Intervention de Marc Schwartz

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 16 mai 2018 à 16:5
Situation de la distribution de la presse — Audition de M. Marc Schwartz

Marc Schwartz, chargé d'une mission sur l'avenir de la distribution de la presse :

A l'occasion de mes fonctions précédentes, je n'ai été informé de la situation de Presstalis que très tardivement. Le fait est que la précédente présidente est partie en juin 2017 et que le directeur général qui devait assurer l'intérim est parti à son tour en septembre. L'actuelle présidente, Mme Michèle Benbunan, n'a été nommée qu'en novembre dernier et ce n'est qu'à ce moment-là que nous avons été avertis que Presstalis se trouvait en cessation de paiement alors qu'il nous avait été dit, plus tôt dans l'année, que le résultat d'exploitation de l'entreprise serait positif à hauteur de 2 à 3 millions d'euros. Or, on nous annonce désormais un résultat négatif de 20 millions d'euros. En outre, on a trop souvent tendance à s'arrêter au résultat d'exploitation alors que les charges financières de cette entreprise sont extrêmement lourdes : son endettement est considérable ainsi que les charges exceptionnelles dues à des plans de départ très onéreux. Entre 2011 et 2012, Presstalis a perdu en résultat net entre 50 et 100 millions d'euros par an. Ensuite, ce fut des pertes d'environ 50 millions d'euros chaque année. Aujourd'hui, l'endettement de l'entreprise atteint 350 millions d'euros, montant supérieur à son actif. Ainsi, même si le résultat net était à nouveau positif, il resterait un trou béant à combler. Si nous arrivons à mettre en oeuvre le plan de redressement prévu par Mme Benbunan, ce qui est loin d'être acquis, le problème de la dette restera à régler.

La loi Bichet a un défaut majeur car elle induit un conflit d'intérêts en faisant des éditeurs les actionnaires mais aussi les clients des Nouvelles messageries de la presse parisienne (NMPP) devenues Presstalis. Les éditeurs fixant les tarifs de leur fournisseur, ils ont logiquement choisi leurs intérêts propres au détriment de celui de Presstalis.

Je ne peux vous dire exactement comment on en est arrivé à cette situation car ma mission n'était pas celle d'un audit : je devais présenter des propositions pour l'avenir. Je recommanderai la publication de mon rapport, puisqu'il propose de modifier la loi Bichet, mais ce n'est pas à moi d'en décider.

Pour mémoire, la diffusion papier a diminué de 50 % en volume et de 35 % en valeur au cours des dix dernières années. Dans un marché qui baisse aussi vite, une entreprise qui n'arrive pas à réduire ses coûts au même rythme se retrouve immanquablement en difficulté. Or Presstalis présente des lourdeurs historiques et elle a eu des difficultés à mettre en place les réformes qui s'imposaient. La direction précédente n'était pourtant pas restée inactive : entre 2012 et 2017, les effectifs sont passés de 2 400 à 1 200 personnes. Le plan d'économies qui a été mis en place n'était néanmoins peut-être pas assez ambitieux. Les choix industriels n'ont sans doute pas été des plus opportuns, surtout qu'ils n'étaient pas les mêmes que ceux des MLP.

Globalement, l'attrition est la cause principale des difficultés de Presstalis, qui n'arrive pas à adapter sa structure de coût à la baisse du marché. La régulation, par ailleurs, n'est pas assez forte.

Le plan de redressement porte sur deux ans. Il était nécessaire, mais il ne sera pas suffisant, un certain nombre de sujets n'ayant pas été traités pour des raisons sociales internes. Vous aurez d'ailleurs remarqué qu'il n'y a pas eu de blocage de la distribution... Pour autant, Presstalis n'est pas tirée d'affaire. Il faut donc modifier la loi très rapidement. Le début d'année 2018 est déjà en deçà des prévisions. Les points Relay en gare sont en difficulté à cause de la grève à la SNCF, qui s'est traduite par une baisse de 20 % de leurs ventes.

Vous m'avez interrogé sur mes préconisations. Je ne propose pas de tout remettre en cause. Au contraire, je proposerai de conforter les principes de la loi Bichet : liberté de distribution, égalité des éditeurs, système coopératif et impartialité.

Quel était le contexte de l'adoption de la loi Bichet ? Avant la Seconde Guerre mondiale, il existait un monopole de fait des messageries Hachette. Cette entreprise s'étant compromise avec l'occupant, elle a été dissoute à la Libération. On s'est accordé sur la nécessité de soustraire la diffusion du monopole et des intérêts politiques pour restaurer la liberté de la presse. Il faut savoir qu'à l'époque l'essentiel de la diffusion était constitué de titres de presse d'information. Il y avait 35 quotidiens nationaux, qui diffusaient à 6 millions d'exemplaires. Aujourd'hui, il n'y a plus que 9 quotidiens nationaux, qui diffusent à 1,2 million d'exemplaires. C'est donc le système coopératif, avec l'interdiction de refuser un éditeur, qui a été retenu pour préserver tous ces principes. Ce système a apporté beaucoup. Il a permis de rétablir la liberté de la presse et de développer la presse magazine, qui est très importante en France.

Néanmoins, on a assisté à une dérive, la régulation ayant montré ses limites. Le mécanisme de la porte ouverte est utilisé par des éditeurs qui n'ont rien à faire dans le dispositif. On m'a rapporté qu'une râpe à fromage, accompagnée d'un fascicule sous blister, avait été diffusée dans le réseau. Des éditeurs lancent de faux n°1, car il n'y a jamais de n° 2, et le n°1 n'est donc jamais enlevé des kiosques. Il y a un nombre de références beaucoup trop élevé, d'où un encombrement des linéaires très difficile à gérer. Résultat : le taux moyen des invendus en France se situe entre 60 % et 65 %. Certes, la presse est un produit périssable, mais ce chiffre est quand même trop important.

Je préconise donc de renforcer les principes, tout en mettant en place des outils juridiques pour limiter l'inflation.

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