Intervention de Yannick Botrel

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 mai 2018 à 9h05
Agriculture et pêche — Double standard en matière alimentaire : communication de mm. yannick botrel et michel raison

Photo de Yannick BotrelYannick Botrel :

Le « double standard » des produits alimentaires est un sujet assez méconnu en France, alors qu'il constitue une préoccupation majeure des citoyens d'Europe centrale, relayée par leurs gouvernements.

De quoi s'agit-il ? Cette notion de « double standard » des denrées alimentaires n'est pas définie dans la réglementation européenne. Elle recouvre l'idée que les grandes entreprises occidentales, essentiellement agroalimentaires, vendraient délibérément en Slovaquie, en République tchèque, en Pologne ou en Bulgarie, des produits de qualité inférieure aux articles équivalents proposés en France ou en Allemagne. En résumé, des produits présentés aux consommateurs comme étant identiques auraient des qualités variables en fonction des pays où ils sont mis sur le marché.

Ce débat a pris une tournure passionnelle, au point que la Commission européenne a été conduite à s'en saisir. Cette divergence Est-Ouest recouvre probablement une dimension culturelle et historique forte. Mais s'agit-il pour autant d'un véritable problème ? Le « double standard » est-il une réalité ? La question est très controversée.

Avec Michel Raison, nous nous sommes intéressés, à notre tour, à ce sujet. Nous vous présentons aujourd'hui cette communication, qui constitue un rapport d'étape, et qui contient une première série d'observations. Je vous fournirai une courte synthèse de ce dossier, avant de vous préciser les intentions de la Commission européenne.

Que sait-on précisément, au-delà de l'exemple emblématique du Nutella, qui a été mis en exergue, des doléances tchèques, hongroises et slovaques ? Les aliments distribués dans ces pays sont-ils réellement de moindre qualité qu'en France ?

Sont notamment visées les boissons non alcoolisées, le café, les bâtonnets de poisson, voire certains produits de consommation courante, comme la lessive, et enfin certains produits emblématiques, dont, je le répète, le Nutella.

Deux études ont récemment été mises en avant par les pays d'Europe de l'Est pour étayer l'existence de ces « doubles standards ».

La première, réalisée en 2016 par les autorités hongroises, a porté sur vingt-quatre produits, commercialisés à la fois en Hongrie et en Autriche, pays constituant une communauté historique de territoires. Ce travail a conclu à l'existence de différences de qualité, au détriment des consommateurs hongrois.

La seconde, menée cette fois en Slovaquie, en 2017, a porté sur vingt-deux denrées alimentaires commercialisées dans ce pays et en Autriche. Il s'agissait de denrées à base de produits laitiers, de viandes, de poissons, de chocolats, de fromages et de boissons. Les étiquetages ont été comparés, en particulier les informations portant sur la composition, le poids, le goût, voire l'odeur et la couleur des aliments. Dans près de 50 % des cas, des différences significatives auraient été mises en lumière.

Toutefois, les résultats de ces études sont vivement contestés par les entreprises et par les multinationales du secteur agroalimentaire, lesquelles relèvent leur caractère incomplet et subjectif. Ces entreprises font également valoir qu'elles peuvent légalement adapter leurs produits aux goûts des consommateurs locaux. Cette notion ne manque pas d'une certaine pertinence. Elle renvoie aux habitudes culturelles alimentaires des différents pays.

Là est donc l'enjeu, et la question est la suivante : les pratiques des multinationales du secteur agroalimentaire répondent-elles uniquement au but de s'adapter à des préférences notamment gustatives qui peuvent différer d'un pays à l'autre, ou cet argument permet-il de cacher la confection et la vente de produits de qualités différentes ?

À ce jour, la Commission européenne estime disposer d'un nombre de données trop faible pour conclure à l'existence de telles pratiques. Elle s'est néanmoins saisie du dossier, dans la foulée du discours sur l'état de l'Union prononcé par Jean-Claude Juncker, le 13 septembre 2017, discours auquel M. le président de la commission vient de faire référence.

Dans l'immédiat, la Commission européenne s'efforce de collecter des informations objectives. À l'automne 2017, elle avait déjà publié une série d'orientations destinées à aider les autorités nationales.

Plus récemment, en mars et en avril 2018, un véritable plan d'action a été annoncé par la commissaire Vìra Jourová, chargée de la justice et des consommateurs. Ce plan comporte une prochaine révision de la directive de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales.

Un centre de connaissances sur la fraude et la qualité des aliments sera également créé, afin de coordonner les activités de surveillance. Ces dernières porteront sur la composition et sur les propriétés sensorielles des denrées alimentaires proposées, sous le même emballage et sous la même marque, sur plusieurs marchés de l'Union européenne.

En définitive, bien que nous manquions encore de recul, le sujet du « double standard alimentaire » figure désormais au coeur de l'agenda européen, alors que - vous l'avez compris - la réalité du problème n'est pas, ou du moins pas encore établie. Ces éléments doivent nous conduire à porter une grande attention à ce dossier, pour les raisons que Michel Raison va vous présenter.

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