Intervention de Florence Parly

Réunion du 22 mai 2018 à 14h30
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Florence Parly :

Nos forces sont au cœur de ce projet de loi de programmation militaire qui n’oublie pas leur vocation : l’action. Pour leur permettre d’agir, d’agir pleinement et pour garantir le succès de nos opérations, ce texte prévoit un renouvellement majeur de nos capacités opérationnelles et une augmentation des cibles les plus stratégiques.

Nous aurons sans doute l’occasion, au cours du débat, de revenir sur ces cibles et sur l’avancée des principaux programmes. Je ne vais donc pas me lancer dans un inventaire à la Prévert. Je souhaite néanmoins vous dire ce qui a guidé nos décisions, en concertation très étroite avec les armées, les directions et les services, lors de l’élaboration de ce texte.

Certains de nos matériels sont usés, vieillissants, parfois même inadaptés. Leur renouvellement n’est donc pas une option, c’est un impératif absolu.

Réparer et préparer : je l’ai déjà dit, c’est l’une des lignes fondatrices de ce texte. Contrairement aux précédentes lois de programmation militaire, ce projet ne procède à aucune annulation de programme ou renégociation massive de contrats, compte tenu des dernières exécutions qui ont été conformes aux ressources annoncées. Nous allons donc, pour les trois armées, réparer les déficits capacitaires, relancer les programmes et les accélérer.

Pour l’armée de terre, nous allons accélérer le programme Scorpion. Par ailleurs, 50 % des nouveaux blindés médians auront été livrés d’ici à 2025.

La marine bénéficiera de nouveaux sous-marins nucléaires d’attaque, de nouvelles frégates, de patrouilleurs modernes en plus grand nombre.

L’armée de l’air connaîtra l’arrivée de ses premiers drones armés, le renouvellement de sa flotte d’avions de chasse et l’acquisition de nouveaux avions ravitailleurs et de transport stratégique en plus grand nombre que prévu.

Armée de terre, marine, armée de l’air : aucune impasse n’a été faite. Les trois armées voient leurs capacités renforcées, modernisées et accrues pour les plus stratégiques.

Ce projet assure également le renouvellement de ce qui est en quelque sorte « l’assurance vie » de notre nation que constituent les deux composantes de notre dissuasion nucléaire. C’est le respect de l’engagement du Président de la République et c’est un choix que je revendique, car il n’est pas question de jouer aux dés avec le cœur de la souveraineté de notre nation ni de baisser la garde, alors que notre environnement stratégique se détériore un peu plus chaque jour.

Le troisième fondement de cette loi de programmation militaire, c’est justement la garantie de l’autonomie stratégique de la France. C’est s’assurer que la voix de la France sera toujours entendue, écoutée, respectée. C’est s’assurer que nous serons capables de l’emporter, toujours, partout et tout le temps.

Ce projet de loi de programmation militaire prend donc acte de la métamorphose des conflits actuels. Il nous faut anticiper mieux, prévoir, savoir.

C’est pourquoi cette LPM accorde des moyens exceptionnels au renseignement, avec 1 500 nouveaux postes et 4, 6 milliards d’euros d’investissements pour ses équipements.

Ce projet de loi prend aussi le tournant et la mesure des enjeux de cyberdéfense, puisque nous investirons 1, 6 milliard d’euros pour la lutte dans le cyberespace et que nous recruterons 1 000 cybercombattants supplémentaires d’ici à 2025.

La France a la plus grande armée d’Europe. Avec ce texte, elle conforte sa place. Je dirais même plus : la France assume sa place. Elle en assume les forces, comme les responsabilités, au premier rang desquelles celle de fédérer, de faire le choix des projets ambitieux, des coopérations à grande échelle plutôt que des succès étriqués.

Nous devrons nous tourner vers nos alliés, en particulier européens, et chercher des projets fédérateurs, stratégiques. Je pense à notre politique spatiale, à notre groupe aéronaval ou à la défense aérienne élargie.

Nos voisins européens sont confrontés aux mêmes menaces, affrontent les mêmes dangers et partagent les mêmes constats que nous. L’Europe de la défense est une réponse collective et nécessaire. Elle ne naîtra pas d’un énième traité. Nous la construirons autour d’opérations communes, autour de projets concrets. Il ne s’agit pas d’un pari sans fondement, d’une déclaration d’intention sans rien derrière : les lignes bougent. Je pense à l’initiative européenne d’intervention, je pense à la coopération structurée permanente. Je pense aussi à cet accord historique que j’ai signé, voilà quelques semaines, avec mon homologue allemande, pour le système de combat aérien futur. Nos deux États se sont mis d’accord pour travailler ensemble sur un projet structurant pour notre défense aérienne. C’est donc le début d’opportunités exceptionnelles pour l’Europe et pour notre industrie de défense.

Enfin, le dernier axe de cette LPM 2019–2025 que j’évoquerai est l’innovation.

C’est une orientation à laquelle je tiens tout particulièrement et c’est, je crois, une nécessité pour conserver notre supériorité opérationnelle. On ne se prépare pas aux conflits du XXIe siècle comme à une guerre de tranchées. S’accrocher coûte que coûte aux équipements ou aux doctrines actuels sans anticiper le futur, c’est comme se retrancher derrière la ligne Maginot.

Aussi, avec cette loi de programmation militaire 2019–2025, les armées font pleinement leur entrée dans la modernité.

Le numérique est présent partout. Nous devons donc l’intégrer dans toutes nos technologies et tous nos modes de combat. Nous devons nous emparer de la recherche, nous placer à sa pointe et créer des ponts entre l’économie civile et l’économie militaire.

Ces enjeux sont déterminants pour nos armées. Ils le sont aussi pour notre économie, pour les 200 000 emplois de l’industrie de défense, pour les 4 000 PME de la base industrielle et technologique de défense. Ils le sont également pour les start-up, pour les inventions qui feront, demain, notre quotidien.

La recherche militaire a déjà inventé internet, le pneu et le GPS, pourquoi s’arrêterait-elle maintenant ? Et pourquoi ces inventions seraient-elles l’apanage des Anglo-Saxons ?

Ce texte nous donne les moyens de réussir. Nous augmenterons les moyens des études et de l’innovation en les portant de 730 millions d’euros par an à 1 milliard d’euros dès 2022. Nous créerons une agence de l’innovation de défense. Nous prendrons le tournant des défis de demain, en investissant, par exemple, 100 millions d’euros par an dans l’intelligence artificielle.

Avec ce projet de loi, nous préparons aussi l’avenir en engageant les phases préparatoires des grands programmes d’armement qui structureront l’avenir de nos armées : 1, 8 milliard d’euros par an en moyenne seront ainsi consacrés à ces études qui nous permettront de concevoir le char de combat du futur, le système de combat aérien futur, dont je parlais à l’instant, ou le successeur du porte-avions Charles de Gaulle.

L’innovation, c’est un mode de pensée, un état d’esprit. Avec cette LPM nous pourrons agir comme nous le souhaitons, briser les carcans, troubler les conservatismes. Quatorze chantiers de transformation nous permettront de moderniser le ministère, de le rendre plus numérique, de réformer la DGA – la Direction générale de l’armement – ou d’augmenter la disponibilité de nos appareils en réformant le maintien en condition opérationnelle.

Ces réformes sont nécessaires et je prends devant vous l’engagement ferme de les mener jusqu’au bout et de surveiller leur exécution – comme celle de la loi de programmation militaire elle-même.

Mesdames, messieurs les sénateurs, l’attente de nos armées est forte. Les espoirs des femmes et des hommes qui servent notre pays sont immenses.

Ce texte donne des moyens exceptionnels à notre défense : il permet de renouveler les équipements ; il donne l’opportunité de mieux vivre l’engagement militaire ; il rend nos armées plus fortes, plus prêtes à affronter les défis et les conflits de demain.

Ne nous trompons pas de débat : aujourd’hui, nous ne discutons pas de l’exécution de la programmation – nous aurons ce débat, année après année, lors de l’examen des projets de loi de finances et des projets de loi de règlement. Aujourd’hui, nous discutons d’une programmation qui redonne à notre outil de défense les moyens dont il a besoin pour accomplir l’ensemble de ses missions. Il s’agit de l’avenir de nos armées, de nos militaires, de notre défense.

Alors, donnons-nous toutes les chances et bâtissons, ensemble, une défense forte, moderne et audacieuse.

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