Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Réunion du 16 mai 2018 à 16:5

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Photo de Catherine Morin-Desailly

Comme vous le savez tous, la fonction de contrôle est une mission essentielle qui nous est confiée. Parallèlement à nos travaux de contrôle, chaque année, se tient en séance un débat sur l'application des lois, sur la base des rapports établis par les présidents de toutes les commissions permanentes dans leurs différents secteurs de compétence.

C'est dans ce cadre que je vous présente aujourd'hui un bilan de l'application des lois intéressant notre commission ; il traduit les grandes lignes du document détaillé qui vous a été transmis.

Une brève note de méthode tout d'abord : ce bilan porte sur les lois promulguées au cours de la dernière session (soit entre le 1er octobre 2016 et le 30 septembre 2017) ainsi que sur les lois antérieures qui ont fait l'objet de mesures réglementaires d'application jusqu'au 31 mars 2018. Je n'aborderai donc pas la loi adoptée depuis octobre 2017, à savoir celle sur l'orientation et la réussite des étudiants.

Au cours de la session 2016-2017, cinq lois ont été promulguées dans les secteurs de compétence de la commission. Sur ces cinq lois, une seule était issue d'un projet de loi. Encore s'agissait-il de la ratification d'une ordonnance. Sur quatre propositions de loi, trois résultaient d'initiatives sénatoriales : la loi du 20 décembre 2016 relative à la suppression de la publicité commerciale dans les programmes jeunesse de la télévision publique, dite « loi Gattolin », la loi portant adaptation du deuxième cycle de l'enseignement supérieur français au système Licence-Master-Doctorat, due à notre ancien collègue le questeur Jean-Léonce Dupont et la loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, due à notre ancien collègue, le questeur Dominique Bailly.

Après quelques velléités de revenir sur cette mesure phare dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2018, la suppression de la publicité dans les programmes jeunesse de la télévision publique a bien été mise en oeuvre le 1er janvier dernier.

En revanche, toutes les mesures réglementaires d'application de la « loi Bailly » n'ont pas encore été prises. Je m'en suis inquiétée auprès de la ministre des sports dès sa nomination afin de l'alerter sur l'importance que revêt la parution de ces textes pour l'application des lois. Je sais qu'alors que certains avaient du mal à accepter la position prise par le législateur en matière d'exploitation commerciale de l'image des sportifs, le décret d'application de cette disposition est désormais sur les rails.

D'une manière générale, à quelques exceptions près, l'application des lois est, depuis plusieurs années, plus rapide qu'autrefois. La transmission, dès la promulgation de la loi, d'un calendrier de parution des textes d'application traduit la volonté des gouvernements successifs de mettre véritablement en oeuvre rapidement les dispositions votées par le législateur et on ne peut que s'en réjouir.

En revanche, le bilan est moins favorable pour ce qui est des rapports demandés par la loi. Lorsqu'il s'agit d'un simple retard de quelques mois, passe encore, mais quand le document est attendu depuis plusieurs années, c'est nettement moins acceptable, surtout lorsqu'il porte sur une mesure emblématique.

Je pense, par exemple, au rapport d'impact de l'extension des exceptions au principe de l'enseignement en langue française, mesure particulièrement discutée dans le cadre de l'examen de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche de juillet 2013. Le rapport 2017 de la délégation générale à la langue française et aux langues de France comporte des développements à ce sujet. Mais le retard atteint désormais près de deux ans, puisqu'il devait être présenté dans un délai de trois ans après la promulgation de la loi. Qu'on soit favorable ou pas à cette mesure, disposer d'une première évaluation approfondie serait fort utile dans un contexte de compétition accrue pour l'accueil des étudiants étrangers.

Autre disposition importante de la « loi Fioraso », la prise en compte du doctorat pour le recrutement de fonctionnaires de la catégorie A. Son application tarde à venir et la publication, censée être annuelle, du rapport recensant les évolutions constatées n'a pas encore été suivie d'effet, ne serait-ce qu'une fois, traduisant les réticences des différents ministères à mettre en oeuvre cette disposition favorable aux chercheurs.

Dans le domaine de la culture, le texte législatif essentiel du précédent quinquennat a été la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine de juillet 2016, qui comportait 46 articles à l'origine et 119 lors de son adoption définitive et qui, si elle fut parfois âprement discutée, avait fait l'objet d'un large accord en commission mixte paritaire. On peut d'ailleurs se réjouir que ce projet de loi ait fait l'objet de deux lectures, ce qui a sans doute facilité l'établissement d'un consensus.

Lors du précédent bilan, le taux d'application de la loi, calculé sur la base des textes réglementaires parus au 31 mars 2017, s'établissait à 54 % ; un an plus tard, il s'élevait à 93 %. Le document qui vous a été adressé présente très précisément chacun de ces textes.

J'en citerai un en particulier parce qu'il illustre les difficultés pour le législateur de faire respecter sa volonté clairement exprimée lors des débats. Il s'agit du décret de mai 2017 relatif aux services publics d'archives. Nous avions largement débattu de cette question dans l'hémicycle mais le décret n'établit pas de critères précis. Notre collègue Sylvie Robert s'en est d'ailleurs étonnée dans une question écrite posée en juillet 2017, qui n'a pas, elle non plus, encore reçu de réponse, ce qui illustre, soit dit en passant, la difficulté générale à obtenir une réponse à nos questions écrites.

Quelques mesures restent en attente de textes d'application. Je pense en particulier à la définition des conditions dans lesquelles les enseignants des établissements d'enseignement supérieur de la création artistique dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques peuvent être chargés d'une mission de recherche et l'organisation des études et des diplômes ainsi que les modalités de l'évaluation des formations dans les disciplines du cinéma et de la communication audiovisuelle.

Quelques mots des rapports prévus ou attendus. Le premier rapport annuel sur l'établissement de la liste des ayants droit auxquels restituer les oeuvres spoliées est paru. Notre ancienne collègue Corinne Bouchoux avait eu un rôle moteur en la matière mais hélas beaucoup reste à faire et les restitutions demeurent peu nombreuses.

Le rapport de la Commission scientifique nationale des collections (CSNC) permet de dresser un constat tout proche : le fonctionnement des instances laisse à désirer.

En revanche, deux rapports ne sont toujours pas parus alors que nous avions exprimé des préoccupations fortes sur ces deux questions : la situation des arts visuels et la situation du dialogue social et de la représentativité des négociateurs professionnels du secteur du spectacle vivant et enregistré. Je compte alerter le secrétaire général du gouvernement à ce sujet lors du rendez-vous annuel que les présidents de commission ont avec lui.

À l'inverse - vous pourriez trouver cela étrange - je me félicite de l'absence de parution de plusieurs mesures réglementaires d'application. Par deux fois, nous avions inscrit dans la loi un délai, faute de quoi le pouvoir réglementaire aurait décidé en lieu et place des professionnels. Que ce soit en matière de rémunération minimale des artistes interprètes sur le streaming ou de transparence des comptes dans le cinéma et l'audiovisuel, ils ont réussi à s'entendre et les accords signés ont rendu inutile la parution de mesures réglementaires d'application.

Dernier élément concernant la LCAP, le volet relatif à l'architecture et, plus particulièrement l'article 88 de la loi, qui a introduit le dispositif du « permis de faire », c'est-à-dire de permettre à l'État, aux collectivités territoriales et aux organismes HLM de déroger, à titre expérimental et pour une durée de sept ans, à certaines règles de construction pour la réalisation d'équipements publics et de logements sociaux. Ces dispositions ont fait l'objet d'un premier décret, du 10 mai 2017. Un second devait porter sur un second champ de dérogation : réemploi de matériaux, performance énergétique, caractéristiques acoustiques... Mais, avant même sa parution, le gouvernement, en cohérence avec ce qu'il propose au sein de la loi ELAN pour accélérer la construction, a souhaité pouvoir abroger par ordonnance une partie de ces dispositions ; c'est l'objet de l'article 26 du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance.

Un mot pour terminer des lois plus anciennes, même si peu font désormais l'objet de mesures d'application. Je citerai néanmoins un décret du 8 mai 2017 pris pour l'application de la loi « Hadopi 1 », qui remonte à 2009. Ce texte a fixé les conditions de détermination du salaire minimum des journalistes professionnels auteurs d'images fixes rémunérés à la pige, dont vous connaissez la situation très précaire.

La réunion est close à 12 h 15.

- Présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, présidente -

La réunion est ouverte à 16 h 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Après avoir entendu ce matin M. Eric Fottorino, et avant de recevoir M. Nicolas Sauzay, nous accueillons M. Marc Schwartz, conseiller maitre à la Cour des comptes, chargé d'une mission sur l'avenir de la distribution de la presse, et M. Fabien Terraillot, rapporteur de la mission.

Pour avoir échangé avec vous, je sais que la distribution de la presse a été au coeur de vos préoccupations de ces derniers mois, et la ministre vous a confié une mission, qui fait suite au travail - jamais publié - de Gérard Rameix.

Debut de section - Permalien
Marc Schwartz, chargé d'une mission sur l'avenir de la distribution de la presse

À la suite de la mission qui avait été confiée à M. Rameix, les ministres de la culture et des finances m'ont confié deux tâches, dont la première a été de coordonner le travail des services de l'État dans le cadre des négociations que j'ai menées de janvier à la mi-mars sur la situation de Presstalis. Un protocole d'accord a été signé le 13 mars qui prévoit un certain nombre de dispositifs, dont certains ont été rendus publics comme le prêt consenti par le ministère des finances. La situation que j'ai trouvée est un peu analogue à celle que nous avions rencontrée il y a quelques années, ce qui explique la deuxième partie de la mission que m'ont confiée les deux ministres - réfléchir à une réforme structurelle de la distribution de la presse afin que les difficultés actuelles ne se reproduisent plus.

Dès la signature du protocole d'accord, j'ai entamé des consultations avec une soixantaine de personnes, dont certaines que vous avez reçues. Nous avons auditionné toutes les parties prenantes : éditeurs de presse, représentants de la distribution, des messageries, des syndicats du niveau 2 - c'est-à-dire les dépositaires régionaux - et les syndicats de diffuseurs de presse, qu'il serait préférable d'appeler marchands de presse. Nous avons également auditionné les Messageries lyonnaises de presse (MLP), qui sont les concurrents de Presstalis. Enfin, nous avons reçu un certain nombre d'universitaires, de spécialistes et d'historiens de la presse en France pour mieux comprendre le contexte dans lequel la loi Bichet avait été votée.

A l'occasion d'une table ronde avec des économistes, nous avons abordé la question de la diffusion numérique de la presse en même temps que celle de sa diffusion physique. Le législateur ne peut vouloir modifier la loi Bichet qui ne traite que de la distribution physique - qui ne cesse de diminuer - sans se préoccuper de la diffusion numérique. Le principe fondateur de cette loi est le respect du pluralisme et de l'indépendance de la presse d'information et la diffusion de tous les titres. Or, ce principe doit s'appliquer tout autant à la diffusion numérique, sinon plus, compte tenu de la masse d'informations qui circule sur Internet. Les informations affluent sur nos téléphones et nos tablettes, que ce soit par les organes de presse officiels ou par les réseaux sociaux, sans que nous sachions qui préside à la sélection des informations qui sont fournies. Vous le voyez, très vite, nous arrivons à la question de la régulation des plateformes numériques et des algorithmes.

Il est normal que vous ne disposiez pas de mon rapport, car je ne l'ai pas encore remis aux deux ministres, même si cela devrait bientôt être le cas. Un projet de texte sera annexé à ce rapport qui proposera une réforme de la loi Bichet. Bien évidemment, diverses options resteront ouvertes afin que le pouvoir politique puisse décider en toute liberté. Ce sujet est essentiel et très sensible car dès que l'on y touche, on risque de porter atteinte aux principes fondamentaux du droit français, à savoir l'article 11 de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, qui reconnait « la libre communication des pensées et des opinions » et qui a servi de référence à la jurisprudence du Conseil constitutionnel qui a été élaborée à partir de la loi dite « anti-Hersant » de 1984. La modification de la loi Bichet devra donc respecter intégralement le principe d'indépendance et de pluralisme de la presse.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Laugier

Merci pour cette présentation. Nous espérons vivement que votre rapport sera publié, car tel ne fut pas le cas pour certains rapports précédents, notamment celui de M. Rameix.

Avez-vous dressé le bilan de l'existant ? La législation a évolué ces dernières années mais les difficultés restent les mêmes. Comment expliquez-vous la situation actuelle de Presstalis ? Que préconisez-vous pour l'avenir ? Faut-il tout remettre à plat ou le système captif en vigueur peut-il perdurer ?

La situation financière de Presstalis est préoccupante et l'État va devoir mettre la main à la poche. Disposez-vous d'un calendrier ? Pour notre part, nous ne disposons d'aucun renseignement.

Debut de section - Permalien
Marc Schwartz, chargé d'une mission sur l'avenir de la distribution de la presse

A l'occasion de mes fonctions précédentes, je n'ai été informé de la situation de Presstalis que très tardivement. Le fait est que la précédente présidente est partie en juin 2017 et que le directeur général qui devait assurer l'intérim est parti à son tour en septembre. L'actuelle présidente, Mme Michèle Benbunan, n'a été nommée qu'en novembre dernier et ce n'est qu'à ce moment-là que nous avons été avertis que Presstalis se trouvait en cessation de paiement alors qu'il nous avait été dit, plus tôt dans l'année, que le résultat d'exploitation de l'entreprise serait positif à hauteur de 2 à 3 millions d'euros. Or, on nous annonce désormais un résultat négatif de 20 millions d'euros. En outre, on a trop souvent tendance à s'arrêter au résultat d'exploitation alors que les charges financières de cette entreprise sont extrêmement lourdes : son endettement est considérable ainsi que les charges exceptionnelles dues à des plans de départ très onéreux. Entre 2011 et 2012, Presstalis a perdu en résultat net entre 50 et 100 millions d'euros par an. Ensuite, ce fut des pertes d'environ 50 millions d'euros chaque année. Aujourd'hui, l'endettement de l'entreprise atteint 350 millions d'euros, montant supérieur à son actif. Ainsi, même si le résultat net était à nouveau positif, il resterait un trou béant à combler. Si nous arrivons à mettre en oeuvre le plan de redressement prévu par Mme Benbunan, ce qui est loin d'être acquis, le problème de la dette restera à régler.

La loi Bichet a un défaut majeur car elle induit un conflit d'intérêts en faisant des éditeurs les actionnaires mais aussi les clients des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) devenues Presstalis. Les éditeurs fixant les tarifs de leur fournisseur, ils ont logiquement choisi leurs intérêts propres au détriment de celui de Presstalis.

Je ne peux vous dire exactement comment on en est arrivé à cette situation car ma mission n'était pas celle d'un audit : je devais présenter des propositions pour l'avenir. Je recommanderai la publication de mon rapport, puisqu'il propose de modifier la loi Bichet, mais ce n'est pas à moi d'en décider.

Pour mémoire, la diffusion papier a diminué de 50 % en volume et de 35 % en valeur au cours des dix dernières années. Dans un marché qui baisse aussi vite, une entreprise qui n'arrive pas à réduire ses coûts au même rythme se retrouve immanquablement en difficulté. Or Presstalis présente des lourdeurs historiques et elle a eu des difficultés à mettre en place les réformes qui s'imposaient. La direction précédente n'était pourtant pas restée inactive : entre 2012 et 2017, les effectifs sont passés de 2 400 à 1 200 personnes. Le plan d'économies qui a été mis en place n'était néanmoins peut-être pas assez ambitieux. Les choix industriels n'ont sans doute pas été des plus opportuns, surtout qu'ils n'étaient pas les mêmes que ceux des MLP.

Globalement, l'attrition est la cause principale des difficultés de Presstalis, qui n'arrive pas à adapter sa structure de coût à la baisse du marché. La régulation, par ailleurs, n'est pas assez forte.

Le plan de redressement porte sur deux ans. Il était nécessaire, mais il ne sera pas suffisant, un certain nombre de sujets n'ayant pas été traités pour des raisons sociales internes. Vous aurez d'ailleurs remarqué qu'il n'y a pas eu de blocage de la distribution... Pour autant, Presstalis n'est pas tirée d'affaire. Il faut donc modifier la loi très rapidement. Le début d'année 2018 est déjà en deçà des prévisions. Les points Relay en gare sont en difficulté à cause de la grève à la SNCF, qui s'est traduite par une baisse de 20 % de leurs ventes.

Vous m'avez interrogé sur mes préconisations. Je ne propose pas de tout remettre en cause. Au contraire, je proposerai de conforter les principes de la loi Bichet : liberté de distribution, égalité des éditeurs, système coopératif et impartialité.

Quel était le contexte de l'adoption de la loi Bichet ? Avant la Seconde Guerre mondiale, il existait un monopole de fait des messageries Hachette. Cette entreprise s'étant compromise avec l'occupant, elle a été dissoute à la Libération. On s'est accordé sur la nécessité de soustraire la diffusion du monopole et des intérêts politiques pour restaurer la liberté de la presse. Il faut savoir qu'à l'époque l'essentiel de la diffusion était constitué de titres de presse d'information. Il y avait 35 quotidiens nationaux, qui diffusaient à 6 millions d'exemplaires. Aujourd'hui, il n'y a plus que 9 quotidiens nationaux, qui diffusent à 1,2 million d'exemplaires. C'est donc le système coopératif, avec l'interdiction de refuser un éditeur, qui a été retenu pour préserver tous ces principes. Ce système a apporté beaucoup. Il a permis de rétablir la liberté de la presse et de développer la presse magazine, qui est très importante en France.

Néanmoins, on a assisté à une dérive, la régulation ayant montré ses limites. Le mécanisme de la porte ouverte est utilisé par des éditeurs qui n'ont rien à faire dans le dispositif. On m'a rapporté qu'une râpe à fromage, accompagnée d'un fascicule sous blister, avait été diffusée dans le réseau. Des éditeurs lancent de faux n°1, car il n'y a jamais de n° 2, et le n°1 n'est donc jamais enlevé des kiosques. Il y a un nombre de références beaucoup trop élevé, d'où un encombrement des linéaires très difficile à gérer. Résultat : le taux moyen des invendus en France se situe entre 60 % et 65 %. Certes, la presse est un produit périssable, mais ce chiffre est quand même trop important.

Je préconise donc de renforcer les principes, tout en mettant en place des outils juridiques pour limiter l'inflation.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Votre exposé est très complet et rappelle bien les enjeux auxquels nous devons faire face. Cet état des lieux est impératif pour savoir ce que nous devons faire demain.

Je me sens un peu responsable de la situation pour avoir participé à la réforme de 2011. À l'époque, nous avons fait confiance à l'autorégulation, mais il semble que notre confiance a été trahie.

Nous avons besoin de savoir où se situent exactement les responsabilités. On nous dit que certaines choses ont été faites sciemment pour détourner le système. Qui est à l'origine des pertes ? Au passage, je vous fais remarquer que personne n'a démenti les propos de M. Fottorino.

Comment concilier à l'avenir les principes de la loi Bichet avec les évolutions de la diffusion de l'information, notamment grâce, ou à cause, du développement du numérique ? Nous devons aller vite, mais il ne faut pas légiférer en catimini. J'ai appris que l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) pourrait devenir l'autorité de régulation de la distribution de la presse. Je n'y suis pas opposé, mais la loi devra être très précise sur les missions qui lui sont confiées. Enfin, il nous faudra impérativement mener un débat sur l'attribution des aides publiques à la presse. Ces problèmes sont liés.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Allez-vous jusqu'à proposer un nouveau modèle économique et industriel pour tenir compte de la dichotomie entre physique et numérique ? Selon vous, le secteur de la presse physique peut-il tomber encore plus bas ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

L'audition de M. Fottorino ce matin nous a montré que la presse papier se voilait la face. Le numérique est bien évidemment de plus en plus important. Il faudrait affiner la classification en différenciant papier, numérique, presse généraliste ou spécialisée.

Enfin, il nous paraît insensé que nous ne puissions pas avoir un chiffre précis des invendus. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Marc Schwartz, chargé d'une mission sur l'avenir de la distribution de la presse

Bien malin qui peut dire jusqu'où ira le numérique, mais la tendance est claire. Personnellement, je pense qu'une certaine presse papier a encore un avenir : la presse spécialisée, technique, les magazines. Je ne vois pas un monde sans papier à échéance de quelques années.

Monsieur Assouline, j'ai relu le rapport de 2011. À l'époque, la presse voulait une autorégulation. On peut maintenant dire que cela n'a pas suffi, mais le système manquait surtout de moyens d'analyse économique et juridique : l'Association des maires de France (AMF), c'est 600 personnes, l'ARCEP 200, alors que l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) ne dispose que d'un maître des requêtes au conseil d'État à temps partiel.

L'autorégulation a surtout montré ses limites en période de crise. Faut-il une autorité dédiée à la diffusion de la presse ? Faut-il deux autorités plutôt qu'une ? Doivent-elles être dotées d'un pouvoir de sanction, à la différence du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) ?

S'agissant de l'évaluation des invendus, l'informatique est la clé, mais les éditeurs se sont opposés à la décision du CSMP.

Pour revenir à la régulation, il me semble que deux organismes pourraient y prétendre légitimement : l'ARCEP et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).

La question est surtout de mieux définir la presse et le champ d'intervention de la régulation. Il n'y a pas de définition unique de la presse en France, et c'est un problème. On en compte au moins cinq. Néanmoins, si l'on restreint le champ d'application de la loi, on écarte un certain nombre de titres qui alimentent la péréquation, ce qui pose un problème d'ordre économique.

Le système des aides à la presse mérite d'être revu complètement. Il crée une relation malsaine entre l'État et les titres de presse. En Allemagne, les aides directes sont interdites. Pour ma part, je pense qu'un système d'aides indirectes amélioré (taux de TVA, tarifs postaux) est préférable.

La coopérative est un moyen un peu fruste de régulation, mais, à l'époque, on n'avait pas trouvé mieux. Dans une période de bonne activité, cela peut fonctionner, mais en période de crise....

S'agissant du choix de l'Autorité de régulation, ma préférence va plutôt vers l'ARCEP, qui sait comment réguler un réseau physique. Son approche du problème est très solide. Vous avez raison, monsieur Assouline, il faudra très précisément définir les missions de cette autorité, mais, pour moi, elle ne doit pas intervenir dans la définition du contenu, qui doit relever de la commission paritaire. Par ailleurs, je pense qu'il faut placer à côté d'elle un comité consultatif composé de tous les acteurs de la presse.

La loi Bichet a créé un droit à la distribution qu'il faut préserver. Il faudra donc l'inscrire dans la nouvelle loi. C'est autour de cette idée que nous travaillons.

Debut de section - Permalien
Marc Schwartz, chargé d'une mission sur l'avenir de la distribution de la presse

La question se pose différemment, car tout le monde a accès au numérique. Cependant, il y a un problème avec les kiosques et les plateformes. On peut imaginer qu'ils soient obligés de diffuser tous les titres d'information générale et politique, mais c'est une question très complexe.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur Sauzay, merci d'avoir répondu à notre invitation. Nous souhaitons tout particulièrement vous entendre au sujet de la crise que traverse actuellement Presstalis et à propos des projets de réforme en cours. J'espère que vous voudrez bien nous livrer votre analyse personnelle.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sauzay, président de la coopérative des magazines

Vaste programme, madame la présidente ! Avant tout, permettez-moi de remettre les événements actuels dans leur contexte, même si ce dernier est relativement bien connu.

J'interviens aujourd'hui en tant que président de la coopérative des magazines. Je précise toutefois que j'ai pris mes fonctions il y a moins d'un an, à la suite d'un changement de génération survenu à la tête de la coopérative. J'exerce cette charge à titre bénévole, comme chacun des administrateurs de la coopérative des magazines et comme chacun des administrateurs de Presstalis. En outre, je suis avant tout éditeur de presse magazine, représentant d'une société familiale allemande, le groupe Bauer, situé à Hambourg, lequel est profondément francophone et francophile. C'est également en cette qualité que je m'exprimerai ; j'ajoute que chacun des 300 éditeurs de la coopérative a certainement son point de vue sur la question.

Vous le savez, le système de distribution de la presse française est organisé selon trois niveaux.

Le premier niveau est celui des sociétés coopératives et des sociétés commerciales de messageries de presse.

Pour être distribué en France, un titre de presse doit être rattaché à une coopérative. La France est le seul pays au monde où la distribution de la presse est ainsi organisée, dans le cadre de la loi Bichet. Le but est de garantir un égal accès des citoyens à tous les quotidiens et à tous les magazines ; le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) sont les deux autorités de régulation compétentes dans ce cadre. Quant à la Commission paritaire de publication des agences de presse (CPPAP), elle valide le taux de TVA réduit applicable en la matière.

Lorsqu'on s'adresse aux citoyens, aux professionnels, et notamment à des éditeurs européens, il est difficile d'expliquer ce contexte d'économie régulée, voire administrée, qui est unique au monde. D'ailleurs, ce système atteint ses limites, du fait de ses complexités et des contraintes qu'elles impliquent.

Face aux difficultés actuelles, le système coopératif en vigueur ralentit et dilue les prises de décision. Chaque éditeur compte pour une voix, quel que soit son poids dans le secteur. Ce dispositif pose particulièrement problème pour les magazines, car les éditeurs sont au nombre de 300 au sein de notre coopérative, qui contrôle Presstalis : on mesure combien il est difficile de concilier tant d'intérêts et d'opinions divergents.

De plus, Presstalis et les Messageries Lyonnaises de Presse (MLP) ne sont pas soumises aux mêmes contraintes. Le premier gère les quotidiens, le second non.

Certains estiment qu'il convient de fusionner ces deux messageries. Ils avancent que l'une et l'autre ont de moins en moins d'activité. Le fait est que toutes deux cherchent à capter l'activité de leur concurrent. En résulte une guerre des tarifs, qui risque de les tuer toutes les deux. Toutefois, d'autres considèrent qu'un tel regroupement pour la vente au numéro serait infernal, car, pour l'abonnement des magazines, La Poste est déjà en situation de monopole.

Le deuxième niveau est celui des dépositaires de presse. Ces derniers sont aujourd'hui au nombre de 60, contre 160 il y a quelques années. Ce chiffre est-il satisfaisant ? Compte tenu des améliorations sensibles que connaît la logistique, a-t-on besoin de tant de dépositaires ? En Allemagne, ces derniers sont au nombre de 40 et, il y a quelques semaines, un accord-cadre a été signé entre les dépositaires et les éditeurs pour réduire encore les coûts et ne garder que 15 dépositaires. Peut-être les éditeurs pourront-ils, demain, directement livrer les diffuseurs de presse. A contrario, d'aucuns souhaitent que le maillage des dépositaires devienne encore plus fin, pour que ces derniers soient au plus près du terrain.

Le troisième niveau, celui des diffuseurs de presse, souffre énormément.

Les éditeurs choisissent les quantités et les titres distribués chez les marchands de journaux. Nombre d'éditeurs sont très attachés à ce principe. Mais, pour d'autres, il serait normal que les diffuseurs de presse puissent choisir les titres des magazines qu'ils proposent et qu'ils fixent les quantités dans lesquelles ils souhaitent les recevoir. En pareil cas, les publications d'information politique et générale seraient sanctuarisées.

Le but est de développer la commercialité, pour aller là où il y a des flux : il faut proposer la presse dans les lieux où la demande s'exprime, afin de vendre davantage d'exemplaires de magazines et de presse quotidienne. De leur côté, les marchands de journaux pourraient voir d'un mauvais oeil la vente de journaux et de magazines dans les boulangeries ou les jardineries en face de leur magasin. Mais, face à la presse digitale, si la presse papier ne va pas là où se trouve la demande, elle va mourir à petit feu.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Laugier

Comment expliquez-vous que l'on découvre, aujourd'hui, chez Presstalis, une dette d'un montant si élevé, avec des fonds propres négatifs de 350 millions d'euros ? Peut-on parler de défaillance du conseil d'administration, dont vous êtes membre ? Si l'on en croit tel ou tel propos écrit tenu sous le couvert de l'anonymat, certains éléments auraient été cachés... À vos yeux, le système coopératif est-il toujours pertinent ? Les mêmes acteurs se retrouvent du côté de la distribution et de la régulation.

Quoi qu'il en soit, on ne peut pas poursuivre avec le système actuel. Selon vous, comment faudrait-il faire évoluer la loi Bichet ?

Quelle est la part de responsabilité des grands éditeurs dans la situation actuelle ? Les petits éditeurs en sont, eux aussi, pour partie comptables, du fait du grand nombre d'invendus dénombrés parmi les publications qu'ils proposent.

À vos yeux, le plan présenté par la nouvelle présidente du conseil d'administration de Presstalis est-il réaliste ?

Enfin, le CSMP a suggéré que la coopérative et les éditeurs devraient être comptables de la dette de Presstalis. Est-ce possible ? Et, dans l'affirmative, est-ce souhaitable ? Il faut absolument faire évoluer la loi pour trouver une vraie solution. Je vous pose des questions directes, car la situation l'impose.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sauzay, président de la coopérative des magazines

Ma conviction, c'est que ces difficultés datent de 2011, époque à laquelle un plan avait déjà été mis en oeuvre, avec un mandataire ad hoc, Me Laurence Lessertois.

L'État, les éditeurs et les coopératives se sont alors réunis pour mettre en oeuvre une restructuration sociale et un vaste plan d'économies. Un médiateur a été désigné. De 2 500, le nombre d'employés a, depuis, été réduit à 1 200. Mais les coûts de restructuration individuelle se sont révélés particulièrement élevés. En particulier, la convention collective dont bénéficient un certain nombre de salariés, qui date de l'après-guerre, est très avantageuse.

Cela étant, je n'entends pas me défausser.

Le conseil d'administration a estimé que le travail mené par l'équipe dirigeante, notamment par Anne-Marie Couderc, alors présidente de Presstalis, avait atteint ses limites. D'autres, toutefois, ont émis un avis différent ; la situation est particulièrement complexe.

Le cas échéant, les responsabilités devraient être cherchées, avant tout, au sein de la direction de l'entreprise, mais on a fait le choix de regarder avant tout vers l'avenir. Contrairement à ce que vous suggérez, le conseil d'administration a pleinement assumé son rôle.

Pourquoi les comptes se sont-ils dégradés si fortement ? Pour vous répondre, il faudrait dresser un inventaire à la Prévert !

Les MLP et Presstalis ont tour à tour baissé leurs tarifs dans le cadre d'une guerre des coûts, et les derniers barèmes ont été validés par l'ARDP au printemps de 2017. La convention collective en vigueur pose question. Le système coopératif a ses avantages, mais il soulève aussi des problèmes, car, je le répète, chaque éditeur dispose d'une voix, et, dès lors, Presstalis ne peut réagir avec autant de vigueur qu'une entreprise privée aux difficultés qu'elle affronte. La mutualisation des flux a bénéficié aux MLP, qui disposaient de simples camionnettes et qui, ainsi, ont pu faire diffuser nombre de magazines par Presstalis : elles ont pu dégager des économies colossales. En revanche, Presstalis, qui avait déjà de grands camions, n'y a rien gagné. À tous ces éléments s'ajoute la révolution digitale, qui constitue un bouleversement sans précédent.

Il n'y a eu aucun cas d'enrichissement personnel au sein du conseil d'administration de Presstalis : nous sommes tous des bénévoles, et nous nous battons pour la filière. Le marché publicitaire s'effondre, le prix des matières premières augmente, en particulier celui du papier, et le système de diffusion est particulièrement fragile.

Chez les éditeurs, en France, le poste de coûts le plus important, c'est la distribution ; c'est le seul qu'ils ne puissent pas négocier, car ils dépendent de barèmes fixés chaque année en assemblée générale, proposés au CSMP et validés par l'ARDP. La France est le seul pays au monde qui applique ce système !

Imaginons que, demain, vous créiez un magazine, et que vous tiriez le premier numéro à un million d'exemplaires. Si vous en vendez 10, les 999 990 exemplaires restants pèseront sur toute la filière. En Angleterre, en Allemagne, la relation commerciale est tout autre.

La pluralité des opinions et des idées doit être garantie : c'est en enjeu essentiel, et, à ce titre, le système français mérite d'être préservé. Mais ce dernier fait face à ses limites dans le contexte que nous connaissons.

J'insiste : la direction de Presstalis a fait de son mieux. Les grands éditeurs ont eu un rôle essentiel, ils n'ont jamais faibli, et je tiens à leur rendre hommage. Cet hiver encore, ils se sont mobilisés pour apporter, en compte courant, d'importantes liquidités, qu'ils risquent de ne jamais revoir... Sans eux, le système s'écroulait, les imprimeurs et les marchands de journaux basculaient avec la filière tout entière. Les petits éditeurs n'auraient pu accomplir un tel effort.

Le dossier des invendus doit être traité une fois pour toutes. En vertu des règles fixées par la profession, un titre qui ne se vend pas suffisamment n'est plus distribué chez les marchands de journaux. Mais les règles en vigueur ne sont pas respectées, car, pour attirer de nouveaux éditeurs, une messagerie ménage quelques facilités ; spontanément, les éditeurs souhaitent presque toujours tenter plusieurs fois leur chance, même dans les points de vente où le débit est extrêmement faible. Le CSMP doit faire respecter les règles en vigueur. C'est son rôle.

Michèle Benbunan a une grande expérience professionnelle dans ce domaine, elle a réuni autour d'elle une équipe remarquable, et le succès de son action dépendra du contexte général. Tant que l'on suit une descente en pente douce, on a le temps d'assurer une adaptation progressive. Mais si, demain, la pente s'accentue, si la descente se fait en escalier, ce sera plus difficile. Pour l'heure, cette équipe est la meilleure que Presstalis pouvait espérer.

Enfin, vous évoquez la possibilité d'inscrire la participation dans les comptes des éditeurs. Mais gardons à l'esprit que le système en vigueur est de nature coopérative. Chaque éditeur est engagé à la hauteur de sa participation au capital de la coopérative et, dans le même temps, une part donne droit à une voix.

Quel que soit le système choisi, faire tomber les éditeurs, c'est faire tomber la messagerie, les imprimeurs et les diffuseurs de presse. On mesure tous les risques auxquels nous expose ce point de fragilité. Si demain, les papetiers, tous Finlandais, à l'exception de Burgo, en Italie, décident de faire moins de papier pour produire davantage de carton, plus rémunérateur grâce au e-commerce, nous aurons tous un problème. Et quand je vois, autour de moi, se multiplier ordinateurs, tablettes et mobiles, je me demande à quelle échéance interviendra la bascule. D'autres secteurs l'ont vécu, comme la musique, qui s'en sort remarquablement bien aujourd'hui. La banque est en train de le vivre, qui se pose bien des questions sur le devenir de ses agences. Nous le vivons. J'ai l'espoir que notre mission sera suffisamment longue pour assurer la transition, mais je pense que Presstalis ne s'en sortira pas seul. La Poste est un partenaire remarquable, dont il ne faut pas oublier qu'il assure la distribution de la moitié de la presse française. Son service est remarquable et elle offre un bon rapport qualité-prix. Les éditeurs ont besoin de s'assurer que le consommateur aura son produit en temps et en heure.

Nous pouvons explorer les perspectives en matière de préparation : si celle-ci avait lieu chez l'imprimeur - dont les activités d'impression baissent chaque année - cela lui permettrait de livrer directement au diffuseur qui se trouve dans sa zone de chalandise, au lieu de tout envoyer à Paris vers des dépositaires. Aujourd'hui, ce n'est pas possible : la loi ne le permet pas. Les dépositaires bénéficient d'une exclusivité territoriale pour la distribution de la presse. Et cela va plus loin encore, puisque la rémunération des dépositaires est fixée par le CSMP. Ni l'éditeur ni la messagerie ne sont appelés à négocier les conditions de livraison. Ce qui pose d'autres problèmes : les éditeurs payent Presstalis en unités d'oeuvre, en fonction des quantités livrées en palettes, tandis que les dépositaires de presse facturent la messagerie ad valorem. Or, les éditeurs de presse, pour compenser les baisses de diffusion, augmentent les prix de vente, si bien que les dépositaires voient augmenter leur rémunération alors qu'ils ont de moins en moins de volume à transporter. Et cela a des effets ravageurs pour Presstalis.

Un tel système d'économie régulée dilue les responsabilités. Il n'y a pas de capitaine à bord, comme dans une entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Laure Darcos

Il s'agit de savoir ce que l'on peut faire pour qu'une telle situation ne se reproduise pas. Vous venez d'apporter quelques éclairages... Seriez-vous partisan d'un régulateur unique, qu'il soit interne ou externe au système ?

Je vous sens très agacé sur le fonctionnement des coopératives et le système « une part, une voix », mais nous sommes aussi là pour protéger les plus petits ; il est essentiel qu'ils conservent une représentation.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sauzay, président de la coopérative des magazines

J'établis 150 fiches de paye par mois, nous nourrissons 600 familles. Ce qui compte pour moi, c'est d'avancer. Qu'il y ait cinq autorités de régulation ou aucune, peu importe, pourvu que cela fonctionne. Ce qui est sûr, c'est que le système ainsi que la composition des organismes de régulation ont montré ses limites.

Quant aux petits éditeurs, ils ont différents moyens de se regrouper. Voyez les indépendants radio, qui se sont regroupés en groupements d'intérêt économique (GIE) et ont confié leur gestion publicitaire à TF1. Et il ne faut pas non plus oublier que ce qui fait vivre les imprimeurs, les marchands de journaux, c'est la presse télé, qui représente un magazine vendu sur deux. Il est bon que les petits éditeurs se défendent, mais il n'y a pas de voie unique. C'est ma conviction.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Faites-vous partie des éditeurs qui ont porté plainte contre Presstalis pour faux bilan ?

Debut de section - Permalien
Nicolas Sauzay, président de la coopérative des magazines

Non, je m'y suis opposé. Avec la mandataire ad hoc, nous avons choisi, n'ayant jamais constaté d'enrichissement personnel, de nous mobiliser sur le futur.

Debut de section - Permalien
Nicolas Sauzay, président de la coopérative des magazines

Tout procède de quelques éditeurs indépendants, que nous connaissons, et qui ont souhaité, au vu de la contribution de 2,25 % demandée, partir aux Messageries Lyonnaises de presse - où l'on bénéficie d'un effet d'aubaine puisque l'on ne supporte que 1 % de contribution - sans respecter leur préavis. Cela a été refusé, à juste titre, par la direction de Presstalis, si bien qu'ils ont décidé d'adopter une position fort peu constructive, à mille lieues de la façon dont on travaille. Il s'agit de cas isolés, défendant des intérêts personnels, et que l'Etat connaît bien...

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Nous vous remercions de cet échange.

La réunion est close à 18 heures.