Les autres interventions ont parfaitement reflété, je le crois, cette forme de balancement que j’évoquais dans mon propos liminaire entre la nécessaire prise en compte des besoins de nos armées et un certain nombre de craintes rappelées de manière très explicite par les orateurs.
La prise en compte de la nécessité d’agir pour nos armées me paraît parfaitement partagée par votre assemblée. Comme je l’ai indiqué, je comprends les craintes, dans la mesure où le Sénat a vécu des périodes difficiles au cours des dernières années ; nos armées aussi, d’ailleurs…
Je comprends donc parfaitement votre souci de vigilance quant aux moyens qui seront consentis au fil des années dans le cadre de la LPM, votre désir de bien contrôler l’exécution du texte et votre souhait que vos capacités de contrôle soient renforcées.
Je voudrais tout de même rappeler quelques points, en complément de mon propos introductif.
D’abord, le temps des sacrifices est révolu. Cette loi de programmation militaire ne crée pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre dans un certain nombre des propos, de « mur budgétaire ». Je souhaite revenir un instant sur cette notion.
Il n’y a pas de « mur budgétaire ». Nous avons fixé un objectif : consacrer 2 % du PIB à notre défense en 2025. L’objectif est, en effet, très ambitieux, mais nous sommes déterminés à l’atteindre. D’ailleurs, nous n’avons pas attendu la loi de programmation militaire 2019–2025 pour engager cela.
Comme je l’ai rappelé tout à l’heure, l’exécution 2017 s’est finalement déroulée conformément à la loi de finances initiale. En outre, la loi de finances initiale pour 2018 a procédé à un premier effort tout à fait significatif, de 1, 8 milliard d’euros de plus qu’en 2017. C’est tout à fait en ligne avec l’ampleur des progressions qui auront lieu à partir de 2019. En considérant la situation de manière dynamique, on ne peut pas dire que l’ensemble des efforts sont renvoyés à la dernière partie de la loi de programmation militaire.
Mais quelques chiffres valent mieux qu’un long discours. Entre 2019 et 2023, la progression annuelle des moyens tels qu’ils sont prévus dans cette loi de programmation militaire est, en moyenne, de 5, 6 % ; c’est d’ailleurs ce que nous avons fait entre 2017 et 2018. Entre 2023 et 2025, elle devrait être de l’ordre de 7, 3 % par an. Certes, me direz-vous, cela fait 1, 7 point de plus. En effet. Mais 1, 7 point de plus, cela ne change pas fondamentalement la magnitude de l’effort qui sera réalisé.
C’est donc une marche qui me paraît parfaitement franchissable et réaliste au regard de l’ambition qui est la nôtre. En tout cas, elle est beaucoup moins raide que certains veulent bien l’indiquer.
Je souhaite revenir sur l’intérêt de l’actualisation prévue en 2021. Comme je l’ai souligné, il s’agit d’une assurance que cette loi de programmation militaire sera exécutée conformément à son ambition. Qui peut dire ici avec certitude et sans erreur quel sera le PIB de 2025 ? Personne, je suppose ; en tout cas, pas moi. Je ne voudrais pas que cette LPM, qui se donne les moyens d’atteindre cet objectif, manque la dernière marche simplement parce que nous ne sommes pas capables aujourd’hui de convertir en milliards d’euros ce que seront en 2025 le PIB et, par conséquent, les 2 % du PIB consacrés à notre défense. Encore une fois, ne voyez pas cela comme un risque. C’est au contraire une assurance que nous nous donnons collectivement et que le Parlement, je crois, se donne aussi, à travers ce rendez-vous si important. D’ailleurs, l’article 6 vous permet de bien surveiller cette exécution de la LPM, d’en corriger des variations comme il conviendra.
J’insiste également sur une autre caractéristique de ce projet de loi de programmation militaire : les hypothèses budgétaires qui ont été retenues sont solides et sincères.
Je l’ai dit, il s’agit exclusivement de crédits budgétaires fermes. Cela n’exclut évidemment pas qu’il y ait des ressources exceptionnelles, lesquelles viendraient, le cas échéant, par surcroît. À l’inverse, si elles ne devaient pas exister, cela ne déstabiliserait pas de façon structurelle la bonne exécution du présent texte.
Ces ressources exceptionnelles représentent la possibilité de faire mieux, de faire plus vite. Pour autant, leur absence n’entraînerait pas l’incapacité de mettre en œuvre la future loi de programmation.
Un autre point concerne la provision pour les OPEX et les missions intérieures. Je l’ai déjà évoquée, mais je ne vous ai pas dit, en revanche, que cette provision, qui va être augmentée, ne grèvera pas les moyens consacrés à nos armées.
En effet, lorsque cette provision s’élevait à 450 millions d’euros, à l’intérieur d’un budget beaucoup plus modeste que celui que vous avez voté pour 2018, mesdames, messieurs les sénateurs, elle représentait 2, 5 % des crédits consacrés à la défense. Demain, portée à 1, 1 milliard d’euros, elle représentera 2 % des crédits totaux dédiés au budget de nos armées.
La sincérisation n’est donc pas contraire au développement de moyens autres que la provision pour les OPEX et les missions intérieures.
Enfin, c’est l’évidence, cette provision portée à 1, 1 milliard d’euros nous permettra d’aborder l’avenir avec moins d’incertitudes, et de réduire la différence entre le montant prévisionnel des OPEX et des missions intérieures et le montant qui sera finalement réalisé. Tel est en tout cas mon souhait le plus cher. C’était aussi celui de M. le rapporteur spécial de la commission des finances puisqu’il avait exhorté à l’augmentation de cette provision dans son rapport d’information de 2016.
Monsieur Poadja, vous avez évoqué la question essentielle des moyens consacrés à l’outre-mer.
Ce projet de loi accorde justement une place importante à ces moyens. D’abord, nos cinq implantations ultramarines seront maintenues. Ensuite, il est prévu de renforcer de manière ciblée les effectifs en outre-mer, à raison de 120 postes supplémentaires sur la période de programmation, dont 28 dès l’année 2019.
Nous avons également pris la décision de commander et de livrer, dès 2019, un patrouilleur léger pour les Antilles. J’avais eu l’occasion de l’indiquer dans le cadre du débat budgétaire ; je le rappelle, car je crois que cette décision est très attendue outre-mer.
Quant à la flotte des patrouilleurs dans son ensemble, elle sera elle aussi renouvelée avec six livraisons prévues entre 2022 et 2024.
Je ne sais pas, monsieur le sénateur, s’il sera si facile de répondre à votre souhait d’aller plus vite. En tout cas, je puis vous dire que les outre-mer ont été pris en compte au vu des besoins considérables, auxquels nous sommes collectivement confrontés, qui existent dans le domaine de la surveillance de notre vaste espace maritime et de la prévention de la spoliation, voire du pillage, d’un certain nombre de ressources, notamment naturelles.
Une attention prioritaire sera accordée aux territoires les plus éloignés ; je pense en particulier à la Nouvelle-Calédonie, que vous représentez si bien, ainsi qu’à la Polynésie française.
Pour conclure cette partie préliminaire de notre débat, je souhaite revenir, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur la jolie formule que vous m’avez adressée : « Aidez-nous à vous aider. »
À mon tour de vous dire, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs : aidez-moi à vous aider