Intervention de Éric Kerrouche

Réunion du 16 mai 2018 à 21h30
Évolution des droits du parlement face au pouvoir exécutif — Débat organisé à la demande du groupe communiste républicain citoyen et écologiste

Photo de Éric KerroucheÉric Kerrouche :

Que dire, enfin, du renouvellement complet du Sénat en 2021 qui nous est proposé, la dernière surprise ?

Alors que le renouvellement partiel du Sénat, chambre de la continuité, est une garantie de la stabilité des institutions, le Gouvernement innove en proposant la dissolution de la chambre haute… Sauf à supposer que le résultat des précédentes élections n’ait pas eu l’heur de plaire à la majorité présidentielle !

En usant à l’envi de la sémantique managériale, le Gouvernement ne pose pas les bonnes questions et apporte donc de mauvaises réponses. Car la première question que nous devrions nous poser est la suivante : si chacun s’accorde à dire que la fabrique de la loi peut être améliorée, que la démocratie doit être revitalisée, sur quel diagnostic se fonde cette réforme ? Quel est le sens de cette réforme ? Apporte-t-elle des réponses au désenchantement démocratique ? Remet-elle le citoyen au centre de la décision ? Que nenni !

En définitive, cette révision constitutionnelle semble être celle de l’exécutif pour l’exécutif et par l’exécutif : elle incarne l’hyperconcentration des pouvoirs, la crainte d’un débat parlementaire contradictoire, qui est l’essence de la démocratie, et l’éloignement démocratique.

Ne nous y trompons pas, la réforme des institutions touche tout le quotidien, car elle touche à notre démocratie.

La réforme concerne aussi la représentation des parlementaires. Ce n’est pas en abaissant le nombre de parlementaires ni le Parlement qu’on rendra l’institution plus légitime.

De ce point de vue, la proposition qui nous est faite va vers une impasse démocratique ; elle ne mesure à aucun moment le danger que représente une telle atrophie dans le temps des contre-pouvoirs. Pour ces raisons, l’ensemble du groupe socialiste s’est engagé à réaliser un travail de fond, en vue de formuler des propositions, afin de rééquilibrer les pouvoirs entre le Parlement, le Gouvernement et le Président de la République, et ce non pas dans le sens qui nous est proposé.

Je terminerai mon propos en rappelant qu’il nous faut revenir à l’esprit initial de la Ve République. À cet égard, je vous invite à relire la conclusion du discours de Bayeux du général de Gaulle en 1946 : « Des Grecs, jadis, demandaient au sage Solon : “Quelle est la meilleure Constitution ?” » Il répondait : « Dites-moi, d’abord, pour quel peuple et à quelle époque ? » Cette question vaut toujours aujourd’hui. Le général de Gaulle poursuivait son propos en ces termes : « Soyons assez lucides et assez forts pour nous donner […] des règles de vie nationale qui tendent à nous rassembler quand, sans relâche, nous sommes portés à nous diviser. »

Que cette parole forte, qui a inspiré la Ve République, puisse nous porter et qu’elle fasse revenir le Gouvernement sur sa volonté actuelle de bâillonner le Parlement !

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