusion, par l’entremise des banques, dans la vie privée de chaque citoyen franco-américain et de son conjoint, ce qui n’est pas sans poser question au regard de l’article 9 de notre code civil, d’autant plus que notre Haute Assemblée s’est penchée sur la question lors de l’examen du projet de loi relatif à la protection des données personnelles.

C’est pourquoi, à l’occasion de la discussion de cette proposition de résolution, je note avec satisfaction que, toutes tendances confondues, les parlementaires se mobilisent sur ce sujet révélateur d’une manière très particulière de concevoir les relations internationales.

Nos entreprises elles-mêmes, ainsi que les autres entreprises européennes, pourraient d’ailleurs, avec le retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, se trouver confrontées à l’extraterritorialité du droit américain.

Certes, on doit reconnaître l’engagement dans ce dossier du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, qui a porté le débat à l’échelle européenne. Cependant, l’objectif demeure que cette situation trouve aussi rapidement que possible une solution définitive et ne se reproduise plus à l’avenir. C’est la raison pour laquelle la proposition formulée par notre collègue visant à entamer la négociation d’un amendement à l’accord fiscal bilatéral me semble particulièrement bienvenue.

Ainsi, les négociations devraient porter sur la possibilité pour nos concitoyens de renoncer, s’ils le souhaitent, à la citoyenneté américaine par une procédure simple et gratuite – ou, à tout le moins, peu onéreuse –, mais également, pour ceux qui ne désirent pas la perte de leur double nationalité, la fin d’une imposition fiscale non fondée par les institutions américaines.

Enfin, concernant la fermeture abusive des comptes bancaires, il est important de rappeler une nouvelle fois à nos concitoyens concernés qu’un recours auprès de la Banque de France est possible. Celui-ci devrait même être facilité, afin de contraindre les banques appliquant cette procédure, qui, il faut le rappeler, est contraire au droit au compte garanti par l’article L. 312-1 du code monétaire et financier, d’accepter la réouverture d’un compte sans usage d’une réponse dilatoire.

Puisque nous en sommes à évoquer la loi FATCA, je note que cette dernière impose également aux États-Unis d’Amérique un principe de réciprocité complète. Il faudrait en bonne logique que les institutions bancaires américaines fournissent des informations à notre administration sur des comptes détenus sur le sol américain en cas d’évasion fiscale avérée. Ce principe n’étant pas respecté, une action diplomatique plus globale serait dans l’ordre des choses.

Nous sommes nombreux à avoir été interpellés par des « Américains accidentels » résidant dans nos territoires, et par l’association qui les représente. Les « Américains accidentels » bretons n’ont pas manqué de venir me voir, comme ils l’ont fait avec Michel Canevet. Ils nous ont sensibilisés sur leur situation, pour que nous puissions répondre avec efficacité et rapidité à leur appel au secours.

Je ne puis donc que souligner l’intérêt de ce texte, dont je ne vois pas quels arguments pourraient lui être opposés. Logiquement, mes chers collègues, le groupe socialiste et républicain soutiendra cette proposition de résolution.

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