Intervention de Gisèle Jourda

Commission des affaires européennes — Réunion du 17 mai 2018 à 9h05
Agriculture et pêche — Proposition de résolution européenne de mme gisèle jourda sur les indemnités compensatoires de handicaps naturels ichn : rapport de mme gisèle jourda et m. michel raison

Photo de Gisèle JourdaGisèle Jourda :

J'ai pris l'initiative de déposer cette proposition de résolution européenne, après avoir entendu l'appel des élus locaux et de nombreux agriculteurs de ma région. Ils nous adressent un véritable cri du coeur ! Mais aussi après avoir entendu de nombreux collègues interroger le gouvernement sur cette nouvelle cartographie, sans que ce dernier apporte une réponse claire sur les critères retenus. J'ai donc voulu aller plus loin.

En effet, la carte présentée aux membres du comité national de pilotage des zones défavorisées, le 20 février 2018, se traduirait, pour l'ensemble de la France, par la « sortie » de 1 341 communes du dispositif. Or une telle issue entraînerait des conséquences économiques et sociales dévastatrices dans nos territoires.

Ces risques apparaissent particulièrement importants dans la région Occitanie. À titre d'illustration, dans le département de l'Aude dont je suis l'élue, pour les seules 25 communes des secteurs de la Piège et du Razès, pas moins de 55 exploitations agricoles seraient menacées de disparition.

Je suis convaincue que nous devons réagir. Pour ce faire, la proposition de résolution est constituée de six considérants et de trois demandes précises.

Ces six considérants, outre le cadre juridique applicable, explicitent la problématique du sujet. Ils rappellent, tout d'abord, que la négociation en cours avec la Commission européenne risque de se traduire, pour ainsi dire mécaniquement, par des conséquences globalement défavorables pour la France.

Au terme de ce raisonnement, les trois points de la proposition de résolution européenne visent à sortir de ce cercle vicieux, en tranchant le « noeud gordien » de ce problème difficilement soluble.

En effet, se limiter à des négociations avec la Commission européenne sur des paramètres techniques de l'ICHN nous condamnerait à l'impuissance. Il nous faut donc envisager une approche plus ambitieuse, en demandant la révision du coeur même du dispositif juridique applicable, c'est-à-dire des articles 31 et 32 du règlement du 17 décembre 2013.

La première demande formulée par la proposition de résolution consiste à ajouter des critères supplémentaires, aux huit critères biophysiques de l'article 31. Par là même, il s'agirait d'augmenter le nombre des communes éligibles au dispositif des zones à contraintes naturelles dites « simples ».

Dans cette attente, le second point de la proposition de résolution européenne demande, dès maintenant, au titre des adaptations régionales autorisées par l'article 32 dudit règlement, d'ajouter le critère de continuité territoriale, pour les zones à contraintes spécifiques. On « récupérerait » ainsi des communes enclavées, exclues jusqu'ici de la cartographie des zones défavorisées « simples ».

Enfin, la proposition de résolution invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.

En l'état actuel des choses, la redéfinition du zonage des ICHN serait engagée sur les bases suivantes : le nombre des communes « classées », pour l'ensemble de la France, passerait de 10 429 à 14 133, soit un solde positif de 3 704. Il y aurait 5 045 entrées, mais également 1 341 sorties.

Naturellement, pour ces dernières et pour leurs agriculteurs, les effets de seuil auraient des conséquences très sévères. Outre l'Aude, d'autres zones sensibles en Occitanie seraient fortement touchées, notamment dans le Gers, le Lot, ou l'Aveyron. S'y ajouteraient une partie de la vallée du Rhône, la Dordogne, ainsi que les Deux-Sèvres, l'Indre-et-Loire, ou le Cher. D'une façon générale, au-delà de ces seuls exemples emblématiques, on retrouve des situations difficiles un peu partout en France.

Au niveau national, le risque de « saupoudrage » des moyens budgétaires, puisque ce solde net positif de 3 704 communes bénéficiaires interviendrait à enveloppe constante, ne peut être ignoré.

Vos rapporteurs ne mésestiment nullement la difficulté de ce dossier, qui a donné lieu, au total, à 120 simulations, sur la base, à chaque fois, de 20 critères différents, soit environ 2 400 combinaisons possibles.

Pour autant, la question de l'ICHN justifie, assurément, une action résolue des pouvoirs publics français, autant que la mobilisation des services du ministère de l'Agriculture. Ces efforts seraient vains, sans une prise de conscience au niveau européen qui, elle, reste à faire.

C'est la raison pour laquelle, nous vous proposons de conclure à l'adoption de la proposition de résolution, sous réserve de deux amendements. Le premier, au point 16, est un amendement de suppression de la référence au critère de l'emploi agricole. En effet, l'ajout d'un tel critère, dont on ne mesure pas totalement l'impact, pourrait se révéler contre-productif dans tel ou tel territoire et amener des bouleversements que l'on mesure mal.

Le second amendement, au point 17 de la proposition, apporte une précision rédactionnelle importante, quant au critère de continuité territoriale. Il est proposé d'indiquer que ledit critère intègre « des territoires plus étendus et non uniquement des communes isolées dans le zonage à contrainte spécifique ».

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