En votre nom à tous et en mon nom personnel, je salue la troisième promotion de l'Institut du Sénat, qui assiste aujourd'hui à nos travaux. Une partie de cette promotion a déjà eu l'occasion de suivre l'examen, par notre commission, de la proposition de résolution relative à la PAC, texte qui sera débattu en séance publique le 6 juin prochain.
Notre ordre du jour appelle en premier lieu la communication de Yannick Botrel et Michel Raison sur les « doubles standards » alimentaires.
Je rappelle que c'est Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, qui a mis l'accent sur cette question dans son discours sur l'état de l'Union, le 13 septembre 2017. Il a alors déclaré ne pouvoir accepter que « dans certaines régions d'Europe, en Europe centrale et orientale, les gens se voient proposer des produits alimentaires de moindre qualité que dans d'autres pays, sous des marques et des emballages pourtant identiques. »
Cette remarque nous a interpelés, et nous avons demandé à nos deux rapporteurs d'approfondir le sujet pour évaluer la réalité d'une distorsion au sein du marché unique qui, si elle était avérée, serait bien sûr inacceptable.
Aujourd'hui, nos deux rapporteurs vont nous présenter un point d'étape. Ils poursuivront ensuite leurs travaux en vue de finaliser leur rapport d'information.
Le « double standard » des produits alimentaires est un sujet assez méconnu en France, alors qu'il constitue une préoccupation majeure des citoyens d'Europe centrale, relayée par leurs gouvernements.
De quoi s'agit-il ? Cette notion de « double standard » des denrées alimentaires n'est pas définie dans la réglementation européenne. Elle recouvre l'idée que les grandes entreprises occidentales, essentiellement agroalimentaires, vendraient délibérément en Slovaquie, en République tchèque, en Pologne ou en Bulgarie, des produits de qualité inférieure aux articles équivalents proposés en France ou en Allemagne. En résumé, des produits présentés aux consommateurs comme étant identiques auraient des qualités variables en fonction des pays où ils sont mis sur le marché.
Ce débat a pris une tournure passionnelle, au point que la Commission européenne a été conduite à s'en saisir. Cette divergence Est-Ouest recouvre probablement une dimension culturelle et historique forte. Mais s'agit-il pour autant d'un véritable problème ? Le « double standard » est-il une réalité ? La question est très controversée.
Avec Michel Raison, nous nous sommes intéressés, à notre tour, à ce sujet. Nous vous présentons aujourd'hui cette communication, qui constitue un rapport d'étape, et qui contient une première série d'observations. Je vous fournirai une courte synthèse de ce dossier, avant de vous préciser les intentions de la Commission européenne.
Que sait-on précisément, au-delà de l'exemple emblématique du Nutella, qui a été mis en exergue, des doléances tchèques, hongroises et slovaques ? Les aliments distribués dans ces pays sont-ils réellement de moindre qualité qu'en France ?
Sont notamment visées les boissons non alcoolisées, le café, les bâtonnets de poisson, voire certains produits de consommation courante, comme la lessive, et enfin certains produits emblématiques, dont, je le répète, le Nutella.
Deux études ont récemment été mises en avant par les pays d'Europe de l'Est pour étayer l'existence de ces « doubles standards ».
La première, réalisée en 2016 par les autorités hongroises, a porté sur vingt-quatre produits, commercialisés à la fois en Hongrie et en Autriche, pays constituant une communauté historique de territoires. Ce travail a conclu à l'existence de différences de qualité, au détriment des consommateurs hongrois.
La seconde, menée cette fois en Slovaquie, en 2017, a porté sur vingt-deux denrées alimentaires commercialisées dans ce pays et en Autriche. Il s'agissait de denrées à base de produits laitiers, de viandes, de poissons, de chocolats, de fromages et de boissons. Les étiquetages ont été comparés, en particulier les informations portant sur la composition, le poids, le goût, voire l'odeur et la couleur des aliments. Dans près de 50 % des cas, des différences significatives auraient été mises en lumière.
Toutefois, les résultats de ces études sont vivement contestés par les entreprises et par les multinationales du secteur agroalimentaire, lesquelles relèvent leur caractère incomplet et subjectif. Ces entreprises font également valoir qu'elles peuvent légalement adapter leurs produits aux goûts des consommateurs locaux. Cette notion ne manque pas d'une certaine pertinence. Elle renvoie aux habitudes culturelles alimentaires des différents pays.
Là est donc l'enjeu, et la question est la suivante : les pratiques des multinationales du secteur agroalimentaire répondent-elles uniquement au but de s'adapter à des préférences notamment gustatives qui peuvent différer d'un pays à l'autre, ou cet argument permet-il de cacher la confection et la vente de produits de qualités différentes ?
À ce jour, la Commission européenne estime disposer d'un nombre de données trop faible pour conclure à l'existence de telles pratiques. Elle s'est néanmoins saisie du dossier, dans la foulée du discours sur l'état de l'Union prononcé par Jean-Claude Juncker, le 13 septembre 2017, discours auquel M. le président de la commission vient de faire référence.
Dans l'immédiat, la Commission européenne s'efforce de collecter des informations objectives. À l'automne 2017, elle avait déjà publié une série d'orientations destinées à aider les autorités nationales.
Plus récemment, en mars et en avril 2018, un véritable plan d'action a été annoncé par la commissaire Vìra Jourová, chargée de la justice et des consommateurs. Ce plan comporte une prochaine révision de la directive de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales.
Un centre de connaissances sur la fraude et la qualité des aliments sera également créé, afin de coordonner les activités de surveillance. Ces dernières porteront sur la composition et sur les propriétés sensorielles des denrées alimentaires proposées, sous le même emballage et sous la même marque, sur plusieurs marchés de l'Union européenne.
En définitive, bien que nous manquions encore de recul, le sujet du « double standard alimentaire » figure désormais au coeur de l'agenda européen, alors que - vous l'avez compris - la réalité du problème n'est pas, ou du moins pas encore établie. Ces éléments doivent nous conduire à porter une grande attention à ce dossier, pour les raisons que Michel Raison va vous présenter.
Avant tout, merci à M. le président de nous avoir confié ce travail intéressant et original.
Comme vous l'a indiqué Yannick Botrel, la question du « double standard » des produits alimentaires est assurément fort complexe. Dans l'immédiat, nous ne sommes pas en mesure de savoir s'il s'agit d'un « vrai faux problème » ou si les citoyens des nouveaux États membres de l'Union européenne sont bel et bien traités comme des consommateurs de « seconde zone ». Il n'est pas interdit d'avancer un autre facteur : peut-être ces consommateurs ont-ils été habitués, par le passé, à des produits de moindre qualité venant de l'Union soviétique.
Je poursuivrai ma communication en développant trois enjeux majeurs de ce dossier. Quels sont les contours des pratiques potentiellement illicites ? Quels sont les risques juridiques induits par la révision annoncée de la directive de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales ? Enfin, les démarches de la Hongrie, de la Pologne et de la Slovaquie pourraient-elles in fine déboucher sur des obstacles non tarifaires, venant pénaliser les exportations des entreprises françaises ? C'est là une question importante.
De manière générale, la réglementation de l'Union européenne n'interdit pas aux industriels de modifier la composition des produits mis sur le marché dans certains États membres, sous réserve de se conformer à trois séries d'obligations.
En premier lieu, ces modifications doivent être compatibles avec la législation alimentaire sectorielle applicable à la denrée, comme, par exemple, l'interdiction d'utiliser tel ou tel additif.
En deuxième lieu, l'étiquetage doit rendre compte des variations dans la liste des ingrédients, ou dans la déclaration nutritionnelle du produit, conformément aux dispositions prévues par le règlement dit « INCO » de 2011, lequel porte sur l'information du consommateur relative aux denrées alimentaires.
En troisième et dernier lieu, il est interdit d'utiliser certaines mentions susceptibles d'induire le consommateur en erreur et de lui faire penser que le produit est identique partout dans l'Union. C'est précisément le reproche formulé par les pays considérés.
Le non-respect de ces dispositions est susceptible de caractériser le délit de tromperie, ou de pratique commerciale trompeuse. Dans ce contexte, des différences de composition peuvent exister entre les produits, sans volonté particulière des industriels de mettre sur le marché des produits de moins bonne qualité au sein de ces États. Il s'agit, tout d'abord, de prendre en compte des goûts des consommateurs - Yannick Botrel vient d'en parler : par exemple, les yaourts mis sur le marché au Royaume-Uni sont généralement plus sucrés que ceux mis sur le marché en France.
La disponibilité, la préférence pour un approvisionnement local en matières premières, ainsi que l'existence de réglementations nationales peuvent également expliquer des différences entre produits, pouvant aller jusqu'à des variations de texture et de goût. Ainsi, le Nutella est fabriqué à partir de poudres de lait de différents pays, lesquelles n'ont pas forcément toutes le même goût.
Bien que la législation alimentaire de l'Union soit très harmonisée, les États membres peuvent prendre, sous certaines conditions, des mesures nationales visant à limiter ou à interdire l'utilisation de certaines substances.
Au total, la réglementation actuelle ne constitue donc en rien un cadre permissif, ouvrant grande la porte au « double standard alimentaire ».
À la lumière de ce constat, il conviendra donc d'être vigilant, quant aux contours de la révision, annoncée par la commissaire Jourová, de la directive de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales.
Selon l'expertise du ministère français de l'économie, consultée par vos rapporteurs, l'amélioration par rapport au droit existant paraît bien difficile à évaluer. Il ne faut pas non plus écarter les risques de « surréglementation » : pour une fois que les fonctionnaires français suggèrent implicitement une telle mise en garde, on pourrait leur adresser un courrier de félicitations, voire leur décerner une médaille !
Plus sérieusement, cette proposition pourrait avoir pour conséquence de qualifier une pratique commerciale trompeuse sur la base d'éléments exclusivement matériels et indépendamment de toute intention de tromper le consommateur.
Les exportateurs et agriculteurs français sont directement concernés. En effet, si le consommateur est-européen doute de l'identité, en termes de composition, des produits vendus sur son territoire par rapport à ceux distribués dans les pays de l'ouest de l'Union, il n'est pas exclu qu'il s'en détourne.
Il faut également veiller à ne pas fragmenter le marché intérieur par des barrières non tarifaires déguisées, lesquelles prendraient la forme de plaintes abusives fondées sur l'argument du « double standard alimentaire ». Je relève à ce propos que la question ne se pose que dans les nouveaux pays de l'Union, et non chez les membres les plus anciens.
En la matière, le précédent de la nouvelle législation foncière polonaise, qui a lourdement pénalisé certains de nos compatriotes, ne nous rassure pas.
En définitive, le sujet du « double standard » des produits alimentaires mériterait une attention toute particulière, dont il ne fait pas encore l'objet, dans le débat public de notre pays. Vos rapporteurs souhaitent lutter contre cette méconnaissance préjudiciable aux intérêts français et européens, et notre commission doit se montrer vigilante sur ce dossier. Évidemment, nous y veillerons ! Il faut se préserver de deux dangers : d'une part, une nouvelle réglementation fondée sur des rumeurs infondées, d'autre part, une multiplication des barrières menaçant l'exportation de nombre de nos produits au sein de l'Union européenne.
Bien sûr, ce point d'étape sera complété d'un rapport d'information et, probablement, d'une proposition de résolution.
J'appelle également l'attention sur la décision que nous venons de prendre ce matin, en matière de contrôle de subsidiarité, pour ce qui concerne l'Autorité européenne de la sécurité des aliments. En l'occurrence, le vocable est à peu près le même. Compte tenu de l'importance du marché unique, les produits alimentaires diffusés ne sauraient souffrir la moindre critique, notamment sous l'angle du « double standard ».
Je salue cette communication très intéressante qui porte sur un dossier que je ne connaissais absolument pas.
Toutefois, en tant que sénateur alsacien, ce débat me fait un peu sourire : les Alsaciens, frontaliers de l'Allemagne, vont souvent faire leurs courses de l'autre côté du Rhin. Il suffit de franchir la frontière pour voir que, dans les supermarchés installés côté allemand, tout le monde parle français. Si ces commerces ont un tel succès, c'est que certains produits y sont beaucoup moins chers qu'en France, notamment les détergents, les produits d'hygiène.
Ces différences de prix peuvent aller du simple au double, y compris pour des articles d'une même marque. Dès lors, une question s'impose : s'agit-il bien des mêmes produits ? à l'instar de M. Jourdain, nous nous intéressons au « double standard » sans le savoir !
Ne devrions-nous pas, nous aussi, adresser une plainte à la Commission européenne ? La France et, tout particulièrement, l'Alsace, ne souffriraient-elles pas du double standard ? Vous le comprenez, monsieur Raison, je plaisante. Il faut raison garder...
J'ignorais, moi aussi, cette réalité du « double standard », même si je savais que les fabricants s'adaptaient souvent aux goûts des consommateurs de tel ou tel pays.
Cela étant, l'enjeu fondamental, celui sur lequel il faut se concentrer, c'est la sécurité alimentaire. La prise de conscience était nécessaire, et les pays considérés ont dû se concerter. À présent, il convient que la Commission européenne étende l'enquête menée en la matière à tous les pays européens.
Ce qui est en cause ici, ce n'est pas la qualité sanitaire des aliments : les pays élevant cette contestation ne l'ont pas mise en cause. C'est donc un débat que l'on peut écarter, en l'occurrence.
En outre, j'observe que la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne ont plutôt tendance, depuis quelques années, à exprimer des sentiments eurosceptiques. On ne peut pas exclure que ces pays adoptent une posture ; au fond, peut-être veulent-ils mettre en cause les produits venant d'autres pays de l'Union européenne, au profit de leurs propres productions.
Nous avons du mal à supporter le chlore dans l'eau du robinet, or les Américains boivent de l'eau chlorée, et ils n'envisagent pas de faire autrement : on voit bien à quel point les habitudes alimentaires peuvent varier. Et que dire d'un produit breton typique, le pâté Hénaff ? Selon l'idée reçue, ce pâté ne serait pas de la même qualité chez les petits commerçants et dans les grandes surfaces... Beaucoup de personnes en restent persuadées, même si l'entreprise Hénaff a souligné qu'une telle différenciation était impossible ! On constate que les sentiments collectifs non fondés sont parfois répandus.
La crainte de nos interlocuteurs, c'est d'assister à une tentative de faire obstacle à la libre circulation des produits au sein de l'Union européenne.
Au regard de la réglementation, il faut commencer par examiner les étiquettes des produits considérés. Dans le département dont je suis l'élu, un constructeur de machines agricoles fournit des produits pour le hard discount, et, effectivement, les matériels ainsi proposés sont de qualité différente.
Il faut agir dans le cadre des réglementations existantes et éviter d'établir des réglementations nouvelles sur la base d'idées fausses.
Gardons à l'esprit qu'il convient de protéger le marché unique, qui est l'un des joyaux de l'Union européenne. La très belle image de nos produits et, plus largement, de notre industrie agroalimentaire, que l'on constate avec les indications géographiques protégées, constitue un enjeu capital.
Le cahier des charges des IGP est si rigoureux que la composition des produits élaborés dans ce cadre ne peut en aucun cas être modifiée.
Je me suis entretenue avant-hier avec une responsable institutionnelle internationale de Danone. Selon elle, une campagne est actuellement menée à l'étranger contre l'alimentation à la française, contre les produits alimentaires français. Avez-vous des précisions à nous apporter à ce titre ? Mon interlocutrice semblait très préoccupée, je le suis moi-même, et ses propos m'ont profondément surprise.
Nous n'avons pas d'information à ce propos, mais MM. Botrel et Raison pourraient évidemment auditionner votre interlocutrice.
Notre ordre du jour appelle maintenant l'examen du rapport de Gisèle Jourda et de Michel Raison sur la proposition de résolution européenne déposée par Gisèle Jourda, qui concerne les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN).
C'est un sujet important. Il a des conséquences très directes et parfois lourdes pour nos agriculteurs et nos territoires. Il pose aussi la question de l'articulation entre les décisions européennes et les décisions nationales.
L'examen de cette proposition de résolution européenne est donc l'occasion d'avoir un échange sur le sujet et d'arrêter une position que nous ferons valoir au Gouvernement. Elle vient à point nommé, puisque nous arrivent les premières informations sur le cadre financier pluriannuel 2021-2027, avec une baisse annoncée de 5 % en euros courants du budget de la PAC, soit 12 à 16 % en euros constants, qui rend plus délicate encore la situation des agriculteurs qui seront privés de l'ICHN.
Le 19 avril dernier, notre collègue Gisèle Jourda a déposé une proposition de résolution européenne. Celle-ci demande la renégociation du règlement constituant la « clé de voûte » du mécanisme des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), un des plus beaux acquis de la politique agricole commune. L'ICHN vise à éviter les distorsions de concurrence dues aux conditions naturelles. Trois autres dispositifs s'adressent aux agriculteurs débutant leur activité : l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs, les taux d'intérêt préférentiels des prêts et les aides complémentaires à l'élevage.
Les ICHN jouent un rôle majeur dans le développement rural et le maintien de l'activité économique agricole, elles font partie de second pilier de la PAC et son financées à hauteur de 25 % par l'État, 75 % par l'Union européenne, ce qui représente, pour la France, 1 milliard d'euros par an.
Dans ces conditions, la réforme en cours du zonage de l'ICHN constitue, logiquement, un sujet d'inquiétude majeur pour nos territoires et nos agriculteurs. Il était, dès lors, opportun que le Sénat s'y intéresse.
Je laisserai le soin à notre collègue Gisèle Jourda de présenter les grandes lignes de sa résolution. Mon propos consistera à vous fournir un point sur cette réforme du zonage de l'ICHN, complété par un éclairage sur la nature du conflit qui oppose la France et la Commission européenne.
Faisant suite à des observations de la Cour des comptes européenne datant de 2003, la Commission européenne a ouvert, à partir de 2009, des discussions techniques, sur un nouveau zonage de l'ICHN. L'Union européenne a ensuite engagé, en 2013, un processus de modification des critères d'éligibilité de ces zones.
La réforme en cours ne concernera pas les zones de montagne, pour lesquelles le critère de l'altitude est indiscutable - ce qui ne veut pas dire qu'il soit entièrement juste, car la situation n'est pas la même dans les Alpes, où il faut aller faucher avec une motofaucheuse et les plateaux du Haut-Jura. Elle affectera, en revanche, les deux autres catégories référencées de territoire : c'est-à-dire, en premier lieu, les zones défavorisées simples, appelées désormais « zones soumises à contraintes naturelles », et, en second lieu, les zones affectées de handicaps spécifiques, devenues « zones soumises à contraintes spécifiques ».
Cette réforme portera exclusivement sur des paramètres techniques, sans modification, de la réglementation européenne, soit les articles 31 et 32, ainsi que l'annexe III du règlement du 17 décembre 2013.
L'adoption récente du règlement dit « Omnibus » a, fort opportunément, repoussé d'un an l'échéance du dossier, jusqu'en 2019.
Sur le fond, l'ICHN est un sujet conflictuel entre Paris et Bruxelles.
L'origine de cette divergence est désormais ancienne. Se fondant sur les règles du Gatt, puis de l'OMC, la Commission considère que l'ICHN, telle qu'elle existe en France est, de facto, au-delà de la politique en faveur de la montagne qui a présidé à sa naissance, une aide couplée déguisée à l'élevage. Elle fait valoir, a contrario, depuis une vingtaine d'années, la nécessité d'une réforme, pour que ces aides figurent, à l'avenir, dans la « boîte verte ». D'où l'insistance de la Commission à ouvrir le bénéfice de l'ICHN aux productions végétales.
Cette position de principe n'a pu être qu'infléchie par les autorités françaises, car notre pays se trouvait relativement isolé en Europe, en ne bénéficiant que du soutien actif de l'Espagne, de l'Italie et de l'Autriche.
Dans ce contexte, depuis les années 2000, la stratégie des autorités françaises a consisté à accepter des aménagements successifs, pour maintenir l'économie générale de l'ICHN, tout en gagnant du temps.
Je conclurai mon propos en m'interrogeant - en l'état actuel du droit - sur les latitudes d'action des autorités françaises.
S'agissant, en premier lieu, des zones « défavorisées simples », la Commission européenne, a remis en cause le travail de l'INRA, l'Institut national pour la recherche agronomique, portant sur l'application des critères biophysiques au territoire français, pour imposer sa propre grille d'analyse - ce qui peut toutefois se comprendre, afin que les critères soient identiques dans toute l'Europe.
Cela revient, par ricochet, à déclasser bon nombre de communes dans toute la France, pour une superficie totale atteignant, selon les estimations, 5 % voire 7 % du territoire national.
Les communes exclues des zones dites « simples » sont heureusement susceptibles d'être rattrapées au titre des zones spécifiques. Les États membres peuvent, en effet, y reclasser, de la sorte, jusqu'à 10 % de leur territoire national, grâce à de réelles marges de souplesse juridique : les « adaptations régionales ».
Pour les communes menacées de sortie du dispositif, tout dépendra des contours de la nouvelle carte nationale en cours d'élaboration, en fonction des critères retenus par la France, pour le cadrage national. C'est au ministre de l'Agriculture qu'il appartiendra d'arbitrer entre les multiples demandes provenant des territoires. Mais, c'est à la Commission européenne qu'il appartiendra de valider in fine lesdits critères techniques.
J'ai pris l'initiative de déposer cette proposition de résolution européenne, après avoir entendu l'appel des élus locaux et de nombreux agriculteurs de ma région. Ils nous adressent un véritable cri du coeur ! Mais aussi après avoir entendu de nombreux collègues interroger le gouvernement sur cette nouvelle cartographie, sans que ce dernier apporte une réponse claire sur les critères retenus. J'ai donc voulu aller plus loin.
En effet, la carte présentée aux membres du comité national de pilotage des zones défavorisées, le 20 février 2018, se traduirait, pour l'ensemble de la France, par la « sortie » de 1 341 communes du dispositif. Or une telle issue entraînerait des conséquences économiques et sociales dévastatrices dans nos territoires.
Ces risques apparaissent particulièrement importants dans la région Occitanie. À titre d'illustration, dans le département de l'Aude dont je suis l'élue, pour les seules 25 communes des secteurs de la Piège et du Razès, pas moins de 55 exploitations agricoles seraient menacées de disparition.
Je suis convaincue que nous devons réagir. Pour ce faire, la proposition de résolution est constituée de six considérants et de trois demandes précises.
Ces six considérants, outre le cadre juridique applicable, explicitent la problématique du sujet. Ils rappellent, tout d'abord, que la négociation en cours avec la Commission européenne risque de se traduire, pour ainsi dire mécaniquement, par des conséquences globalement défavorables pour la France.
Au terme de ce raisonnement, les trois points de la proposition de résolution européenne visent à sortir de ce cercle vicieux, en tranchant le « noeud gordien » de ce problème difficilement soluble.
En effet, se limiter à des négociations avec la Commission européenne sur des paramètres techniques de l'ICHN nous condamnerait à l'impuissance. Il nous faut donc envisager une approche plus ambitieuse, en demandant la révision du coeur même du dispositif juridique applicable, c'est-à-dire des articles 31 et 32 du règlement du 17 décembre 2013.
La première demande formulée par la proposition de résolution consiste à ajouter des critères supplémentaires, aux huit critères biophysiques de l'article 31. Par là même, il s'agirait d'augmenter le nombre des communes éligibles au dispositif des zones à contraintes naturelles dites « simples ».
Dans cette attente, le second point de la proposition de résolution européenne demande, dès maintenant, au titre des adaptations régionales autorisées par l'article 32 dudit règlement, d'ajouter le critère de continuité territoriale, pour les zones à contraintes spécifiques. On « récupérerait » ainsi des communes enclavées, exclues jusqu'ici de la cartographie des zones défavorisées « simples ».
Enfin, la proposition de résolution invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.
En l'état actuel des choses, la redéfinition du zonage des ICHN serait engagée sur les bases suivantes : le nombre des communes « classées », pour l'ensemble de la France, passerait de 10 429 à 14 133, soit un solde positif de 3 704. Il y aurait 5 045 entrées, mais également 1 341 sorties.
Naturellement, pour ces dernières et pour leurs agriculteurs, les effets de seuil auraient des conséquences très sévères. Outre l'Aude, d'autres zones sensibles en Occitanie seraient fortement touchées, notamment dans le Gers, le Lot, ou l'Aveyron. S'y ajouteraient une partie de la vallée du Rhône, la Dordogne, ainsi que les Deux-Sèvres, l'Indre-et-Loire, ou le Cher. D'une façon générale, au-delà de ces seuls exemples emblématiques, on retrouve des situations difficiles un peu partout en France.
Au niveau national, le risque de « saupoudrage » des moyens budgétaires, puisque ce solde net positif de 3 704 communes bénéficiaires interviendrait à enveloppe constante, ne peut être ignoré.
Vos rapporteurs ne mésestiment nullement la difficulté de ce dossier, qui a donné lieu, au total, à 120 simulations, sur la base, à chaque fois, de 20 critères différents, soit environ 2 400 combinaisons possibles.
Pour autant, la question de l'ICHN justifie, assurément, une action résolue des pouvoirs publics français, autant que la mobilisation des services du ministère de l'Agriculture. Ces efforts seraient vains, sans une prise de conscience au niveau européen qui, elle, reste à faire.
C'est la raison pour laquelle, nous vous proposons de conclure à l'adoption de la proposition de résolution, sous réserve de deux amendements. Le premier, au point 16, est un amendement de suppression de la référence au critère de l'emploi agricole. En effet, l'ajout d'un tel critère, dont on ne mesure pas totalement l'impact, pourrait se révéler contre-productif dans tel ou tel territoire et amener des bouleversements que l'on mesure mal.
Le second amendement, au point 17 de la proposition, apporte une précision rédactionnelle importante, quant au critère de continuité territoriale. Il est proposé d'indiquer que ledit critère intègre « des territoires plus étendus et non uniquement des communes isolées dans le zonage à contrainte spécifique ».
Si l'on ne réussit pas à interpeller la Commission européenne, la révision des critères ICHN viendra se surajouter à la baisse des dotations de la PAC et des crédits du Fond de cohésion - 7 % en euros courants. Cela fait beaucoup. D'où l'inquiétude des élus et des acteurs, car la fracture va s'accentuer.
Je félicite Mme Jourda pour son initiative. J'observe que son propos, comme celui de M. Raison, a été écouté dans un silence de cathédrale. Car la question est cruciale, même si nous savons que notre tâche sera difficile. M. Botrel a posé, mardi, une question d'actualité au gouvernement sur les dotations aux collectivités locales. Si leur enveloppe globale, en légère augmentation, de 80 millions d'euros, ne bougera pratiquement pas, en revanche, certaines communes très pauvres verront baisser leur dotation, tandis que des communes « opulentes » la verront augmenter. Et l'on ne parvient pas, là non plus, à connaître les critères : la ministre s'est contentée de lire un papier, qui ne nous a rien appris.
Il en va de même pour l'ICHN. On ne comprend pas certaines sorties, ni pourquoi certaines communes, au contraire, entrent dans un dispositif qui se traduit par une cartographie, comme l'a dit Mme Jourda, en « peau de léopard ». Or, si elles ne reçoivent plus d'aide, il n'y aura plus d'agriculture dans ces zones ni d'aménagement du territoire, de paysages, ou même de vie. Mon département n'est pas trop touché, car les zones de montagne sont épargnées, mais tel n'est pas le cas des zones de piémont. Sans aides, ces paysages magnifiques que l'on appelle, en occitan, les bancèls ou les faïsses - les terrasses en français - retourneront à l'état sauvage, avec les risques d'incendie que cela entraîne, de surcroît.
Les gouvernements ne l'ont pas assez pris en compte, et cela jusqu'aujourd'hui : dans le « nouveau monde », l'« ancien monde » se perpétue... Il est bon que nous votions cette résolution, dans laquelle nous demandons au gouvernement de renégocier.
Je me demande si nous ne devrions pas y ajouter un avis politique, pour nous adresser directement à la Commission européenne.
La France, ne l'oublions pas, est à l'origine de la politique de compensation du handicap, au temps de l'Europe des Six. On est en train de renier les fondements sur lesquels cette compensation avait été pensée, et qui visaient à permettre aux paysans, quel que soit leur territoire, d'exister sur le même marché, grâce à la solidarité de l'Etat et de l'Europe.
Différentes zones avaient été retenues, comme la montagne, le piémont, sur le fondement de critères objectifs et non de considérations politiques du moment. Il est vrai que l'élargissement a modifié la donne géographique de l'Union européenne, et l'on en est venu à s'éloigner du coeur du principe. Je m'interroge, comme M. Sutour, sur notre marge de manoeuvre.
Sur les nouveaux critères retenus par l'Europe, la France ne s'est pas battue comme elle l'aurait dû. La profession non plus ne s'est pas assez battue au sein des organisations agricoles européennes. Ne pas revenir sur ces nouveaux critères, c'est renier l'ancienne politique de compensation du handicap. Voyez les zones de piémont, qui concernent les Vosges et le Massif Central, plus que les Alpes et les Pyrénées. La montagne n'est pas une, et c'est bien pourquoi la haute montagne avait aussi été prise en compte.
Le sujet n'est pas anodin, car il emporte des conséquences en chaîne, y compris en termes d'aménagement du territoire. S'agit-il bien pour nous de demander un ajustement, ou ne devrions-nous pas, plutôt, remettre en cause, sur le fond, ce qui nous est proposé ?
Je félicite nos deux rapporteurs pour cet exercice qui arrive à point nommé. L'ICHN touche au devenir de l'agriculture sur l'ensemble du territoire. Cette politique publique européenne a été bâtie pour que les territoires ayant des handicaps géographiques, climatiques reçoivent compensation, afin de préserver leur compétitivité et une présence économique.
Je tiens à souligner l'opacité qui a marqué ce dossier. À un an des élections européennes, c'est donner une bien mauvaise image de l'Europe. Il faut en analyser les causes et remettre l'ouvrage sur le métier, pour renouer avec la cohérence. Dans mon département, nous avons essayé de comprendre les critères proposés : les explications que nous avons obtenues ont été fort peu claires. Le fait est que ce dossier a été très mal géré depuis le début, et que les gouvernements successifs se sont contentés de se passer la patate chaude.
Nous devons faire preuve de volonté, pour imposer la continuité géographique. Alors que la réforme de la PAC se prépare, il est vital de préserver une agriculture compétitive sur l'ensemble du territoire : l'ICHN est indispensable au maintien de la diversité.
Dans une vie antérieure, j'ai été représentant des jeunes agriculteurs, au moment même où l'on imaginait l'ICHN. Les idées et les critères étaient alors beaucoup plus simples, plus lisibles, mais au fil des décennies, la complexification administrative l'a brouillé.
Je remercie nos deux rapporteurs d'avoir accompli ce travail ciselé pour tenter de démêler une affaire qui arrive au plus mauvais moment. A la veille de la réforme de la PAC et d'élections européennes dont on peut craindre le pire, il est de notre devoir d'éviter tout ce qui serait susceptible de ranimer l'« eurobashing ».
La notion de compensation du handicap vise à faire en sorte que quel que soit le territoire, une même production puisse concourir sur le même marché. Nous voulons une agriculture sur l'ensemble du territoire, avec ses effets d'entraînement sur d'autres activités économiques. Quand un pays entre dans l'Union, on prévoit des mesures d'accompagnement. Nous devons nous situer dans le même état d'esprit.
Mieux vaudrait, à mon sens, en rester au statu quo et faire entrer la question dans la renégociation de la PAC. Il est vrai qu'avec ces nouveaux critères, si certaines communes sortent, d'autres sont, en revanche, appelées à entrer, que l'on a fait en quelque sorte rêver. Demandons-leur de prendre patience, pour définir des critères plus lisibles, comme l'altitude, la géologie, le potentiel agronomique.
Nous soutiendrons cette résolution, dont je remercie Gisèle Jourda d'avoir pris l'initiative. Le ministre de l'agriculture doit prendre l'affaire à bras le corps. On a mal pris la mesure de ce que représente l'ICHN. Sur la PAC, la Commission européenne fait déjà ses annonces, mais sur ce sujet de l'ICHN, le gouvernement français a encore du temps pour agir. Je ne sais si l'on parviendra à conserver à la fois toutes les communes bénéficiaires et à en ajouter d'autres, mais attelons-nous, pour le moins, à définir des critères objectifs. Je ne doute pas que l'on puisse, là-dessus, avancer.
Je félicite à mon tour Mme Jourda de son initiative et M. Raison de son soutien. Nous parlions tout à l'heure des Alsaciens qui vont faire leurs emplettes en Allemagne, mais on pourrait aussi parler à l'inverse des Suisses, qui viennent acheter des fruits, des légumes, de la viande en France, parce que ces produits sont très coûteux chez eux. La Suisse, qui a souffert, lors des deux guerres mondiales, d'être un îlot entouré de belligérants, et qui a dû se rationner, a voulu aller vers l'autonomie, ce qui n'était pas simple dans un pays fait de beaucoup de montagne et de piémont. Cette politique coûte très cher au contribuable suisse, mais le consommateur y adhère : si la Suisse a refusé à deux reprises d'entrer dans l'Union européenne, alors que la banque, la finance, l'industrie menaient campagne pour l'y pousser, c'est bien parce qu'elle considérait que cela signerait la mort de son agriculture.
L'agriculture européenne, de plus en plus mondialisée, reste, même si elle s'est beaucoup « verdie », productiviste. Avec les difficultés budgétaires que connaît l'Union européenne, parce que les Britanniques ont « filé à l'anglaise », elle est tentée d'agir à la baisse sur tous les piliers. Et l'Ouest s'en trouve d'autant plus pénalisé qu'il faut encore se préoccuper de l'Europe centrale, même si elle a tendance à « mal voter »...
Certains ont dit que le dossier avait été mal géré, mais pouvait-il l'être mieux dans ce contexte d'agriculture productiviste, conçue, soit dit en passant, par la France, qui s'était donnée pour objectif de nourrir l'Europe et une partie du reste du monde, tandis que l'Allemagne se concentrait sur l'industrie. Mais aujourd'hui, l'Allemagne a réussi à mettre à flot l'agriculture de l'ancienne Allemagne de l'Est et sa production est supérieure à celle de la France dans le domaine agro-alimentaire. Avec ses plaines de grande culture à l'Est, elle ne sera pas la première à nous soutenir dans la politique de compensation des handicaps géographiques. Peut-on arriver, dans ces conditions, à soutenir l'ensemble de la production agricole française, ou n'est-on pas appelés à faire des choix, ou du moins à définir des priorités ? Pour moi, la compensation du handicap est prioritaire : à demander au Gouvernement français de tout défendre, on risque de ne rien obtenir. Je suis d'avis, pour conclure mon propos, outre notre résolution, de nous adresser directement à la Commission européenne.
Je salue le travail accompli par nos collègues, qui permet de nourrir les réflexions émanant de nos territoires. En Côte-d'Or, il n'y a pas que des viticulteurs : les Hautes Côtes sont des zones de piémont où l'avenir des agriculteurs est en jeu. Les débats sont nombreux et la profession viticole peine à prendre position sur les différents sujets soulevés.
Sur le terrain, des démarches ont été engagées, notamment au titre du volet de continuité territoriale. Il ne faudrait pas que les diverses initiatives s'entrechoquent. Aussi, j'aimerais savoir ce qu'ont donné vos échanges avec la profession.
En outre, si l'on procède à fonds constants, certains professionnels recevront moins de crédits. Méfions-nous de l'effet boomerang !
Je ne connaissais pas cette réforme du zonage, et pour cause, la Seine-et-Marne, le département dont je suis élue, n'est pas concernée, car il ne présente pas de handicap naturel.
J'adhère bien sûr à cette proposition de résolution. Cela étant, je souhaiterais savoir ce qu'il en est à l'échelle européenne : d'autres États de l'Union européenne sont-ils confrontés au même problème, sommes-nous soutenus par d'autres pays ? Nous avons grand besoin d'alliés !
À ma connaissance, la masse financière fournie par l'Union européenne pour compenser ces handicaps restera la même : nous sommes donc bien face à une bataille de répartition.
Je ne ferai pas de reproche à « l'ancien monde », à l'ancien gouvernement, mais j'observe qu'il ne s'est pas précipité pour faire avancer le dossier...
Nous sommes toujours dans le même monde, monsieur Raison, vous le savez bien !
Ce n'était qu'un trait d'humour...
Avec la réforme, le nombre de communes concernées serait augmenté de 3 700, et la marge de manoeuvre ne serait que de 50 à 55 communes. Il faut également tenir compte des communes exclues, dont 26 dans l'Aude ; mais ce seul département comptera, en définitive, 112 communes supplémentaires. La situation d'ensemble est donc extrêmement délicate et, au-delà des effets de tribune, il faut être pragmatique.
Merci à toutes et à tous de leur contribution au débat, notamment à M. Gremillet, qui a éclairé l'historique de l'ICHN.
Il faut - si je puis dire - entrer à pas pressés dans une politique des petits pas, car cette refonte doit être achevée au 31 décembre prochain : la prochaine réglementation entrera en vigueur le 1er janvier 2019.
La proposition de résolution porte sur les zones défavorisées, à l'exception des zones de montagne, lesquelles sont sanctuarisées. Cela étant, les communes de piémont peuvent faire l'objet d'un travail complémentaire ciblé.
Vous l'avez tous souligné, la réforme du zonage de l'ICHN inspire l'incompréhension au sein des territoires : à deux kilomètres de distance, une commune peut être classée et l'autre non.
Les agriculteurs et les éleveurs en circuit court ont bénéficié de la règle des 80 kilomètres, mais ils ne peuvent pas vendre leurs produits au-delà de ce périmètre, faute de quoi ils n'ont plus droit à la dérogation. À ce stade du dossier, les agriculteurs susceptibles de sortir du dispositif ne veulent pas entendre parler de mesures d'accompagnement : certaines communes ont encore un petit espoir de se voir appliquer le critère de continuité territoriale. Nous allons demander au Gouvernement d'inscrire ce critère dans la réglementation avant le 31 décembre 2018.
La question fondamentale est la suivante : avec toutes les cartes et les simulations qui ont été accumulées, comment se fait-il que le périmètre ne soit pas encore fixé ? Dans l'Aude, la commune de Bram figurait initialement dans le périmètre, et, au cours des deux derniers mois, elle en a été exclue. Pourquoi ? Mystère ! D'autres communes répondent aux critères géographiques de l'ICHN, mais non aux critères complémentaires. En définitive, les agriculteurs de l'Aude ne bénéficieront pas de compensation, du fait de l'accumulation des critères.
En outre, il faut replacer ce débat dans le contexte d'ensemble : la mise en cause de la politique de compensation, toutes zones confondues.
Les propositions de la profession ont été mentionnées. J'ai donné l'exemple qui m'a conduite à rédiger cette proposition de résolution : par le passé, on a négligé de se saisir de cette problématique, et la profession s'est trouvée démunie, pour ne pas dire prise à la gorge. Un silence assourdissant s'est fait. Ce sont les maires et les agriculteurs qui ont pris l'initiative d'alerter les responsables agricoles, ainsi que les politiques, les élus que nous sommes.
Cela étant, j'infléchis mon propos par la précision suivante : certains secteurs, par exemple dans l'Aude, ont obtenu le classement ICHN, alors qu'ils n'en bénéficiaient pas précédemment et que l'on ne s'attendait pas à leur entrée dans le dispositif.
Enfin, je relève que, pour ce qui concerne ces classements, il n'y a pas toujours d'unité, de conjonction des intérêts au sein de la profession. Nous aurions aimé entendre clairement les différentes voix syndicales. Mais, j'insiste, la date butoir approche : pour nos agriculteurs, l'enjeu, c'est aujourd'hui et maintenant. Il faut donc émettre une position politique claire.
Ce serait bien !
Nous avons besoin d'alliés, en effet. L'Italie, l'Espagne, l'Autriche sont parmi les pays les plus engagés à nos côtés.
Nous sommes à deux ans d'une nouvelle PAC : militons pour le statu quo ! Nous aurons les moyens d'une vraie discussion quand, pour l'heure, nous sommes dans le flou sur les critères.
Nous sommes d'accord sur l'objectif à atteindre. Les acteurs professionnels, dans mon département, me disent avoir engagé des démarches sur la question de la continuité territoriale - ce qui représente une surface de 70 000 hectares. Accordons nos violons, pour ne pas alimenter la confusion, et demandons un gel pour remettre l'ouvrage sur le métier dans le cadre de la révision de la PAC.
Le zonage doit entrer en application au 1er janvier 2019 : on ne peut pas attendre la PAC ! Il nous faut émettre une proposition avant le 31 décembre 2018. Si l'on ne propose rien, les communes concernées ne pourront plus être réintégrées. Proposons des critères objectifs.
N'oublions pas que nous sommes à enveloppe constante. S'il s'agit de partager la gamelle, on ne fera que des mécontents.
Le coup est parti. Je propose que nous votions la proposition de Gisèle Jourda, avec les deux amendements présentés...
et que l'on alerte, par un courrier, le président Juncker. Ma deuxième proposition est d'organiser une délégation, avec la commission des affaires économiques, pour rencontrer Phil Hogan. L'Europe qui protège doit protéger les citoyens et les filières les plus fragiles, c'est une question de solidarité, j'insiste sur le terme. J'aurais, personnellement, aimé entendre plus fortement la profession. Autant elle s'exprime sur l'approche sociétale de l'agriculture, autant elle reste oublieuse de l'approche économique. Cela me chiffonne.
« tout en préservant la spécificité de la zone de piémont » : ne pourrait-on ajouter ce membre de phrase, même s'il est vrai que la question est plutôt franco-française ?
Ces zones sont aussi difficiles que les zones de montagne, mais ne peuvent y être classée, parce qu'elles n'ont pas l'altitude requise.
On peut le spécifier dans notre dialogue avec la Commission européenne.
On peut retenir un critère simple, en retenant la zone de montagne Insee, qui recouvre la zone de montagne stricto sensu et la zone de piémont ICHN. Aujourd'hui, la France s'apprête à passer le piémont par pertes et profits.
De deux choses l'une, soit nous avons la capacité de réunir, pour fin décembre, une majorité de pays qui disent leur opposition, ce qui permettrait de renégocier les critères, soit on accepte un simple redécoupage. Les échéances de la PAC et celles de l'ICHN ne sont pas les mêmes, et c'est pourquoi nous nous trouvons dans une situation terrible.
Je vous propose de voter la proposition de résolution, de l'adresser à la Commission européenne et de constituer une délégation pour rencontrer le commissaire européen Phil Hogan. Lors de la prochaine COSAC, les 18 et 19 juin, à Sofia, je peux travailler à sensibiliser un certain nombre d'Etats membres, mais nous devons garder présente à l'esprit la date butoir du 31 décembre 2018. Et encore une fois, je regrette que la profession agricole néglige le volet économique, car je n'oublie pas non plus l'autre date butoir, celle de juin 2019, pour la PAC.
À l'issue du débat, la Commission adopte, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne dans la rédaction suivante :
(1) Le Sénat,
(2) Vu le règlement (UE) n° 1305/2013 relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader),
(3) Vu les articles 31 et 32 du règlement (UE) n° 1305/2013,
(4) Vu les résultats du comité national de pilotage des zones défavorisées simples du 20 février 2018,
(5) Vu la présentation, le 20 février 2018, par le Ministre de l'agriculture et de l'alimentation au Président de la République, de la nouvelle carte des « zones défavorisées simples »,
(6) Vu l'absence de publication officielle des critères retenus pour établir la carte relative aux zones soumises à contraintes naturelles que le gouvernement français va présenter à la Commission européenne, pour une mise en oeuvre au 1er janvier 2019,
(7) Vu les déclarations du ministre chargé de l'agriculture et de l'alimentation et du secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement à l'Assemblée nationale et au Sénat,
(8) Vu les déclarations du commissaire européen à l'agriculture et au développement rural, Phil Hogan,
(9) Considérant qu'il n'est aujourd'hui pas prévu que toutes les communes exclues de la révision des carte des zones défavorisées « simples » soient intégrées dans le zonage complémentaire des zones soumises à contraintes spécifiques (ZSCS) ;
(10) Considérant que, au regard des critères retenus à ce stade par le gouvernement français, cette cartographie se révèle profondément injuste et condamnerait, si elle devait rester en l'état, de nombreux éleveurs à cesser leur activité dont l'équilibre d'exploitation déjà très précaire ne tient souvent qu'au produit des aides liées au classement en zone défavorisée ;
(11) Considérant que les conséquences directes sur l'économie, la démographie et le devenir environnemental des territoires concernés seraient considérables et sans réel espoir d'amélioration ultérieure compte tenu de la réalité des handicaps actuels et de leur aggravation par les conséquences de cette réforme ;
(12) Considérant que l'ensemble des éleveurs concernés, des organismes représentatifs et des élus des territoires affectés ne peuvent se résigner à une telle situation ;
(13) Considérant pourtant que le règlement (UE) n° 1305/2013, prévoit, dans son article 31, que les « paiements destinés aux agriculteurs situés dans des zones de montagne et d'autres zones soumises à des contraintes naturelles ou autres contraintes spécifiques sont accordés annuellement par hectare de surface agricole, afin d'indemniser les agriculteurs pour tout ou partie des coûts supplémentaires et de la perte de revenu résultant de ces contraintes pour la production agricole dans la zone concernée » ;
(14) Considérant pourtant que le règlement (UE) n° 1305/2013, prévoit, dans son article 32, paragraphe 4, alinéa 1 que « les zones autres que celles visées aux paragraphes 2 et 3 peuvent bénéficier des paiements prévus à l'article 31 si elles sont soumises à des contraintes spécifiques et lorsque la poursuite de la gestion des terres est nécessaire pour assurer la conservation ou l'amélioration de l'environnement, l'entretien du paysage rural et la préservation du potentiel touristique de la zone ou pour protéger le littoral » ;
(15) Demande la renégociation des termes de l'article 31 du règlement (UE) n°1305/2013 du 17 décembre 2013, relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), afin de modifier les critères d'éligibilité des Zones soumises à contraintes naturelles (ZSCN) et d'ajouter des critères obligatoires aux huit critères biophysiques existants ;
(16) Dans cette attente, demande, au titre des adaptations régionales autorisées par l'article 32 du règlement précité (UE) n° 1305/2013, de prendre en compte le critère de continuité territoriale pour la définition du périmètre des Zones soumises à contraintes spécifiques (ZSCS), intégrant de ce fait des territoires plus étendus et non uniquement des communes isolées dans le zonage à contraintes spécifiques qui jusqu'ici se trouvent exclues de la cartographie des zones défavorisées simples ;
Notre collègue Olivier Henno, qui a rejoint la commission en remplacement de Jean-Marie Mizzon, lui succèdera, au titre du groupe de l'Union centriste, dans les groupes de suivi ou de travail suivants : stratégie industrielle ; négociations commerciales ; politique de cohésion ; espace Schengen.
Nous avons été saisis de deux propositions de règlement qui concernent d'une part, les pratiques commerciales déloyales et d'autre part la transparence et la pérennité de l'évaluation des risques de l'Union européenne dans la chaîne alimentaire. Il y aura synergie, dans notre réflexion, avec les Etats généraux de l'alimentation. Je vous propose de désigner Laurence Harribey et Pierre Médevielle pour les examiner.
Les nouvelles techniques de sélection végétale (New Breeding Technologies), un sujet que je suis depuis plusieurs années, comportent des enjeux considérables pour la filière semencière française et européenne. Il est donc important pour nous de suivre de près les initiatives de la Commission européenne dans ce domaine. L'Europe a l'opportunité d'une session de rattrapage. La technologie Crispr-Cas 9 nous donne l'opportunité de rattraper le coche que nous avons manqué sur les OGM. Si on le rate à nouveau, la filière semencière européenne n'existera plus demain, et qui n'a plus la semence n'a plus l'arme alimentaire, ni l'indépendance. Je vous propose de confier cette mission à Yannick Botrel et Daniel Gremillet.
Il en est ainsi décidé.
Nous devons aussi prendre en compte les enjeux de l'aquaculture dans le cadre de la Politique commune de la pêche. Yannick Botrel et Jean-François Rapin pourraient en être chargés.
Anne-Catherine Loisier pourrait être chargée d'examiner les conséquences pour la filière équine des discussions en cours au niveau européen sur la TVA.
Je vous propose, enfin, de désigner André Gattolin et Colette Mélot pour la proposition de règlement promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices des services d'intermédiation en ligne.
La réunion est close à 10 h 45.