Intervention de Françoise Gatel

Réunion du 16 mai 2018 à 21h30
Évolution des droits du parlement face au pouvoir exécutif — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Françoise GatelFrançoise Gatel :

Les amendements fleurissent parfois à cause de ces textes insuffisamment préparés qui nous sont proposés par le Gouvernement.

La discussion parlementaire peut effectivement gagner en efficacité et en fluidité – le Sénat a d’ailleurs montré l’exemple. Nos deux assemblées ont tout à gagner d’une amélioration de la fabrique de la loi. Toutefois, les mesures envisagées par le Gouvernement ressemblent fort à une rationalisation aveugle du travail parlementaire et écornent sérieusement la capacité à agir du Parlement.

Le Parlement – je pense que vous en serez d’accord, madame la garde des sceaux – n’est pas et ne doit pas être une chambre d’enregistrement ou d’exécution obligée des souhaits d’un gouvernement aussi légitime soit-il. La démocratie ne peut vivre que sur les deux piliers que doivent être un exécutif fort et un législatif fort.

Toute réflexion sur l’évolution des droits du Parlement serait incomplète sans citer la fonction essentielle du Sénat qu’est la double représentation de la population et des territoires. Notre pays puise son équilibre et sa cohésion démocratique dans la diversité de ses deux chambres.

Or la singularité du Sénat, chambre de la sagesse et de la réflexion, moins soumise à une opinion publique trop souvent volatile que l’Assemblée nationale, court le risque d’être dénaturée, puisque le Gouvernement entend limiter la navette parlementaire au détriment de la Haute Assemblée. Le texte prévoit que, en cas de désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale et d’échec de la commission mixte paritaire à adopter une version commune d’un texte de loi, le Gouvernement pourrait demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement, privant le Sénat de son droit d’expression.

Madame la garde des sceaux, c’est vraiment un sérieux et très mauvais coup porté au bicamérisme et à ce qui fait son intérêt, à savoir le dialogue et l’échange constructifs entre les deux chambres, qui donnent le temps nécessaire à l’élaboration d’un texte plus juste, plus pertinent, comportant moins d’erreurs et de lacunes.

Enfin, le bicamérisme peut constituer – je le dis avec beaucoup de gravité – un obstacle à l’omnipotence et à l’impétuosité d’une chambre unique mue par des initiatives trop souvent impulsives, a fortiori depuis l’introduction du quinquennat, qui engendre trop souvent une soumission de fait de l’Assemblée nationale au pouvoir exécutif.

Le Gouvernement veut réformer et réformer vite. J’aurais préféré qu’il veuille réformer bien. Cette impatience réformatrice fait fi du temps nécessaire et incompressible à la fabrication de la loi et au contrôle de l’exécutif.

La démocratie a besoin de ce double pouvoir, d’un exécutif fort et d’un pouvoir législatif fort. N’insultons pas l’avenir, madame la garde des sceaux – je le dis encore une fois avec beaucoup de gravité –, car qui parmi nous peut prédire qui sera au pouvoir demain, ce qu’il sera et ce que l’exécutif fera des libertés et de l’autorité qu’il entend aujourd’hui requérir de nous, parlementaires ?

Nous veillerons à ce que la Constitution protège la démocratie dans le respect de la liberté et de l’autonomie des chambres. Nous aurons sûrement l’occasion d’en reparler longuement lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle.

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