Intervention de Bernard Cazeau

Réunion du 22 mai 2018 à 14h30
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Discussion générale

Photo de Bernard CazeauBernard Cazeau :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation militaire constitue pour le Sénat un rendez-vous majeur, puisqu’il s’agit de débattre et de voter l’orientation générale de notre défense et l’effort financier qui doit la soutenir, au cours de la période 2019–2025.

Vous l’avez dit, madame la ministre, ce projet de loi donne à l’armée les moyens de son ambition. Notre budget de la défense est passé de 6, 2 % du PIB en 1962 à 1, 54 % du PIB en 2014. Au lendemain du choc du 13 novembre 2015, de l’intervention Chammal dans l’espace assyrien et à l’heure du renforcement de notre présence au Sahel, l’érosion constante de nos crédits n’est plus acceptable.

Je voudrais donc saluer votre détermination à tout mettre en œuvre pour redonner à notre défense les moyens d’affronter les menaces auxquelles nous devons faire face et pour préparer nos armées aux défis de demain, en portant l’engagement du Président de la République d’atteindre progressivement un effort de défense représentant 2 % du PIB en 2025.

Pour y parvenir, ce projet de loi de programmation militaire prévoit une hausse annuelle de 1, 7 milliard d’euros par an jusqu’en 2022, soit de 5 % par an, avant les « marches » de 3 milliards d’euros par an, soit de 7 % par an, à partir de 2023. Au total, l’augmentation atteindra 295 milliards d’euros en 2025.

Toutefois, ce texte n’est pas un simple budget comptable. Il prend enfin en compte nos besoins et les besoins de nos soldats. Pour ce faire, il rompt avec la tendance de ces dernières années de réduction des effectifs. Après les 60 000 suppressions de postes dans les armées françaises entre 2005 et 2015, il est plus que louable que cette programmation vienne apporter un peu d’oxygène à nos armées, en prévoyant 6 000 postes supplémentaires d’ici à 2025, pour porter à cet horizon les effectifs à 275 000 personnes.

Entre 2019 et 2023, il est ainsi prévu d’augmenter de 14 % les dépenses liées aux conditions de travail et de vie du militaire. Je me félicite, madame la ministre, de ce choix de conférer une place prioritaire à l’amélioration de la vie professionnelle et personnelle de nos soldats, alors même que 400 millions d’euros avaient déjà été consacrés au bien-être des familles des militaires dans la dernière loi de finances.

Plus largement, ce projet de loi met en œuvre les trois ambitions définies pour l’horizon 2030 dans le cadre de la revue stratégique d’octobre 2017 : s’adapter, assumer, moderniser.

La première de ces ambitions consiste à adapter notre outil de défense aux évolutions rapides du contexte géopolitique. À cet égard, il est important de tenir compte de l’ouverture de nouvelles perspectives en matière de coopération européenne de développement des armes et des technologies de défense conjointe.

Comme l’a rappelé le Président de la République lors de ses vœux aux armées, « il ne s’agit pas de dupliquer ou de concurrencer l’OTAN, mais de réunir les conditions de l’autonomie stratégique de l’Europe ». C’est en ce sens que la décision de 25 pays de l’Union européenne de lancer une coopération militaire inédite, afin de développer en commun des équipements et des armements, mais aussi de faciliter les opérations extérieures menées, est une décision historique. De ce point de vue, je me félicite des avancées actées à la fin du mois d’avril à Berlin s’agissant de la coopération franco-allemande dans l’aéronautique, sur le système de combat aérien futur.

La deuxième ambition véhiculée par ce projet de loi est de permettre à la France de continuer à assumer les responsabilités particulières qui sont les siennes en matière de sécurité internationale.

Ces obligations entraînent des exigences lourdes : intervenir, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et membre de l’OTAN, dans le règlement de crises hors d’Europe, notamment en Afrique et au Proche-Orient.

Les armées françaises seront capables de s’engager dans la durée et simultanément sur trois théâtres d’opérations ; de ce fait, la provision annuelle au titre des opérations extérieures et des missions intérieures, qui était jusqu’à présent toujours sous-estimée, est rehaussée. C’est là un choix cohérent et bienvenu.

En outre, troisième ambition, ce projet de loi vise à poursuivre la modernisation de notre outil de défense dans un cadre financièrement crédible.

Une enveloppe totale de près de 173 milliards d’euros est consacrée aux équipements et à leur entretien. Le texte accélère leur modernisation, tout en augmentant le nombre de certains équipements prioritaires.

Par ailleurs, face à la course internationale au réarmement atomique, des travaux de renouvellement des deux composantes, navale et aérienne, de la dissuasion nucléaire seront engagés au cours de ce quinquennat, pour un budget de 37 milliards d’euros entre 2019 et 2025.

Ce projet de loi prévoit également, pour préparer l’avenir, le lancement d’études sur le remplacement de notre unique porte-avions, le Charles de Gaulle.

Parallèlement, le budget de recherche & développement est porté de 730 millions d’euros à 1 milliard d’euros par an.

Plusieurs modifications et enrichissements ont été apportés lors de l’examen de ce texte en commission, parmi lesquels un point en particulier nous alerte, à savoir celui qui concerne la délégation parlementaire au renseignement. Mais nous aurons l’occasion, au cours de la discussion de ce texte, d’en débattre plus avant – je n’en doute pas.

Ce projet de loi est l’étape indispensable dans l’accomplissement d’une ambition plus grande encore à laquelle je nous invite : l’ambition de renouer avec une France au cœur du concert des nations, l’ambition d’une France moteur de l’Europe, l’ambition de construire une Europe de la défense.

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