Bien malin qui peut dire jusqu'où ira le numérique, mais la tendance est claire. Personnellement, je pense qu'une certaine presse papier a encore un avenir : la presse spécialisée, technique, les magazines. Je ne vois pas un monde sans papier à échéance de quelques années.
Monsieur Assouline, j'ai relu le rapport de 2011. À l'époque, la presse voulait une autorégulation. On peut maintenant dire que cela n'a pas suffi, mais le système manquait surtout de moyens d'analyse économique et juridique : l'Association des maires de France (AMF), c'est 600 personnes, l'ARCEP 200, alors que l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) ne dispose que d'un maître des requêtes au conseil d'État à temps partiel.
L'autorégulation a surtout montré ses limites en période de crise. Faut-il une autorité dédiée à la diffusion de la presse ? Faut-il deux autorités plutôt qu'une ? Doivent-elles être dotées d'un pouvoir de sanction, à la différence du Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) ?
S'agissant de l'évaluation des invendus, l'informatique est la clé, mais les éditeurs se sont opposés à la décision du CSMP.
Pour revenir à la régulation, il me semble que deux organismes pourraient y prétendre légitimement : l'ARCEP et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
La question est surtout de mieux définir la presse et le champ d'intervention de la régulation. Il n'y a pas de définition unique de la presse en France, et c'est un problème. On en compte au moins cinq. Néanmoins, si l'on restreint le champ d'application de la loi, on écarte un certain nombre de titres qui alimentent la péréquation, ce qui pose un problème d'ordre économique.
Le système des aides à la presse mérite d'être revu complètement. Il crée une relation malsaine entre l'État et les titres de presse. En Allemagne, les aides directes sont interdites. Pour ma part, je pense qu'un système d'aides indirectes amélioré (taux de TVA, tarifs postaux) est préférable.
La coopérative est un moyen un peu fruste de régulation, mais, à l'époque, on n'avait pas trouvé mieux. Dans une période de bonne activité, cela peut fonctionner, mais en période de crise....
S'agissant du choix de l'Autorité de régulation, ma préférence va plutôt vers l'ARCEP, qui sait comment réguler un réseau physique. Son approche du problème est très solide. Vous avez raison, monsieur Assouline, il faudra très précisément définir les missions de cette autorité, mais, pour moi, elle ne doit pas intervenir dans la définition du contenu, qui doit relever de la commission paritaire. Par ailleurs, je pense qu'il faut placer à côté d'elle un comité consultatif composé de tous les acteurs de la presse.
La loi Bichet a créé un droit à la distribution qu'il faut préserver. Il faudra donc l'inscrire dans la nouvelle loi. C'est autour de cette idée que nous travaillons.