Intervention de Cédric Perrin

Réunion du 22 mai 2018 à 14h30
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Discussion générale

Photo de Cédric PerrinCédric Perrin :

Le travail de notre commission a permis de compléter le texte du Gouvernement, mais aussi de donner des moyens de contrôle au Parlement, alors même que l’on sent poindre, parfois, une certaine défiance à son encontre.

Nous avons ainsi créé les articles 6 quinquies et 6 sexies pour être en mesure de vérifier l’état d’avancement et le suivi des livraisons d’équipements. Je me réjouis, madame la ministre, que nos amendements aient permis de progresser sur ces sujets et que nous convergions vers un dispositif. L’amendement que vous nous proposez pour donner le point de passage de la trajectoire d’équipement en 2021 est très important pour le suivi de l’exécution de la LPM.

Sur les grands équilibres de la loi, M. Cambon a très bien résumé la situation : l’inflexion et les intentions sont louables, mais les aléas, nombreux.

Les risques sont bien présents. Ils pèsent sur l’outil de défense, qui, je le rappelle, ne peut souffrir de ruptures capacitaires, sous peine de subir des décrochages irrattrapables.

Conscients de ces enjeux, nous constatons avec satisfaction que vous affichez la volonté de faire progresser les crédits de la mission « Défense » de 9, 8 milliards d’euros entre 2018 et 2023. De 34, 2 milliards d’euros, ces crédits devraient être portés à 44 milliards d’euros. Mais quid des 3 milliards d’euros aussi attendus que nécessaires pour les années suivantes ? Seront-ils au rendez-vous en 2023 ?

Les années 2024 et 2025 feront l’objet d’une actualisation prévue en 2021. Or c’est sur ces deux années qu’une partie significative de l’effort devra être concentrée pour porter les ressources des armées à un montant correspondant à 2 % du produit intérieur brut.

En définitive, 67 % seulement des besoins sont couverts de manière ferme. Les tableaux de trajectoires financières sont clairs : les deux tiers de l’effort interviendront après l’élection présidentielle de 2022.

Le volet que vous appelez « à hauteur d’homme » est profondément fragilisé par l’insuffisance des crédits d’infrastructure. Il manque 1, 5 milliard d’euros. En 2025, 60 % des infrastructures de la défense seront considérées comme « dégradées ». Comment préparer l’avenir dans ces conditions ?

J’en viens maintenant à la part consacrée aux équipements, qui représente 112, 5 milliards d’euros sur la période 2019–2023, soit 22, 5 milliards d’euros par an en moyenne, contre 18, 3 milliards d’euros en 2018.

Cela devrait permettre certaines livraisons anticipées, tel que le programme Scorpion pour l’armée de terre.

La Marine nationale devrait bénéficier de nouveaux sous-marins nucléaires – vous l’avez dit –, de FREMM et de FTI d’ici à 2025. L’armée de l’air bénéficiera de nouveaux avions ravitailleurs, de drones et d’avions de chasse nouveaux, vingt-huit Rafale, ou rénovés, par exemple des Mirage 2000 D. Le nombre d’avions ravitailleurs et de transport stratégique est porté de douze à quinze appareils d’ici à 2025 et une livraison des douze premiers exemplaires sera achevée dès 2023.

Toutefois, de nombreuses inquiétudes persistent. Le projet de loi que vous nous proposez ne comble pas les lacunes capacitaires. Certaines ne seront même pas résorbées en fin de programmation.

En 2025, 58 % des véhicules des VAB seront encore en service ; 80 hélicoptères Gazelle atteindront les quarante ans de service ; seuls 50 % des chars Leclerc auront été rénovés, et leur parc réduit de 17 %.

Madame la ministre, pensez-vous que ce soit suffisant pour prétendre jouer un rôle décisif dans la lutte contre le terrorisme ? Est-ce au niveau, à l’heure où la Chine, la Russie et les États-Unis poursuivent une politique d’investissement qui nous donne le vertige ?

Mes chers collègues, on ne peut pas aborder les problématiques d’équipements sans revenir un instant sur les procédures d’acquisition de matériels. La réforme de la DGA et l’allégement des requêtes pour les achats en plus petite quantité sont des points positifs.

Par ailleurs, et comme dans de nombreux domaines, il apparaît clairement que la France a, une fois encore, surtransposé le droit européen, alors même que la directive 2009/81/CE avait été négociée, pour l’essentiel, sous présidence française de l’Union. C’était l’objet de l’amendement à l’article 26, défendu par ma collègue Hélène Conway-Mouret et par M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères et de la défense. Le Gouvernement souhaite revenir sur cet apport, et je le regrette vivement. Nous aurons l’occasion d’y revenir, mais je tiens d’ores et déjà à vous indiquer que nous ne comprenons pas votre position sur ce point, madame la ministre.

Je souhaite également attirer votre attention sur l’importance de la régénération des matériels. Les opérations extérieures, ou OPEX, et le maintien en condition opérationnelle, ou MCO, sont intrinsèquement liés. Les 22 milliards d’euros consacrés à l’entretien programmé des matériels, soit un montant annuel moyen de 4, 4 milliards d’euros, sont bienvenus. C’est 1 milliard d’euros supplémentaires par rapport à la LPM précédente.

L’autre défi tient à l’anticipation et à la gestion de l’usure de ces matériels. Cette question est très importante, et il faut travailler main dans la main avec les industriels. Je tiens à saluer l’amendement qui a été adopté par la commission des finances sur proposition de notre collègue Dominique de Legge concernant ce que l’on appelle « les liasses ».

Acheter du matériel, c’est bien ; mais s’assurer de la propriété pleine et entière des modes d’emploi, c’est mieux !

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