Intervention de Hélène Sallon

Commission d'enquête menace terroriste après chute de l'Etat islamique — Réunion du 18 avril 2018 à 16h05
Audition de Mme Hélène Sallon journaliste au monde

Hélène Sallon, journaliste au quotidien Le Monde :

Daech dispose de combattants intelligents. Quand il a lancé son offensive, il s'est appuyé sur des tribus marginalisées et sur la forte fracture existante entre les citadins et les villageois. Il a ainsi fait croire qu'il remettrait au pouvoir les autorités civiles. Depuis 2004, la ville était confrontée à une négligence de la part de l'État ; les services municipaux manquaient d'investissement. La population était opposée au pouvoir fédéral et local. La population a beaucoup pâti du manque des services et des barrages militaires. L'ancien Premier ministre avait une politique excessivement confessionnelle. Les forces militaires étaient en très grande majorité chiites. Elles ont mené la vie dure à la population sunnite du fait du « printemps arabe » qui a touché l'Irak fin 2012. Avec les barrages militaires, un trajet prenant normalement 20 minutes nécessitait une à deux heures.

Daech a fait retirer tous les barrages, a réparé les routes, a embelli la ville, a rétabli les services municipaux. Certes, la population devait payer une taxe, mais elle était d'accord car elle avait des services en retour. La Constitution de la ville a été distribuée le 13 juin. Celle-ci prévoyait une interdiction de toute expression politique. Des règles vestimentaires pour les femmes et les hommes ont été instaurées, une interdiction des jeux, de fumer et de boire a été mise en place. Les femmes n'avaient le droit de sortir qu'en cas de nécessité. Les châtiments étaient rétablis. Toutefois, dans un premier temps, ces règles n'ont pas été appliquées. Ainsi la réglementation relative aux femmes a-t-elle été appliquée à partir de mi-juillet, et l'interdiction de fumer un peu plus tard. En septembre 2014, trois mois après la prise de Mossoul, la totalité du corpus a été appliqué. Daech est devenu beaucoup plus paranoïaque. Du fait des frappes de la coalition, la ville a été fermée dès août : plus personne ne pouvait y rentrer, ni en sortir sans autorisation spéciale. Daech était un État très bureaucratique. Sur les 2 millions de personnes, 500 000 habitants sont partis. 1,5 million de personnes étaient ainsi prises au piège dans la ville. Les personnes qui sont restées ont voulu garder leurs maisons et leurs biens. Celles qui sont parties sont les élites qui étaient déjà menacées par Al-Qaida ; les policiers et l'armée, car ils avaient un fort lien à l'État ; des habitants qui avaient les moyens de partir - les professeurs notamment.

Pour ceux qui restaient, les règles étaient strictes : interdiction des pantalons trop courts, obligation d'aller à la mosquée, diffusion de propagande dans les rues. La pression a augmenté à partir de septembre 2014 car Daech sait que la coalition rencontre des succès et qu'elle a réussi à infiltrer son mouvement. Ainsi le gouverneur de Mossoul, lié à Daech, a-t-il été tué par une frappe ciblée en septembre. Daech mène alors une traque aux informateurs. On constate une surveillance de plus en plus forte et les interdictions s'amplifient au fur et à mesure des frappes. En 2016, Daech mène des raids et des fouilles chez les gens.

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