Comme vous le savez tous, la fonction de contrôle est une mission essentielle qui nous est confiée. Parallèlement à nos travaux de contrôle, chaque année, se tient en séance un débat sur l'application des lois, sur la base des rapports établis par les présidents de toutes les commissions permanentes dans leurs différents secteurs de compétence.
C'est dans ce cadre que je vous présente aujourd'hui un bilan de l'application des lois intéressant notre commission ; il traduit les grandes lignes du document détaillé qui vous a été transmis.
Une brève note de méthode tout d'abord : ce bilan porte sur les lois promulguées au cours de la dernière session (soit entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2017) ainsi que sur les lois antérieures qui ont fait l'objet de mesures réglementaires d'application jusqu'au 31 mars 2018. Je n'aborderai donc pas la loi adoptée depuis octobre 2017, à savoir celle sur l'orientation et la réussite des étudiants.
Au cours de la session 2016-2017, cinq lois ont été promulguées dans les secteurs de compétence de la commission. Sur ces cinq lois, une seule était issue d'un projet de loi. Encore s'agissait-il de la ratification d'une ordonnance. Sur quatre propositions de loi, trois résultaient d'initiatives sénatoriales : la loi du 20 décembre 2016 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, dite « loi Gattolin », la loi portant adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat, due à notre ancien collègue le questeur Jean-Léonce Dupont et la loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, due à notre ancien collègue, le questeur Dominique Bailly.
Après quelques velléités de revenir sur cette mesure phare dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse de la télévision publique a bien été mise en oeuvre le 1er janvier dernier.
En revanche, toutes les mesures réglementaires d'application de la « loi Bailly » n'ont pas encore été prises. Je m'en suis inquiétée auprès de la ministre des sports dès sa nomination afin de l'alerter sur l'importance que revêt la parution de ces textes pour l'application des lois. Je sais qu'alors que certains avaient du mal à accepter la position prise par le législateur en matière d'exploitation commerciale de l'image des sportifs, le décret d'application de cette disposition est désormais sur les rails.
D'une manière générale, à quelques exceptions près, l'application des lois est, depuis plusieurs années, plus rapide qu'autrefois. La transmission, dès la promulgation de la loi, d'un calendrier de parution des textes d'application traduit la volonté des gouvernements successifs de mettre véritablement en oeuvre rapidement les dispositions votées par le législateur et on ne peut que s'en réjouir.
En revanche, le bilan est moins favorable pour ce qui est des rapports demandés par la loi. Lorsqu'il s'agit d'un simple retard de quelques mois, passe encore, mais quand le document est attendu depuis plusieurs années, c'est nettement moins acceptable, surtout lorsqu'il porte sur une mesure emblématique.
Je pense, par exemple, au rapport d'impact de l'extension des exceptions au principe de l'enseignement en langue française, mesure particulièrement discutée dans le cadre de l'examen de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche de juillet 2013. Le rapport 2017 de la délégation générale à la langue française et aux langues de France comporte des développements à ce sujet. Mais le retard atteint désormais près de deux ans, puisqu'il devait être présenté dans un délai de trois ans après la promulgation de la loi. Qu'on soit favorable ou pas à cette mesure, disposer d'une première évaluation approfondie serait fort utile dans un contexte de compétition accrue pour l'accueil des étudiants étrangers.
Autre disposition importante de la « loi Fioraso », la prise en compte du doctorat pour le recrutement de fonctionnaires de la catégorie A. Son application tarde à venir et la publication, censée être annuelle, du rapport recensant les évolutions constatées n'a pas encore été suivie d'effet, ne serait-ce qu'une fois, traduisant les réticences des différents ministères à mettre en oeuvre cette disposition favorable aux chercheurs.
Dans le domaine de la culture, le texte législatif essentiel du précédent quinquennat a été la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine de juillet 2016, qui comportait 46 articles à l'origine et 119 lors de son adoption définitive et qui, si elle fut parfois âprement discutée, avait fait l'objet d'un large accord en commission mixte paritaire. On peut d'ailleurs se réjouir que ce projet de loi ait fait l'objet de deux lectures, ce qui a sans doute facilité l'établissement d'un consensus.
Lors du précédent bilan, le taux d'application de la loi, calculé sur la base des textes réglementaires parus au 31 mars 2017, s'établissait à 54 % ; un an plus tard, il s'élevait à 93 %. Le document qui vous a été adressé présente très précisément chacun de ces textes.
J'en citerai un en particulier parce qu'il illustre les difficultés pour le législateur de faire respecter sa volonté clairement exprimée lors des débats. Il s'agit du décret de mai 2017 relatif aux services publics d'archives. Nous avions largement débattu de cette question dans l'hémicycle mais le décret n'établit pas de critères précis. Notre collègue Sylvie Robert s'en est d'ailleurs étonnée dans une question écrite posée en juillet 2017, qui n'a pas, elle non plus, encore reçu de réponse, ce qui illustre, soit dit en passant, la difficulté générale à obtenir une réponse à nos questions écrites.
Quelques mesures restent en attente de textes d'application. Je pense en particulier à la définition des conditions dans lesquelles les enseignants des établissements d'enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques peuvent être chargés d'une mission de recherche et l'organisation des études et des diplômes ainsi que les modalités de l'évaluation des formations dans les disciplines du cinéma et de la communication audiovisuelle.
Quelques mots des rapports prévus ou attendus. Le premier rapport annuel sur l'établissement de la liste des ayants droit auxquels restituer les oeuvres spoliées est paru. Notre ancienne collègue Corinne Bouchoux avait eu un rôle moteur en la matière mais hélas beaucoup reste à faire et les restitutions demeurent peu nombreuses.
Le rapport de la Commission scientifique nationale des collections (CSNC) permet de dresser un constat tout proche : le fonctionnement des instances laisse à désirer.
En revanche, deux rapports ne sont toujours pas parus alors que nous avions exprimé des préoccupations fortes sur ces deux questions : la situation des arts visuels et la situation du dialogue social et de la représentativité des négociateurs professionnels du secteur du spectacle vivant et enregistré. Je compte alerter le secrétaire général du gouvernement à ce sujet lors du rendez-vous annuel que les présidents de commission ont avec lui.
À l'inverse - vous pourriez trouver cela étrange - je me félicite de l'absence de parution de plusieurs mesures réglementaires d'application. Par deux fois, nous avions inscrit dans la loi un délai, faute de quoi le pouvoir réglementaire aurait décidé en lieu et place des professionnels. Que ce soit en matière de rémunération minimale des artistes interprètes sur le streaming ou de transparence des comptes dans le cinéma et l'audiovisuel, ils ont réussi à s'entendre et les accords signés ont rendu inutile la parution de mesures réglementaires d'application.
Dernier élément concernant la LCAP, le volet relatif à l'architecture et, plus particulièrement l'article 88 de la loi, qui a introduit le dispositif du « permis de faire », c'est-à-dire de permettre à l'État, aux collectivités territoriales et aux organismes HLM de déroger, à titre expérimental et pour une durée de sept ans, à certaines règles de construction pour la réalisation d'équipements publics et de logements sociaux. Ces dispositions ont fait l'objet d'un premier décret, du 10 mai 2017. Un second devait porter sur un second champ de dérogation : réemploi de matériaux, performance énergétique, caractéristiques acoustiques... Mais, avant même sa parution, le gouvernement, en cohérence avec ce qu'il propose au sein de la loi ELAN pour accélérer la construction, a souhaité pouvoir abroger par ordonnance une partie de ces dispositions ; c'est l'objet de l'article 26 du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance.
Un mot pour terminer des lois plus anciennes, même si peu font désormais l'objet de mesures d'application. Je citerai néanmoins un décret du 8 mai 2017 pris pour l'application de la loi « Hadopi 1 », qui remonte à 2009. Ce texte a fixé les conditions de détermination du salaire minimum des journalistes professionnels auteurs d'images fixes rémunérés à la pige, dont vous connaissez la situation très précaire.
La réunion est close à 12 h 15.
- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -
La réunion est ouverte à 16 h 5.