Vaste programme, madame la présidente ! Avant tout, permettez-moi de remettre les événements actuels dans leur contexte, même si ce dernier est relativement bien connu.
J'interviens aujourd'hui en tant que président de la coopérative des magazines. Je précise toutefois que j'ai pris mes fonctions il y a moins d'un an, à la suite d'un changement de génération survenu à la tête de la coopérative. J'exerce cette charge à titre bénévole, comme chacun des administrateurs de la coopérative des magazines et comme chacun des administrateurs de Presstalis. En outre, je suis avant tout éditeur de presse magazine, représentant d'une société familiale allemande, le groupe Bauer, situé à Hambourg, lequel est profondément francophone et francophile. C'est également en cette qualité que je m'exprimerai ; j'ajoute que chacun des 300 éditeurs de la coopérative a certainement son point de vue sur la question.
Vous le savez, le système de distribution de la presse française est organisé selon trois niveaux.
Le premier niveau est celui des sociétés coopératives et des sociétés commerciales de messageries de presse.
Pour être distribué en France, un titre de presse doit être rattaché à une coopérative. La France est le seul pays au monde où la distribution de la presse est ainsi organisée, dans le cadre de la loi Bichet. Le but est de garantir un égal accès des citoyens à tous les quotidiens et à tous les magazines ; le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP) et l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) sont les deux autorités de régulation compétentes dans ce cadre. Quant à la Commission paritaire de publication des agences de presse (CPPAP), elle valide le taux de TVA réduit applicable en la matière.
Lorsqu'on s'adresse aux citoyens, aux professionnels, et notamment à des éditeurs européens, il est difficile d'expliquer ce contexte d'économie régulée, voire administrée, qui est unique au monde. D'ailleurs, ce système atteint ses limites, du fait de ses complexités et des contraintes qu'elles impliquent.
Face aux difficultés actuelles, le système coopératif en vigueur ralentit et dilue les prises de décision. Chaque éditeur compte pour une voix, quel que soit son poids dans le secteur. Ce dispositif pose particulièrement problème pour les magazines, car les éditeurs sont au nombre de 300 au sein de notre coopérative, qui contrôle Presstalis : on mesure combien il est difficile de concilier tant d'intérêts et d'opinions divergents.
De plus, Presstalis et les Messageries Lyonnaises de Presse (MLP) ne sont pas soumises aux mêmes contraintes. Le premier gère les quotidiens, le second non.
Certains estiment qu'il convient de fusionner ces deux messageries. Ils avancent que l'une et l'autre ont de moins en moins d'activité. Le fait est que toutes deux cherchent à capter l'activité de leur concurrent. En résulte une guerre des tarifs, qui risque de les tuer toutes les deux. Toutefois, d'autres considèrent qu'un tel regroupement pour la vente au numéro serait infernal, car, pour l'abonnement des magazines, La Poste est déjà en situation de monopole.
Le deuxième niveau est celui des dépositaires de presse. Ces derniers sont aujourd'hui au nombre de 60, contre 160 il y a quelques années. Ce chiffre est-il satisfaisant ? Compte tenu des améliorations sensibles que connaît la logistique, a-t-on besoin de tant de dépositaires ? En Allemagne, ces derniers sont au nombre de 40 et, il y a quelques semaines, un accord-cadre a été signé entre les dépositaires et les éditeurs pour réduire encore les coûts et ne garder que 15 dépositaires. Peut-être les éditeurs pourront-ils, demain, directement livrer les diffuseurs de presse. A contrario, d'aucuns souhaitent que le maillage des dépositaires devienne encore plus fin, pour que ces derniers soient au plus près du terrain.
Le troisième niveau, celui des diffuseurs de presse, souffre énormément.
Les éditeurs choisissent les quantités et les titres distribués chez les marchands de journaux. Nombre d'éditeurs sont très attachés à ce principe. Mais, pour d'autres, il serait normal que les diffuseurs de presse puissent choisir les titres des magazines qu'ils proposent et qu'ils fixent les quantités dans lesquelles ils souhaitent les recevoir. En pareil cas, les publications d'information politique et générale seraient sanctuarisées.
Le but est de développer la commercialité, pour aller là où il y a des flux : il faut proposer la presse dans les lieux où la demande s'exprime, afin de vendre davantage d'exemplaires de magazines et de presse quotidienne. De leur côté, les marchands de journaux pourraient voir d'un mauvais oeil la vente de journaux et de magazines dans les boulangeries ou les jardineries en face de leur magasin. Mais, face à la presse digitale, si la presse papier ne va pas là où se trouve la demande, elle va mourir à petit feu.