La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.
La séance est reprise.
Les conclusions adoptées par la conférence des présidents réunie ce jour vous ont été adressées par courriel et sont consultables sur le site du Sénat.
Elles seront considérées comme adoptées en l’absence d’observations d’ici à la fin de la séance.
SEMAINE SÉNATORIALE
Mercredi 16 mai 2018
De 18 h 30 à 19 h 30 et de 21 h 30 à 00 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)
- Suite de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer (texte de la commission, n° 316, 2017-2018)
- Débat sur « l’évolution des droits du Parlement face au pouvoir exécutif » (demande du groupe CRCE)
• Temps attribué au groupe communiste républicain citoyen et écologiste : 10 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
Jeudi 17 mai 2018
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe LaREM)
- Débat sur le thème : « Comment repenser la politique familiale en France ? » (demande du groupe LaREM)
• Temps attribué au groupe La République en Marche : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 16 mai à 15 heures
- Débat sur le thème : « La politique de concurrence dans une économie mondialisée » (demande du groupe LaREM)
• Temps attribué au groupe La République en Marche : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses :
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 16 mai à 15 heures
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 22 mai 2018
À 9 h 30
- 26 questions orales
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
• n° 0096 de M. Alain Joyandet à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation
(Application des frais de garderie aux revenus tirés des éoliennes en forêt)
• n° 0193 de M. Jacques Bigot à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation
(Situation financière des étudiants en capacité en droit)
• n° 0244 de Mme Annick Billon à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
(Demande d’effectifs supplémentaires dans les commissariats de police de Vendée)
• n° 0261 de Mme Brigitte Lherbier à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur
(Impossibilité pour un policier municipal de consulter les fichiers adéquats)
• n° 0277 de Mme Dominique Vérien à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur
(Remboursement des frais de transport des membres de l’exécutif des intercommunalités)
• n° 0279 de Mme Anne-Catherine Loisier à Mme la ministre des solidarités et de la santé
(Absence de médecin traitant dans les zones sous-dotées et remboursement des consultations)
• n° 0280 de M. Jean-Pierre Sueur à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur
(Respect de la législation en vigueur sur les « devis-modèles » relatifs aux obsèques)
• n° 0285 de Mme Claudine Lepage à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice
(Délais de délivrance des certificats de nationalité française)
• n° 0286 de Mme Catherine Deroche à Mme la ministre des solidarités et de la santé
(Place des infirmières dans l’organisation de la vaccination)
• n° 0291 de Mme Françoise Laborde à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur
(Risques pour la santé liés aux terrains de sport synthétiques)
• n° 0293 de M. Jean-Marie Janssens à M. le ministre de l’éducation nationale
(Organisation des concours « meilleurs ouvriers de France »)
• n° 0295 de Mme Nassimah Dindar à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice
(Lenteur d’obtention des K bis à La Réunion)
• n° 0314 de Mme Dominique Estrosi Sassone à Mme la ministre, auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports
(Aménagement de l’autoroute A8 près de la commune de Biot)
• n° 0317 de M. Didier Mandelli à M. le ministre de l’action et des comptes publics
(Seuils de la dotation de solidarité rurale)
• n° 0318 de Mme Éliane Assassi à M. le ministre de la cohésion des territoires
(Dysfonctionnements de la caisse d’allocations familiales de Seine-Saint-Denis)
• n° 0322 de M. Didier Rambaud à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur
(Charges d’état civil des communes disposant d’une maternité)
• n° 0325 de Mme Laurence Harribey à Mme la ministre de la culture
(Difficultés des entrepreneurs de spectacles historiques)
• n° 0328 de M. Dany Wattebled à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
(Interlocuteur en matière d’environnement des porteurs de projets d’aménagement)
• n° 0330 de M. Stéphane Piednoir à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
(Demandes d’autorisation de mise sur le marché des produits biocides)
• n° 0332 de Mme Christine Lanfranchi Dorgal à M. le ministre de l’économie et des finances
(Situation économique des opérateurs privés de l’archéologie préventive)
• n° 0338 de M. Jean Pierre Vogel à M. le ministre de l’éducation nationale
(Rentrée scolaire 2018-2019)
• n° 0341 de M. Pierre Cuypers à M. le ministre de l’éducation nationale
(Situation précaire des auxiliaires de vie scolaire)
• n° 0347 de Mme Corinne Féret à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire
(Dotation à l’électrification rurale dans le Calvados en 2018)
• n° 0351 de M. Jean Louis Masson à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur
(Régime juridique des dons entre partis politiques)
• n° 0352 de M. Jean-Claude Carle à M. le Premier ministre
(Conséquences de la contractualisation entre les collectivités territoriales et l’État)
• n° 0356 de M. Jean-Marie Mizzon à Mme la ministre des solidarités et de la santé
(Situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes)
À 14 h 30 et le soir
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission, n° 477, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, avec des saisines pour avis de la commission des finances et de la commission des lois.
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 16 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 18 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 22 mai matin, à 13 h 30 et, éventuellement, à la suspension du soir
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 18 mai à 15 heures
Mercredi 23 mai 2018
À 14 h 30 et le soir
- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen (texte de la commission, n° 444, 2017-2018)
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 22 mai à 15 heures
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission, n° 477, 2017-2018)
Jeudi 24 mai 2018
À 10 h 30
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission, n° 477, 2017-2018)
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 24 mai à 11 heures
À 16 h 15
- Éventuellement, suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission, n° 477, 2017-2018)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 29 mai 2018
De 15 heures à 16 heures
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission, n° 477, 2017-2018)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 28 mai à 15 heures
De 16 heures à 16 h 30
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission, n° 477, 2017-2018)
À 16 h 30
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (texte de la commission, n° 477, 2017-2018)
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 29 mai à 12 h 30
À 17 h 45 et le soir
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire (n° 435, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 18 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 23 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 28 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 29 mai matin et mercredi 30 mai matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 28 mai à 15 heures
Mercredi 30 mai 2018
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire (n° 435, 2017-2018)
Jeudi 31 mai 2018
À 10 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir
- 2 conventions internationales examinées selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant l’adhésion de la France à la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale pour son application à Saint-Barthélemy, à Saint-Pierre-et-Miquelon, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, et dans les Terres australes et antarctiques françaises (n° 97, 2016-2017)
=> Projet de loi autorisant la ratification du traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) sur les interprétations et exécutions audiovisuelles (n° 211, 2014-2015)
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 29 mai à 15 heures
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire (n° 435, 2017-2018)
SEMAINE DE CONTRÔLE
Mardi 5 juin 2018
De 14 h 30 à 15 h 30
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire (n° 435, 2017-2018)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 4 juin à 15 heures
De 15 h 30 à 16 heures
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire (n° 435, 2017-2018)
À 16 heures
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire (n° 435, 2017-2018)
À 16 h 15
- Débat sur le bilan de l’application des lois (en salle Clemenceau)
• Présentation du rapport sur l’application des lois : 10 minutes
• Réponse du Gouvernement : 5 minutes
• Débat interactif avec les présidents des commissions permanentes et le président de la commission des affaires européennes : 2 minutes maximum par président avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Débat interactif avec les groupes à raison d’un orateur par groupe : 2 minutes maximum par orateur avec possibilité d’une réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
• Délai limite pour les inscriptions des auteurs de questions : lundi 4 juin à 15 heures
À 18 heures
- Débat sur le transport fluvial à la suite de la présentation du rapport du Conseil d’orientation des infrastructures du 1er février 2018 (demande du groupe Les Républicains) ;
• Temps attribué au groupe Les Républicains : 8 minutes
• Réponse du Gouvernement
• Après la réponse du Gouvernement, séquence de 15 questions-réponses
2 minutes maximum par question
Possibilité de réponse du Gouvernement pour une durée équivalente
En cas de réplique, 30 secondes supplémentaires pour l’auteur de la question
• Conclusion par l’auteur de la demande du débat : 5 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 4 juin à 15 heures
Le soir
- Débat sur les conclusions du rapport : « Sécurité routière : mieux cibler pour plus d’efficacité » (demande de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et de la commission des lois)
• Temps attribué aux rapporteurs : 15 minutes
• Temps attribué aux orateurs des groupes : 1 heure
• Temps attribué aux auteurs de la demande : 10 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 4 juin à 15 heures
Mercredi 6 juin 2018
À 14 h 30
- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi relative à l’autorisation d’analyses génétiques sur personnes décédées, présentée par M. Alain Milon (n° 273, 2017-2018) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales. Il sera examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 28 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 30 mai à 14 h 30
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du Règlement : lundi 4 juin à 12 heures
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 5 juin à 15 heures
- Explications de vote puis vote sur la proposition de loi visant à attribuer la carte du combattant aux soldats engagés en Algérie après les accords d’Évian, du 2 juillet 1962 jusqu’au 1er juillet 1964, présentée par MM. Dominique de Legge et Philippe Mouiller (n° 431, 2017-2018) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales. Il sera examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 25 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 29 mai à 14 heures
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance, en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du Règlement : lundi 4 juin à 12 heures
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 5 juin à 15 heures
- Proposition de résolution européenne au nom de la commission des affaires européennes, en application de l’article 73 quater du Règlement, en faveur de la préservation d’une Politique agricole commune forte, conjuguée au maintien de ses moyens budgétaires, présentée par M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, MM. Claude Haut et Franck Montaugé (n° 430, 2017-2018) (demande de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires européennes)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 4 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 6 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 5 juin à 15 heures
Le soir
- Proposition de résolution relative aux obligations déontologiques et à la prévention des conflits d’intérêts des sénateurs, présentée par M. Gérard Larcher, Président du Sénat (n° 364, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 28 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 30 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 4 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 6 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 5 juin à 15 heures
Jeudi 7 juin 2018
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 7 juin à 11 heures
À 16 h 15 et le soir
- Proposition de loi visant à moderniser la transmission d’entreprise, présentée par MM. Claude Nougein, Michel Vaspart et plusieurs de leurs collègues (n° 343, 2017-2018) (demande de la délégation aux entreprises)
Ce texte a été envoyé à la commission des finances avec une saisine pour avis de la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 28 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 30 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 4 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 6 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 6 juin à 15 heures
Éventuellement, vendredi 8 juin 2018
À 9 h 30 et à 14 h 30
- Suite de l’ordre du jour de la veille
SEMAINE SÉNATORIALE
Mardi 12 juin 2018
À 14 h 30
- Sous réserve de sa transmission, explications de vote des groupes sur la proposition de loi visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination (procédure accélérée) (A.N., n° 840)
Ce texte sera envoyé à la commission des lois. Il sera examiné conformément à la procédure de législation en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 28 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 30 mai matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements en application de l’article 47 quater, alinéa 1, du Règlement : lundi 11 juin à 12 heures
• Lors de la séance, seuls peuvent intervenir le Gouvernement, les représentants de la commission pendant 7 minutes et, pour explication de vote, un représentant par groupe pour une durée ne pouvant excéder 5 minutes chacun, ainsi qu’un sénateur ne figurant sur la liste d’aucun groupe pour une durée ne pouvant excéder 3 minutes
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 11 juin à 15 heures
- Proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, présentée par MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud (n° 466, 2017-2018) (demande du groupe Les Républicains)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 12 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 11 juin à 15 heures
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 12 juin à 12 h 30
À 17 h 45 et le soir
- Suite de l’ordre du jour de l’après-midi
Mercredi 13 juin 2018
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe Les Indépendants)
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, relative au défibrillateur cardiaque (n° 39, 2016-2017)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires sociales.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 12 juin à 15 heures
- Proposition de loi relative à l’harmonisation de l’utilisation des caméras mobiles par les autorités de sécurité publique, présentée par M. Jean-Pierre Decool et plusieurs de ses collègues (n° 337, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 5 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 12 juin à 15 heures
À 18 h 30
- Suite de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, présentée par MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud (n° 466, 2017-2018) (demande du groupe Les Républicains)
Le soir
- Éventuellement, suite de la proposition de loi relative à l’équilibre territorial et à la vitalité de la démocratie locale, présentée par MM. Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud (n° 466, 2017-2018) (demande du groupe Les Républicains)
- Proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, présentée par MM. Rémy Pointereau, Martial Bourquin, Jean-Marie Bockel et Mme Élisabeth Lamure (n° 460, 2017-2018) (demande de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises)
Ce texte a été envoyé à la commission des affaires économiques avec des saisines pour avis de la commission des finances et de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : vendredi 25 mai à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 30 mai matin et mercredi 6 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : vendredi 8 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 12 juin à 15 heures
Jeudi 14 juin 2018
À 10 h 30
- Suite de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, présentée par MM. Rémy Pointereau, Martial Bourquin, Jean-Marie Bockel et Mme Élisabeth Lamure (n° 460, 2017-2018) (demande de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises)
De 14 h 30 à 18 h 30
(Ordre du jour réservé au groupe UC)
- Proposition de loi tendant à imposer aux ministres des cultes de justifier d’une formation les qualifiant à l’exercice de ce culte, présentée par Mme Nathalie Goulet, M. André Reichardt et plusieurs de leurs collègues (n° 30, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 5 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : lundi 11 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mercredi 13 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 13 juin à 15 heures
À 18 h 30 et le soir
- Suite de la proposition de loi portant Pacte national de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs, présentée par MM. Rémy Pointereau, Martial Bourquin, Jean-Marie Bockel et Mme Élisabeth Lamure (n° 460, 2017-2018) (demande de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises)
Éventuellement, vendredi 15 juin 2018
À 9 h 30 et à 14 h 30
- Suite de l’ordre du jour de la veille
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 19 juin 2018
À 9 h 30
- Questions orales
À 14 h 30 et le soir
- Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (n° 464, 2017-2018)
Ce texte a été envoyé à la commission des lois avec une saisine pour avis de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : lundi 4 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mercredi 6 juin matin et, éventuellement, l’après-midi
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 14 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 19 juin matin et mercredi 20 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 18 juin à 15 heures
Mercredi 20 juin 2018
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (n° 464, 2017-2018)
Jeudi 21 juin 2018
À 10 h 30
- Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi portant transposition de la directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (procédure accélérée) (n° 95, 2017-2018)
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 20 juin à 15 heures
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (n° 464, 2017-2018)
À 15 heures
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : jeudi 21 juin à 11 heures
À 16 h 15 et, éventuellement, le soir
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (n° 464, 2017-2018)
SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 26 juin 2018
De 15 heures à 16 heures
- Explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (n° 464, 2017-2018)
• Temps attribué aux orateurs des groupes pour les explications de vote, à raison d’un orateur par groupe : 7 minutes pour chaque groupe et 3 minutes pour les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole : lundi 25 juin à 15 heures
De 16 heures à 16 h 30
- Scrutin public solennel, en salle des Conférences, sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (n° 464, 2017-2018)
À 16 h 30
- Proclamation du résultat du scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie (n° 464, 2017-2018)
À 16 h 45
- Questions d’actualité au Gouvernement
• Délai limite pour l’inscription des auteurs de questions : mardi 26 juin à 12 h 30
À 17 h 45
- Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 28 et 29 juin
• Intervention liminaire du Gouvernement : 10 minutes
• 8 minutes attribuées à chaque groupe politique et 5 minutes aux sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : lundi 25 juin à 15 heures
• 8 minutes attribuées respectivement à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la commission des affaires européennes et à la commission des finances
• Après la réponse du Gouvernement, débat spontané et interactif de 1 heure : 2 minutes maximum par sénateur avec possibilité d’une réponse du Gouvernement ou de la commission des affaires européennes
Le soir
- Sous réserve de sa transmission, projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (procédure accélérée) (A.N., n° 627)
Ce texte sera envoyé à la commission des affaires économiques avec une saisine pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
• Délai limite pour le dépôt des amendements de commission : jeudi 7 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour le rapport et le texte : mardi 12 juin après-midi et soir et mercredi 13 juin matin
• Délai limite pour le dépôt des amendements de séance : jeudi 21 juin à 12 heures
• Réunion de la commission pour examiner les amendements de séance : mardi 26 juin à 13 h 30 et, éventuellement, le soir et mercredi 27 juin matin
• Temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale : 1 heure
• Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 25 juin à 15 heures
Mercredi 27 juin 2018
À 14 h 30 et le soir
- Suite du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (procédure accélérée) (A.N., n° 627)
Jeudi 28 juin 2018
À 10 h 30, à 14 h 30 et le soir
- 1 convention internationale examinée selon la procédure d’examen simplifié :
=> Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Ouzbékistan relatif aux services aériens, de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan relatif aux services aériens et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Côte d’Ivoire relatif aux services aériens (n° 360, 2017-2018)
• Délai limite pour qu’un président de groupe demande le retour à la procédure normale : mardi 26 juin à 15 heures
- Suite du projet de loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable (procédure accélérée) (A.N., n° 627)
Prochaine réunion de la Conférence des Présidents :
mercredi 20 juin 2018 à 19 h 30
Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons les prises de parole sur l’article 1er.
La situation extrêmement difficile des retraités agricoles exige une mesure d’urgence, les parlementaires l’ont bien compris. Cela mérite d’être souligné, car cette unanimité est rare !
Le déclassement social de la paysannerie n’est pas une vue de l’esprit. Aujourd’hui les retraites agricoles demeurent très faibles, en comparaison de celles des autres régimes. Cela a maintes fois été rappelé aujourd’hui, mais aussi lors de nombreux travaux ici, au Sénat, ou à l’Assemblée nationale.
Comment peut-on laisser vivre les agriculteurs sous le seuil de pauvreté, alors qu’ils sont la richesse de nos territoires et de nos terroirs ?
Comment peut-on prétendre qu’ils peuvent encore attendre, alors que l’urgence sociale est là, sous nos yeux ?
Comment pouvez-vous leur dire qu’ils peuvent attendre 2020, alors que vous vous êtes empressés, lors de votre premier budget, de rendre 3 milliards d’euros aux ultra-riches de ce pays ?
Vous n’êtes pas le gouvernement des riches, vous êtes le gouvernement des nantis !
Nous avons la possibilité de changer le quotidien des agriculteurs immédiatement, sans contradiction avec la future réforme des retraites.
Nous avons la possibilité d’augmenter d’un peu plus de 100 euros par mois le pouvoir d’achat des 230 000 bénéficiaires actuels du dispositif. Mais pour des raisons obscures, vous refusez tout simplement cette avancée que de nombreux retraités attendent.
Alors que la France vient de se voir une nouvelle fois reconnaître le titre de « championne de monde du reversement des dividendes aux actionnaires » par l’ONG OXFAM, et que les « premiers de cordée français sont les champions toutes catégories de la spéculation financière », il ne serait donc pas possible de prélever le minimum indispensable à la vie digne de nos retraités de l’agriculture.
Vous avez soulevé bien des arguments techniques contre ce texte, qui ont tous été contredits.
Vous avez mis en avant la précipitation avec laquelle les parlementaires auraient agi. C’est oublier que cette proposition de loi est le fruit d’un travail de terrain, d’auditions multiples, du travail des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Ces propos sont l’illustration du mépris de l’exécutif à l’égard du Parlement. Recours systématique aux ordonnances, à la procédure accélérée, au vote bloqué, au temps programmé, à l’utilisation détournée des armes du parlementarisme rationalisé : ce n’est pas seulement l’opposition qui est muselée, mais tout le pouvoir législatif que l’on tente de bâillonner.
Le pseudo-renforcement de l’efficacité du travail parlementaire et de la productivité législative, ce ne sont que des mots creux ; le sort de notre proposition de loi le démontre.
M. Fabien Gay. Loin de revitaliser notre démocratie, vous continuez à creuser le fossé entre les citoyens et les élus.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.
« Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » C’est là le message aussi affligeant que navrant et inacceptable que vous adressez, avec votre gouvernement, madame la ministre, aux agricultrices et agriculteurs retraités, qui n’en peuvent plus d’attendre et qui ont assez vu le soleil poudroyer et l’herbe verdoyer. C’est un véritable SOS qu’ils nous adressent et que nous devons entendre dans cet hémicycle.
En France continentale et en outre-mer, les pensions de retraite agricoles sont parmi les plus petites pensions de toutes les catégories socioprofessionnelles. En 2015, la moyenne était de 790 euros bruts par mois pour un ancien exploitant, certaines n’atteignant même pas 500 euros.
Les fédérations départementales d’exploitants agricoles ont rempli leur office. Mes chers collègues, comme moi vous avez reçu des dizaines et des dizaines de courriers d’agriculteurs et d’agricultrices, accompagnés des justificatifs de la MSA, indiquant la pension de retraite qu’ils perçoivent. Et comme moi dans l’Aude, vous avez pu prendre connaissance de ces montants. Combien sont en dessous du seuil de pauvreté ? C’est intolérable !
Véritable serpent de mer, ce problème a assez duré. Il faut agir ici et maintenant. J’aimerais pouvoir dire « avant qu’il ne soit trop tard ». Mais, malheureusement pour beaucoup d’entre eux et d’entre elles, il est déjà trop tard.
Madame la ministre, vous avez pleinement conscience des embouteillages que connaît notre calendrier parlementaire, avec tous les textes qui sont en attente d’examen. Nous ne pouvons attendre que soit discutée une future réforme des retraites.
Comment pouvez-vous d’ailleurs invoquer cet argument pour reporter l’application de cette loi, alors que nous ne connaissons pas les contours de cette future réforme ?
On nous répond par de belles paroles, qui consistent à nous dire que « c’est une bonne idée mais, promis, on le fera plus tard et dans le cadre d’une grande réforme ». Croyez-moi, ces trois ans et demi de mandat sénatorial m’ont bien fait comprendre qu’il ne faut pas remettre au lendemain ce que l’on peut faire le jour même !
Mes chers collègues, il est vital d’adopter ce texte aujourd’hui, et nous devons le voter conforme.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, mon intervention portera sur trois points.
Premier point : madame la ministre, les agricultrices et les agriculteurs, ces femmes et ces hommes dont nous débattons de la retraite, sont pour beaucoup, comme bien d’autres après la guerre, ceux qui ont remis notre pays sur un chemin, ceux qui ont créé des richesses, ceux qui ont fait que notre système social est ce qu’il est aujourd’hui.
Lors de la « première lecture », vous nous aviez expliqué que l’on aurait pu faire cette réforme avant.
Mais il est rare dans notre pays que l’expression du peuple à l’Assemblée nationale soit unanime, toutes sensibilités confondues, et que l’expression des territoires et du peuple au Sénat, quelles que soient nos tendances politiques, se fasse entendre de façon aussi claire et clairvoyante sur la nécessité d’apporter de la reconnaissance à ces femmes et ces hommes, et de leur accorder ce niveau de retraite tant espéré.
Deuxième point, et c’est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’interviens sur l’article, notre pays ne sait pas reconnaître le travail de ces populations, ce qui a été fait par elles. Or le niveau de retraite proposé dans ce texte, sur lequel nous sommes tous d’accord – et c’est pourquoi nous souhaitons ce vote conforme – ne permet pas de dépasser le seuil de pauvreté. Nous sommes encore en deçà, madame la ministre !
Troisième point : vous proposez que l’on se projette en 2020 et que l’on reporte la mesure.
Mais, en 2020, il faudra encore faire un effort ! Il est nécessaire que s’exerce la solidarité nationale pour revaloriser le niveau de ces faibles retraites et pour apporter cette reconnaissance à nos anciens.
J’espère, madame la ministre, que durant les quelques minutes qui nous restent pour ce débat, vous voudrez bien revenir sur votre amendement et votre demande de vote bloqué qui bafoue la démocratie et supprime le pouvoir d’expression du Parlement, du peuple et des territoires, et reconnaître ce qu’il est nécessaire d’apporter à ces agricultrices et agriculteurs.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au nom du groupe Union Centriste, je voudrais déplorer cette occasion manquée, l’occasion de gommer ce que j’avais qualifié lors de la première lecture de « honte nationale » : le montant des retraites agricoles.
Cette honte, nous la partageons en conscience.
Disons-le, la situation du monde agricole n’a jamais été aussi difficile, notamment pour les conjointes d’exploitants agricoles, dont nous avons parlé dans cet hémicycle, ainsi que pour les agriculteurs retraités des territoires d’outre-mer, qui touchent des pensions encore plus faibles.
À cette situation exceptionnelle, il faut une réponse exceptionnelle : une manière concrète de manifester solidarité et justice envers le monde agricole en général, parce qu’il est en difficulté, de dire notre reconnaissance à celles et ceux qui produisent notre alimentation, de redonner dignité et fierté à l’ensemble de ces femmes et de ces hommes qui cultivent et entretiennent nos paysages.
Le Président de la République nous a annoncé un monde nouveau. N’était-ce pas là l’occasion de passer des promesses aux réalités ?
Certes, vous annoncez une réforme systémique des retraites, et le temps ne serait pas aux exceptions. Je comprends ces scrupules respectables, mais ce texte n’est pas en contradiction avec de tels principes. Il prévoit simplement une anticipation.
Parce que la situation des retraités agricoles est extrêmement difficile et que ceux-ci ne peuvent plus compter sur la solidarité familiale qui a pu souvent, dans le passé, apporter un petit complément au quotidien, c’est aujourd’hui la solidarité nationale qui doit prendre le relais.
Mme Élisabeth Doineau. Gouverner, c’est renoncer, disent certains. Gouverner, c’est aussi choisir, diront d’autres. Le groupe Union Centriste choisit d’apporter une solidarité morale et matérielle au monde agricole. En ce jour, nous pensons que la France entière doit se retrouver, à l’image des travées du Sénat, dans ce soutien.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis ce soir un sénateur déçu, et je pense que nous sommes nombreux à l’être.
En début d’après-midi, nous avons débattu de la proposition de loi visant à instaurer un régime transitoire d’indemnisation pour les interdictions d’habitation résultant d’un risque de recul du trait de côte, qui a fait l’unanimité sur toutes les travées, y compris celles de La République En Marche. Ce débat s’est soldé par un refus de la secrétaire d’État de nous écouter.
Ce soir, nous retrouvons la même large majorité et toujours le même entêtement du représentant du Gouvernement.
Le Gouvernement persiste et signe. À travers nous, il dédaigne les territoires. Car nous les représentons !
Madame la ministre, quelle est votre vision de la démocratie ?
On a bien compris que tout se décide dans ce microcosme parisien, loin des territoires. Cela nous touche et nous déçoit. Il vous faudra bien plus qu’un direct avec Jean-Pierre Pernaut pour vous réconcilier avec la ruralité et l’agriculture !
Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe Les Républicains.
Aucun corps de métier n’est aussi injustement traité que l’agriculture : toute une vie de labeur, loin de la durée légale des 35 heures de travail hebdomadaire, pour un revenu qui fait pleurer et, souvent, se suicider. On relève en effet deux suicides d’agriculteurs par semaine.
Après tant d’années de labeur, les agriculteurs touchent une retraite de misère, indigne de notre République.
Chez moi, on dit en patois « Val mai tener qu ’ esperar », il vaut mieux tenir qu’espérer. Nous avons ce soir l’occasion de revaloriser les retraites des agriculteurs, qui le méritent amplement. Il ne faut pas la rater !
Je voudrais m’adresser à mes collègues qui souhaitent amender cette proposition de loi.
Vous savez très bien, mes chers collègues, que ce texte, s’il est amendé, finira dans les oubliettes. Je vous recommande donc de le voter conforme. Pour ma part, c’est ce que je ferai.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les enfants et les petits-enfants d’agriculteurs parsèment cet hémicycle. Ils ont écouté ce que portent de juste et de digne revendication ces femmes et ces hommes du XXe siècle qui ont pris de la peine sans s’enrichir et qui aujourd’hui ne sont pas reconnus pour ce que la Nation leur doit.
Ces agriculteurs retraités, en tout cas leurs représentants, sont là ce soir, avec nous, et je veux avec vous tous les saluer pour leur combat, leur opiniâtreté à se faire entendre et reconnaître.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Madame la ministre, il ne faudra pas nous dire, comme ce fut le cas le 7 mars dernier, qu’il fallait le faire avant. Parce que cette question du progrès des retraites s’inscrit dans un long processus que la famille politique qui est la mienne a impulsé, sous la gouverne de Lionel Jospin et de François Hollande. Pourquoi les progrès réalisés de 1997 à 2002, et de 2012 à 2017, ne pourraient-ils pas être poursuivis avec le texte porté par André Chassaigne ?
Comment comprendre les arguments que vous avez développés le 7 mars ? Vous nous aviez expliqué que vous souhaitiez que ce sujet soit intégré dans la réforme des retraites que vous projetez, réforme construite sur le principe annoncé par le Président de la République du « 1 euro de capitalisation pour 1 euro de revenu » ?
Que donneront les retraites des agriculteurs qui aspirent légitimement aux 85 % du SMIC avec la mise en œuvre de ce principe ? Ce qu’elles donneront, c’est une régression !
Depuis quelque temps, à grand renfort d’assises, d’états généraux divers et variés, la Nation se porte, à juste titre, au chevet de son agriculture, de ses producteurs qui se voient dérober la juste valeur de leur travail.
Plus de 160 suicides en 2016, des histoires familiales marquées tragiquement pour des générations, des vies vidées de sens et de toute espérance, des conditions de vie précaires et parfois, trop souvent, indignes d’un pays développé : cette situation est intenable et ne peut plus durer !
Avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, je plaide pour que nous ouvrions de nouvelles perspectives aux actifs, et je suis convaincu que la revalorisation des retraites agricoles doit et peut en faire partie, en complément de la reconnaissance de la juste valeur du travail de production.
Le progrès c’est maintenant… à moins que le caractère dilatoire de l’utilisation de l’article 44, alinéa 3, de la Constitution ne signifie, en réalité et avec grand cynisme, que le problème se réglera par la nature et le temps qui passe. La dimension morale d’une telle posture serait proprement abjecte, et elle est inconcevable dans le cadre des valeurs de la République.
Pour ce que la Nation leur doit, les plus modestes des retraités agricoles de France méritent autre chose qu’un traitement politique « à la Queuille », pour lequel, vous le savez, « il n’est pas de problème qu’une absence de solution ne finisse pas résoudre ».
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne peux que rejoindre les propos tenus par les orateurs, de toutes tendances politiques, qui sont intervenus.
Tout a été dit sur l’injustice flagrante que représente le montant des retraites agricoles, en deçà du seuil de pauvreté : 766 euros pour les hommes, 500 euros pour les femmes.
Tout a été dit aussi sur les procédures que vous avez utilisées pour éviter que se tienne un véritable débat de fond sur ce sujet.
Je voudrais, en tant que sénateur de la Dordogne, dire que ces femmes et ces hommes ont un visage. Nous les connaissons.
Franck Montaugé l’a dit, nous sommes, pour la plupart d’entre nous, des fils, des petits-fils ou des parents d’agriculteurs.
Je le répète, ils ont un visage ! Derrière moi, dans les tribunes, se trouve Pierre Esquerré, président de l’Association nationale des retraités agricoles de France, l’ANRAF, qui est accompagné de ses deux vice-présidents. L’un d’eux, Roger Tréneule, est aussi président de l’association départementale des retraités agricoles de Dordogne, l’ADRAD.
Si je parle de la Dordogne, c’est parce que ce mouvement y est né en 1973, lorsque Maurice Bouyou a fondé l’Association nationale des retraités agricoles !
Et ce n’est peut-être pas l’effet du hasard si Jacquou le Croquant a aussi vécu en Dordogne, en d’autres temps…
Franck Montaugé l’a dit, nous, socialistes, avons pris ce problème à bras-le-corps. À la demande de Maurice Bouyou, Lionel Jospin a mis en place la loi dite Germinal Peiro, un enfant de la Dordogne.
Cette initiative a été reprise par François Hollande qui a promis, lorsqu’il était candidat, de remonter les pensions agricoles à 75 % du SMIC ; en effet, du fait d’une erreur de calcul, la promesse faite par Lionel Jospin ne pouvait pas être tenue.
Pourquoi ne pas augmenter aujourd’hui ces pensions à 85 % du SMIC ? Il suffisait de dire qu’on allait le faire sur cinq ans !
Ces personnes qui sont dans les tribunes, derrière moi, et qui représentent des milliers de retraités agricoles – 6 000 en Dordogne –, savent ce qu’il faudra faire demain.
J’espère donc que le vote sera unanime, ce soir, sur les travées du Sénat.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas tous les arguments invoqués par mes collègues, mais je les partage pour la plupart.
Mon propos sera rapide et clair : le simple fait, madame la ministre, de reporter par une manipulation réglementaire cette possibilité d’augmentation démontre, à mon sens, le mépris que vous avez pour le peuple des travailleurs de la terre, peuple dont je fais partie puisque je suis paysan.
Une seule question : quelle est pour vous la définition des mots « justice sociale » ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, même si je ne suis pas personnellement agriculteur, je suis tout à fait solidaire du monde agricole.
Les agriculteurs travaillent très dur, sept jours sur sept, et prennent très peu de repos. Leur activité est fondamentale pour l’aménagement de nos territoires et la sauvegarde du monde rural, que notre institution défend.
J’ai fait partie entre 2007 et 2014 de la commission des affaires sociales, présidée par Alain Milon. Or lorsque l’on parle des retraites, on pense à la loi de financement de la sécurité sociale, et notamment à la branche retraite.
Le monde agricole souffre depuis de nombreuses années et il y a, malheureusement, de moins en moins d’agriculteurs. Nous devons faire preuve de respect et de reconnaissance à leur égard. Lorsque nous considérons le montant des retraites agricoles, que plusieurs de nos collègues ont rappelé, nous devons être conscients de son insuffisance.
Nous resterons solidaires. Cette proposition de loi a au moins le mérite de poser les problèmes essentiels de la ruralité et de la défense du monde rural.
Respectons le monde agricole et soyons solidaires avec lui, voilà ce que, modestement, je voulais dire.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il n’était pas prévu que j’intervienne, mais j’ai voulu le faire à la suite de ce que j’ai entendu ce soir sur la retraite des agriculteurs.
Je suis viticulteur, et je connais le montant de la retraite que je vais toucher : elle ne sera pas très élevée. Je sais aussi combien toucheront mes collègues et amis viticulteurs et agriculteurs : ce sont des retraites de misère, et ils travaillent beaucoup pour essayer de se constituer une autre pension.
Je souhaite vous faire une proposition, madame la ministre.
Avec le Président de la République et le Gouvernement, vous avez décidé de diminuer la vitesse limite sur les routes de 90 kilomètres à l’heure à 80 kilomètres à l’heure. Qui sera pénalisée ? La ruralité, et non pas les métropoles, qui bénéficient de services de proximité et de nombreux aménagements.
Une nouvelle fois, les ruraux seront pénalisés et paieront les amendes !
Le montant estimé de cette opération est de 400 millions d’euros, pour le seul changement des panneaux de limitation de vitesse. C’est aussi ce que coûtera cette proposition de loi, que nous soutenons unanimement !
Pourquoi ne pas proposer, intelligemment, au Président de la République et au Gouvernement, au lieu de pénaliser les territoires et d’enquiquiner les Français, qui en ont marre des contraintes, de maintenir la vitesse limite à 90 kilomètres à l’heure et, surtout, d’augmenter les retraites agricoles pour lesquelles nous sommes, ce soir, tous solidaires ?
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme l’ont rappelé de nombreux collègues, la séance du 7 mars dernier s’est achevée par un chaos comme on en a rarement vu dans l’hémicycle de la Haute Assemblée.
La faute en revient à un gouvernement qui a annoncé vouloir utiliser – il le confirme ce soir – la procédure du vote bloqué, mais surtout qui n’a strictement rien à faire de ces femmes et de ces hommes qui vivent aujourd’hui bien en deçà du seuil de pauvreté.
La question n’est pas de renvoyer la faute sur ce qui s’est passé voilà cinq ou dix ans ! Aujourd’hui, la possibilité est ouverte, collectivement, au Parlement et au Gouvernement, d’inverser cette tendance.
Je me souviens encore du 7 mars dernier, au matin, lorsque nous avons reçu une trentaine de retraités agricoles pour leur annoncer votre intention d’utiliser le vote bloqué, et ce que seraient les conséquences de la non-application de cette proposition de loi. J’ai vu dans leurs yeux des larmes, mais aussi de l’incompréhension, alors que ce texte, je le rappelle, avait fait l’unanimité lors de son passage à l’Assemblée nationale.
En reportant à 2020 la revalorisation des retraites, en arguant de l’équité entre les assurés sociaux, vous ne prenez pas en compte la situation inégalitaire qui perdure depuis des décennies pour des femmes et des hommes dont les pensions de retraite sont parfois de 350 euros.
Si cette disposition devait être reportée à 2020, ces femmes et ces hommes, présents encore ce soir dans les tribunes, n’auraient pas la certitude de voir leur pension de retraite revalorisée à la date que vous proposez.
Enfin, en utilisant la procédure du vote bloqué, vous donnez une bien piètre image du débat public et de l’outil parlementaire. À l’heure où la défiance de nos concitoyens envers le politique atteint son paroxysme, ces agissements ne font que conforter les Français dans ce sentiment.
Vous devez aujourd’hui prendre vos responsabilités quant à vos agissements.
Nous prenons acte de votre décision, ce soir, de maintenir cette procédure antidémocratique, mais il appartient dès lors au Gouvernement d’expliquer pourquoi il laisse mourir de faim des femmes et des hommes qui ont travaillé tant d’années pour nourrir les femmes et les hommes de notre pays.
Je le dis ici avec la plus grande solennité, ce que vous faites ce soir, finalement, c’est utiliser cette proposition de loi sur les retraites agricoles pour faire la démonstration que vous ne céderez sur rien. Mais en ne cédant sur rien, vous ne ferez pas avancer la démocratie. En ne cédant sur rien, vous ne créerez certainement pas le « nouveau monde ». Vous ne donnerez pas, en tout cas, l’envie aux femmes et aux hommes de notre pays de croire en la politique pour les années et les décennies qui viennent.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
Madame la ministre, en janvier dernier, nous avons voté ici au Sénat une proposition de loi portant création d’un fonds d’indemnisation pour les victimes des pesticides, aux premiers rangs desquels se trouvent les agriculteurs. Vous aviez exprimé votre opposition à la création de ce fonds, qui était pourtant attendue par les victimes.
Le motif que vous avez invoqué était qu’il fallait attendre, car nous avions encore besoin de preuves, et ce malgré toutes les alertes émises depuis nos nombreuses années. La dernière provenait d’un rapport interministériel émanant de votre propre administration – le ministère de la santé –, du ministère des finances et du ministère de l’agriculture, des services qui trouvent parfaitement pertinente la création de ce fonds pour venir en aide aux personnes victimes des produits phytosanitaires.
Madame la ministre, vous refusez aujourd’hui également l’augmentation des retraites les plus modestes aux agriculteurs, qui en ont pourtant bien évidemment besoin.
La conclusion est donc simple : il nous semble que vous n’aimez pas les agriculteurs et, surtout, les plus faibles.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Remplacer l’année :
par l’année :
La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, l’article 1er de la proposition de loi vise à relever le niveau minimal de pension perçue par un chef d’exploitation pour une carrière complète. Le présent amendement tend à reporter de 2018 à 2020 l’entrée en vigueur de cette disposition.
Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.
Comme vous le savez, un débat va s’engager sur la réforme systémique de nos régimes de retraite. Il s’agit d’une réforme de grande ampleur
Huées sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.
Mme Agnès Buzyn, ministre. La question du niveau minimal de pension qui doit être versée à un retraité ayant travaillé toute sa vie sera l’un des enjeux importants du débat dans le cadre de la mise en œuvre de système universel de retraite.
Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.
Cette question concernera l’ensemble des assurés sociaux, quel que soit le secteur d’activité professionnelle.
Il n’est donc pas opportun de procéder à la modification de paramètres aussi majeurs…
… que les minima de pensions de façon sectorielle et en amont de la réforme. Tel est le sens de cet amendement.
J’aurais souhaité m’exprimer un peu longuement, mais je ne dispose que de deux minutes trente !
Ce débat est quelque peu compliqué. Nous nous sommes exprimés le 7 mars dernier, et il est assez difficile de s’y retrouver.
Madame la ministre, la commission des affaires sociales s’est exprimée tout à fait clairement sur votre amendement, qui est loin d’être anodin. Au-delà d’une apparence de changement de date, c’est bien évidemment le sens même de la proposition de loi que vous remettez en cause. Les choses sont assez claires sur ce point.
Je voudrais dire que j’ai pris plaisir à travailler avec la commission. Nous avons eu des échanges très fructueux et précis lors des auditions, au cours desquelles tous les groupes étaient représentés. Nous en sommes arrivés à la conclusion que, finalement, il fallait parvenir à un vote conforme. Ce que vous nous proposez remet en cause le travail de la commission, le vote de l’Assemblée nationale et le vote de la commission des affaires sociales sur ces questions.
Votre attitude est, selon moi, démesurée par sa brutalité. Vous nous avez dit que le texte n’était pas financé – j’y reviendrai, il l’est : 450 millions d’euros de recettes pour une dépense de 400 millions d’euros – et que la réforme était prématurée. Allez le dire aux retraités agricoles qui attendent et qui sont en situation d’urgence sociale ! Pas plus que la commission des affaires sociales, je ne peux accepter cet amendement. Nous appelons donc à le rejeter, car il signe tout simplement l’arrêt de mort de cette proposition de loi qui est attendue par les retraités agricoles et par les territoires ruraux dans leur ensemble.
C’est pourquoi je rappelle que la commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste ré publicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard le 1er septembre de chaque année, un rapport où sont exposés de façon exhaustive :
1° L’évolution du montant minimal annuel mentionné à l’article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime et de ses composantes ;
2° En particulier, le calcul annuel de l’évolution de ce montant minimal annuel et de ses composantes, en application du taux de revalorisation du III de l’article L. 136-8 du code de la sécurité sociale.
(Non modifié)
La section XX du chapitre III du titre Ier de la première partie du livre Ier du code général des impôts est complétée par un article 235 ter ZDA ainsi rédigé :
Art. 235 ter ZDA. – Il est institué une taxe additionnelle à la taxe prévue à l’article 235 ter ZD. Cette taxe additionnelle est assise, recouvrée, exigible et contrôlée dans les mêmes conditions que celles applicables à la taxe prévue au même article 235 ter ZD. Son taux est fixé à 0, 1 %. Son produit est affecté à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole mentionnée à l’article L. 723-11 du code rural et de la pêche maritime. »
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article de la proposition de loi porte sur le financement de la remise à niveau des retraites versées par le régime agricole.
Bien entendu, ce ne serait pas la première fois qu’une recette de caractère fiscal serait mobilisée pour financer un des pans de « l’effort social de la Nation », puisque le régime agricole fait déjà l’objet de maintes dispositions de cette nature.
Pourquoi une taxe additionnelle sur les transactions financières ? Tout simplement parce que, depuis l’adoption de la loi de modernisation des activités financières il y a plus de vingt ans, les produits agricoles sont entrés dans le circuit infernal des marchés financiers de toute nature.
Il existe des contrats à terme pour négocier le prix des matières premières agricoles, en France, en Europe, comme sur d’autres places boursières où l’on échange la production de pommes de terre, par exemple, avant que celles-ci n’aient commencé de fleurir, où l’on trafique le cours des produits de première transformation, où l’on décide, devant un écran, du prix que l’on paiera à un éleveur laitier ou à l’éleveur d’un troupeau de vaches allaitantes… Sans compter, bien entendu, les opérations menées sur les marchés céréaliers !
Soyons réalistes : ce qui désorganise les prix agricoles depuis plus de vingt ans et crée, par conséquent, une forte incertitude pour les exploitants en activité et met en question la régularité des ressources de la Mutualité sociale agricole, ce sont bien les transactions financières de caractère spéculatif. Les soumettre à taxation est donc non pas une idée saugrenue ou une illumination de quelque intellectuel marxiste ou d’un intellectuel qui serait ni de gauche ni de droite, ou de gauche et de droite, mais une simple question de logique : que l’argent du travail aille au travail, alors que la spéculation n’est rien d’autre qu’une ponction indue sur le travail !
Ne l’oublions jamais : les premiers marchés financiers à produits dérivés ont porté sur des produits agricoles. Il s’agissait alors de blé, de maïs, de viande de bœuf ou de jus d’orange.
Il est donc grand temps que la sphère spéculative, qui gage une partie de sa rentabilité sur le revenu des agriculteurs en activité, mette la main au portefeuille.
Là, il faut parler clairement. Notre collègue Roland Courteau l’a dit précédemment, ce que l’on vous demande, madame la ministre, c’est un centime sur les 10 euros de la spéculation financière des marchés agricoles ! §Voilà ce que vous demande la majorité du Sénat.
Comme nous parlons des milieux agricoles, vous me permettrez de faire référence au poète :
« Quand les blés sont sous la grêle
« Fou qui fait le délicat »
Ne soyez pas délicats !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain. – M. Pierre Médevielle applaudit également.
Le vote est réservé.
TITRE II
DISPOSITIONS EN FAVEUR DE LA REVALORISATION DES PENSIONS DE RETRAITE AGRICOLES DANS LES DÉPARTEMENTS ET RÉGIONS D’OUTRE-MER
(Non modifié)
Dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, si après application de l’article L. 732-54-1 du code rural et de la pêche maritime, les pensions de retraite servies aux chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole sont inférieures à 75 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance net, un complément différentiel de points complémentaires leur est accordé afin que leur pension atteigne ce seuil, prévu par la loi n° 2014-20 du 24 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet article se fonde sur la réalité vécue par nombre d’anciens chefs d’exploitation ultramarins qui, pour la plupart, ne remplissent pas les conditions d’obtention des dispositifs de solidarité, en particulier celles du minimum de retraite garanti à 75 % du SMIC, qui prévaut depuis de nombreuses années – je pense à la loi Peiro de 2002.
En effet, en outre-mer, seuls 23 % des monopensionnés du régime des non-salariés agricoles disposent d’une carrière complète et les anciens chefs d’exploitation ultramarins ont cotisé en moyenne 8, 5 années de moins dans le régime que ceux de l’Hexagone.
Aussi, l’article 3 permettra aux chefs d’exploitation ultramarins de bénéficier du minimum de retraite garanti à 75 % du SMIC, sans devoir justifier d’une durée minimale d’assurance dans le régime, à condition toutefois de justifier d’une carrière complète dans l’ensemble des régimes.
Il est donc plus juste de permettre l’application immédiate aux Ultramarins de cette disposition.
L’article 3 concerne les Ultramarins. C’est la raison pour laquelle j’évoque ce sujet de façon singulière. Monsieur le président, si vous en êtes d’accord, je souhaiterais poursuivre mon propos en évoquant maintenant l’article 4.
Je vous en prie, ma chère collègue, puisque l’autre orateur inscrit sur l’article 4 n’est pas présent.
Les salariés agricoles ultramarins ne bénéficient pas tous des régimes complémentaires AGIRC-ARRCO, puisque les accords entre les partenaires sociaux locaux nécessaires pour étendre la couverture de retraite complémentaire n’ont été signés qu’en Guyane et en Martinique, excluant de fait les salariés agricoles des autres territoires ultramarins.
L’article 4 vise ainsi à étendre la couverture complémentaire à l’ensemble des salariés agricoles de ces territoires. Il prévoit de donner dix-huit mois aux partenaires sociaux, à compter de la promulgation de la loi, pour négocier. Au-delà de ce délai, l’État pourra généraliser l’extension par voie réglementaire, afin de permettre à tous les salariés agricoles ultramarins d’être couverts par une complémentaire retraite.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
(Non modifié)
En application de l’article L. 911-4 du code de la sécurité sociale, l’État contribue à l’extension des régimes de retraite complémentaire prévus à l’article L. 921-1 du même code au bénéfice des salariés agricoles dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.
À défaut d’accord entre les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés représentatives dans ces mêmes collectivités dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’État peut procéder à la généralisation de ces régimes dans lesdites collectivités.
(Non modifié)
Les charges pour les organismes de sécurité sociale sont compensées, à due concurrence, par la majoration des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Panunzi, Grand et Joyandet, Mme Bonfanti-Dossat, M. Grosdidier, Mmes Bruguière, Garriaud-Maylam et Deromedi, MM. Grosperrin, Paccaud et Vogel, Mmes Micouleau, Lanfranchi Dorgal et Lamure, MM. Mandelli, Bonhomme et Babary, Mme A.M. Bertrand, MM. Leleux et Calvet, Mme Bories et MM. Rapin et Bazin, est ainsi libellé :
Remplacer le mot :
continentale
par le mot :
métropolitaine
La parole est à Mme Anne-Marie Bertrand.
Jean-Jacques Panunzi ne pouvant être là pour présenter son amendement sur cette proposition de loi qui tend à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale dans les outre-mer, il m’a demandé de le remplacer.
Le titre Ier du texte que nous examinons vise à garantir un niveau minimum de pension à 85 % du SMIC et de nouvelles recettes pour le financement du régime des non-salariés agricoles.
L’amendement, qui est de nature purement rédactionnelle, a pour objet de modifier un seul mot. Comment vous le savez, notre République comprend la métropole et les territoires ultramarins. Pourtant, une erreur s’est glissée dans l’intitulé de la proposition de loi, puisque, si ce texte ne devait concerner que la France continentale et les outre-mer, la Corse en serait exclue, la métropole étant composée de la France continentale et de la Corse.
Certes, les trois articles du titre Ier concernent naturellement la Corse, puisqu’ils portent sur la métropole, mais il convient de corriger l’erreur de formulation en remplaçant le mot « continentale » par le mot « métropolitaine » dans l’intitulé.
Je vais mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi modifiée par l’amendement n° 3 du Gouvernement, comme ce dernier l’avait demandé le 7 mars dernier.
Madame la ministre, confirmez-vous le champ de la demande de vote unique ?
Exclamations sur de nombreuses travées.
Avant donc de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi modifiée, je donne la parole à M. Michel Raison, pour explication de vote.
Madame la ministre, nous avons du respect autant pour votre personne que pour votre fonction. Contrairement aux apparences, nous ne sommes pas là pour vous mettre en difficulté. Nous sommes peut-être même là pour vous aider à marquer votre passage politiquement, au sens noble du terme, et je mesure mes paroles.
Depuis le début de la semaine, j’ai assisté à plusieurs débats. Nous nous apercevons, au fil des années, que la haute administration prend de plus en plus le pas sur le politique dans notre pays. Tout ce que vous nous avez lu, nous le connaissons : nous l’avons déjà entendu dans la bouche d’autres ministres, car c’est écrit par votre administration.
Ce qui est demandé aujourd’hui n’est pas faramineux, mais relève au contraire d’une justice extrême. On pourrait avancer de nombreux arguments – ils ont d’ailleurs été développés par mes collègues – et j’en ajouterai un. Il serait possible de faire une simulation de calcul des cotisations sur les services rendus par ces agricultrices et agriculteurs qui n’ont jamais été rémunérés.
Je ne remonterai pas jusqu’aux pertes des dernières guerres, mais nous pouvons trouver toutes sortes d’exemples de cette rémunération qui n’a jamais été donnée à ces agricultrices et agriculteurs.
Les temps changent. Au moment où l’on s’apprête à débattre d’une loi portant sur l’équilibre entre les relations commerciales, l’alimentation et le revenu des agriculteurs, il ne faut pas oublier ceux qui se sont sacrifiés pour que les agriculteurs actuels, leurs successeurs, puissent exploiter la terre le plus décemment possible. Pourquoi insister sur ce point ? Parce que ceux qui parviennent à peu près à s’en sortir aujourd’hui sont ceux qui ont eu la chance de trouver un agriculteur qui leur a cédé l’exploitation à un prix modique, en dessous de sa valeur réelle.
Les agriculteurs ont également entretenu le paysage, ils ont réussi, depuis l’après-guerre, à nourrir la population pour un coût relativement faible. Vous savez que la part de l’alimentation dans le budget des ménages est très faible, en particulier aujourd’hui. Quand on parle du partage de la valeur, cela ne veut rien dire : il n’y a plus de valeur dans le produit ! Ceux qui sont en retraite aujourd’hui ont connu cela.
Si l’on faisait une simulation de calcul de ce qu’on leur doit réellement par rapport au revenu sur lequel ils auraient pu cotiser, on parviendrait à une somme bien plus importante que celle qui vous est demandée aujourd’hui. Madame la ministre, soyez une vraie politique ! Nous vous soutenons et vous soutiendrons face à votre administration et à votre Premier ministre, et nous vous en remercions d’avance.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici au moment du vote. Nous l’avons dit précédemment, cette proposition de loi est attendue, même si elle ne règle pas tout et qu’elle n’est pas l’alpha et l’oméga de la problématique des retraites dans le monde agricole.
Cette proposition de loi a été conçue et travaillée par l’Association nationale des retraités agricoles de France comme une première marche à franchir, pour faire en sorte que les retraités agricoles, qui ont aujourd’hui les plus petites pensions et, par conséquent, vivent en dessous du seuil de pauvreté, retrouvent ce temps de dignité nécessaire au vu du travail qui a été fourni tout au long de leur vie d’agricultrices et d’agriculteurs.
C’est un premier pas. En effet, vous l’avez dit, madame la ministre, vous envisagez une grande réforme des retraites. Aucun agriculteur aujourd’hui ne pourrait se satisfaire simplement de cette réévaluation à 85 % du SMIC, mais c’est une première chose à prendre, à acter, pour engager ensuite les discussions et les négociations à venir.
En utilisant la procédure du vote bloqué et en nous imposant le report à 2020 de l’entrée en application de la loi, vous vous retrouvez face à un monde agricole qui ne vous dira pas en 2020 de reprendre cette proposition de loi, mais qui fera monter ses exigences. Vous le savez, il ne s’agira pas de reprendre simplement ce que vous avez balayé, piétiné, depuis le 7 mars dernier, pour faire réussir et approuver la réforme que vous proposerez en 2020.
Ce soir, avant de passer au vote, il faut apporter une précision : ce n’est pas le Sénat qui empêchera que, demain, les plus petites pensions agricoles soient revalorisées dans notre pays, mais c’est bien le Gouvernement qui, par l’utilisation de cette procédure du vote bloqué, sera responsable demain matin devant les retraités agricoles de la pension qu’ils toucheront à la fin des mois à venir.
C’est donc votre responsabilité. Bien évidemment, sans surprise, nous ne voterons pas cet amendement que vous nous proposez. Le reste vous appartient, vous en assumerez la responsabilité.
Pour terminer, madame la ministre, je vous ai entendue le 7 mars : vous nous avez fait des reproches sur le gage. Or, dans aucun de vos amendements, vous ne revenez sur cette question !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Cécile Cukierman. Les reproches d’hier ne trouvent aujourd’hui aucune traduction parce que, en réalité, le vrai problème, c’était de dire oui ou non aux revalorisations des pensions agricoles ! De cela, vous ne voulez pas ; de cela, vous vous expliquerez devant les retraités agricoles demain !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains.
M. le président. La parole est à M. Martin Lévrier, pour explication de vote.
Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mes chers collègues, entre le 7 mars dernier et aujourd’hui, désireuse d’être au plus proche du quotidien souvent pénible du monde agricole, désireuse de connaître les attentes de ces femmes et de ces hommes qui le composent, Mme la ministre a, comme elle s’y était engagée et comme vous le savez, rencontré, aux côtés du haut-commissaire à la réforme des retraites, l’ensemble des organisations agricoles.
Les conclusions ne sont pas les mêmes ! Personne n’a soutenu Mme la ministre !
Les premiers concernés eux-mêmes ont compris l’enjeu et la cohérence de la démarche du Gouvernement alors que la majorité sénatoriale feint ici de ne pas l’entendre.
Des organisations, qui ne s’étaient pas exprimées au début du mois de mars dernier, ont considéré que le sujet était sérieux. Elles déplorent que les modes de financement proposés dans cette proposition de loi ne soient pas à la hauteur.
Comme nous tous ici présents, la FNSEA estime que l’objectif de revalorisation des retraites…
J’ai le document avec moi, si vous le voulez.
Donc, la FNSEA estime que l’objectif de revalorisation des retraites est une urgence pour l’ensemble des retraités actuels et à venir. Mais, à l’inverse d’un grand nombre d’entre vous, la FNSEA a compris l’importance de patienter jusqu’en 2020 §pour que les minima de pensions agricoles soient équivalents à ceux des autres régimes.
La FNSEA a compris l’importance de patienter jusqu’en 2020 pour traiter le problème de manière pérenne.
Aujourd’hui, en déposant deux amendements de compromis, le Gouvernement a tendu une main que la majorité sénatoriale n’a pas saisie. À la lisibilité et à l’équité, vous préférez l’urgence…
Vives protestations couvrant la voix de l ’ orateur.
Mes chers collègues, je vous demande d’écouter l’orateur. Chacun d’entre vous a la possibilité et le temps de s’exprimer.
Veuillez poursuivre, mon cher collègue.
Face à une telle posture, que je n’ose imaginer politicienne, vous ne laissez d’autre choix à la ministre en charge du dossier que d’utiliser l’article 44, alinéa 3, de la Constitution et, ainsi, de couper court à la discussion.
Vous vous prenez pour qui ? Vous parlez d’otage ? Non mais, franchement, un peu de décence ! Vous avez supprimé l’impôt de solidarité sur la fortune !
M. Martin Lévrier. Il n’est ni logique ni raisonnable de statuer aujourd’hui et pour un seul corps professionnel sur des questions qui sont au cœur de la réforme des retraites. Le groupe La République En Marche se prononce donc pour le vote bloqué sur l’article 1er.
Vives protestations.
Vous racontez des mensonges ! Ce n’est pas ce que dit le communiqué de la FNSEA.
Quelles que soient vos positions, mes chers collègues, je vous demande de laisser les orateurs s’exprimer. Chacun a le droit de prendre la parole, et je vous appelle à faire preuve de respect.
La parole est à M. Éric Kerrouche, pour explication de vote.
Madame la ministre, depuis le début de cette discussion, vous avez pu constater l’unanimité de notre assemblée sur cette mesure qui est attendue. Pourtant, vous maintenez votre attitude, ce qui laisse, me semble-t-il, sur une grande partie de nos travées un goût d’amertume et de poussière.
Vous savez que cette réforme peut être financée. Elle ne pose aucune difficulté. Je veux vous rappeler que, derrière les feuilles de calcul de Bercy, il y a des gens, des hommes, des femmes qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. Peut-être que, pour certains, 116 euros par mois, cela peut ne pas sembler important. Pourtant, cela l’est, cela peut changer une vie et, surtout, cela redonne de la dignité.
Je veux juste vous dire une chose : selon la formule célèbre, sur les travées de cette assemblée personne ne prétend avoir le « monopole du cœur ». Mais ce qui est certain ce soir, madame la ministre, c’est que vous et votre gouvernement vous avez le monopole de la sécheresse du cœur !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Madame la ministre, élue depuis septembre 2017, je suis une jeune sénatrice. Je peux vous dire que je suis fière d’être sénatrice et que j’entends le monde du bas crier aujourd’hui au secours. Dans différents domaines, les gens n’en peuvent plus, surtout les agriculteurs.
Je vous avoue que je suis extrêmement déçue : je pensais qu’un gouvernement passait par la démocratie. Aujourd’hui, alors que l’Assemblée nationale et le Sénat se prononcent dans leur totalité pour cette loi, vous ne cédez pas. Je trouve cela extrêmement dommage. Je comprends pourquoi le peuple du bas ne croit plus en la politique !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.
Nous allons évidemment rejeter votre amendement, madame la ministre, car, sur l’ensemble de ces travées, chacun a compris qu’il s’agissait en vérité, malgré tous les artifices que vous utilisez, d’un enterrement de première classe de la loi que nous proposons et qui était pourtant soutenue par tout le monde.
Mais je veux ajouter que je suis extrêmement choqué par le fait que, après l’ensemble des interventions qui se sont tenues sur toutes les travées, vous n’ayez même pas pris la peine de répondre à un seul des arguments développés. Vous avez expédié, en peut-être quinze secondes, votre réponse sans apporter le moindre argument à tout ce qui a été dit pendant la soirée. Je trouve cela particulièrement choquant.
Votre attitude ce soir est en fait l’acte ultime du mépris que le Gouvernement a affiché pour ce texte depuis la discussion de mars dernier : mépris pour ce texte de loi, mépris pour les retraités agricoles et pour le monde agricole auquel ce texte tentait d’apporter une petite bouffée d’oxygène dans un monde – reconnaissez-le – bien difficile pour eux, mépris pour le Parlement.
Le Gouvernement est en train de prendre d’une fâcheuse habitude. Hier soir, à l’Assemblée nationale, il a réussi le tour de force, sur l’article 2 du projet de loi sur les violences sexuelles – un texte qui aurait pourtant, là aussi, pu faire largement l’unanimité du Parlement –, de fédérer l’ensemble des groupes, à part celui de La République En Marche, qui a suivi sans discussion le Gouvernement.
Vous renouvelez cet exploit ce soir, alors que, sur l’ensemble des bancs ou des travées, le Parlement vous demande d’adopter ce texte. C’est extrêmement inquiétant pour la démocratie.
Je veux dire que si notre rejet de votre amendement est un vote de colère face à votre attitude, c’est aussi un message d’espoir que nous envoyons au monde paysan. Nous ne les abandonnerons pas, nous ne céderons pas au subterfuge que vous utilisez ce soir.
Il faut que le monde paysan le sache, des élus comme ceux du groupe CRCE continueront à porter des propositions comme celle-ci, à faire entendre leur voix dans l’hémicycle et à montrer que la politique peut être digne, transparente et à l’écoute du peuple !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du g roupe socialiste et républicain, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Madame la ministre, est-ce qu’au moins, ce soir, le doute s’est un peu installé dans votre esprit ? Est-ce qu’au moins vous vous dites : « Finalement, ces parlementaires qui siègent sur les travées de droite et de gauche connaissent un terrain que j’ai peut-être un peu de mal à percevoir, et leur avis peut être utile pour améliorer la justice sociale dans notre pays ? »
Vous êtes médecin, madame la ministre, vous faites partie de cette catégorie de ministres dits « techniques » – ce n’est pas une injure dans ma bouche. Vous partagez, je l’espère, le diagnostic que nous dressons depuis tout à l’heure, mais vous vous refusez à établir l’ordonnance nécessaire pour améliorer le sort de milliers de nos concitoyens vivant aujourd’hui dans une situation misérable.
Aussi, le groupe socialiste ne votera pas votre amendement et, je vous le dis très simplement, il rejette profondément la procédure du vote bloqué, qui muselle la représentation nationale ici présente. La soirée du 7 mars dernier a été une soirée noire pour la démocratie ; celle du 16 mai 2018 le sera tout autant.
Dans ce contexte, je vous demande de réfléchir, madame la ministre, d’entendre les nombreux parlementaires ici rassemblés et de considérer que l’« ancien monde » n’est pas opposé au « nouveau monde » ; notre seul souci est de faire en sorte que les « derniers de cordée » du monde agricole puissent avoir un espoir pour la fin de leurs jours.
Voilà la mission qui doit être la nôtre. Voilà le doute que, je l’espère, vous allez enfin partager en nous écoutant ce soir.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Union Centriste, à l’exception de certains membres qui s’abstiendront, votera majoritairement contre le texte ainsi amendé parce que, tout d’abord, nous ne comprenons pas votre méthode. Pourquoi avoir reporté de quelques mois ce débat, que nous avons déjà eu en mars, pour aboutir finalement au même résultat ? Nous ne le comprenons vraiment pas.
En outre, nous avions ce soir la possibilité, je le répète, de gommer une honte, ce qui nous tenait à cœur. En effet, beaucoup d’entre nous sont des politiques ; combien de fois sommes-nous allés, lors de campagnes électorales, dans des exploitations agricoles pour affirmer certaines choses auprès des agriculteurs ? Or, plus les semaines et les mois passent, plus on voit combien la vie est difficile pour eux, notamment depuis quelques mois.
Beaucoup de promesses leur ont été faites et nous avions vraiment ce soir une occasion de leur montrer notre soutien en permettant de substituer la solidarité nationale, que les agriculteurs méritent amplement, à la solidarité familiale, qui ne peut plus s’appliquer. En effet, on est souvent agriculteur de père en fils et, aujourd’hui, les fils ne peuvent plus apporter d’aide à leurs parents, qui touchent de petites retraites.
Par conséquent, c’est vraiment l’incompréhension que nous souhaitons exprimer au travers de ce vote, mais nous avons aussi l’espoir que vous vous fassiez notre ambassadrice, madame la ministre, auprès de ce gouvernement qui nous a fait tant de promesses sur un « nouveau monde », afin que les agriculteurs puissent voir dans la politique une promesse de réel changement.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis agriculteur dans un département montagnard, dans lequel les agriculteurs à la retraite, dont le revenu est en dessous du seuil de pauvreté, font encore, à quatre-vingts ans, leur jardin pour se nourrir.
L’attitude que vous avez ce soir, madame la ministre, est une attitude de mépris vis-à-vis de générations de labeur. Cette attitude s’accorde avec l’ensemble des décisions prises depuis quelques mois pour mépriser la ruralité. Vous voulez vider les communes rurales de leurs compétences ; vous avez abaissé la limitation de la vitesse de 90 kilomètres à l’heure à 80 kilomètres à l’heure, ce qui va pénaliser encore un peu plus la ruralité ; vous allez supprimer la taxe d’habitation, sans que l’on connaisse véritablement la capacité qu’auront les communes rurales de faire face aux besoins de leur existence.
Tout cela ne démontre qu’une seule chose, c’est que vous avez une obstination totalement jacobine. Malheureusement pour vous, la France, c’est 80 % de territoires ruraux ; nos sources, nos convictions, ce qui nous fait, c’est, pour la plupart d’entre nous, le territoire rural ! La vie, l’histoire de la France sont non pas dans les villes, mais dans les campagnes. Mépriser celles-ci, comme vous le faites aujourd’hui, suscite en moi un vrai sentiment de dégoût, et je rentrerai dans le département dont je suis élu avec ce sentiment.
Je veux citer pour finir Montesquieu, selon lequel les gens de mon pays – les miens, ceux de la ruralité – « ne sont pas assez savants pour raisonner de travers ». Eh bien, sans vous manquer de respect, madame la ministre, ce soir, vous raisonnez de travers !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Madame la ministre, lorsque vous prendrez la parole, dans quelques instants, pour défendre l’indéfendable, je voudrais que vous me disiez ce que vais leur dire… Oui, que vais-je dire à mes compatriotes agriculteurs, que je vais retrouver la semaine prochaine, quand je rentrerai dans le département dont je suis élue ? Que vais-je leur dire, à eux, qui ont été tardivement alignés sur la notion d’égalité ? Il aura en effet fallu attendre le gouvernement de Lionel Jospin pour que l’on commence à voir que la Martinique, la Guadeloupe – ce que vous appelez « l’outre-mer » – faisaient partie intégrante de la République !
Que vais-je dire à mes compatriotes agriculteurs, qui se battent au quotidien contre des maladies phytosanitaires – la science n’a aujourd’hui aucune solution –, qui se lèvent tous les matins en regardant le ciel, redoutant cyclones, raz-de-marée ou inondations, qui sont de plus en plus fréquents – on connaît les conséquences du réchauffement de la planète ?
Comment pourrais-je leur expliquer que cette France qui trouvera des centaines de millions d’euros pour organiser des jeux, les jeux Olympiques de 2024 – manifestation que je défends et que j’apprécie –, pour lancer des feux d’artifice et des paillettes par dizaines de millions d’euros, pour financer des fêtes, pour construire des stades et des bassins de natation et faire jouer des sportifs futiles, cette France ne peut pas trouver de quoi leur donner les quelques dizaines d’euros qui leur permettraient de survivre ? En effet, même avec cette augmentation que nous appelons de nos vœux, pour eux, il s’agirait encore de survivre !
Que vais-je leur dire, la semaine prochaine ? Comment leur demander de continuer de croire en nous, de voter pour nous, de croire que cette République se bat tous les jours contre l’exclusion, de croire qu’ils ont, eux aussi, droit à la meilleure justice ?
Je voudrais des réponses, madame la ministre, parce que, une fois dans mon avion, j’aurai honte à l’idée de les affronter.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen sollicite une suspension de séance de quelques minutes, monsieur le président.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt-deux heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante-trois.
Je m’exprimerai tant à titre personnel qu’en tant que rapporteur de la commission des affaires sociales.
Nous avons eu droit, lors de la séance du 7 mars dernier et encore aujourd’hui, à de vrais exercices d’enfumage de la part du Gouvernement, sur lesquels il faut revenir. En effet, rappelez-vous, le 7 mars dernier, le secrétaire d’État nous disait que cette proposition de loi n’était pas financée et que son financement retomberait sur les épaules du contribuable ou sur les caisses de la sécurité sociale. J’ai démontré qu’il n’en était évidemment rien, cela est complètement inexact.
Rappelons-le, le secrétaire d’État avait même osé dire que cette proposition de loi, validée par toutes les travées de la Haute Assemblée – à l’exception de La République En Marche –, par l’Assemblée nationale…
… et par la commission des affaires sociales, était financée par une taxe sur le tabac ; c’est extraordinaire !
Si l’article 5 mentionne, effectivement, des taxes sur le tabac, c’est uniquement pour couvrir les frais de gestion. Le financement du dispositif de la proposition de loi repose sur une taxe additionnelle à la taxe sur les transactions financières, qui existe déjà, et qui correspondrait à une augmentation d’un centime pour une transaction de 10 euros. Voilà la réalité !
Donc, que l’on ne nous dise pas que cette proposition de loi n’est pas financée : en tant que rapporteur, je ne peux pas l’accepter, c’est insupportable !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Mais on voudrait aussi nous faire croire, au travers des insinuations d’un sénateur de La République En Marche, que certains syndicats agricoles – on ne parle évidemment pas des associations de retraités agricoles, qui ont déposé 8 000 signatures, on n’ose tout de même pas contester leur soutien à cette proposition de loi – seraient contre ce texte.
Regardons les faits.
J’ai ici les communiqués de différents syndicats concernés – la Confédération paysanne, le Mouvement de défense des exploitants familiaux, le MODEF, la Coordination rurale – qui, la veille ou le lendemain de l’examen de ce texte au Sénat en mars dernier, ont dénoncé « avec force l’attitude du Gouvernement et son refus d’améliorer immédiatement le quotidien » des retraités, et qui ont demandé ensemble « le retrait de cet amendement et du vote bloqué afin de laisser aboutir le processus législatif ». Si, ça, ce n’est pas un soutien à la proposition de loi que je défends en tant que rapporteur, je n’y comprends plus rien !
C’est vrai, vous évoquiez plutôt l’attitude de la FNSEA, mais vous n’avez certainement pas lu les dernières informations. Le communiqué de presse de la FNSEA, daté de Paris, le 15 mai 2018 – hier soir –, est très clair. Son titre : « 85 % du SMIC : les retraités agricoles s’impatientent ! »
M. Dominique Watrin, rapporteur. « L’objectif de revalorisation des retraites à 85 % du SMIC est une urgence pour l’ensemble des retraités actuels et à venir de la métropole et d’outre-mer » ; voilà ce que dit la FNSEA !
Exclamations et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Dominique Watrin, rapporteur. La FNSEA soutient donc pleinement cette proposition de loi !
Applaudissements et exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Vous auriez dû laisser M. le rapporteur terminer tout à fait avant de l’applaudir, mes chers collègues.
La parole est à Mme la ministre.
Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, alors que vous vous apprêtez à voter, je souhaite répondre à vos interventions et même à vos interpellations. Vous avez beaucoup parlé de mépris ; j’ai évidemment un profond respect pour les agriculteurs, pour leurs représentants et je respecte également les engagements que j’ai pris devant vous, le 7 mars dernier.
Comme je m’y étais engagée, le haut-commissaire à la réforme des retraites et moi-même avons rencontré l’ensemble des organisations agricoles. Nous les avons longuement écoutées, nous avons échangé et nous avons entendu leurs attentes. Je les remercie d’ailleurs sincèrement du dialogue de très grande qualité que nous avons eu. J’en retiens une évidence, partagée par toutes les organisations : l’insatisfaction des exploitants agricoles à l’égard de leur régime de retraite et leur souhait de le voir évoluer, en particulier le régime de base qui doit être, selon les organisations, au centre des réflexions sur l’amélioration des retraites agricoles.
Quelle a été la demande exprimée ? Pour reprendre les mots utilisés plusieurs fois par nos interlocuteurs, il faut de la lisibilité et de l’équité. Toutes les organisations considèrent que le régime des pensions agricoles est illisible à force de complexité, et que beaucoup de règles sont injustes et insatisfaisantes. Elles ont évoqué les conditions d’acquisition des droits au titre de la retraite proportionnelle, avec le souhait de revoir tant la base minimale de cotisation que la progressivité du barème ; plus largement, c’est la prise en compte de la variabilité des revenus agricoles dans la constitution des droits à la retraite qui est l’enjeu de fond.
Ces organisations ont également évoqué les différences avec les autres groupes professionnels dans les règles applicables au régime de pensions. De nombreuses questions ont été soulevées à ce sujet ; je veux citer en particulier les règles de cumul entre emploi et retraite, mais aussi les conditions de calcul des pensions de réversion et la situation des conjoints et des aidants familiaux.
Lisibilité et équité, voilà ce que demandent les organisations agricoles ; lisibilité et équité, c’est aussi ce que propose le Gouvernement comme principes de construction de la réforme systémique des retraites. Le haut-commissaire et moi-même, répondant à l’invitation de la Haute Assemblée et de son président, avons eu l’honneur de lancer officiellement cette réforme le 16 avril dernier et d’engager les concertations. Celles-ci aborderont en particulier la place des mécanismes de solidarité, puisque c’est de cela que nous parlons, dans la constitution des droits à la retraite, mécanismes qui intéressent tant les exploitants agricoles que l’ensemble de nos concitoyens.
Pour autant, la situation des retraités n’est pas satisfaisante pour les exploitants agricoles, et plus encore pour leur conjoint et les aidants familiaux. Je le dis, comme les organisations agricoles et vous-mêmes l’avez souligné, une vie de travail et une retraite insuffisante, ce constat est partagé.
C’est pourquoi, sans remettre en cause les équilibres essentiels du régime agricole, qui seront au cœur de la réforme à venir, il a semblé au Gouvernement légitime de proposer, dans l’urgence, deux améliorations au régime des retraites à destination des exploitants agricoles contraints de quitter leur activité pour cause d’inaptitude et au bénéfice des conjoints collaborateurs et aidants familiaux. D’ailleurs, j’observe que c’est sur l’initiative du Gouvernement que cette question essentielle des femmes d’agriculteurs a été abordée aujourd’hui, pour la première fois, dans le débat.
C’est scandaleux ce que vous faites, madame la ministre, vous utilisez les gens !
C’est cet amendement qui a soulevé le problème ! Il va de soi que cette proposition emporte un engagement formel du Gouvernement pour faire aboutir ses propositions.
Je rappelle d’ailleurs que, malgré le vote unanime dont vous parlez, le gouvernement précédent n’était pas favorable à cette réforme.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Vous avez refusé ces amendements, ils ont reçu un avis défavorable de la commission ; je pense que certains le regrettent…
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Nous le regrettons également et nous en prenons acte. (Les protestations redoublent.)
Veuillez laisser Mme la ministre achever son propos, mes chers collègues !
Mme Agnès Buzyn, ministre. Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux dire que nos interlocuteurs, que nous avons longuement rencontrés, ont compris la cohérence de la démarche du Gouvernement, ils l’ont acceptée.
Mêmes mouvements.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Une réforme d’ensemble est engagée, avec un calendrier très précis, puisque les concertations s’achèveront avant la fin de l’année et aboutiront à soumettre, l’année prochaine, cette réforme des retraites au Parlement. Il ne serait donc pas logique ni raisonnable de statuer pour un seul corps professionnel sur les questions essentielles, notamment de solidarité, qui sont au cœur de la réforme à venir.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Personne ne demande plus la parole ?…
Je mets aux voix, dans le texte de la commission, modifié par l’amendement n° 3 du Gouvernement, l’ensemble de la proposition de loi.
J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 103 :
Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés274Pour l’adoption22Contre 252Le Sénat n’a pas adopté.
Applaudissements.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt-trois heures, est reprise à vingt-trois heures cinq.
L’ordre du jour appelle le débat, organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, sur le thème : « L’évolution des droits du Parlement face au pouvoir exécutif ».
Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je vous rappelle que ce débat a été inscrit par la conférence des présidents dans le cadre de l’espace réservé au groupe communiste républicain citoyen et écologiste, limité à une durée de quatre heures. Je me verrai donc dans l’obligation de lever notre séance à zéro heure quarante-trois.
Dans le débat, la parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe auteur de la demande.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, mes amis du groupe CRCE et moi-même avons demandé l’inscription de ce débat sur l’évolution des droits du Parlement non seulement au titre du contrôle de l’action gouvernementale, mais surtout pour alerter l’opinion sur les graves dérives en cours, qui mettent en péril l’équilibre démocratique de nos institutions. Cette question n’est pas réservée à quelques spécialistes. Elle concerne intimement chaque citoyen.
La problématique relative au respect du Parlement et de ses prérogatives est au cœur de l’actualité. Le contexte de cette journée, marquée une nouvelle fois par l’utilisation de la procédure dite du « vote bloqué » par le Gouvernement à l’encontre d’une initiative parlementaire, met en exergue la pression de plus en plus forte exercée par le pouvoir exécutif sur les assemblées, y compris dans le cadre de leur compétence historique d’élaboration de la loi. Ce qui a expliqué la forte réaction à ce coup de force, madame la garde des sceaux, c’est la prise de conscience que vous approchiez d’une ligne rouge au-delà de laquelle la Constitution au sens historique du terme, c’est-à-dire la République, fondée sur le respect de la séparation des pouvoirs, ne serait plus respectée. Cette inquiétude des parlementaires a pris corps sur la quasi-totalité des travées de cette assemblée au fil des mois passés.
Le discours du chef de l’État au mois de juillet dernier à Versailles, long et parfois tortueux, pour ne pas dire complexe, était transparent sur un point : l’ambition de réformer le Parlement. Pour Emmanuel Macron, le fil de ce projet est la recherche de l’efficacité. Pour d’autres, dont nous sommes, au travers de ce discours qui prend tout son sens aujourd’hui, c’est l’affaiblissement des assemblées qui est recherché, leur « mise sous tutelle », comme l’a exprimé le président du Sénat le 9 mai dernier.
Le futur Président de la République, peu disert sur son programme durant la campagne électorale, a été clair sur un point : son nouveau monde ne pouvait supporter la supposée lenteur de la fabrication de la loi, pourtant chère à Mirabeau, et montrait clairement du doigt dans une attitude profondément démagogique le Parlement et les parlementaires comme des stigmates de cet ancien monde qu’il fallait s’empresser d’effacer.
En vérité, la volonté est d’adapter les institutions des démocraties au rythme de la mondialisation libérale et de les y soumettre. Faut-il rappeler que, au-delà de l’annonce de la réduction du nombre de parlementaires – sur laquelle je reviendrai –, Emmanuel Macron avait même affiché l’idée de réduire le temps législatif du Parlement à trois mois ? Je pense que cet objectif est maintenu par le projet de loi constitutionnelle présenté la semaine dernière et par la volonté affichée par la majorité de l’Assemblée nationale.
La question des droits du Parlement, ce n’est pas la défense des intérêts de quelques notables. Défendre ses droits, ce n’est pas se satisfaire de l’État existant, c’est-à-dire d’assemblées déjà affaiblies, peu représentatives et n’ayant apporté aucune solution satisfaisante aux yeux d’une large majorité de nos concitoyens.
L’impopularité du Parlement est avant tout l’impopularité d’une institution qui n’a pas pu répondre depuis des années aux premières attentes, comme la baisse du chômage, l’augmentation du pouvoir d’achat, les difficultés relatives au logement ou la nécessité de proposer une école ouverte et un hôpital capable de répondre aux besoins. Ces attentes d’un mieux vivre, d’une vie sereine, loin des violences sociales et de la dureté de la vie quotidienne, les gouvernements et les majorités parlementaires successifs n’y ont pas répondu et ont souvent aggravé la situation.
Emmanuel Macron a bien perçu cette profonde déception, cette grande attente, et il les utilise pour renforcer son pouvoir présidentiel, symbole d’une nouvelle pratique, en réduisant le pouvoir parlementaire, survivance pour lui des institutions de l’ancien monde.
Le projet constitutionnel qui doit être examiné par l’Assemblée nationale pendant les vacances, alors que ce débat devrait avoir lieu au grand jour, confirme pleinement nos craintes. Il s’agit là, comme je l’ai dit dans le débat précédent, d’un élément clé du dispositif mis en place avec les projets de loi organique et ordinaire à venir visant à réduire la place du Parlement dans l’architecture institutionnelle de notre pays.
Le droit d’amendement est clairement dans le collimateur du pouvoir exécutif. La limitation du débat aux seuls amendements ayant un lien avec le texte dès la première lecture est un moyen de tuer l’échange démocratique en annihilant l’initiative parlementaire.
Depuis des années, mes chers collègues, nous alertons sur la limitation progressive du droit d’amendement. Combien de fois avons-nous indiqué qu’en acceptant telle ou telle restriction – par exemple, la règle de l’entonnoir, qui bride le dépôt d’amendements en seconde lecture, ou l’interprétation extensive de l’article 40 de la Constitution, qui supprime toute possibilité de proposition en matière budgétaire, le développement des irrecevabilités allant jusqu’à mettre en cause la possibilité pour le parlementaire de proposer la remise d’un rapport sur tel ou tel sujet –, c’est l’affaiblissement progressif du Parlement qui était validé ?
Cette obsession du tri entre bons et mauvais amendements, entre amendements justifiés ou pas, a peu à peu créé les conditions aujourd’hui d’un véritable assaut contre ce qu’il reste du droit d’amendement.
Cette obsession de la rationalisation du travail parlementaire nous a amenés à la situation actuelle : des débats sans saveur, sans enjeu, sans confrontation d’idées ou bien peu, sans possibilité de véritables échanges sur des propositions alternatives. En quoi les débats approfondis d’hier ont-ils posé un problème démocratique ?
Prenons le cas de la crise actuelle de la SNCF, dont le Gouvernement porte l’essentiel de la responsabilité. Au-delà des options de fond, le choix d’une méthode autoritaire, archaïque par sa violence, n’aurait-il pu être évité par un véritable débat au sein de l’entreprise elle-même pour commencer, et au Parlement ensuite ?
Prendre le temps du débat n’est pas seulement un artifice démocratique. Cela permet aussi à la société de s’exprimer, de faire valoir ses inquiétudes, ses colères au travers d’échanges parlementaires. Si la parole est restreinte au Parlement, si le droit de proposition est éteint, il ne faudra pas s’étonner que le peuple trouve tout à fait légitimement d’autres voies pour s’exprimer. L’exercice de la démocratie en France ne peut être réduit à la seule utilisation du bulletin de vote hors de l’élection présidentielle, les élections législatives étant devenues une sorte de vote complémentaire à l’élection du chef de l’État du fait de l’inversion du calendrier.
Permettez-moi de m’arrêter sur cette question, car le temps me manquera. Restaurer la plénitude des pouvoirs du Parlement passe bien entendu par une modification du calendrier électoral pour revenir à des élections législatives qui précèdent l’élection présidentielle.
Cela passe également, nous y reviendrons dans le cadre du débat constitutionnel, par une restriction des compétences du chef de l’État, son mode d’élection devant être interrogé.
La question d’une meilleure représentativité des parlementaires est également posée. Et ce ne sont pas quelques gouttes de proportionnelle invalidées par le seuil de 5 % des voix permettant d’accéder à la répartition de trois sièges qui changeront la donne !
Pour en revenir à la question précise des prérogatives parlementaires, le temps du débat, le droit d’amendement, le temps de parole doivent d’être défendus avec acharnement pour ne pas définitivement accepter le transfert du pouvoir législatif au Gouvernement et à la présidence de la République.
La remise en cause de la navette parlementaire par le projet de loi constitutionnelle s’inscrit dans le même objectif. Au-delà de la question des bienfaits ou non du bicamérisme et des qualités ou des défauts du Sénat, il est clair que l’objectif est de faire basculer tous les restes du pouvoir législatif vers l’Assemblée nationale, soumise, comme je viens de l’indiquer, au pouvoir présidentiel par la nature même de son élection.
Pour conclure le tout, Emmanuel Macron a décidé de liquider l’initiative parlementaire en accordant une nouvelle priorité pour l’examen des projets gouvernementaux, empiétant sur les temps réservés aux assemblées.
Comme vous le constatez, mes chers collègues, l’addition est lourde. Je l’ai dit, les origines de ce coup de force remontent à loin, et il est impératif aujourd’hui de remettre à plat ce que doit être la place du Parlement dans nos institutions et, par là même, ce que doivent être les prérogatives des assemblées dans ce cadre. Cette réforme ne peut être parcellaire. Elle remet en cause l’organisation même de nos institutions.
Nous aurons l’occasion dans les semaines à venir de mettre en avant nos propositions pour une nouvelle Constitution qui tourne le dos à la dérive autoritaire à laquelle nous assistons et qui redonne toute sa place au peuple, à son intervention.
Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous assistons à un coup de force qui est l’aboutissement d’un long processus. Comment ne pas évoquer, par exemple, l’abandon du pouvoir budgétaire aux autorités européennes par le biais du traité budgétaire européen ? Ce fut un coup important porté aux pouvoirs du parlement national.
Le coup de force entamé dès l’été dernier avec le recours aux ordonnances pour casser le code du travail s’est poursuivi avec l’application de la loi sur la sélection à l’université avant même son examen par le Sénat. Le Gouvernement méprise le Parlement en considérant tout texte déposé comme adopté et passe à l’étape suivante.
Ce mépris et ces coups de force à répétition exigent une prise de conscience, une réaction démocratique et républicaine forte. C’est pour cela que nous avons demandé ce débat et que nous nous opposerons avec force dans le rassemblement le plus large aux réformes profondément antidémocratiques annoncées ces derniers jours.
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – M. Éric Kerrouche applaudit également.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, nous débattons aujourd’hui de l’évolution du rôle du Parlement face au pouvoir exécutif. Il ne pourrait être de débat plus brûlant et plus pertinent à la suite du vote bloqué auquel nous venons d’assister sur la proposition de loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles et compte tenu de l’impatience, voire de l’excitation, liée à l’ouverture prochaine des discussions parlementaires sur la future révision constitutionnelle.
Mes chers collègues, remontons quelques instants, si vous le voulez bien, à la genèse de la Ve République. Les pères fondateurs souhaitaient rompre avec l’instabilité ministérielle caractéristique de la IVe République en instituant un parlementarisme que l’on disait déjà rationalisé. Dans ce cadre, l’opposition parlementaire pouvait difficilement se faire entendre, et les possibilités pour l’Assemblée nationale de renverser le Gouvernement étaient limitées. La fonction de contrôle de l’action gouvernementale était en quelque sorte neutralisée, privant en partie le Parlement de son rôle de contre-pouvoir. L’affirmation de l’exécutif était au cœur du projet constitutionnel, volonté intimement liée à une vision dépréciée du pouvoir législatif, qu’il s’agissait de limiter.
La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, marqua un tournant fondamental dans l’histoire de nos institutions. Après plusieurs décennies de subordination, les pouvoirs du Parlement ont été fort opportunément reconsidérés et la tutelle de l’exécutif singulièrement diminuée. Ainsi, le Gouvernement ne peut plus recourir de manière parfois abusive ou illimitée à l’article 49.3. Par ailleurs – c’est extrêmement important –, il n’est plus l’unique maître de l’ordre du jour, celui-ci étant partagé. Enfin, les droits de l’opposition ont été renforcés et les conditions de discussion des projets et propositions de loi améliorées par la réhabilitation des commissions, le débat parlementaire ayant aujourd’hui lieu non pas sur le texte proposé par le Gouvernement, mais sur un texte élaboré, et souvent amélioré, par les parlementaires. La portée et la qualité des délibérations en sont enrichies.
La révision constitutionnelle de 2008 a marqué une étape extrêmement importante dans l’histoire de notre démocratie en procédant à un rééquilibrage des pouvoirs.
Aujourd’hui, le Gouvernement entend faire une réforme « pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace ». Madame la garde des sceaux, permettez-moi d’exprimer les interrogations assez fortes du groupe Union Centriste sur les conséquences des dispositions annoncées – ou dont on entend beaucoup parler – et qui ressemblent fort à une limitation des droits du Parlement.
Sous couvert d’un souci d’efficacité, l’ordre du jour pourrait être confisqué aisément par l’exécutif. Dès lors qu’un texte relatif à la politique économique, sociale ou environnementale serait jugé urgent, le Gouvernement pourrait décider de l’inscrire en priorité à l’ordre du jour. Il y a un risque que les urgences se transforment en ordinaire et deviennent la norme, l’ordre du jour réservé aux parlementaires se réduisant comme peau de chagrin.
Autre signe inquiétant : le Gouvernement envisage un droit d’amendement encadré par de nouveaux critères de recevabilité particulièrement sévères qui contreviennent au pouvoir d’initiative et à la liberté des parlementaires, alors que les textes adoptés par le Parlement sont aujourd’hui majoritairement des projets de loi et que l’amendement constitue notre principale arme législative – au sens positif et pacifique du terme.
Enfin, le rôle de contrôle du Parlement sur l’action du Gouvernement est passé sous silence. C’est le grand oublié de la révision constitutionnelle, alors qu’il s’agit d’une mission essentielle du Parlement. Dans toutes les grandes démocraties libérales, les parlementaires devraient ainsi disposer de moyens d’action renforcés pour évaluer les politiques publiques et l’efficience de l’action publique.
Disons-le clairement, le travail parlementaire est perfectible ; il doit être amélioré et sans doute nous arrive-t-il souvent – il faut le confesser pour parler vrai et juste – de nous sentir encombrés face à une inondation d’amendements présentés sur certains textes. Il faut toutefois reconnaître que, parallèlement à la contribution forte des législateurs à cette incontinence d’amendements, la responsabilité de l’exécutif ne doit pas être niée, car nous avons affaire à des projets de loi confus, insuffisamment préparés, voire fourre-tout ou s’apparentant à des cabinets de curiosités – je fais référence au projet de loi Égalité et citoyenneté dont j’étais rapporteur.
Sourires.
Les amendements fleurissent parfois à cause de ces textes insuffisamment préparés qui nous sont proposés par le Gouvernement.
La discussion parlementaire peut effectivement gagner en efficacité et en fluidité – le Sénat a d’ailleurs montré l’exemple. Nos deux assemblées ont tout à gagner d’une amélioration de la fabrique de la loi. Toutefois, les mesures envisagées par le Gouvernement ressemblent fort à une rationalisation aveugle du travail parlementaire et écornent sérieusement la capacité à agir du Parlement.
Le Parlement – je pense que vous en serez d’accord, madame la garde des sceaux – n’est pas et ne doit pas être une chambre d’enregistrement ou d’exécution obligée des souhaits d’un gouvernement aussi légitime soit-il. La démocratie ne peut vivre que sur les deux piliers que doivent être un exécutif fort et un législatif fort.
Toute réflexion sur l’évolution des droits du Parlement serait incomplète sans citer la fonction essentielle du Sénat qu’est la double représentation de la population et des territoires. Notre pays puise son équilibre et sa cohésion démocratique dans la diversité de ses deux chambres.
Or la singularité du Sénat, chambre de la sagesse et de la réflexion, moins soumise à une opinion publique trop souvent volatile que l’Assemblée nationale, court le risque d’être dénaturée, puisque le Gouvernement entend limiter la navette parlementaire au détriment de la Haute Assemblée. Le texte prévoit que, en cas de désaccord entre le Sénat et l’Assemblée nationale et d’échec de la commission mixte paritaire à adopter une version commune d’un texte de loi, le Gouvernement pourrait demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement, privant le Sénat de son droit d’expression.
Madame la garde des sceaux, c’est vraiment un sérieux et très mauvais coup porté au bicamérisme et à ce qui fait son intérêt, à savoir le dialogue et l’échange constructifs entre les deux chambres, qui donnent le temps nécessaire à l’élaboration d’un texte plus juste, plus pertinent, comportant moins d’erreurs et de lacunes.
Enfin, le bicamérisme peut constituer – je le dis avec beaucoup de gravité – un obstacle à l’omnipotence et à l’impétuosité d’une chambre unique mue par des initiatives trop souvent impulsives, a fortiori depuis l’introduction du quinquennat, qui engendre trop souvent une soumission de fait de l’Assemblée nationale au pouvoir exécutif.
Le Gouvernement veut réformer et réformer vite. J’aurais préféré qu’il veuille réformer bien. Cette impatience réformatrice fait fi du temps nécessaire et incompressible à la fabrication de la loi et au contrôle de l’exécutif.
La démocratie a besoin de ce double pouvoir, d’un exécutif fort et d’un pouvoir législatif fort. N’insultons pas l’avenir, madame la garde des sceaux – je le dis encore une fois avec beaucoup de gravité –, car qui parmi nous peut prédire qui sera au pouvoir demain, ce qu’il sera et ce que l’exécutif fera des libertés et de l’autorité qu’il entend aujourd’hui requérir de nous, parlementaires ?
Nous veillerons à ce que la Constitution protège la démocratie dans le respect de la liberté et de l’autonomie des chambres. Nous aurons sûrement l’occasion d’en reparler longuement lors de l’examen du projet de loi constitutionnelle.
MM. Pierre Charon et Patrick Kanner applaudissent.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, chers collègues, la loi est en quelque sorte un substitut aux vertus, disait Montesquieu. Ne l’oublions pas !
Nul n’ignore dans cette assemblée le contexte historique qui a présidé à la naissance de la Ve République il y a maintenant soixante ans. L’instabilité gouvernementale de la IIIe et de la IVe République, souvent dénoncée en raison du rôle des partis politiques et du poids des assemblées, a conduit en contrepoint à construire un exécutif fort. Or d’autres démocraties fonctionnent aussi bien que la nôtre sans que l’exécutif y soit doté de prérogatives aussi importantes. Il faut donc se souvenir que ce sont bien des circonstances historiques exceptionnelles, notamment l’incapacité du régime mis en place en 1946 à répondre au défi de l’insurrection de 1958, qui expliquent en grande partie l’instauration de la Ve République en France et la mise en place d’un parlementarisme hyperrationalisé et, par la suite, hyperprésidentialisé ; j’y reviendrai.
La tendance de l’hyperprésidentialisation s’est atténuée, mais la réforme qui nous est proposée nous ferait revenir en arrière. En effet, la Ve République a accordé des pouvoirs relativement marginaux à notre parlement comparativement à ceux qui existaient sous les républiques précédentes. En synthétisant, on peut dire que notre Constitution a complètement déplacé le centre décisionnel de l’État, du Parlement vers l’exécutif. En clair, entre les élections en France, c’est à l’exécutif qu’il revenait de déterminer les orientations de l’action politique.
Par ailleurs, l’élection au suffrage universel direct du Président de la République a fait glisser notre pays, dans les classifications internationales, dans la catégorie des régimes semi-présidentiels, caractérisés par une responsabilité duale : le Gouvernement a besoin d’être soutenu et/ou accepté non seulement par le Parlement, mais également par le Président de la République.
Le système français se singularise par la place qu’occupe la fonction présidentielle. Cette dernière concentre tous les pouvoirs – hors cohabitation – et les conserve, du moins dans leur faculté d’empêcher, pendant cette cohabitation.
Par ailleurs, on le sait, le passage au quinquennat et l’organisation des élections législatives à l’issue de l’élection présidentielle rendent désormais presque improbables les périodes de cohabitation, les élections législatives faisant office de lune de miel dans la mesure où elles ne sont que des élections de confirmation.
Du point de vue symbolique, le fait que le Président de la République apparaisse dès le titre II de notre Constitution est sans doute révélateur. Je ne vais pas citer l’ensemble des articles qui montrent sa puissance, mais je rappelle que l’article 5, en lui confiant un rôle d’arbitre, lui donne, selon l’expression de Georges Burdeau, en 1959, « le vrai pouvoir d’État » et que l’article 19 lui confère de nombreux pouvoirs dispensés de contreseing ; n’oublions pas non plus l’article 16, même si son utilisation reste exceptionnelle.
Compte tenu de l’accumulation de toutes ces dispositions, les experts sont unanimes pour classer notre parlement parmi les parlements faibles au niveau international. Je tiens à préciser que, même après la réforme de 2008, notre parlement reste très faible, voire défaillant si on le compare aux parlements d’autres démocraties occidentales. La proposition qui nous est faite vise donc à revenir sur une situation déjà défavorable au Parlement.
Je ne reviendrai pas sur les différents mécanismes de parlementarisme rationalisé, dont nous avons eu une illustration ce soir. Les réformes successives ont tenté de corriger cette tendance inhérente à la Ve République. Je tiens cependant à souligner qu’elles ont toutes été menées dans le sens de nouvelles conquêtes pour le Parlement et que, la plupart du temps, on a fait appel à des comités d’experts, qu’ils soient présidés par des élus ou par des universitaires, pour tenter de corriger les maux connus de notre Constitution.
Je pense qu’il est inutile de revenir sur les avancées de la révision de 2008. Elles sont certes importantes, mais ne suffisent pas à corriger le déficit structurel de pouvoir de notre parlement.
C’est là qu’intervient le projet de loi constitutionnelle qui nous sera bientôt soumis. Alors que l’histoire constitutionnelle va normalement en montant, la réforme qui nous est proposée lui ferait décrire un cercle. La perspective est en effet de revenir en arrière, et même avant la République de 1958, à une période où le Parlement était infantilisé.
Dans sa récente adresse au Parlement européen, le Président de la République a appelé l’Europe à résister aux tentations autoritaires. Heureuse inspiration sémantique quand le projet de réforme institutionnelle qui nous est présenté revêt précisément toutes les caractéristiques de l’autoritarisme ! Nous assistons vraiment à un retour vers le futur, pour reprendre le titre d’un film connu, tant les droits du Parlement connaissent une régression drastique.
La révision constitutionnelle de 2008 a opéré un nouveau partage de l’ordre du jour ; le Gouvernement nous propose tout simplement d’y mettre fin en empiétant sur l’initiative parlementaire et, par conséquent, en réduisant les droits des groupes minoritaires et d’opposition.
Le Sénat a su faire preuve de sérieux pour limiter l’inflation du nombre d’amendements, mais ce n’est manifestement pas suffisant. Au lieu de s’interroger sur la qualité initiale de la loi, des études d’impact ou la nature fourre-tout de certains textes, le Gouvernement renforce ou veut renforcer les irrecevabilités pour encadrer au maximum le droit d’amendement, qui est essentiel à la fabrique d’une loi de qualité quand il n’en transforme pas complètement et radicalement l’économie. Le Parlement n’est probablement plus celui de l’éloquence, il doit cependant demeurer l’arène essentielle du débat démocratique.
Que dire encore de la réforme de la navette parlementaire, qui réduit tout simplement le Sénat à un rôle de spectateur, alors que sa mission est essentielle au fonctionnement du bicamérisme ?
Il n’y a aucune efficacité à la dégradation du travail parlementaire, à plus forte raison quand il s’agit de la loi de finances, poussant ainsi subtilement à adopter le budget par ordonnances. Je vous le rappelle, l’Allemagne adopte ses textes en moyenne en 152 jours, contre 149 en France et 30 en Hongrie. Mais je ne sais pas s’il faut se tourner vers cet exemple…
Sourires.
Que dire, enfin, du renouvellement complet du Sénat en 2021 qui nous est proposé, la dernière surprise ?
Alors que le renouvellement partiel du Sénat, chambre de la continuité, est une garantie de la stabilité des institutions, le Gouvernement innove en proposant la dissolution de la chambre haute… Sauf à supposer que le résultat des précédentes élections n’ait pas eu l’heur de plaire à la majorité présidentielle !
En usant à l’envi de la sémantique managériale, le Gouvernement ne pose pas les bonnes questions et apporte donc de mauvaises réponses. Car la première question que nous devrions nous poser est la suivante : si chacun s’accorde à dire que la fabrique de la loi peut être améliorée, que la démocratie doit être revitalisée, sur quel diagnostic se fonde cette réforme ? Quel est le sens de cette réforme ? Apporte-t-elle des réponses au désenchantement démocratique ? Remet-elle le citoyen au centre de la décision ? Que nenni !
En définitive, cette révision constitutionnelle semble être celle de l’exécutif pour l’exécutif et par l’exécutif : elle incarne l’hyperconcentration des pouvoirs, la crainte d’un débat parlementaire contradictoire, qui est l’essence de la démocratie, et l’éloignement démocratique.
Ne nous y trompons pas, la réforme des institutions touche tout le quotidien, car elle touche à notre démocratie.
La réforme concerne aussi la représentation des parlementaires. Ce n’est pas en abaissant le nombre de parlementaires ni le Parlement qu’on rendra l’institution plus légitime.
De ce point de vue, la proposition qui nous est faite va vers une impasse démocratique ; elle ne mesure à aucun moment le danger que représente une telle atrophie dans le temps des contre-pouvoirs. Pour ces raisons, l’ensemble du groupe socialiste s’est engagé à réaliser un travail de fond, en vue de formuler des propositions, afin de rééquilibrer les pouvoirs entre le Parlement, le Gouvernement et le Président de la République, et ce non pas dans le sens qui nous est proposé.
Je terminerai mon propos en rappelant qu’il nous faut revenir à l’esprit initial de la Ve République. À cet égard, je vous invite à relire la conclusion du discours de Bayeux du général de Gaulle en 1946 : « Des Grecs, jadis, demandaient au sage Solon : “Quelle est la meilleure Constitution ?” » Il répondait : « Dites-moi, d’abord, pour quel peuple et à quelle époque ? » Cette question vaut toujours aujourd’hui. Le général de Gaulle poursuivait son propos en ces termes : « Soyons assez lucides et assez forts pour nous donner […] des règles de vie nationale qui tendent à nous rassembler quand, sans relâche, nous sommes portés à nous diviser. »
Que cette parole forte, qui a inspiré la Ve République, puisse nous porter et qu’elle fasse revenir le Gouvernement sur sa volonté actuelle de bâillonner le Parlement !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, en 1958, afin de mettre fin à des années d’instabilité gouvernementale ayant marqué la fin de la IVe République, les rédacteurs de la Constitution ont multiplié les instruments donnés au Gouvernement pour assurer sa stabilité et ses moyens d’action. Ainsi, le Parlement s’est vu, dès la naissance de la Ve République, limité dans sa fonction législative.
L’un des objectifs affichés de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, qui a nécessité la modification de plus de la moitié des articles de la Constitution, a été de renforcer le Parlement législateur, en passant tout à la fois par une réappropriation de la procédure législative par les deux assemblées et une revalorisation de la norme législative. Si un certain nombre de dispositions ne concernaient pas directement le Parlement, en revanche, l’essentiel de la révision tendait à établir un nouvel équilibre entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif.
La réforme constitutionnelle de 2008 a ainsi permis de revenir sur des éléments souvent considérés comme fondateurs de la Ve République, tels que l’impossibilité pour le Président de la République de s’exprimer lui-même devant le Parlement, l’interdiction faite aux assemblées de voter des résolutions à l’adresse du Gouvernement, la prédominance du Gouvernement sur l’ordre du jour des assemblées ou encore l’engagement de la discussion législative sur le texte du Gouvernement et non sur celui de la commission.
La révision de 2008 est à l’origine d’évolutions majeures : un nouveau partage de l’ordre du jour, le renforcement du rôle législatif des commissions, l’instauration d’un délai d’examen des textes, de nouvelles règles de présentation des projets de loi, la précision des règles de recevabilité des amendements, de nouvelles prérogatives pour les présidents d’assemblée dans la procédure législative, un encadrement du recours à l’article 49.3, la reconnaissance de droits aux groupes d’opposition ou minoritaires ou encore le développement du rôle du Parlement en matière internationale et européenne – tout en n’étant pas exhaustive, cette liste montre bien l’importance de cette révision.
C’est non pas seulement le rôle législateur du Parlement qui a été renforcé à cette occasion, mais également le Parlement contrôleur. Néanmoins, je crois que nous pouvons admettre collectivement que nous ne nous sommes pas approprié l’ensemble des moyens constitutionnels à notre disposition pour ce qui concerne la fonction de contrôle.
Avec la révision qui s’annonce cette année, nous avons une occasion de conforter le travail de rééquilibrage des institutions commencé en 2008.
La semaine dernière, vous avez présenté, madame la garde des sceaux, le projet de loi constitutionnelle pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace. Nous partageons avec le Gouvernement et le Président de la République ce triple objectif. Le texte présenté constitue l’aboutissement d’une annonce faite par le Président de la République à l’ensemble des parlementaires réunis en Congrès le 3 juillet 2017. Néanmoins, ce projet de loi constitutionnelle soulève plusieurs interrogations quant à l’équilibre nouveau trouvé en 2008.
En premier lieu, le texte présenté envisage d’encadrer le droit d’amendement des parlementaires. La limitation d’un tel droit conduirait à un renforcement de la prédominance du pouvoir exécutif. Cela risque d’ailleurs de poser un problème constitutionnel, puisque le droit d’amendement est une liberté fondamentale des parlementaires qu’une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel a eu à cœur de garantir. Contraindre davantage cette liberté limiterait un droit consubstantiel au mandat parlementaire, qui est le sens même de la fonction de législateur, même s’il faut bien considérer que, parfois, des amendements présentés sont extrêmement éloignés des débats. Il est peut-être opportun de trouver des solutions à ce problème.
En deuxième lieu, il est proposé de modifier le fonctionnement de la navette parlementaire. En cas de désaccord avec le Sénat, l’Assemblée nationale ne serait plus amenée à se prononcer sur la version sénatoriale. Évidemment, l’objectif final est d’avoir une loi bien construite, bien travaillée, et l’importance du Sénat dans cet exercice n’est plus, me semble-t-il, à démontrer.
En troisième et dernier lieu, même si l’on peut comprendre le désir de l’exécutif de vouloir modifier le principe de l’ordre du jour partagé, en permettant au Gouvernement de le fixer prioritairement dans certains cas, cela ne peut se faire au détriment du rôle même des assemblées. Il y va du nécessaire équilibre institutionnel instauré par la réforme constitutionnelle de 2008. Cela conduirait à accorder au pouvoir exécutif une prérogative qui, à mon avis, prédominerait excessivement sur celle du Parlement.
Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, si la volonté du Gouvernement de vouloir répondre aux attentes de nos concitoyens en rationalisant davantage le fonctionnement du Parlement est louable et souhaitable, nous sommes tous attentifs sur les points que je viens d’aborder et qui ont été évoqués précédemment par d’autres orateurs, et des discussions seront nécessaires tout au long de la procédure parlementaire. Le groupe Les Indépendants y prendra pleinement part lors des prochains débats parlementaires, tout en restant ouvert à l’idée d’une plus grande célérité et d’une plus grande efficacité des travaux parlementaires. Exécutif et législatif ont tous deux le même objectif : la réussite de la France.
Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la nature des relations entre le Parlement et le Gouvernement est un sujet de premier ordre dans une démocratie : elle mérite que l’on s’interroge plus encore à l’approche d’une importante réforme constitutionnelle.
Depuis l’installation d’un régime parlementaire sous la IIIe République, les droits du Parlement ont régulièrement évolué sous l’effet de révisions constitutionnelles, mais également en fonction de pratiques institutionnelles variables. Ils ne peuvent donc jamais être regardés comme acquis et doivent sans cesse être défendus par ceux qui ont reçu un mandat de la Nation et qui sont résolus à l’honorer. La défense de ces droits commence par leur exercice plein et entier : le droit de questionner et de contrôler l’action gouvernementale, mais également le droit de proposer des textes de loi de leur propre initiative ou d’amender ceux qui sont soumis à leur examen.
Plusieurs des grands progrès intervenus sous la IIIe et la IVe République sont à mettre au crédit de parlementaires, en particulier les radicaux, qui ont eu l’ambition d’exercer pleinement les droits attachés à leur mandat. Je pense en particulier aux lois scolaires soutenues au Parlement par les « Républicains opportunistes » et à la loi de séparation des Églises et de l’État, dont l’équilibre final fut imposé par la chambre des députés au ministre, conduite par son rapporteur Aristide Briand. Ironiquement, c’est pourtant le nom du ministre Émile Combes, le « petit père Combes », qui est resté pour la postérité…
Les fondateurs de la Ve République, constatant les limites des précédents régimes liées à l’instabilité gouvernementale, ont considérablement encadré les droits des parlementaires, au nom d’un parlementarisme dit « rationalisé ».
Le droit d’interpellation, redouté par tous les présidents du Conseil, qui étaient les Premiers ministres de l’époque, a été réduit à néant avec l’instauration de la procédure de motion de censure à l’article 49.
Le droit d’amendement a également subi d’importantes limitations, en étant restreint au domaine de la loi, explicitement défini dans le texte constitutionnel, et considérablement encadré par la règle de l’irrecevabilité financière.
Quant à l’initiative parlementaire des groupes minoritaires ou d’opposition, elle a disparu jusqu’à la révision constitutionnelle de 2008 et l’introduction d’un ordre du jour réservé.
Mais, en parallèle, la croissance de la production normative européenne continue de représenter un défi pour notre parlement, qui reste relativement peu associé aux travaux des institutions européennes en comparaison des pratiques que l’on observe ailleurs, comme en Allemagne.
Il faut y ajouter les faibles pouvoirs de contrôle, alors que le champ et les moyens des commissions d’enquête sont considérablement encadrés par le droit et la jurisprudence constitutionnels, contrairement à ceux dont jouissent la Chambre des représentants et le Sénat américains.
Pourtant, malgré sa capacité d’action contrainte, y compris après le rééquilibrage institutionnel de 2008, la Haute Assemblée a toujours fait un usage raisonné de ses droits : l’obstruction y est rare et le manquement aux règles des irrecevabilités y est strictement sanctionné. Lors de l’examen de la loi pour un État au service d’une société de confiance en commission, trente-cinq amendements ont ainsi été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 et cinq au titre de l’article 40.
La récente adoption de la procédure de législation en commission, la PLEC, illustre par ailleurs la capacité de notre institution à s’autoréguler, dans un souci d’efficacité législative.
Pour notre part, nous restons attachés à la conception du parlementarisme des jeunes radicaux que décrivait Jean Jaurès dans La Dépêche du 30 juillet 1887, c’est-à-dire une méthode de travail où des « efforts incessants de conciliation et de transaction » permettent de dépasser les clivages et soutenir les progrès sociaux et économiques. Or cette conception implique a minima de laisser les parlementaires exercer leur droit d’amendement dans des conditions symétriques à celles du Gouvernement.
Nous considérons en outre que l’existence de discussions sincères et développées au Parlement est la meilleure réponse que nous puissions apporter au besoin de transparence de nos concitoyens, devenu impérieux. La publication des amendements soutenus par chaque parlementaire permet justement une grande traçabilité de l’activité des uns et des autres, donc de leurs responsabilités. De même, la publicité des débats permet également l’explicitation d’arbitrages réalisés au niveau interministériel et de s’assurer que l’ensemble des intérêts ont été pris en compte.
Il n’est pas anodin que ce débat proposé par le groupe communiste républicain citoyen et écologiste se tienne dans le contexte particulier né de l’utilisation du vote bloqué sur une proposition de loi visant à revaloriser les pensions de retraite agricoles. Il intervient également après plusieurs réformes ayant contribué à affaiblir indirectement la capacité des parlementaires à apporter des solutions concrètes aux attentes de leurs concitoyens sur le terrain, qu’il s’agisse de l’encadrement du cumul des mandats ou de la suppression de la réserve parlementaire. En cherchant la vertu à tout prix, on crée des parlementaires hors sol.
L’inadéquation entre les moyens juridiques accordés aux parlementaires et la grande responsabilité collective que leur attribuent les citoyens, par leur appartenance à ce qu’on appelle la « classe politique », a atteint sur ce sujet un point critique. Ce constat constituera le point de départ de la réflexion que le groupe du RDSE s’apprête à mener à l’approche de la réforme constitutionnelle.
Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la France a la chance de bénéficier des institutions de la Ve République, lesquelles nous ont permis d’avoir un régime politique stable. La Ve République a fait la preuve de sa robustesse ; celle-ci n’est plus à démontrer.
Ces institutions, que d’aucuns voudraient bouleverser, ont évité à notre pays de connaître des crises politiques majeures, l’instabilité politique ou, comme nos amis italiens, la paralysie politique, source de fragilités dont l’histoire a pu nous apprendre qu’elles peuvent se révéler dramatiques dans certaines circonstances.
Parmi les raisons essentielles qui fondent notre régime actuel figure la recherche d’un équilibre entre la légitimité présidentielle, voulue par son premier Président et destinée à doter les institutions d’un garant et d’un arbitre, et la légitimité des parlementaires, chargés d’écrire la loi et de contrôler l’action du Gouvernement. Ils sont nos blocs de marbre qui fondent nos institutions et qui ont pu admettre et supporter les nombreuses révisions de notre Constitution, et ce sans que soit remise en cause cette mécanique délicate construite autour de cet équilibre.
À ce jour, vingt-quatre révisions ont permis d’en peaufiner le fonctionnement et de l’adapter aux nouvelles réalités, notamment européennes. Mais elles ont surtout affiné le rôle du Parlement. Sans redevenir source d’instabilité politique comme sous la IIIe et, plus encore, la IVe République, elles ont renforcé ses moyens d’exercer au mieux son rôle d’artisan de la loi et de contrôleur de l’exécutif. Parmi celles-ci, la réforme de 1974 permettant à soixante sénateurs ou soixante députés de déférer une loi devant le Conseil constitutionnel ne fut pas la moindre. Depuis 1995, le Parlement siège en session unique ; depuis 2008, ses pouvoirs de contrôle ont été rénovés en profondeur et son fonctionnement a gagné en liberté et en modernité.
Pour autant, il serait dommageable de rester béat : la Ve République souffre de maux qui lui sont propres, et ses institutions ont connu leur part de dérèglements. Songez donc au passage du mandat présidentiel au quinquennat en 2000 et à l’unanimisme ou au quasi-unanimisme qui a prévalu à l’époque et sur lequel nous aurions dû nous interroger. Le couplage entre le moment présidentiel et le moment législatif qui en a résulté a peut-être écarté les risques de cohabitation, mais il l’a fait au prix de l’abaissement et, au final, de l’affaissement de l’Assemblée nationale en transformant l’élection législative en une réplique et, finalement, en une homothétie de l’élection présidentielle, ce qui réduit en termes de temps et d’enjeux le débat relatif aux élections législatives qui suit de quelques jours la consécration présidentielle. Pour autant, il y a bel et bien des améliorations depuis le « parlementarisme rationalisé » des origines de la Ve République vers un « parlementarisme rationnel ».
De son côté, l’actuel chef de l’État et l’exécutif laissent entendre que cette direction n’est pas la bonne. À ce stade, les annonces faites sur la prochaine réforme constitutionnelle semblent indiquer que l’exécutif serait insuffisamment doté des outils nécessaires pour gouverner. En tout cas, tel est le credo présidentiel. Qui peut croire sérieusement que la Constitution forgée par le général de Gaulle souffrirait presque d’un excès de parlementarisme ?
Un argument massue est avancé : rendre le travail du Parlement plus efficace. « Plus, plus vite », nous dit-on. La commission mixte paritaire n’aboutit pas ? Eh bien, finissons-en au plus vite ! Le projet de loi de finances fait l’objet de discussions prolongées ? Une perte de temps inutile ! Cet amendement n’a qu’un lien indirect avec le texte discuté ? Il n’a pas lieu d’être !
Soyons francs, ce prurit réformateur ne me paraît pas compatible avec le cœur et l’essence même du travail parlementaire qui, par nature, demande du temps. En tout état de cause, il ne doit pas conduire à limiter la capacité du Parlement à remplir son rôle, celui que lui avait assigné le constituant, à savoir élaborer la loi et contrôler l’action du Gouvernement.
Or, pour faire la loi, il faut certes de la rigueur, du dialogue, mais aussi, et surtout, du temps. L’un ne peut se faire sans l’autre. Nous avons tous des exemples de lois express, bâclées par une mauvaise impatience et tronquées par une précipitation. Songez que la loi de 1881 sur la liberté de la presse a été discutée devant le Parlement pendant près de six mois ; la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, devant laquelle notre collègue Requier a fait sa génuflexion
Sourires.
Il est probable que le temps qui s’est révélé nécessaire à l’élaboration de ces lois ait fortement favorisé leur pérennité. Sur chacun de ces sujets, le temps consacré par le législateur aux débats n’a pas été perdu. Au contraire, il a été source d’enrichissement de ces textes, à la fois par des questionnements, des confrontations, des apports en termes de contenu et par l’onction mûrement réfléchie de la représentation nationale.
Un autre aspect préoccupant de la réforme des institutions promise par l’exécutif est l’affaiblissement du Sénat.
Notre « grand Conseil des communes de France », comme l’exprimait Gambetta, est trop souvent présenté comme un poids dans le processus législatif, voire un obstacle à la réalisation de l’intérêt général.
Quoi qu’en dise, par lapsus ou non, le Gouvernement, madame la garde des sceaux, il y a un risque qui n’est pas fantasmé : le pouvoir exécutif, emporté en quelque sorte par l’hubris présidentielle, à laquelle peut être soumise toute personne qui se sent consacrée, cherche à diminuer le rôle du Parlement par la réduction du droit d’amendement ou par la reprise en main de l’ordre du jour. Au bout du compte, le Gouvernement considère que cet espace commun consacré à la délibération que constitue le Parlement est un attribut superfétatoire ou un élément décoratif.
Le temps nécessaire à la délibération est la condition de forme pour que le Parlement soit véritablement le lieu solennel et souverain dévolu à la fonction législative.
« Les mots savent de nous des choses que nous ignorons d’eux », écrit le poète. C’est aussi vrai pour le débat parlementaire. En effet, la délibération permet souvent d’aboutir à une position ou à une analyse que l’on n’aurait pas eue tout seul ou que l’on n’avait pas eue initialement. Nous devons donc sanctuariser ce lieu.
Le Sénat n’est certes pas un pouvoir d’opposition systématique, pas plus qu’un contre-pouvoir stérile : s’il peut être parfois un contrepoids, il est surtout un lieu de propositions et d’enrichissement de la loi.
Madame la garde des sceaux, on n’a jamais vu un pouvoir périr de trop de débats. En revanche, on voit des pouvoirs s’atrophier en cédant à la tentation présidentielle du monologue, fût-il agrémenté et festonné des apparences du débat.
Il est certain que la tentation présidentielle de décider seul est forte, mais c’est précisément notre rôle de mettre en garde contre ce prurit, qui ne peut qu’aboutir à une fausse réponse et, au final, à affaiblir la démocratie parlementaire – pléonasme précieux –, à laquelle nous tenons, madame la garde des sceaux.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Jean-Claude Requier applaudit également.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer la démarche, à tous égards honorable, de nos collègues du groupe CRCE, qui nous convient à un travail d’examen critique de la pratique institutionnelle actuelle sur le point particulier, mais central, de la relation entre l’exécutif et le Parlement. Toutefois, je n’avais pas lu le sous-titre, à savoir qu’il s’agit d’une répétition du débat sur la réforme constitutionnelle ; or je n’ai pas le texte sous les yeux.
Ne pensant pas être doté de capacités divinatoires, je parlerai du sujet tel que je l’analyse et de ma réflexion actuelle.
On peut, me semble-t-il, aborder cette question sous deux angles principaux : d’une part, la contribution ou la collaboration de l’exécutif et du Parlement pour fabriquer la loi, pour établir la norme et, autant que possible, la rendre pertinente et, d’autre part, la capacité des deux à dialoguer lorsque le Parlement, au nom du peuple, exerce une fonction de contrôle. Sommes-nous, à l’heure actuelle, dans une situation inquiétante ou acceptable qui justifierait toutefois des perfectionnements ?
Concernant la contribution des deux composantes à la fabrication de la loi, j’observe dans tous les pays – je dis bien : tous les pays – une prééminence, une force d’initiative universelle de l’exécutif pour préparer les projets de loi, y compris dans les régimes facialement les plus parlementaires. Si vous prenez de temps en temps quelques minutes pour observer la vie politique et institutionnelle britannique, rien n’est plus évident.
Il y aura toujours un équilibre ou plutôt en réalité – soyons francs entre nous – un déséquilibre entre l’initiative gouvernementale et l’initiative parlementaire pour l’engagement d’une proposition législative. En revanche, pour ce qui est du travail sur le projet, l’objet, la finalité sont, je le rappelle, une condition de la loyauté et de la transparence du débat parlementaire. Si l’objet même de la loi se transforme à mesure d’apports plus ou moins désordonnés, cela perturbe et dénature les conditions de réflexion et de prise de position personnelle, intime, de chaque parlementaire. Il est donc cohérent et éthique du point de vue de la mission même du législateur de cadrer et de fixer les termes de l’objet législatif et du processus qu’il va traverser.
Le droit d’amendement est-il un droit d’expression absolue ? Est-ce sa finalité, sa mission pour construire la loi ?
L’amendement n’a pas, me semble-t-il, pour vocation d’alimenter simplement un commentaire de la loi ou un discours d’accompagnement ; cela peut être fait au travers des autres composantes du débat parlementaire. Il a pour objet de transformer le projet de loi au regard de sa finalité. Si l’on est opposé à cette finalité, on déposera des amendements alternatifs, on proposera des réponses autres à l’objectif poursuivi. Bien entendu, cela ne retire rien au droit de protester, de faire connaître des mécontentements, de contester ; ce droit appartient à tous les parlementaires. Mais le support de cette contestation n’est pas principalement l’amendement.
La Constitution prévoit déjà, sans que cela démange trop le Parlement depuis soixante ans, de ne pas présenter d’amendements sortant du domaine législatif, lequel est précisément encadré par la loi.
J’ai dit que je ne parlerais pas des améliorations éventuelles que le texte constitutionnel pourrait comporter, mais je m’y embarque un instant : si l’on devait considérer qu’il est préférable de déclarer irrecevables les amendements sans finalité normative, je ne crois pas que l’on retirerait quoi que ce soit à la contribution du Parlement à la réalisation de la loi.
J’en viens, d’un mot, à la capacité de contrôle du Parlement, qui est, me semble-t-il, tout à fait complète ; à cet égard, je rejoins les appréciations favorables qui ont été portées sur la réforme de 2008.
Nous avons des échanges directs avec le Gouvernement à travers les auditions de ministres et les différentes formes de questions que nous posons à tout moment. Nous créons des commissions d’enquête assez fréquemment et en toute liberté, sous réserve de la séparation des pouvoirs avec la justice – il faut tout de même garder au moins cela. Nous formons, de manière souvent très opportune et utile, des missions d’information au sein de nos commissions, la plupart du temps par accord entre nous, sans objections polémiques. De façon générale, le travail d’évaluation des commissions est très développé.
Tout cela donne une production très riche. Simplement, comme le jeu ce soir semble être, pour le principal, de distribuer des mauvais points à l’exécutif, je voudrais que nous ayons un tout petit regard d’autoévaluation sur ce sujet. En effet, il me semble que, dans la littérature que nous produisons en matière de contrôle parlementaire, dont je reconnais tout à fait la luxuriance, deux éléments ne sont pas tout à fait satisfaisants.
Sur la forme, d’abord, qui signe, et qu’est-ce qui qualifie un rapport du Sénat, considéré à l’extérieur comme ayant l’autorité du Sénat ?
J’entends dire, ici comme jadis à l’Assemblée nationale : ne vous inquiétez pas, car vous n’avez pas à prendre position sur le fond du rapport, simplement à voter pour sa publication. Naturellement, par courtoisie et respect du travail accompli, tout le monde vote pour. C’est ainsi que, les uns et les autres, nous sommes en permanence associés, en quelque sorte, à l’autorité prêtée à un rapport du Sénat, alors que nous sommes en sérieux désaccord avec une partie de ce qui y est écrit et que nous n’avons jamais eu l’occasion d’en discuter.
Il me paraît donc légitime de réfléchir aux perfectionnements que nous pouvons encore apporter à nos propres procédures en matière de contrôle.
Ensuite, il me semble avoir observé – mais c’est probablement une déformation un peu critique – que le rapport entre le souhaitable et le possible est parfois légèrement déséquilibré. Un rapport parlementaire, c’est à peu près comme une conférence de presse ministérielle : en dessous de cinquante préconisations, le seuil de crédibilité n’est pas franchi…
En d’autres termes, l’opération de contrôle parlementaire tend à s’approprier tout le domaine du souhaitable et à laisser au suivant dans la liste, c’est-à-dire au Gouvernement, le soin de délimiter le domaine du possible.
La question devant laquelle nous sommes est : trouvons-nous que ce pays est trop gouvernable ? Tous les membres de notre assemblée appartiennent à un groupe qui, un jour ou l’autre, a participé à l’exécutif. Par ailleurs, nous voyons bien, quand nous nous comparons non seulement à l’avant-1958, mais aussi à nombre de nos partenaires et amis européens, qu’il arrive qu’un pays soit ingouvernable, ce qui n’est pas favorable, en particulier, aux plus pauvres et aux plus menacés.
Pouvoir faire des réformes, transformer le pays, c’est la légitimité élémentaire d’un système démocratique, dans lequel un exécutif est nécessaire.
M. Alain Richard. Il faut bien que l’action et la législation soient cohérentes : il me semble que nous sommes dans un bon équilibre, et qu’il ne faut pas le casser !
M. Jean-Claude Requier applaudit.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, lorsque, au groupe communiste républicain citoyen et écologiste, nous pensons à une réforme de la Constitution, nous avons tendance à l’envisager avec une visée : l’émancipation humaine. Quand cette réforme touche aux institutions, au champ de la représentation, nous ne pouvons la concevoir sans l’idée d’introduire de nouveaux droits, tant pour les citoyens que pour le Parlement.
Les deux projets de loi, l’un organique, l’autre ordinaire, qui composeront le projet de réforme des institutions ont récemment été transmis au Conseil d’État. À en croire leurs intitulés, ils viseraient une « démocratie plus représentative et efficace ». Ils ne répondent pourtant ni à l’un ni à l’autre de ces objectifs.
En vérité, cette proclamation n’est qu’une fable racontée par un système en crise. Cette crise est celle de la démocratie et de ses institutions. Jamais, en effet, une révision constitutionnelle n’est venue diminuer ainsi les pouvoirs du Parlement !
Baisse conséquente du nombre de parlementaires, attaque sournoise contre le droit d’amendement, dangereuse accélération de la procédure législative et de celle du vote du budget – laquelle serait ramenée de soixante-dix à cinquante jours –, ordre du jour cadenassé par le Gouvernement, alors que tous les autres pays d’Europe – référence a été faite à l’Europe – connaissent des parlements libres de le déterminer eux-mêmes : en quoi de telles mesures renforcent-elles la démocratie et favorisent-elles l’émancipation citoyenne ? Question à laquelle il va bien vous falloir répondre, madame la garde des sceaux…
Montesquieu a dit : « Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. » Or s’il y a bien une chose que ces projets ne prévoient pas, ce sont des contre-pouvoirs.
La réforme est une attaque portée au bicamérisme et à la démocratie parlementaire, parce qu’ils sont l’expression et le gage des contre-pouvoirs institutionnels. Car ce qui est mis en œuvre, c’est un programme de renforcement pernicieux de l’exécutif et de disparition des idées différentes.
Si le Parlement est la cible du Président, c’est justement parce qu’il est le lieu de représentation du peuple français et des territoires de notre pays, dans toute leur diversité. La défiance de l’exécutif à l’égard du pouvoir parlementaire traduit ainsi celle qu’il nourrit envers les citoyennes et les citoyens.
La modification des modes de scrutin et la réduction du nombre des parlementaires vont non seulement éloigner le peuple de ses représentants, mais aussi renforcer davantage encore les logiques de polarisation et d’éviction des opinions situées aux extrémités du champ politique. Un député ou une députée pour 241 000 habitants, un sénateur ou une sénatrice pour environ 400 000 habitants : est-ce ainsi qu’on renforce le rôle et le pouvoir du Parlement ? On favorise, au contraire, la distance entre les citoyens et leurs représentants et la désaffection des premiers pour les seconds.
L’introduction d’une maigre proportionnelle ne changera rien au mécanisme qui s’enclencherait à la suite d’une telle réforme. Que pèsent quelques dizaines de parlementaires ainsi élus face à l’amputation subie par des départements comme les Bouches-du-Rhône, la Seine-Maritime, le Nord, les Hauts-de-Seine, le Puy-de-Dôme ou encore la Seine-Saint-Denis, pour ne citer qu’eux, qui perdraient près de la moitié de leurs représentants ? Cette réforme promet de faire apparaître sur la carte de France de la représentation politique un monochrome inquiétant !
La réduction des pouvoirs du Parlement se fera au profit des technocrates, d’un gouvernement d’experts et de manageurs, qui, sous leur double casquette – certains sont experts et manageurs, suivant leur période de temps d’exercice professionnel –, croient détenir des vérités générales, considèrent les opinions divergentes et plurielles avec mépris, comme on l’a vu précédemment, et pensent qu’il n’existe pas plusieurs façons de voir le monde, mais seulement celle des détenteurs du pouvoir.
Cette loi est un verrou : elle ne vise qu’à tout clôturer, tout cloisonner, tout enfermer ! Il s’agit de museler les oppositions, les contestations, les propositions alternatives à celles que dicte la loi du marché. Elle est un outil au service de la stratégie managériale d’un Président qui considère la France comme sa start-up, exigeant sacrifices, obéissance et entrain pour la mise en place d’une politique qui ne sert que les intérêts privés des plus privilégiés. Rien ni personne ne doit être en mesure de proposer un autre horizon que la marchandisation du monde !
Or le Parlement n’est pas et ne doit pas se limiter à être une chambre d’enregistrement des décisions gouvernementales. Le Parlement est et doit être encore davantage une institution de contrôle du pouvoir, mais aussi une force de proposition de lois. Le Parlement est et se doit d’être toujours plus le témoin et le représentant de la diversité du peuple de notre pays.
Madame la garde des sceaux, où sont l’audace et la modernité dont se targue pourtant si souvent le Gouvernement dans la réforme qu’il propose ?
Une réforme constitutionnelle moderne et ambitieuse ne peut être qu’une réforme permettant l’éclosion de droits nouveaux et progressistes, loin des logiques et des stratégies électoralistes visant à asseoir encore davantage le pouvoir en place, à délégitimer l’opposition et à faire taire toutes les formes de contestation.
Une réforme constitutionnelle moderne et ambitieuse est celle qui traduit la confiance dans la démocratie et le Parlement, par exemple en inversant le calendrier des élections. Mettez les législatives avant la présidentielle !
Elle est aussi celle qui parvient à traduire le pluralisme social en un principe de fonctionnement de nos institutions.
Une réforme constitutionnelle moderne et ambitieuse doit ainsi être celle qui ancre dans ses gènes le droit de vote des étrangers et le principe de solidarité qui doit unir la fraternité humaine.
Une réforme constitutionnelle moderne et ambitieuse doit avoir à cœur de penser toutes les procédures et tous les rouages inhérents à l’organisation du système démocratique, autour d’un impératif : corriger les injustices sociales et construire de nouveaux critères d’appartenance à la communauté française.
C’est pourquoi, madame la garde des sceaux, une réforme constitutionnelle moderne et ambitieuse se doit d’acter que le peuple s’exprime au pluriel et que, pour cette raison, le Parlement doit l’être aussi !
Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste. – Mme Françoise Gatel et M. Marc Laménie applaudissent également.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, dans ce débat sur l’évolution des droits du Parlement face au pouvoir exécutif, je partirai d’un constat assez clair : en 2008, la majorité à laquelle j’appartenais, consciente de la nécessité de renforcer les droits du Parlement, et alors qu’on l’accusait de conforter « l’hyperprésidence », a approuvé la seule révision constitutionnelle de la Ve République à avoir renforcé significativement les droits des assemblées, à rebours de ce qui est envisagé aujourd’hui. Ainsi, elle a inscrit à l’article 24 de la Constitution la fonction de contrôle et d’évaluation du Parlement. Historiquement, avec le vote du budget, cette fonction de contrôle est la première à être apparue.
Le Parlement, c’est d’abord une institution née de cette nécessité de contrôler le pouvoir. Nous pouvons être fiers de cette légitimité, de cette origine qui a fait du Parlement l’institution incarnant la liberté et la raison. Je sais que le Sénat y est profondément sensible.
La révision constitutionnelle de juillet 2008, initiée par Nicolas Sarkozy, avait été précédée d’un riche débat, dont l’illustration la plus marquante est le travail du comité Balladur. Surtout, cette révision avait fait confiance au Parlement. Elle avait accepté de desserrer certaines sangles qui ne s’imposaient plus, en raison de la stabilité avec laquelle la Ve République avait renoué. En particulier, elle avait fait le choix de partager l’ordre du jour des assemblées et de renforcer le rôle des commissions parlementaires dans l’élaboration de la loi.
En 2008, nous avons fait le pari de la maturité et de la responsabilité. Nous étions loin de ce climat de suspicion à l’égard de la représentation nationale. Nous avions conscience que, dans les rapports entre l’exécutif et le Parlement, une nouvelle étape devait s’ouvrir.
Justement : renforcer le Parlement, c’est aussi renforcer l’exécutif ; affaiblir le Parlement, c’est fragiliser l’exécutif, qui n’aura plus d’assise solide pour faire avancer ses réformes, et prendre le risque de le livrer aux aléas de la rue. Quand un sujet est grave pour la Nation, il vaut mieux qu’il soit débattu dans un hémicycle !
Rendre des comptes aux parlementaires, c’est un signe de démocratie, pas l’inverse.
Quand l’exécutif est mieux contrôlé, il est en fait renforcé : il a davantage de légitimité pour décider, loin de tout sectarisme et de tout isolement.
Les réformes du Parlement ne doivent pas être menées à l’insu des parlementaires. À cet égard, il faut faire confiance aux initiatives de nos assemblées, qui sauront trouver des instruments appropriés pour mieux contrôler l’exécutif.
Le Sénat avait d’ailleurs fait preuve de créativité sur la question des droits du Parlement. Le débat d’initiative sénatoriale, institué en juin 2009, en est l’illustration. Notre assemblée a su être au rendez-vous quand il le fallait.
Enfin, il y a un aspect foncièrement proche de la question des droits du Parlement : celui du nombre de parlementaires.
Quand on envisage une réduction aussi sèche des élus de la Nation, en abrégeant les mandats en cours de la moitié du Sénat, ce qui ne s’est jamais vu dans les annales de la Ve République, on risque d’affaiblir leurs missions, toutes leurs missions ! Ainsi, des députés élus dans des circonscriptions de plus de 200 000 habitants délaisseront le contrôle de l’exécutif. Ils siégeront protocolairement aux séances de questions d’actualité, en commission parfois, avant de repartir, en raison des contraintes de leur agenda. Leur proximité avec les électeurs sera de pure façade : ils se contenteront de saluer brièvement leurs concitoyens, avant de remonter précipitamment dans leur voiture.
Limiter le nombre de parlementaires, c’est probablement le meilleur moyen d’affaiblir le Parlement !
Madame la garde des sceaux, comment peut-on envisager un contrôle efficace de l’exécutif, alors que vous souhaitez réduire si drastiquement le nombre de parlementaires et que vous envisagez de faire subir à certains élus une mesure d’exception indigne de notre démocratie ? Pourquoi ne pas, dans ce cas, raccourcir le mandat en cours du Président de la République ?
La question du contrôle et celle du nombre de parlementaires sont, en réalité, coextensives : quand on affecte l’un, on affecte l’autre. Pour cette raison, nous serons vigilants dans les décisions que notre assemblée prendra en matière constitutionnelle et électorale. Nous refuserons ce couperet inique qui affaiblit les missions de notre assemblée.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie les orateurs pour ce débat riche et je salue l’initiative du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, qui nous permet d’aborder, un peu avant l’heure, les débats constitutionnels qui nous occuperont dans les prochaines semaines et les prochains mois. C’est l’occasion pour moi de clarifier un certain nombre d’éléments et de revenir, à travers le prisme que vous avez choisi et en l’élargissant un peu, sur les objectifs du projet de réforme constitutionnelle, présenté par le Gouvernement au nom du Président de la République et déposé sur le Bureau de l’Assemblée nationale le 9 mai dernier.
Je commencerai par revenir sur les sources et les objectifs de ce projet de révision constitutionnelle.
Ce projet n’est pas le fruit du hasard : il répond à une attente profonde de nos concitoyens, sur fond de crise, tout aussi profonde, de notre démocratie représentative – M. Kerrouche a eu raison de parler de désenchantement démocratique.
L’abstention, le rejet global du monde politique, la crise des formations partisanes traditionnelles, les votes extrêmes, des violences, parfois, dans l’expression des convictions politiques : autant d’éléments qui traduisent une réalité qu’on ne peut pas nier.
Le vote de 2017, lors du scrutin présidentiel puis des élections législatives, a été clair : le besoin de rénovation est immense, et il serait illusoire de penser qu’on peut se dispenser d’y répondre avec une certaine force.
J’insiste sur cet enjeu, car je ne voudrais pas que ceux qui nous écoutent considèrent que nos débats, finalement, ne les concernent pas et que nous serions engagés dans une discussion institutionnelle autocentrée. Au contraire, tout l’enjeu est pour nous de regagner la confiance de l’ensemble des Français.
De ce point de vue, le Président de la République et son gouvernement ont choisi une méthode très simple : ils entendent respecter les engagements pris devant les Français l’année dernière. C’est notre feuille de route, la seule. Elle a été exposée par le Président de la République dans son discours au Congrès, le 3 juillet dernier.
Le projet de loi constitutionnelle, dont vous avez bien voulu rappeler l’intitulé – « pour une démocratie plus représentative, responsable et efficace » –, et les deux textes, l’un organique, l’autre ordinaire, qui vous seront prochainement présentés, répondent à ces engagements. Il ne s’agit donc pas, comme l’a soutenu M. Bonhomme, d’un « prurit réformateur », mais d’engagements précis ayant fait l’objet d’un vote des Français.
Parmi ces engagements figurent notamment la diminution du nombre de parlementaires, dont il a été souligné qu’il pouvait être corrélé au rôle joué par le Parlement, l’introduction d’une dose de proportionnelle pour l’élection des députés et la limitation du cumul des mandats dans le temps.
J’ai bien sûr entendu les interrogations et les critiques, mais aussi les soutiens à ces différentes propositions. Je partage avec vous la certitude que ces évolutions, dans leur ensemble, auront des conséquences sur la manière de concevoir la fonction parlementaire à l’avenir. D’ailleurs, la fin du cumul des mandats a largement contribué à entamer cette évolution.
Nous avons sans doute des pratiques différentes à imaginer, un nouveau type de relations à établir avec les citoyens et les élus locaux et une nouvelle conception de la représentation à inventer. Il est certain que ces évolutions conduiront les membres des assemblées parlementaires à concevoir différemment l’exercice des fonctions qui leur sont confiées par l’article 24 de notre Constitution : légiférer, contrôler l’action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques. Mais rien de tout cela ne doit conduire à revenir à un Parlement infantilisé ou à engager un « retour vers le futur », pour reprendre l’expression de M. Kerrouche.
Le projet de loi constitutionnelle entend tirer les conséquences des évolutions que notre pays a connues depuis la révision constitutionnelle de 2008, évolutions qui nous imposent de reconsidérer certains modes de fonctionnement de nos institutions, sans pour autant toucher à leur équilibre.
Comme le Premier ministre l’a affirmé, cette révision constitutionnelle n’a pour objet ni un retour à la IVe République ni une aventure vers une VIe République. Il s’agit de respecter l’esprit des institutions, que le général de Gaulle, dans une célèbre conférence de presse de 1964, caractérisait par « la nécessité d’assurer aux pouvoirs publics l’efficacité, la stabilité et la responsabilité ».
Sur ces bases, les objectifs du projet de loi constitutionnelle sont de trois ordres.
D’abord, nous souhaitons une démocratie plus représentative, avec plus de pluralisme grâce à la proportionnelle, plus de renouvellement grâce au non-cumul des mandats dans le temps et plus de participation de nos concitoyens grâce à la transformation du Conseil économique, social et environnemental en Chambre de la société civile.
Ensuite, nous voulons une démocratie plus efficace, avec un Parlement qui légifère mieux – j’y reviendrai dans un instant – et évalue plus activement les lois et des collectivités territoriales qui peuvent répondre, par des capacités de différenciation et d’adaptation renforcées, aux demandes concrètes des Français.
Enfin, une démocratie plus responsable, avec un Parlement qui contrôle puissamment le Gouvernement et son administration, des ministres dont la responsabilité pénale relèvera désormais d’une juridiction de droit commun et une justice plus indépendante.
Rien de tout cela ne traduit, pour reprendre les termes de Mme Assassi, un « coup de force », ni même une dérive autoritaire. Cette loi constitutionnelle n’est pas un verrou, monsieur Savoldelli, mais un élan !
Je veux maintenant dire quelques mots sur le point précis qui a donné naissance à ce débat : les relations entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif.
Je n’entends pas retracer, ici, l’histoire de notre Constitution – certains parmi vous l’ont fait avec beaucoup de finesse et d’acuité – ; je veux insister sur le fait que, en 1958, la volonté du constituant était essentiellement de protéger le pouvoir exécutif. Bien des articles de notre Constitution s’expliquent à l’aune de cette volonté d’assurer une telle primauté et de mettre en place, pour reprendre les termes employés par M. le sénateur Kerrouche, un parlementarisme hyperrationalisé – « hyperprésidentialisé », a-t-il même dit.
Pour autant, les soixante ans d’histoire de notre Constitution ont permis des évolutions, évolutions qui tendent à un rééquilibrage entre les pouvoirs exécutif et législatif. Ce sont sans doute, monsieur le sénateur Bonhomme, les vingt-quatre révisions auxquelles vous avez fait allusion.
Le projet de révision constitutionnelle qui vous a été présenté voilà quelques jours n’inverse pas cette tendance. Il la conforte, tout en cherchant corrélativement à donner plus d’efficacité à l’action conduite tant par le Parlement que par le Gouvernement.
Pour analyser plus précisément ce qui relève des relations entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, je crois qu’il faut se référer au contenu du texte lui-même et éviter les procès d’intention.
Je comprends, évidemment, la part de passion que soulèvent toujours les débats institutionnels, surtout lorsque ces débats sont menés par les premiers acteurs du jeu institutionnel. Je mesure bien les considérations politiques, jamais absentes des échanges d’arguments que nous aurons l’occasion d’avoir – et cela est bien naturel. Mais vous me permettrez, juste un instant, de revenir à des considérations très concrètes, qui figurent dans le texte proposé par le Gouvernement.
Le projet de loi constitutionnelle s’inscrit dans la perspective tracée par la révision constitutionnelle de 2008. M. le sénateur Charon en a rappelé l’économie, en évoquant, à propos du Parlement, le pari de la maturité et de la responsabilité. Mais, tout en creusant le sillon de cette révision constitutionnelle, notre réforme se propose de corriger certaines mesures qui, à l’expérience, ont montré leurs limites. De nombreux rapports, souvent d’origine parlementaire, avaient d’ailleurs souligné ces points et évoqué les corrections nécessaires.
Le travail très important accompli par votre assemblée, qui s’est traduit par le rapport remis par votre collègue François Pillet, sous l’autorité du président Gérard Larcher, et intitulé 40 propositions pour une révision de la Constitution utile à la France, montre bien que nous partageons une préoccupation, qui nous est commune.
Le président du Sénat, dans son avant-propos, juge nécessaire de « rénover le travail parlementaire au service de la qualité de la loi et de la lutte contre l’inflation normative » et de « renforcer la fonction de contrôle et d’évaluation du Parlement au service d’une démocratie plus exigeante ». Nous ne disons pas autre chose !
Bien sûr, des discussions auront lieu sur les meilleures manières d’atteindre cet objectif. Le pouvoir constituant en débattra, mais l’essentiel, me semble-t-il, réside déjà dans ce diagnostic commun. Je suis d’ailleurs certaine que nos discussions seront de haute tenue, car je crois à la bonne foi de chacun, ainsi qu’à la conjonction des bonnes volontés.
Je voudrais, à ce stade, souligner deux points essentiels à mes yeux : la réforme institutionnelle que nous proposons n’entend ni remettre en cause le bicamérisme à la française ni porter atteinte aux droits du Parlement. Ce projet n’a nullement pour objet ou pour effet de remettre en cause le bicamérisme, tel qu’il a été voulu par le constituant de 1958.
Dans le bicamérisme, madame la sénatrice Gatel, vous voyez un obstacle à l’omnipotence et à l’impétuosité de l’Assemblée nationale. Je n’irai probablement pas jusqu’à reprendre vos termes à mon compte, mais ce fonctionnement m’apparaît à même d’assurer non seulement la représentation des territoires, mais également la représentation des populations.
Pour inégalitaire qu’il soit dans le texte même de la Constitution de 1958, le bicamérisme constitue l’un des piliers de notre régime constitutionnel, et nul ne songe à ébranler ces piliers.
Il n’est pas davantage question de mettre à mal les droits du Parlement. Il s’agit, je l’ai déjà dit et je le répète, de parfaire la révision constitutionnelle de 2008 sur plusieurs points et de corriger l’un de ses mécanismes, aux résultats insatisfaisants.
Le projet de révision constitutionnelle a tout d’abord pour objet d’assurer une meilleure qualité de la loi et une plus grande clarté des débats. À cette fin, vous avez été très nombreux à y faire allusion, le texte prévoit que tout amendement parlementaire et gouvernemental – j’insiste sur cette origine gouvernementale – de nature réglementaire, non normatif ou sans lien avec le texte discuté, autrement dit tout cavalier législatif, soit systématiquement déclaré irrecevable. On n’attendrait donc pas l’intervention du Conseil constitutionnel, qui, comme M. le sénateur Alain Richard l’a rappelé, finit toujours par écarter de telles dispositions.
De la sorte, nous proposons de renforcer au plan constitutionnel un mouvement que le Sénat a déjà engagé depuis 2015, sous l’impulsion du président Larcher, en cherchant à effectuer, de manière plus systématique, un contrôle des amendements via les présidents de commission.
L’exigence de symétrie que M. le sénateur Requier a appelée de ses vœux serait satisfaite par cette proposition.
On ne peut pas prétendre qu’une telle mesure porterait définitivement atteinte au droit d’amendement – vous avez parlé, madame Gatel, d’une incontinence d’amendements. Il est simplement question de faire respecter les règles constitutionnelles.
Qui pourrait soutenir qu’écarter des amendements de portée réglementaire ou sans incidence sur le fond du droit – je pense aux fameuses demandes de rapport qui fleurissent quasiment à chaque article de loi –, ou encore des amendements sans lien avec le texte en discussion, constitue une manière de restreindre les droits du Parlement ? Cet argument me semble d’autant plus infondé que, pour la première fois, j’y insiste, le Gouvernement devra lui-même se soumettre à cette discipline rigoureuse, mais nécessaire pour atteindre l’objectif que nous partageons, celui d’une meilleure qualité de la loi.
Toujours dans l’esprit de 2008, le projet s’inspire du dispositif que le Sénat a pérennisé dans son règlement de décembre dernier, en prévoyant, sur certains textes, la concentration des débats en séance publique sur les questions les plus essentielles, après un travail approfondi en commission. Cette meilleure articulation, également nécessaire, entre travail en commission et travail en séance avait été l’un des objectifs majeurs de la révision de 2008. Il nous a semblé souhaitable de pousser la logique plus loin.
Toujours dans la ligne de ladite révision, il est proposé de réduire le nombre de discussions. Je rappelle qu’il peut y en avoir jusqu’à treize par texte, si l’on compte l’examen en commission et l’examen en séance dans chaque chambre.
Après l’échec d’une CMP – c’est-à-dire quand les deux assemblées ont des positions irréconciliables –, et seulement dans ce cas, il est proposé de fusionner la nouvelle lecture et la lecture définitive à l’Assemblée nationale, selon une procédure plus resserrée. La nouvelle lecture au Sénat sera maintenue, comme aujourd’hui ; l’Assemblée nationale ne pourra reprendre en dernière lecture que les amendements adoptés par le Sénat, comme aujourd’hui, auxquels s’ajouteront – et c’est la nouveauté – ceux qui auront été déposés devant votre assemblée.
J’ai lu et entendu, bien sûr, que ce dispositif suscitait de vives réactions. Ces dernières me semblent excessives. Ces mesures tendent simplement à tirer les conséquences de la révision de 2008 et à répondre à la nécessité de désengorger l’ordre du jour de la séance.
Le temps, monsieur le sénateur Bonhomme – le temps parlementaire, qui n’est pas nécessairement festonné des apparences du débat, pour reprendre vos propos –, est trop précieux pour que nous n’en prenions pas le plus grand soin. C’est l’objectif visé par la mesure que je viens de vous présenter. Comme l’a rappelé M. le sénateur Malhuret, nous recherchons à la fois une plus grande efficacité et une plus grande célérité.
Soulager l’ordre du jour de la séance, disais-je à l’instant, c’est l’une des ambitions du projet de loi constitutionnelle, car les ordres du jour surchargés posent des difficultés, que nous souhaiterions corriger. À cette fin, nous proposons une procédure prioritaire pour l’adoption de textes considérés par le Gouvernement comme particulièrement importants. L’idée est simple : l’ordre du jour, tel qu’il a été imaginé en 2008, est d’une rare complexité et soumet la navette parlementaire à une arythmie très préjudiciable au bon fonctionnement du Parlement. Le Sénat, en 2008, avait d’ailleurs relevé les problèmes qui pourraient naître de ce mécanisme complexe, et votre commission des lois, à l’époque, avait proposé un système plus simple.
Le Gouvernement cherche une voie pour surmonter la difficulté. Ainsi que l’a montré le sénateur Alain Richard, dans tous les pays, on relève la force de l’exécutif pour préparer la loi, et ce de manière universelle.
Comment y parvenir ? Je suis certaine que nous trouverons, ensemble, cette voie ; je suis certaine que nous trouverons, ensemble, le moyen de répondre à la question.
S’il est indispensable de rendre plus fluide le travail législatif et, en quelque sorte, de le muscler, il est tout autant nécessaire – c’est une contrepartie absolue – de renforcer puissamment la capacité de contrôle et d’évaluation des assemblées. C’est ainsi que les parlements modernes pèsent véritablement sur le cours des choses.
Nous ne nous sommes pas approprié l’ensemble des moyens institutionnels à notre disposition, notamment en matière de contrôle. Je crois que cette remarque, formulée par M. le sénateur Malhuret, est exacte. Pour cette raison, le Gouvernement propose de reconfigurer la répartition entre l’examen de la loi de finances initiale et celui de la loi de règlement. Il s’agit, non pas de restreindre les droits du Parlement lors du débat initial, mais, au contraire, de conforter son pouvoir de contrôle au moment de l’examen de la loi de règlement. C’est à ce moment-là, en effet, que l’on vérifie et contrôle réellement l’action conduite par le pouvoir exécutif. Les ministres seraient alors mis en situation de répondre concrètement, devant le Parlement, des politiques qu’ils mènent et des fonds publics qu’ils gèrent.
Dans ce même esprit, le projet de révision constitutionnelle tend à donner plus de densité aux semaines de contrôle, en prévoyant que, à l’issue d’une évaluation systématique et méthodique des lois, des textes correctifs puissent être inscrits à l’ordre du jour, sur l’initiative exclusive des assemblées. Je peine à voir en quoi une telle proposition réduirait les pouvoirs du Parlement. C’est, me semble-t-il, exactement le contraire ! Sans doute y a-t-il là, dans la certitude de la nécessité de ce contrôle effectif, quelque audace, quelque ambition, quelque modernité que M. le sénateur Savoldelli appelait de ses vœux…
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce n’est pas une révolution qui nous attend.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Ce n’est pas non plus une contre-révolution. J’évoque ici une évolution profonde, nécessaire – de mon point de vue d’autant plus nécessaire qu’elle est attendue par les Français –, et je vous propose d’y apporter, ensemble, notre contribution.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Jean-Claude Requier applaudissent également.
Nous en avons terminé avec le débat sur le thème : « L’évolution des droits du Parlement face au pouvoir exécutif ».
Je n’ai été saisi d’aucune observation sur les conclusions de la conférence des présidents. Elles sont donc adoptées.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 17 mai 2018, de quatorze heures trente à dix-huit heures trente :
Débat sur le thème : « Comment repenser la politique familiale en France ? »
Débat sur le thème : « La politique de concurrence dans une économie mondialisée ».
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 17 mai 2018, à zéro heure quarante.