Intervention de Julien Bargeton

Réunion du 16 mai 2018 à 14h30
Infractions financières et suppression du « verrou de bercy » — Rejet d'une proposition de loi modifiée

Photo de Julien BargetonJulien Bargeton :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, il faudrait commencer par écarter deux idées reçues sur le « verrou de Bercy ».

Premièrement, ce « verrou » serait une anomalie juridique. Or, lors de l’examen d’une question prioritaire de constitutionnalité, ou QPC, de juillet 2016, le Conseil constitutionnel n’a pas censuré son existence. Bien au contraire, dans une seconde QPC de décembre 2016, le Conseil s’est prononcé contre un trop gros transfert de compétence en matière de fraude fiscale.

Deuxièmement, le « verrou de Bercy » entraînerait un laxisme en matière de fraude fiscale. Il faut écarter cette idée, comme le démontrent certains chiffres qui ont déjà été rappelés – 68 peines de prison ferme et 131 amendes d’un montant moyen de 10 000 euros. Les sanctions sont bel et bien réelles et un certain nombre d’affaires sont parvenues jusqu’aux tribunaux en dépit de l’existence du « verrou ». L’efficacité est là.

Je rappelle que le délai moyen d’un contrôle fiscal est de huit mois, alors que, au pénal, il faut compter en moyenne trois ans entre le dépôt de plainte et le jugement…

Mais je ne voudrais pas trop rentrer dans ce débat. En effet, à opposer l’engorgement des tribunaux et l’incapacité de la justice à gérer ce genre d’affaires, on peut se voir répondre qu’il faut armer la justice en matière de fraude fiscale…

Au-delà du fait que certains avocats chevronnés et très spécialisés seraient en mesure de retarder très sensiblement les délais en matière de jugement, c’est une question de principe qui est posée : la judiciarisation est-elle la meilleure garante de la souveraineté de l’État ? Faut-il tout judiciariser dans la société ?

Ceux qui critiquent le « verrou de Bercy » ne démontrent pas que sa suppression, au profit d’une judiciarisation généralisée, serait plus efficace. Je le dis même très clairement : la suppression de ce dispositif ne permettrait pas de recouvrer les 60 à 80 milliards d’euros de fraude fiscale par an dont il est souvent question. C’est une évidence.

Le débat va avoir lieu : nous allons examiner le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude et Mme Cariou, grande spécialiste des sujets fiscaux à l’Assemblée nationale, va bientôt rendre son rapport, au nom de la mission d’information commune sur les procédures de poursuite des infractions fiscales.

Bien évidemment, comme lors du débat précédent, on pourra nous reprocher de toujours vouloir reporter la discussion à un texte ultérieur, alors que la situation est urgente. Or, si j’étais taquin, je relèverais que certains signataires de la proposition de loi semblent découvrir cette urgence, puisque pas moins de sept étaient à des postes de responsabilité sous le quinquennat précédent et n’ont rien fait pour régler cette question…

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