Intervention de Pascale Gruny

Commission des affaires européennes — Réunion du 19 avril 2018 à 8h30
Questions sociales et santé — Convergence sociale dans l'union européenne : proposition de résolution européenne avis politique et rapport d'information de mmes pascale gruny et laurence harribey

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny :

J'aborderai pour ma part un acquis européen en matière sociale : la coordination des régimes de sécurité sociale, qui permet l'établissement de critères pour définir le système dont relève tout citoyen mobile. Il ne détermine en revanche pas qui peut bénéficier de l'assurance prévue par la législation nationale ni le type de prestations à accorder.

La Commission européenne a présenté, en décembre 2016, une proposition de révision des règlements de coordination des régimes de sécurité sociale datant de 2004 et de 2009. Le texte est destiné à faciliter la mobilité des travailleurs, à assurer un traitement équitable entre contribuables et travailleurs mobiles et à améliorer la coopération entre les autorités administratives des États membres. L'ensemble codifie également la jurisprudence récente de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Deux arrêts de 2014 et 2015 ont en effet mis en lumière le phénomène souvent dénoncé de « tourisme social », selon lequel des ressortissants européens s'installent dans d'autres États membres pour y bénéficier des prestations sociales.

Le sujet du tourisme social, extrêmement anxiogène pour nos concitoyens, a eu une influence certaine sur le résultat du référendum britannique sur la sortie de l'Union européenne. Pourtant, seuls 2,8 % des citoyens européens résideraient de façon stable dans un autre État membre que celui d'origine. Dans ces conditions, le phénomène doit être relativisé, bien que l'on relève une intensification de la mobilité interne à la suite des élargissements de 2004 et 2007. L'Allemagne et le Royaume-Uni sont les deux principaux pays de destination, puisqu'ils accueillent environ 40 % des citoyens mobiles. Ces derniers représentent, en outre, plus de 7 % des populations belge, chypriote et irlandaise.

Une étude commandée par la Commission en 2015 relève que les citoyens mobiles ont peu recours aux prestations de maladie, d'invalidité et de retraite, ainsi qu'aux soins de santé. À l'inverse, compte-tenu de leur position moins favorable sur le marché du travail, ils bénéficient davantage des indemnités chômage et des prestations liées à l'emploi. Le taux de chômage des citoyens mobiles est ainsi supérieur à celui des ressortissants nationaux - 10,4 % contre 9,1 % -, mais reste inférieur à celui des ressortissants des pays tiers (19,2 %). Une autre étude européenne publiée en 2013 indique que les citoyens mobiles non-actifs représentent entre 1 % et 5 % des bénéficiaires des prestations sociales au sein de cinq pays, soit 1,7 % en Allemagne et en France, mais plus de 5 % en Belgique et en Irlande. Les citoyens non-actifs comprennent 30 % de retraités, 28 % de demandeurs d'emploi et 13 % d'étudiants, le solde étant constitué de parents au foyer ou de citoyens handicapés. En France, 55 % des citoyens mobiles non-actifs sont des retraités et 21 % ne sont ni étudiants ni en recherche d'emploi.

Les deux arrêts de la CJUE viennent préciser les conditions d'accès aux prestations des citoyens mobiles. La Cour rappelle au préalable que la liberté de circulation n'est pas un droit inconditionnel. Le droit de séjour est valable tant que les citoyens de l'Union européenne et les membres de leur famille ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État d'accueil. Ainsi, rien n'interdit de subordonner l'octroi des prestations sociales pour les citoyens européens non actifs qui ne rempliraient pas les conditions pour disposer d'un droit de séjour. La Cour ajoute qu'en matière d'accès à des prestations d'assistance sociale, un citoyen de l'Union européenne ne peut réclamer une égalité de traitement avec les ressortissants de l'État membre d'accueil. Ces principes sont au coeur de la révision proposée par la Commission européenne, qui mérite, à ce titre, d'être saluée.

Les négociations au Conseil précédant le référendum britannique avaient abouti à l'annonce de la mise en place d'une indexation des allocations familiales accordées aux parents dont les enfants sont restés dans leur pays d'origine sur les conditions qui prévalent dans cet État. La Commission européenne s'était engagée à mettre en oeuvre ce dispositif en cas de maintien du Royaume-Uni. Compte-tenu du résultat du référendum, il n'a finalement pas été intégré dans le projet de révision des règlements de sécurité sociale. En effet, moins de 1 % des prestations familiales est exporté d'un État membre à un autre. Cinq pays, dont l'Allemagne, auraient souhaité son maintien, mais le Conseil a finalement validé le raisonnement de la Commission. Le Parlement européen a également repoussé ce mécanisme, le jugeant trop complexe et coûteux au regard de l'ampleur du phénomène.

La révision proposée par la Commission européenne s'attache à définir les modalités d'accès aux prestations sociales des États de résidence, qu'il s'agisse des prestations chômage, des prestations de soin de longue durée ou des prestations familiales. Les négociations au Conseil ont déjà permis d'aboutir sur un certain nombre de points, mais un blocage demeure s'agissant de l'accès aux prestations chômage pour les travailleurs transfrontaliers. Aux termes de la proposition de la Commission, l'État membre où ils ont travaillé pendant les douze derniers mois devrait être chargé du paiement des prestations de chômage. Dans le même temps, la procédure de remboursement par l'État de dernière activité des indemnisations versées par l'État de résidence est supprimée. Le dispositif n'était déjà pas très efficace : en France, il ne couvrait au total qu'un cinquième du total des prestations versées aux travailleurs frontaliers. Il apparaît logique que les travailleurs frontaliers soient régis par les mêmes dispositions que les autres travailleurs et que l'État de dernière activité soit seul compétent, même si cette activité n'a pas duré plus d'un an. Ramener ce délai à trois mois nous paraît constituer une option raisonnable et soutenable au Conseil.

Nous souhaitons également insister sur la mise en oeuvre effective d'une coopération loyale entre États membres pour éviter les phénomènes de fraude et de tourisme social. La coopération administrative demeure longue et inefficace en l'absence de réelle obligation d'échange d'informations. La saisine, aux fins de médiation, de la commission administrative pour la coordination des régimes de sécurité sociale aboutit à un avis non-contraignant. L'autre voie de recours est celle de la CJUE, via le recours en manquement, mais la longueur d'une telle procédure la rend inadaptée.

La présente proposition de résolution européenne reprend l'ensemble de nos observations. Nous vous proposons de l'adopter.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion