Intervention de Florence Parly

Réunion du 22 mai 2018 à 21h30
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Article 19

Florence Parly :

Cet amendement a pour objet de simplifier les dispositions applicables au recours juridictionnel à disposition de l’ARCEP en cas de méconnaissance d’une injonction adressée à l’ANSSI.

Votre commission a souhaité garantir l’effectivité du contrôle de l’ARCEP sur la mise en œuvre des nouveaux outils de détection dont la loi va doter l’ANSSI, en lui ouvrant une voie de recours spécial devant la formation spécialisée du Conseil d’État.

Pourtant, une telle voie de recours me semble inappropriée.

Tout d’abord, je veux souligner que l’ANSSI ne manquera pas de déférer aux injonctions de l’ARCEP et rappeler que le droit au recours existe, même sans texte. L’ARCEP en dispose, même si la loi ne le prévoyait pas jusqu’à présent. La loi peut, certes, rappeler que l’ARCEP peut saisir le Conseil d’État. Le présent amendement ne remet pas cette dimension en cause.

En revanche, ce qui paraît tout à fait inapproprié, c’est de confier ce contentieux à la formation spécialisée du Conseil d’État, dont ce n’est pas le rôle. La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a créé, en effet, au sein du Conseil d’État, cette formation spécialisée, dans un but bien précis, qui est de connaître des litiges relatifs à l’utilisation des techniques de recueil de renseignements et à l’exercice du droit d’accès indirect aux fichiers de renseignement.

La justification d’une telle création repose évidemment sur la spécificité des activités de renseignement couvertes par le secret, ainsi que par le caractère intrusif des techniques mises en œuvre, compte tenu des risques d’atteinte à la vie privée.

Or les dispositifs techniques mentionnés à l’article 19 répondent à une logique tout à fait autre, puisqu’ils n’impliquent pas, par eux-mêmes, d’atteinte à la vie privée ni au secret des correspondances. C’est ce qui explique que le contrôle de leur mise en œuvre soit confié à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, et non pas à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.

Dans ces conditions, procéder, comme le fait la rédaction actuelle de l’article 19, telle qu’elle résulte des travaux de votre commission, à l’élargissement du champ de compétence de la formation spécialisée du Conseil d’État au-delà de sa raison d’être, c’est-à-dire les activités de renseignement, ferait perdre sa cohérence à cette voie de droit tout à fait spécifique et fragiliserait le régime procédural qui lui est attaché. Par ailleurs, j’ajoute que, devant les juridictions supranationales, le caractère très particulier de son champ d’intervention est un argument important.

Les juridictions de droit commun pourront, quoi qu’il en soit, être saisies et, à ce titre, le présent amendement maintient bien la possibilité pour l’ARCEP de saisir le Conseil d’État, mais en formation ordinaire, et de faire usage, si nécessaire, des procédures d’urgence ouvertes devant le juge administratif.

Lorsque certaines informations sont couvertes par le secret de la défense nationale, le juge administratif pourra naturellement solliciter leur déclassification auprès de l’autorité administrative indépendante compétente, à savoir la Commission consultative du secret de la défense nationale.

Ainsi, le seul fait que le contentieux propre à la mise en œuvre des dispositifs techniques puisse concerner des informations classifiées ne peut à lui seul justifier un recours devant la formation spécialisée du Conseil d’État, sauf à vouloir fragiliser le rôle de la Commission consultative du secret de la défense nationale.

C’est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir accepter la modification ponctuelle du texte voté en commission qui fait l’objet de l’amendement n° 125.

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