Monsieur le président, monsieur le président-rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, mesdames, messieurs les sénateurs, la France a besoin de ses armées. Elle a besoin d’une défense forte, solide, moderne. Elle en a besoin face à des menaces violentes, diffuses, mouvantes, face à des ennemis indéterminés.
Les Français ont besoin de leurs armées. Elles sont la garantie de leur sécurité, de leur liberté. Elles sont la garantie de notre capacité à être entendus et écoutés.
Le monde dans lequel la France évolue a été décrit avec précision et lucidité lors des travaux de la revue stratégique. Nous en avions débattu dans cet hémicycle, et nous en avions partagé le constat, comme les conséquences.
Le constat est celui d’un monde plus violent, où le terrorisme continue de frapper, où les États reprennent la course aux armements. Un monde où les puissances s’affirment par tous moyens, où les dictateurs gazent leur propre peuple. Un monde instable, où les pratiques changent et les ennemis n’ont parfois ni motivation ni visage, mais continuent de frapper par des actions terroristes toujours plus barbares, y compris sur notre sol.
Face à ce monde, nous l’avions dit clairement, la France doit agir. Elle doit agir en donnant à ses armées tous les moyens nécessaires pour mener à bien leurs missions. Elle doit agir pour répondre à toutes les menaces, être capable d’intervenir sur tous les terrains face à tous les ennemis. Elle doit agir en disposant d’une ambition forte et d’un objectif clair : donner à nos armées des moyens à la hauteur et bâtir un modèle d’armée complet et équilibré.
Nous le devons à nos armées. Nous le devons aux Français.
Ce projet de loi de programmation militaire c’est une réponse : une réponse à l’appel de nos armées. Une réponse à la demande des Français. Une réponse aux menaces qui pèsent sur notre pays.
La loi de programmation militaire 2019–2025 est la première loi en expansion depuis la fin de la guerre froide. C’est le début d’une remontée en puissance historique. En effet, ce n’est pas un projet de loi de programmation militaire ordinaire dont nous débattons aujourd’hui : ce sont les fondations solides d’armées modernes, prêtes, équipées.
Il nous fallait investir massivement dans les armées. C’est ce que fait ce projet de loi.
Le cap fixé par le Président de la République ne pouvait être plus clair : 2 % de la richesse nationale française sera consacré à la défense d’ici à 2025.
Dès l’année 2017, j’ai obtenu le dégel de 1, 9 milliard d’euros pour notre défense, permettant ainsi de respecter le budget 2017. L’ensemble des surcoûts des opérations extérieures, les OPEX, ont été couverts en interministériel par des ressources supplémentaires pour le budget de la défense.
Pour cette année, la loi de finances initiale pour 2018 marque la première marche de la remontée en puissance de nos armées, avec une augmentation de 1, 8 milliard d’euros de son budget. Concrètement, après des années de baisse continue, l’effort de défense, en pourcentage du PIB, a remonté cette année.
Cette remontée en puissance se poursuit et s’accélère dans le présent projet de loi : 295 milliards d’euros seront ainsi consacrés à la défense sur la période de la programmation.
Certains craignent que ces moyens n’arrivent trop tard. Or, rien que sur la période 2019–2023, ce sont 198 milliards d’euros qui seront investis pour notre défense, soit 23 % de plus que sur la période couverte par la précédente loi de programmation militaire.
J’y insiste, ces moyens sont exceptionnels. Ils sont aussi concrets, puisqu’ils ne reposent sur aucune recette exceptionnelle ou aléatoire, et seulement sur des crédits budgétaires. C’est un projet de loi solide, un projet de loi budgétairement sincère.
Bien sûr, j’entends les craintes. Je pense au surcoût des OPEX et des missions intérieures.
Le Président de la République l’a dit et répété, la provision pour les OPEX et les missions intérieures, bien trop faible ces dernières années, a été augmentée à 650 millions d’euros en 2018, pour être portée à 1, 1 milliard d’euros dès 2020.
Parallèlement, ce texte inscrit noir sur blanc que les surcoûts éventuels seront financés en interministériel. Avec cette hausse de la provision, nous atténuons donc l’incertitude dans laquelle se trouvait le ministère concernant les ressources disponibles pour financer les opérations extérieures, qui, in fine, faisait peser un risque sur les crédits d’équipement, trop souvent mis à contribution pour couvrir les OPEX.
Cette décision rend nos budgets plus sincères, comme cela avait été demandé à de nombreuses reprises sur les travées de cette assemblée. Elle empêche que l’incertitude budgétaire puisse faire planer une menace sur les OPEX et les missions intérieures.
Je connais aussi les doutes de certains sur le financement du service national universel. Le Président de la République l’a affirmé plusieurs fois : celui-ci bénéficiera d’un financement ad hoc, indépendant donc du financement des armées. Le texte du projet de loi le prévoyait déjà, et la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a choisi de renforcer ces dispositions. Toutes les garanties sont donc réunies.
Je pense, enfin, à l’actualisation de 2021. Elle aussi est une garantie, et non un sujet d’inquiétude. Elle est la garantie de la bonne exécution de la loi de programmation militaire, la LPM. Elle est le gage que nous emploierons les bons moyens pour atteindre l’objectif de 2 % du PIB en 2025.
Déterminer dès aujourd’hui les crédits postérieurs à 2023, c’est risquer de nous tromper, c’est risquer de sous-estimer l’effort nécessaire. Nous le savons, l’enfer est pavé de bonnes intentions. À cet égard, il serait préjudiciable à nos armées que nous manquions l’objectif que nous nous étions fixé, faute d’avoir anticipé parfaitement l’évolution de notre PIB.
Cette actualisation en 2021 est donc une bonne chose. J’en veux pour preuve l’actualisation de la LPM précédente, qui a permis, en 2015, de réajuster les ressources à un niveau plus conforme aux besoins.
À l’inverse, cela permettra d’éviter les promesses non tenues, dès le début de la période, de la LPM 2009–2014. Une actualisation nous aurait sans doute permis d’y échapper.
Je veux le dire à tous : le rendez-vous de 2021 est une bonne chose, une garantie pour l’exécution de ce texte, une garantie pour les 2 %.
Je voulais vous dire que je comprends les craintes, mais aussi votre vigilance. Comment ne pas les comprendre après que tant de sacrifices ont été demandés à notre défense ?
Je sais quel a été le rôle clé du Sénat, en soutien constant de nos armées quand les moyens n’étaient pas au rendez-vous. Depuis longtemps, et au cours de la dernière mandature en particulier, les sénateurs ont porté, en étroite collaboration avec Jean-Yves Le Drian, la défense d’un budget adéquat pour nos armées dans un contexte budgétaire particulièrement contraint.
Ils ont contribué à préserver ce qui devait l’être, avec des ressources inférieures aux besoins, compte tenu du niveau très élevé d’engagement de nos armées. Cela a permis de répondre aux exigences de la défense nationale et aux besoins des femmes et des hommes qui servent pour notre pays. Je tenais à le souligner tout particulièrement.
Ce combat, mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez poursuivi depuis un an. Monsieur le président Cambon, vous avez su prendre la mesure de l’importance de ce texte pour notre défense comme pour nos militaires. Vous avez su le porter au-delà des débats politiciens, pour travailler dans le seul intérêt de notre défense et de nos armées. Avec vous, c’est toute une commission qui s’est emparée de cette loi de programmation militaire.
Je tenais à rendre un hommage tout particulier au travail mené en commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, un travail qui a montré votre engagement pour notre défense, qui a montré une volonté, votre volonté d’enrichir ce texte pour le bien de nos armées.
Je crois profondément au travail parlementaire et à la coconstruction législative. C’est pourquoi, dans le débat qui s’annonce, je serai particulièrement attentive aux changements réalisés lors de l’examen du texte en commission.
Je ne vais pas égrener les thèmes maintenant – il faut garder un peu de suspense pour la discussion des articles –, mais je peux d’ores et déjà vous dire que je soutiens une bonne partie des apports de la commission, sur le volet programmatique comme sur le volet normatif.
Nous allons investir dans nos armées, et nous allons investir massivement, en termes financiers et humains : d’ici à 2025, 6 000 postes seront créés, notamment dans le secteur du renseignement et de la lutte dans l’espace cyber. Ils permettront d’inverser résolument la courbe des recrutements et de nous préparer aux conflits du futur.
Nous avons donc les moyens. La question qui se pose est celle de leur répartition. Ce projet de loi s’articule autour de quatre grands axes, dont chacun permettra de réparer les carences du passé et de préparer l’avenir de nos armées.
Le premier choix de cette loi de programmation militaire, c’est de se placer à hauteur d’homme. Les précédents textes ont toujours placé en leur cœur les gros équipements ; celui-ci tient d’abord compte de celles et ceux qui se battent pour nous. C’est un choix que j’assume, que je revendique et dont je suis fière.
Depuis des années, les premières coupes budgétaires des gouvernements se faisaient au détriment des petits équipements. On enlevait donc à nos forces d’abord ce qui était le plus nécessaire à leur quotidien.
Nous ne pouvions plus le tolérer. C’est pourquoi ce projet de loi prévoit la livraison de 55 000 gilets pare-balles dernier standard, dont 25 000 dès l’année prochaine. Il prévoit également de livrer, dès cette année 2018, 23 000 nouveaux treillis ignifugés, dont l’ensemble du personnel en OPEX sera équipé dès 2020, et l’intégralité de nos forces d’ici à 2025.
Ce projet de loi de programmation militaire, ce sont aussi de nouveaux droits civiques. Il autorise en effet les militaires à siéger dans les conseils municipaux de certaines communes. C’est une mesure de justice. Il ne s’agit pas de faire de la politique, mais de laisser à des militaires les moyens d’un engagement local et de permettre à toutes les communes – surtout les plus petites – de bénéficier de tous les talents, de toutes les bonnes volontés.
Par ailleurs, ce projet de loi amplifie les mesures prévues dans le plan Famille, dont la plupart des dispositions entreront en vigueur dès cette année. Très concrètement, cela signifie du wifi, des places en crèche, des logements supplémentaires et des affectations connues plus tôt qu’actuellement.
Ce projet de loi donne de meilleures conditions de vie et d’exercice à nos militaires et à nos civils. Il maintient l’envie de s’engager et permet de continuer à vivre son engagement tout au long de sa vie. À cet égard, j’aimerais citer une mesure emblématique : ce texte permettra à tous les militaires, femmes et hommes, en congé pour convenance personnelle afin d’élever leur enfant, de servir dans la réserve et de maintenir ainsi un lien avec leur engagement, leur vocation.