En 1967, il se situait à plus de 200 mètres du rivage. Les habitants présents depuis l’origine rapportent même que l’on peinait à voir l’océan depuis les logements ! Aujourd’hui, Le Signalest à moins de 10 mètres du rivage et menace de tomber. Les propriétaires, expulsés en trois jours, mais non expropriés, depuis 2014, par arrêté du maire de Soulac-sur-Mer, demandent tout simplement à être indemnisés pour leur bien.
La situation des propriétaires du Signal est ubuesque, parce que c’est l’État qui a décidé de lancer une opération d’aménagement à Soulac-sur-Mer. C’est l’État qui a accordé le permis de construire, et c’est l’État qui, à cette époque, ne pouvait ignorer que plusieurs immeubles du front de mer étaient déjà tombés de la falaise dunaire dans les années 1930. La situation actuelle relève donc de la responsabilité de l’État.
Ce dossier est également kafkaïen, parce que la situation juridique des propriétaires est absurde. Ils ont engagé une procédure contentieuse dès 2013, d’abord pour demander au maire et aux représentants de l’État dans le département de mettre en place un enrochement autour de l’immeuble. Cela leur a été refusé au motif que le coût de protection s’élevait à 17 millions d’euros, ce qui dépassait largement la valeur de l’immeuble, estimée à 10 millions d’euros, le tout sans prendre en compte le risque du recul du trait de côte. L’action contentieuse des propriétaires visait ensuite à contester le refus d’indemnisation par le fonds Barnier.
En 2014, le ministre de l’écologie, Philippe Martin, s’était rendu sur place avec le préfet et avait promis « un règlement rapide et équitable ». Les deux objectifs de rapidité et d’équité ne sont toujours pas atteints quatre ans plus tard.
À l’heure actuelle, la situation est inextricable. En effet, un arrêté portant ordre d’évacuation et interdiction d’occupation de l’immeuble a été publié le 24 janvier 2014 par le maire de Soulac-sur-Mer, au titre de ses compétences de police administrative. Les habitants sont donc privés de la jouissance de leur bien et des fruits de leur propriété, tout en restant propriétaires ; ils pourront par ailleurs voir leur responsabilité engagée en cas d’accident consécutif à la chute de l’immeuble.
L’affaire du règlement de cette procédure est pendante devant le Conseil d’État et devrait intervenir au mois de juin prochain, le Conseil constitutionnel ayant rendu sa décision sur la question prioritaire de constitutionnalité, soulevée par les propriétaires, relative aux dispositions de l’article L. 561-1 du code de l’environnement le 6 avril dernier, en écartant les griefs tirés de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi et du droit de propriété.
Une fois la décision du Conseil d’État rendue, les propriétaires pourront ultimement saisir la Cour européenne des droits de l’homme.
À ce stade, l’administration refuse toujours d’accéder à la requête des propriétaires visant à obtenir une indemnisation via le fonds Barnier, pour deux motifs : d’abord, parce que l’érosion dunaire n’entre pas dans le champ d’application de l’article L. 561-1 du code de l’environnement, qui définit le champ d’intervention du fonds Barnier ; ensuite, parce que l’une des conditions d’éligibilité au fonds – la menace grave à la vie humaine – ne serait pas remplie en l’espèce. Mes chers collègues, je vous laisse apprécier ces deux arguments.
Ensuite, au-delà du contenu de ce dossier, la dimension humaine du sujet est essentielle et me paraît très insuffisamment mentionnée dans le débat public.