La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Marc Gabouty.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus à l’article 18.
Chapitre II
Dispositions relatives à l’élection de militaires aux scrutins locaux
I. – Le livre Ier du code électoral est ainsi modifié :
1° L’article L. 46 est ainsi rédigé :
« Art. L. 46. – Les fonctions de militaire en position d’activité sont incompatibles avec les mandats qui font l’objet du présent livre.
« Le présent article n’est pas applicable au réserviste exerçant une activité en vertu d’un engagement à servir dans la réserve opérationnelle ou au titre de la disponibilité. Toutefois, le réserviste de la gendarmerie nationale ne peut exercer cette activité au sein de la circonscription à l’intérieur de laquelle il exerce un mandat.
« Par dérogation au premier alinéa, les fonctions de militaire en position d’activité sont compatibles avec :
« 1° Le mandat de conseiller municipal dans les communes de moins de 9 000 habitants ;
« 2° Le mandat de conseiller communautaire dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant moins de 30 000 habitants. » ;
2° Le 3° de l’article L. 231 est ainsi rédigé :
« 3° Les officiers et sous-officiers de gendarmerie ainsi que les officiers supérieurs et généraux des autres corps militaires ; »
3° Le dernier alinéa de l’article L. 237 est ainsi rédigé :
« Les personnes dont les fonctions sont incompatibles avec le mandat de conseiller municipal en application de l’article L. 46 ainsi que celles mentionnées aux 1° à 3° du présent article élues membres d’un conseil municipal ont, à partir de la proclamation du résultat du scrutin, un délai de dix jours pour opter entre l’acceptation du mandat et la conservation de leur emploi. À défaut de déclaration adressée dans ce délai à leurs supérieurs hiérarchiques, elles sont réputées avoir opté pour la conservation dudit emploi. »
II. – Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 2122-5-1, il est inséré un article L. 2122-5-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 2122 -5 -2. – Les fonctions de maire et d’adjoint au maire sont incompatibles avec celles de militaire en position d’activité. » ;
2°
« Les fonctions de président et de vice-président sont incompatibles avec celles de militaire en position d’activité. » ;
3°
« Les dispositions du quatrième alinéa de l’article L. 5211-9 sont applicables aux syndicats mixtes. »
II bis. –
Supprimé
III. – Après l’article L. 4121-3 du code de la défense, il est inséré un article L. 4121-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4121 -3 -1. – En cas d’élection et d’acceptation de l’un des mandats compatibles avec l’exercice des fonctions de militaire en position d’activité, le dernier alinéa de l’article L. 4121-3 du présent code n’est pas applicable. À l’exception du cas où ce militaire sollicite un détachement, qui lui est accordé de droit, la suspension mentionnée au deuxième alinéa du même article L. 4121-3 n’est pas prolongée.
« Sous réserve des nécessités liées à la préparation et à la conduite des opérations ainsi qu’à la bonne exécution des missions des forces armées et formations rattachées, le militaire en activité titulaire d’un mandat local bénéficie des garanties accordées aux titulaires des mandats locaux reconnues par le code général des collectivités territoriales. Il dispose du droit à la formation des élus locaux prévu par ce même code lorsque les nécessités du fonctionnement du service ne s’y opposent pas. Un décret en Conseil d’État détermine les adaptations rendues nécessaires par le statut de militaire à ces droits et garanties. »
IV. –
Non modifié
L’article 18 du projet de loi de programmation a pour objet de tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 28 novembre 2014 déclarant inconstitutionnelle l’incompatibilité générale et absolue prévue par l’article L. 46 du code électoral entre les fonctions de militaire en position d’activité et le mandat de conseiller municipal.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat l’a modifié en adoptant deux amendements de fond.
D’abord, elle a relevé le plafond prévu pour le cumul d’une fonction militaire avec le mandat de conseiller communautaire jusqu’aux communautés de communes de 30 000 habitants.
Ensuite, la commission a supprimé la disposition interdisant aux militaires élus dans les communes de moins de 9 000 habitants d’être membres du collège électoral sénatorial et de participer à son élection. Elle a en effet considéré que les militaires, dans les cas où ils pourront être élus, devront pouvoir exercer la plénitude des fonctions liées à ce statut.
Compte tenu des élargissements accomplis en termes de repoussement des frontières d’inéligibilité et d’incompatibilité, de deux choses l’une : ou bien les dispositions adoptées permettent de facto aux militaires d’exercer pleinement un mandat politique – dans ce cas, pourquoi ne pas lever toutes les restrictions légales ? –, ou bien la commission est allée trop loin sur l’éligibilité des militaires.
Aux États-Unis, la législation en la matière est rigoureuse : les membres des forces armées n’ont pas le droit de se présenter à une élection politique ni d’être candidat à aucune autre fonction élective.
Le seul assouplissement à cette interdiction est la possibilité pour le secrétaire d’État à la défense d’autoriser les militaires à se présenter à une élection à titre exceptionnel. Toutefois, le secrétaire d’État ne peut pas autoriser le cumul de fonctions : si un militaire est autorisé à participer à une élection, il peut demander à être mis à la retraite s’il remplit les conditions légales ; dans l’hypothèse inverse, il peut être destitué ou révoqué.
Nous le voyons bien, la France n’est pas une exception en la matière. Nous allons devoir trouver le juste équilibre, à travers les différents amendements qui vont nous être présentés.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient de l’expliquer M. Cazeau, l’article 18 tire les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel. Celle-ci ne correspond pas tout à fait à la législation américaine que notre excellent collègue a décrite ; preuve que comparaison ne vaut pas raison.
L’incompatibilité totale pour les militaires a été jugée inconstitutionnelle. Si les mandats de parlementaire, de conseiller régional et de conseiller départemental restent bien évidemment exclus du présent article 18, la question se pose pour celui de conseiller municipal.
L’Assemblée nationale a rehaussé le seuil d’éligibilité des militaires de 3 500 à 9 000 habitants dans la commune. Notre commission n’est pas revenue sur ce point.
En revanche, elle a porté de 15 000 à 30 000 habitants le seuil d’éligibilité des militaires dans les conseils communautaires, pour une raison très simple : la loi NOTRe vise à supprimer les communautés de communes de moins de 15 000 habitants, hors critères de densité de population. En d’autres termes, madame la ministre, si l’on autorise les militaires à siéger seulement au sein des intercommunalités de moins de 15 000 habitants, autant leur interdire totalement de siéger dans les conseils communautaires…
Par ailleurs, la commission a autorisé les militaires siégeant au conseil municipal d’une commune de moins de 9 000 habitants à participer à la désignation des délégués sénatoriaux et à être eux-mêmes grands électeurs. Ainsi ces conseillers municipaux, tout militaires qu’ils soient, ne seront-ils pas des conseillers municipaux de seconde zone. En tant qu’électeurs, ces militaires élisent leur député : on ne voit pas pourquoi, surtout dans cette enceinte, ils ne pourraient pas participer à l’élection de leurs sénateurs en tant que conseillers municipaux.
Tels sont les commentaires que m’inspire la volonté du Gouvernement de revenir sur les deux dispositions adoptées par notre commission.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. Guerriau et Lagourgue, Mme Mélot et MM. Wattebled, A. Marc, Chasseing et Fouché, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 6
Supprimer les mots :
dans les communes de moins de 9 000 habitants
II. – Alinéa 7
Supprimer les mots :
dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant moins de 30 000 habitants
La parole est à M. Joël Guerriau.
Depuis la dernière réunion de la commission, j’ai un peu évolué dans mes avis. Je partage ce qui vient d’être dit par Pascal Allizard, mais je m’interroge sur les seuils.
En effet, je trouve assez irrespectueux de considérer que, venant de la fonction militaire, on ne pourrait pas être élu dans une commune à partir d’un certain seuil : on peut estimer que, dans tous les cas, les militaires qui seront élus auront conscience de leurs obligations et sauront rester dans la neutralité. D’ailleurs, il existe dans tous les conseils municipaux, quelle que soit la taille de la commune, des élus locaux qui ne sont pas engagés dans une formation politique – dans beaucoup de communes, ce sont même les plus nombreux.
Pourquoi donc fixer des seuils ? S’il s’agit de ne pas en faire des grands électeurs, je rejoins l’orateur précédent : comme l’a justement souligné en commission notre collègue Poniatowski, il n’est pas cohérent que l’on puisse participer à l’élection de son député, mais pas de son sénateur. D’autant que, lors des dernières législatives, plusieurs militaires ont été élus, parmi lesquels une officier de l’armée de terre. Dès lors que l’on accepte le principe de l’éligibilité des militaires, pourquoi en limiter si strictement l’application ?
En étudiant les règles en vigueur dans d’autres pays, je me suis rendu compte que, dans tous les pays européens qui acceptent l’éligibilité des militaires – l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Portugal et l’Italie, notamment –, il n’y a pas de seuil. Si donc l’on veut suivre une logique d’harmonisation européenne, ne fixons pas de seuil !
À quoi rime un seuil ? Comment argumenter de manière objective en faveur d’un seuil à 3 000, 9 000 ou 12 000 habitants, plutôt qu’à 15 000 ou 20 000 ? Qu’est-ce qui justifie de considérer que, au-delà d’un certain seuil, le militaire n’aurait plus la conscience nécessaire pour respecter à la lettre les valeurs et engagements de sa profession ?
L’amendement n° 153, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer le nombre :
par le nombre :
La parole est à Mme la ministre.
Avec votre permission, monsieur le président, je commencerai par donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 79 rectifié.
Monsieur Guerriau, vous êtes parti d’un constat que je trouve, pardonnez-moi, un peu lapidaire. En effet, il n’y a ni collectivité territoriale de première ou de seconde zone ni militaire de première ou de seconde zone.
Il n’y a pas non plus, d’ailleurs, d’interdiction pour les militaires d’être éligibles partout où ils le souhaitent. Ce qui n’était pas possible avant l’invalidation prononcée par le Conseil constitutionnel, c’était d’être éligible et militaire en activité. En revanche, on pouvait être militaire en situation de non-activité et éligible.
Le Conseil constitutionnel a considéré que cette interdiction avait un caractère général et, partant, disproportionné. Dans ces conditions, nous sommes repartis de ce que je crois être une réalité de terrain : dans les villes moyennes et les grandes communes – vous le savez mieux que moi –, le mandat de conseiller municipal suppose un engagement partisan avéré, incompatible avec l’obligation de neutralité qui s’applique à un militaire en activité, en application du statut militaire. Il est donc souhaitable que ces mandats continuent à ne pouvoir être exercés par des militaires qu’en position de détachement.
En revanche, l’exercice d’un mandat municipal par un militaire en activité est apparu compatible avec ce principe de neutralité et l’obligation de loyalisme dans les communes de petite taille, où – là aussi, vous le savez mieux que personne – les préoccupations locales l’emportent sur les débats politiques nationaux.
C’est la raison pour laquelle je suis amenée à émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 79 rectifié, qui vise à supprimer le seuil démographique pour l’élection d’un militaire en activité dans un conseil municipal. Le seuil adopté par l’Assemblée nationale, de 9 000 habitants, me paraît équilibré.
Il en va de même, et pour les mêmes motifs, des intercommunalités, puisque l’amendement n° 79 rectifié tend également à supprimer le seuil pour les EPCI, seuil fixé par l’Assemblée nationale à 15 000 habitants.
J’en viens maintenant à l’amendement n° 153, dont l’objet, pour faire simple, était de revenir au texte adopté par l’Assemblée nationale. Le débat qui s’y est tenu a permis de prendre en compte l’existence des intercommunalités, qui n’étaient pas traitées, initialement, dans le texte du Gouvernement.
Votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a amendé le seuil retenu par l’Assemblée nationale pour le porter de 15 000 à 30 000 habitants et, à la réflexion, je pense me rallier à la rédaction qu’elle a retenue sur ce point particulier du seuil d’éligibilité dans les communautés de communes.
Les amendements suivants me permettront de revenir sur d’autres aspects de cette rédaction, mais à ce stade, je m’en tiens à ces éléments d’explication et je retire l’amendement n° 153.
L’amendement n° 153 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 79 rectifié ?
Les sujets que nous abordons à travers ces amendements sont évidemment essentiels pour le Sénat. Élections, conseil municipal, incompatibilités… : tout cela – et c’est bien naturel, au demeurant – passionne notre assemblée. Pour autant, dans les faits, tout cela ne concerne qu’un nombre assez restreint d’élus ou de personnes éligibles.
S’agissant de l’amendement présenté par notre collègue Joël Guerriau, qui vise à supprimer les seuils fixés pour les mandats locaux exercés par des militaires, Mme la ministre vient d’apporter une réponse. J’observe, pour ma part, que le texte a déjà évolué depuis son dépôt, puisque l’Assemblée nationale a porté le seuil de 3 500 à 9 000 habitants, un niveau clairement identifié, que connaissent bien les sénateurs.
Madame la ministre, vous avez également approuvé – et je vous remercie d’avoir pris cette position très significative – la disposition que nous avons votée en commission, à savoir l’évolution du seuil pour les communautés de communes de 15 000 à 30 000 habitants. Nous nous sommes effectivement aperçus que le nombre de communautés de communes concernées était tout à fait modeste dans le cas d’un seuil à 15 000 habitants, alors qu’il était beaucoup plus significatif avec un seuil à 30 000 habitants.
La réflexion de la commission – car nous avons eu de longs débats sur le sujet – est effectivement la suivante : de deux choses l’une, ou bien on autorise les militaires à se présenter, auquel cas on essaie de ne pas leur couper les jambes et les bras et d’en faire des élus à peu près équivalents à leurs collègues non militaires, ou bien on leur interdit purement et simplement d’accéder aux mandats.
Comme vous le savez, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel s’est prononcé.
Dans la réponse à la question prioritaire de constitutionnalité qui lui était soumise, il a recommandé la fixation de seuils. Par conséquent, ceux-ci ne sont pas apparus comme cela, par miracle. Ils apportent une réponse, face à l’argument, évoqué par Mme la ministre, de l’obligation de neutralité du militaire par rapport à l’engagement politique.
À cet égard, un certain nombre de sénateurs pourraient vous dire qu’il est des communes de moins de 9 000 habitants dans lesquelles la dispute politique, au moment des élections, est aussi virulente qu’elle peut l’être dans une ville de 50 000 habitants !
Mais enfin, passons…
Je suis, pour ma part, particulièrement sensible à un autre argument, pour avoir eu à faire élire, dans le cadre de mes précédents mandats de maire, un colonel de gendarmerie en retraite ; c’est celui de la disponibilité.
De toute évidence, un mandat de conseiller municipal dans une ville comme Colmar, Strasbourg ou Bordeaux nécessite un engagement personnel qui, pour le coup, risque de porter atteinte à la disponibilité du militaire vis-à-vis des armées. Or, je le rappelle, le soldat doit être, par priorité, disponible pour le service des armées qui l’emploient.
Les seuils, une fois remontés, nous apparaissent logiques et satisfaisants. Je propose donc à Joël Guerriau de retirer son amendement et de revenir à la position de la commission, qui me semble raisonnable.
Je ne suis pas non plus un fanatique des seuils ! Après tout, comment différencier une commune de 14 722 habitants et une commune de 15 612 habitants ? Je ne le sais pas très bien !
En revanche, les évolutions que nous avons fait subir au texte dans le cadre des travaux de la commission m’apparaissent correctes, et le choix fait par Mme la ministre de retirer son amendement est un motif de satisfaction important, étant rappelé, mes chers collègues, que je veux bien consacrer une bonne partie de la soirée au sujet, mais que celui-ci n’est tout de même pas essentiel dans la vie démocratique de nos communes.
Pour autant, le cas des militaires mérite d’être tranché. Encore une fois, le Conseil constitutionnel, dans sa réponse à la QPC, a rappelé qu’il s’agissait d’un droit imprescriptible et que l’on ne pouvait pas interdire à un soldat de se présenter à une élection municipale.
C’est la raison pour laquelle je souhaite que Joël Guerriau accepte de retirer son amendement. À défaut, la commission émettra un avis défavorable.
La commission des lois ayant simplement été saisie pour avis, elle ne peut, bien sûr, que s’inscrire dans la lignée de l’intervention de M. le président, et rapporteur, de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Toutefois, mes chers collègues, quelques mots pour vous indiquer que notre commission n’avait pas jugé utile de modifier le texte issu de l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, cette question de l’éligibilité, ou non, des militaires en activité nous paraît constituer un « non-sujet ».
Vous avez, les uns et les autres, la pratique des territoires : autant les militaires qui, à leur retraite, décident de participer à la vie publique sont nombreux, autant – vous voudrez bien me l’accorder – il est rarissime sur le terrain, dans la « vraie » vie, d’entendre un officier ou un sous-officier de carrière exprimer un tel désir. Ils participent, bien sûr, par leur vote, mais je n’ai pas connaissance de situations dans lesquelles ils demandent à se porter candidats.
Cela étant, j’admets bien volontiers qu’un militaire, au moins, a formulé ce souhait, puisqu’il est à l’origine d’une QPC.
Qu’a dit le Conseil constitutionnel dans ce cadre ? Comme vient excellemment de le rappeler M. le président Cambon, il a estimé qu’il ne pouvait y avoir d’interdiction générale.
Il a ainsi formulé son point de vue : le législateur ne peut instituer une « incompatibilité qui n’est limitée ni en fonction du grade de la personne élue » – il semble assez logique de ne pas faire de différence entre les militaires –, « ni en fonction des responsabilités exercées » – le Conseil constitutionnel a donc expressément demandé au législateur, pour la disposition pour laquelle il a fixé une période transitoire jusqu’au 1er janvier 2020, de nuancer en fonction des responsabilités exercées, ce qui légitime l’exclusion des mandats de maire, de maire adjoint ou de maire délégué du dispositif –, « ni en fonction du lieu d’exercice de ces responsabilités, ni en fonction de la taille des communes » - et ici je m’inscris, pour la commission des lois, dans la lignée de l’intervention qui vient d’être faite.
La fixation de seuils n’est donc pas, en tant que telle, une volonté du Gouvernement ou de l’Assemblée nationale. C’est le Conseil constitutionnel lui-même qui a exigé que, dans la disposition qui doit entrer en vigueur avant le 1er janvier 2020, il soit tenu compte de la taille des communes.
Faut-il, ensuite, fixer ce seuil à 9 000 habitants ou à 15 000 habitants ? Nous pouvons tous avoir un avis sur la question. Mais nous ne pouvons pas totalement évacuer le sujet, car il s’agit là d’une contrainte imposée par le Conseil constitutionnel.
Une fois cela posé, mes chers collègues, je ne doute pas que vous apprécierez, dans votre immense sagesse, quel doit être le niveau de ce seuil.
Je m’exprime, à la fois, en qualité de rapporteur pour avis de la commission sur le projet de loi de finances et au nom du groupe auquel j’ai l’honneur d’appartenir.
Nous n’avons pas véritablement eu de très longs débats sur ce sujet, car – pardonnez-moi ! – la LPM nous semble en contenir d’autrement plus importants.
Pascal Allizard a résumé l’état d’esprit de la commission.
Effectivement, le seuil de 15 000 habitants allait disparaître et il faut savoir qu’au Sénat, au sein de la commission, nous n’étions pas arc-boutés sur l’idée que les militaires puissent participer à la désignation des grands électeurs ou être, eux-mêmes, grands électeurs pour les élections sénatoriales. La disposition a été prise à l’Assemblée nationale ; nous n’entendons pas revenir dessus. Cela ne nous gêne pas !
J’inviterai donc mon collègue et duettiste §à retirer son amendement, ce serait fort sympathique de sa part – comme d’habitude ! Cela nous ferait gagner du temps, sachant que nous examinerons, plus tard, une disposition sur les syndicats de communes, pour laquelle nous nous sommes accordés sur une impossibilité – comme pour un maire ou un adjoint au maire. Ainsi, nous garantirons la disponibilité des élus locaux, ainsi que celle, essentielle, des militaires.
Pour les raisons que vous comprenez, madame la ministre, la décision que vous avez prise de retirer votre amendement va dans le bon sens. Je crois que, sur toutes les travées, nous l’attendions.
Pour autant, les militaires peuvent se présenter dans 77 % des communautés de communes, seulement, et non dans la totalité, ce qui laisse tout de même apparaître, nous y reviendrons sûrement avec l’examen du prochain amendement du Gouvernement, une certaine forme de discrimination.
En outre, madame la ministre, des questions vont se poser. Par exemple : un militaire qui siégera dans un conseil municipal pourra-t-il être le correspondant défense de la commune ?
Le fait de mettre des freins à l’exercice, par certains citoyens, des devoirs qu’il est souhaitable qu’ils exercent en démocratie va engendrer une cascade de questions. Elles ne vous seront peut-être pas soumises dans le débat, madame la ministre, mais elles apparaîtront sous la forme de questions écrites ou sous d’autres formes et, quoi qu’il en soit, se poseront.
Enfin, au moment où le Gouvernement a décidé de réduire notre Haute Assemblée à une peau de chagrin, une institution sans pouvoir, je me permets de vous le signaler, vous êtes ce soir le témoin de l’utilité du Sénat de la République !
Tout en me ralliant à la position de la commission de la défense, je souhaite exprimer ma crainte, madame la ministre, que l’on n’ouvre la boîte de Pandore avec ces mesures.
On ne peut pas avoir deux catégories d’élus municipaux ! J’ai été maire et je suis encore conseiller municipal d’une commune de 1 500 habitants ; j’ai le sentiment d’avoir autant de légitimité que des collègues d’une commune comme Paris. Nous avons tous reçu l’onction du suffrage universel !
C’est pourquoi cette notion de seuil me gêne, et ce d’autant plus que l’argument avancé par Mme la ministre est celui de la neutralité. Cela m’étonne un peu de la part d’un gouvernement qui entend dépasser les clivages droite-gauche et rassembler tout le monde ! Mais passons sur cet élément anecdotique…
Il me semble qu’un militaire dans un conseil municipal comprenant 15 membres aura beaucoup plus de poids et d’influence qu’un militaire dans un conseil municipal de 50 ou 60 personnes.
Ce n’est peut-être pas directement votre problème, madame la ministre, mais je suis vraiment très gêné par cette notion de seuil. Si on l’introduit à la faveur d’une disposition de la LPM, on semble indiquer que, au fond, il existe deux catégories de communes : celles, dignes d’intérêt, qui se situent au-dessus du seuil et celles, moins dignes d’intérêt, qui se situent en dessous. Tel n’est pas, me semble-t-il, le sens de notre Constitution.
Par conséquent, je me rallierai sans enthousiasme et par solidarité à la position de la commission des affaires étrangères, la plus sage dans cette affaire, mais je crains que nous n’ayons pas fini d’entendre parler de la question. La boîte de Pandore a été ouverte. Le sujet reviendra sur la table, avec des arguments qui devront être un tout petit peu plus structurés et convaincants que ceux que j’ai entendus ce soir.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Franchement, les arguments développés pour défendre le recours aux seuils ne sont pas convaincants – nous sommes nombreux à en avoir conscience –, même si le retrait de l’amendement de Mme la ministre sur les intercommunalités apporte tout de même un peu de cohérence dans la démarche.
Je vais reprendre l’expression de mon excellent collègue Dominique de Legge : oui, la boîte de Pandore va être ouverte et, au fond, pourquoi pas !
J’entends par là que nous avons tout de même le sentiment d’un franchissement d’étape, d’où les ralliements à la position de la commission – ce sera aussi notre cas. On crante une démarche, qui conduira, dans le respect des règles que vous avez tous rappelées sur la place des militaires dans la société, à une présence de ces militaires dans les conseils municipaux.
Dans l’esprit du soldat citoyen, ce n’est pas une mauvaise mesure. Je ne sais pas si le succès sera considérable ou si cette évolution permettra, ici ou là, à un certain nombre de citoyens militaires en activité de s’impliquer dans la vie locale. Nous verrons bien. Mais si cette étape peut amener un questionnement, à la fois, sur les délégations potentielles et sur la nécessité, un jour, de supprimer les seuils, alors nous examinerons ces problématiques le moment venu.
Il s’agit d’un point départ, et soyons concrets : mieux vaut la moitié de quelque chose que la totalité de rien du tout, c’est-à-dire un idéal que, visiblement, nous ne pourrons pas atteindre aujourd’hui !
C’est donc avec pragmatisme et sans réticence aucune que nous nous rallions à la position de la commission.
Je crois effectivement que, sur toutes les travées, nous doutons de l’efficacité de ces seuils, qui existent dans de nombreuses autres législations. On se demande toujours ce qui sépare un élu d’une commune de 14 999 habitants d’un élu d’une commune de 15 200 habitants.
J’ajoute que c’est la disposition votée à l’Assemblée nationale qui nous a obligés à prendre le problème en main – le précédent seuil de 3 500 habitants était effectivement très restrictif – et que c’est tout de même le Conseil constitutionnel qui a invité le législateur à fixer des seuils. Nous sommes obligés de nous en tenir à cette jurisprudence.
Enfin, pour parachever le sentiment de perplexité, je signalerai une petite curiosité : en l’état du droit européen, tout empêcherait un militaire français de se présenter dans une commune de 9 200 habitants, mais rien n’empêcherait un général allemand disposant d’une maison de campagne en France de se porter candidat dans une commune de 17 000 habitants, d’y être élu et, sans doute, d’en devenir le maire adjoint.
M. le rapporteur vient d’apporter un peu d’eau à mon moulin, en soulignant l’incohérence résultant de l’application du droit européen, qui donne la faculté à des militaires étrangers d’être candidats, voire élus dans nos communes, indépendamment d’un quelconque seuil de population.
Par ailleurs, je suis heureux d’avoir déposé cet amendement, car la richesse du débat qui vient de s’ouvrir entre nous démontre l’existence d’un vrai sujet. Oui, c’est un vrai sujet ; ces questions de seuil ne se justifient pas en soi !
Avec tout le respect que je vous dois, madame la ministre, je tiens à signaler que vous m’avez un peu blessé, choqué, en avançant que nous savions ce que c’était que d’être élu local et que, à ce titre, nous ne devions pas nous arc-bouter sur l’idée d’une absence de seuil.
Pour la plupart d’entre nous, justement, nous sommes ou avons été des élus locaux. J’ai occupé la fonction de maire d’une ville de 26 000 habitants pendant vingt-deux ans. Je vous assure que la compétence d’une personne et son implication dans les affaires de la commune n’ont rien à voir avec la détention d’une carte de parti !
Nos élus locaux, je le répète, quel que soit le nombre d’habitants de la commune, ne sont pas forcément encartés ou engagés. Ils peuvent naturellement garder une parfaite neutralité, comme le veut le statut militaire.
Je suis prêt à retirer mon amendement. Nous sommes tous cohérents, évidemment, et souhaitons rester dans la ligne du Conseil constitutionnel, comme dans la logique – le rapporteur et le rapporteur pour avis l’ont rappelé – des débats en commission, qui nous ont conduits à retenir un certain nombre de propositions.
Mais je voudrais tout de même insister sur l’incohérence de la mesure que nous allons prendre.
Imaginez, mes chers collègues, une fusion de toutes petites communes de quelques centaines d’habitants pour former, au bout du compte, une commune de 4 000 habitants. Avec la rédaction de l’Assemblée nationale, l’élu marqué du sceau de la fonction militaire aurait été démis d’office par le préfet. Croyez-vous que ses collègues élus auraient trouvé cela tout à fait logique et normal ?
Imaginez une commune qui dépassera le seuil de population, par exemple avec 9 200 habitants. La situation sera la même, même si la personne est compétente, qu’elle a montré son engagement et sa disponibilité – effectivement, on peut être militaire et disponible ; tous les militaires ne sont pas engagés dans des opérations extérieures, conduits à s’extraire et s’éloigner de leur milieu familial, voire à changer régulièrement de lieu de vie.
Là encore, il faut prendre les gens au sérieux : les militaires sont capables d’assumer pleinement leurs responsabilités.
Je retire mon amendement, tout en soulignant, à nouveau, l’utilité de ce débat.
Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.
L’amendement n° 79 rectifié est retiré.
L’amendement n° 147 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 11
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Après l’article L.O. 286-2 du code électoral, il est inséré un article L. 286-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 286 -3. – Les militaires en position d’activité ne peuvent ni être membres du collège électoral sénatorial, ni participer à l’élection à ce collège de délégués et de suppléants. »
Souhaitez-vous présenter conjointement l’amendement n° 154, madame la ministre ?
J’appelle donc en discussion l’amendement n° 154, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
I. – Alinéa 14
Remplacer les mots :
et d’adjoint au maire
par les mots :
, de maire délégué, d’adjoint au maire et d’adjoint au maire délégué
II. – Après l’alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au premier alinéa du II de l’article L. 5211-7, les mots : « les articles L. 44 à L. 46, L. 228 à L. 237-1 et L. 239 du code électoral » sont remplacés par les mots : « les articles L. 44 à L. 45-1, L. 228 à L. 237-1 et L. 239 du code électoral, ainsi que celles prévues pour les élections au conseil communautaire par l’article L. 46 du code électoral » ;
La parole est à Mme la ministre, pour présenter les deux amendements.
Permettez-moi tout d’abord de remercier M. Joël Guerriau. Je lui donne volontiers acte du fait que la réalité locale est sans doute un peu plus complexe que les grandes catégories que j’ai pu décrire. Néanmoins, cela a été parfaitement rappelé par le rapporteur pour avis de la commission des lois, ainsi que par le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le Conseil constitutionnel, lui-même, nous invite à nous orienter vers les seuils.
Avant de présenter les deux amendements suivants, je veux rappeler de quoi nous parlons.
Il ne s’agit pas de savoir si les militaires sont capables ou pas, loyaux ou pas, si le franchissement d’un seuil change la nature de leur engagement. Non, le sujet, c’est la position administrative : au-delà d’un certain seuil, il n’est nullement interdit à un militaire de poursuivre l’engagement qu’il avait souscrit dans le cadre des seuils autorisés, mais il doit alors opter pour une autre position administrative et évoluer d’une position d’activité à une position de détachement, ce qui est parfaitement possible.
Il n’y a donc aucun ostracisme d’aucune sorte vis-à-vis des militaires et je suis la première convaincue que ces derniers peuvent apporter, en raison de leur engagement, une véritable plus-value à la vie locale.
J’insiste sur le cœur de cette discussion, car les amendements que je vais maintenant présenter concernent, eux aussi, la catégorie des militaires en activité et, une nouvelle fois, il n’est question à aucun moment d’interdire l’exercice du libre choix d’un militaire qui souhaiterait passer d’une position d’active à une position de détachement.
L’amendement n° 147 rectifié doit, à nouveau, être mis en lien avec l’objectif de garantir le devoir de réserve des militaires – militaires en activité, je le répète –, même lorsque ceux-ci sont titulaires d’un mandat local.
Il tend à rétablir l’interdiction, introduite à l’Assemblée nationale, qui serait faite aux militaires en position d’activité, titulaires d’un mandat de conseiller municipal, de voter pour l’élection sénatoriale – j’ai déjà entendu des prises de position, par anticipation, sur cette question.
Le Gouvernement, avec cet amendement n° 147 rectifié, entend les priver de la possibilité de se présenter à l’élection des délégués des conseils municipaux en vue de l’élection sénatoriale, et de voter à cette élection.
Pourquoi cette restriction ? Elle apparaît nécessaire pour préserver le devoir de réserve et l’obligation de neutralité qui, en vertu de leur statut, s’imposent aux militaires en activité.
Ces principes font effectivement obstacle à ce que les militaires en activité sollicitent le suffrage des autres conseillers municipaux, en s’inscrivant sur des listes de grands électeurs. Cette démarche suppose un engagement partisan avéré, d’autant plus marqué qu’il s’agit d’un collège électoral restreint.
Pour garantir cet exercice impartial de leur mandat comme de leurs fonctions de militaires en position d’activité, il est également nécessaire de leur interdire de prendre part à la désignation du collège des délégués.
J’en viens à l’amendement n° 154, qui tend à compléter le dispositif adopté par votre commission.
Tout d’abord, il vise à étendre, aux fonctions de maire délégué et d’adjoint au maire délégué, l’incompatibilité prévue avec les fonctions de maire et d’adjoint au maire.
Sauf accord de l’ensemble des communes regroupées, la création de communes déléguées reprenant les noms et limites territoriales des anciennes communes intervient automatiquement en cas de création d’une commune nouvelle. Le nombre de ces communes a donc crû au cours des dernières années, et devrait continuer d’augmenter. La plupart des communes concernées sont d’une taille réduite.
Or les maires délégués disposent de pouvoirs étendus : ils sont officiers d’état civil, officiers de police judiciaire ; ils peuvent être chargés de l’exécution des lois et règlements de police, recevoir des délégations du maire ; ils exercent également des fonctions d’adjoint au maire de la commune nouvelle.
Ces différentes missions peuvent être lourdes. Dans cette mesure, elles sont, tout comme les missions de maire ou d’adjoint au maire, incompatibles avec l’exigence constitutionnelle de disponibilité qui pèse, à nouveau, sur les militaires en activité.
En outre, cet amendement tend à harmoniser les dispositions relatives à la participation des militaires en position d’activité aux structures intercommunales, précisant que les incompatibilités applicables pour l’élection des délégués des syndicats de communes sont, notamment, celles qui sont prévues pour les élections au conseil communautaire par l’article L. 46 du code électoral.
À défaut, en effet, s’appliqueraient pour les syndicats de communes les seules règles d’incompatibilité applicables aux communes, soit un seuil démographique de 9 000 habitants apprécié à l’échelle de la commune, et non, comme pour les EPCI, le seuil démographique de 30 000 habitants qui vient d’être confirmé. Rien ne justifierait une telle différence de régime !
Il serait donc incohérent de permettre à un militaire en position d’activité de siéger dans l’organe délibérant d’un EPCI d’une certaine taille, dès lors qu’il réside dans une commune membre de moins de 9 000 habitants et, à l’inverse, de lui interdire de siéger dans l’organe délibérant d’un EPCI de taille plus réduite, dès lors qu’il réside dans une commune de plus de 9 000 habitants.
L’amendement n° 147 rectifié vise à interdire aux militaires en position d’activité d’être membres du collège électoral sénatorial, ou de participer à l’élection de ce collège. Bien évidemment, présenter ce genre de dispositions devant le Sénat peut revêtir un caractère inopportun, pour ne pas dire choquant aux yeux de certains. Au sein de la commission, cette mesure a, en tout cas, posé un certain nombre de difficultés.
J’ajoute qu’elle est douteuse sur le plan constitutionnel. En effet, on peut y voir une rupture d’égalité entre conseillers municipaux, certains n’ayant pas les mêmes droits que leurs homologues.
Je vous rappelle qu’il n’existe qu’une exception en la matière, visant, je l’évoquais tout à l’heure, les ressortissants européens, mais celle-ci est encadrée par l’article 88-3 de la Constitution.
Je me demande donc dans quelle mesure – et je me tourne, pour cela, vers les éminents membres de la commission des lois – il n’y aurait pas nécessité de recourir à un support constitutionnel pour garantir ce droit.
De surcroît, s’agissant du fait d’empêcher un militaire d’être désigné délégué, au titre des citoyens désignés par le conseil municipal dans les communes de plus de 30 000 habitants, le Conseil constitutionnel contrôle toute dérogation entre la qualité d’électeur et la possibilité d’être éligible.
Nous attirons l’attention du Gouvernement sur ce contrôle du Conseil constitutionnel, qui nous a conduits, en commission, à émettre un avis défavorable sur cet amendement n° 147 rectifié.
L’amendement n° 154, relatif aux incompatibilités avec diverses fonctions exécutives, n’a pas pu être examiné par la commission, car il a été déposé de manière particulièrement tardive. Je note toutefois que ses dispositions présentent un rapport logique avec celles qui ont été examinées précédemment.
En effet, il est plus raisonnable, pour la liberté de parole, la liberté d’expression et le respect de la neutralité, de ne pas rendre possible l’élection d’un militaire conseiller municipal aux fonctions de maire adjoint ou d’adjoint au maire délégué dans une commune nouvelle. Cette interdiction peut être étendue aux syndicats de communes, pour éviter qu’un élu d’une très petite commune n’exerce des responsabilités au sein d’une communauté d’agglomération ou d’un syndicat intercommunal, à vocation unique – SIVU – ou multiple – SIVOM –, très important.
N’ayant pu réunir la commission pour examiner cet amendement, je m’en remets à la sagesse du Sénat, mais, à titre personnel, je pense qu’il mérite un avis favorable.
Sur l’amendement n° 154, que nous avons récupéré au vol, je me range naturellement à l’avis émis, dans sa sagesse, par M. le rapporteur.
Par l’amendement n° 147 rectifié, le Gouvernement souhaite réintroduire un alinéa voté par l’Assemblée nationale, visant à interdire aux militaires élus de voter à l’élection sénatoriale et même de participer à l’élection de délégués au collège électoral sénatorial.
Permettez-moi une remarque, madame la ministre : la plupart des députés qui siègent à l’Assemblée nationale aujourd’hui ne savent pas ce que c’est qu’une mairie. Ils ne savent pas ce que c’est qu’un conseil municipal. Au reste, ils ne le sauront probablement jamais ! §Autrement dit, leur sensibilité est forcément différente de la nôtre.
Que représentent cinq cents militaires inscrits sur les listes électorales ? Un grand électeur ou deux. Il faut remettre les choses à leur place.
Vous invoquez, madame la ministre, le devoir de réserve des militaires et le supposé engagement partisan avéré de la démarche qui consiste à solliciter le suffrage des autres conseillers municipaux. Cette disposition revient à autoriser les militaires à participer au scrutin pour l’élection des députés et, dans le même temps, à leur refuser ce droit pour l’élection de sénateurs. Cela me paraît très discriminant.
Dans ma commune, les 250 militaires de la caserne ont été ajoutés sur les listes électorales. Nul besoin d’être un politologue de renom pour connaître l’orientation politique de ces nouveaux électeurs ! Peut-on nier l’incidence du vote des militaires sur l’élection législative dans une circonscription où sont regroupés des casernements, des logements et autres lieux de vie militaire ?
Cette discrimination est une atteinte à la démocratie. Or, madame la ministre, je trouve qu’il y a aujourd’hui, dans notre pays, beaucoup d’atteintes à l’équilibre démocratique.
Par conséquent, je me félicite que la commission des affaires étrangères ait adopté mon amendement supprimant ces interdictions. Elle a très justement considéré que les militaires devront pouvoir exercer la plénitude des fonctions liées au statut d’élu, et ne pas être de sous-conseillers municipaux.
Je voterai donc contre cet amendement.
Enfin, permettez-moi de vous dire, madame la ministre, que nos soldats de l’opération Barkhane sont peut-être en train de suivre nos débats, à la télévision, depuis le Niger, le Tchad et ailleurs. Vous êtes en train de leur envoyer le message qu’ils sont des sous-citoyens, qu’ils ne méritent pas qu’on leur donne la pleine citoyenneté, alors qu’ils vont peut-être risquer leur vie demain matin ou peut-être même cette nuit…
M. Jean-Pierre Grand. Voilà pourquoi, aujourd’hui, je défends les militaires avec passion.
M. Jean-Pierre Corbisez applaudit.
Faut-il que les militaires puissent être élus conseillers municipaux ? Je ne reviendrai pas sur le débat de fond.
À vrai dire, moi qui connais un peu le statut militaire, je ne connais pas beaucoup de militaires qui restent plus de trois ou quatre ans au même endroit. Pourront-ils assumer leurs responsabilités s’ils sont élus ? C’est une vraie question.
L’objet de mon intervention est autre : je veux revenir sur les deux amendements du Gouvernement.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 154, vous affirmez, madame la ministre, qu’un maire délégué, dans les communes relevant de la loi Marcellin ou dans les communes nouvelles, a des pouvoirs. Pour bien connaître le sujet, je peux vous dire que vous vous trompez ! Il n’a aucun pouvoir. Seul le maire a le pouvoir.
L’amendement n° 147 rectifié est plus important. Pour le défendre, vous évoquez un engagement partisan avéré, d’autant plus marqué que le collège électoral est restreint. Le Gouvernement devrait se souvenir que les sénateurs sont actuellement élus au suffrage indirect, au scrutin majoritaire à deux tours dans seulement 30 % des départements – les autres le sont à la proportionnelle. Dans ces départements, l’engagement politique n’est pas avéré. Affirmer le contraire, c’est vraiment méconnaître la réalité des élections sénatoriales. Dans ces départements, que je représente ici – je ne parle évidemment pas de moi –, ce sont les meilleurs, les plus compétents qui sont élus, quelle que soit leur étiquette politique. Cela sera encore plus vrai quand le nombre de sénateurs aura diminué et quand le nombre de départements qui éliront leurs sénateurs au scrutin uninominal passera peut-être à 50 %. Par conséquent, c’est une question importante.
Je ne peux pas accepter que le Gouvernement dise que les élections sénatoriales donnent matière à un engagement partisan avéré. C’est peut-être vrai dans les grands départements, mais, chez nous, dans les départements ruraux, l’engagement se fonde sur la compétence.
Compte tenu du débat qui vient d’avoir lieu, des explications de Mme la ministre et des avis émis par M. le rapporteur, je pense qu’il serait raisonnable de voter ces deux amendements.
J’invite mes collègues à le faire.
Je soutiens la position de la commission, qui a fort bien été rappelée à l’instant.
Dans la pratique, les cas de figure seront très limités, mais, sur le symbole, quand on entend les arguments qui sont développés ici avec beaucoup de civilité et de sérieux, on imagine la manière dont cette question pourrait être exploitée dans le débat public, et les arguments populistes susceptibles de sous-tendre ce débat.
C’est dommage. Il aurait été tellement simple d’accorder aux militaires la possibilité d’être grands électeurs ! Franchement, cela ne mangeait pas de pain.
M. Bruno Sido approuve.
Sur ce sujet, l’ampleur des débats risque de dépasser de loin la réalité du phénomène.
Le débat est assez complexe. Il nous amène à envisager des situations assez ubuesques.
Dans le département de Maine-et-Loire, une capitaine de cavalerie a été élue députée en juin dernier. Cela faisait longtemps qu’un capitaine d’active n’avait pas été élu à l’Assemblée nationale ! Quoi qu’il en soit, cette députée fera partie du collège électoral sénatorial.
Effectivement, madame la ministre, cette députée a été placée en position de détachement – elle n’est peut-être pas la seule à être dans ce cas. Elle retrouvera malgré tout son poste à l’issue de son mandat, si elle ne se représente pas ou si elle est battue.
Vous nous dites que tout militaire élu peut se placer en position de détachement. Dans les faits, c’est quasi impossible. Qu’un capitaine élu député puisse être placé en détachement est financièrement possible, puisque, pour ce grade, l’Assemblée nationale est plus généreuse que l’armée – on le sait, puisque les salaires ont été publiés. En revanche, aucun conseil municipal ne peut permettre à un officier d’active de se placer dans une situation de détachement durant un mandat.
Soyons raisonnables, madame la ministre. Votre argument ne tient pas. Dans la réalité, aucun adjoint au maire d’une commune de moins de 9 000 habitants ne peut renoncer à son salaire et la plupart des élus locaux, qu’ils soient conseillers municipaux ou adjoints au maire, sont quasi bénévoles. C’est d’ailleurs ce qui fait la force de l’engagement des élus locaux.
La complexité de ces deux situations témoigne des conséquences étonnantes, bizarres, que peut avoir cette ouverture, indépendamment de votre responsabilité.
Pour ce qui concerne l’amendement, je me rangerai à l’avis sage de la commission.
M. Joël Guerriau applaudit.
Tout d’abord, j’estime que ce débat est sain et qu’il était tout à fait nécessaire. Il est très positif que nous puissions avoir ces échanges.
Je trouve choquant que l’on interdise à des citoyens élus conseillers municipaux d’élire leurs sénateurs, alors qu’ils peuvent élire leurs députés en tant que simples citoyens. Il y a là quelque chose que j’ai du mal à comprendre, d’autant plus que, en vertu de leur statut, les militaires gardent leur devoir de réserve. C’est une question de confiance et de bon sens.
Par conséquent, à titre personnel, je voterai contre l’amendement n° 147 rectifié, madame la ministre.
L’amendement n° 154 a quant à lui tout à fait vocation à être adopté, puisqu’il vise à procéder à une mise en cohérence concernant les fonctions exécutives locales, notamment au sein des syndicats intercommunaux.
Je me range donc à la position de notre rapporteur et voterai cet amendement, que nous n’avons pu étudier en commission.
Je partage l’avis de mes collègues. Les arguments avancés me semblent marqués par une certaine hypocrisie.
L’élection n’est pas forcément moins politisée dans les communes de 500 habitants que dans celles de 8 000 ou de 9 000 habitants.
Tout dépend du contexte et de la composition des listes. Il n’y a pas de règle absolue en la matière.
Je rappelle que le vote est secret. Par définition, celui qui sera élu grand électeur n’aura pas nécessairement donné son avis au préalable. Je trouve donc cet argument assez hypocrite.
Comme le disait Pascal Allizard, il faut soit accorder aux militaires un statut d’élu complet, soit leur interdire d’être élus, mais il ne saurait y avoir de sous-statuts, ou d’élus qui pourraient exercer un certain nombre de droits quand d’autres ne le pourraient pas.
En la matière, je pense qu’il faut être extrêmement prudent. Quoi qu’il en soit, je me félicite que nous ayons abordé cette question, qui est importante.
Je veux également revenir sur la question de la mise en disponibilité des militaires. Je sais bien que le bénévolat des élus, quel que soit le mandat, est une idée dans l’air du temps. Un certain nombre de nos concitoyens l’appellent de leurs vœux.
Cependant, comme mon collègue l’a fort justement dit, pour se mettre en disponibilité de son travail, il faut avoir de quoi vivre, donc être rentier ou disposer d’un certain nombre de revenus parallèles… Cet argument ne me semble donc pas non plus très pertinent.
Je me rangerai donc évidemment à l’avis de la commission.
On sait que les militaires sont soumis à l’obligation de réserve. Cette obligation est respectable.
Cependant, par leur expérience, leur culture, leur dévouement, les militaires sont tout à fait légitimes à s’engager, notamment dans les plus petites communes, où l’engagement est bénévole.
Il serait quand même très dommage qu’ils ne puissent pas, par exemple, voter pour désigner les délégués au collège électoral sénatorial.
Par exemple, dans mon petit département des Ardennes, où s’applique le scrutin uninominal pour l’élection des sénateurs, l’engagement des militaires me paraît tout à fait légitime.
À cet égard, je partage l’avis de M. le rapporteur.
J’ai beaucoup hésité à intervenir, car je ne voudrais pas allonger le débat, déjà extrêmement fourni.
Bien sûr, je n’imaginais pas que, dans cet hémicycle, le débat sur une question ayant trait à la désignation des grands électeurs et, in fine, à l’élection des sénateurs pourrait être bref.
Certains d’entre vous ont souligné qu’il était utile. Je pense également qu’il l’est. Toutefois – peut-être est-ce dû à l’heure tardive plus qu’au sujet lui-même –, je trouve que l’écoute tend à céder la place aux effets de manche.
On nous parle de différentes catégories de militaires, de différentes catégories de collectivités locales. Pour ma part, je suis très choquée que l’on puisse dire que l’élection des députés au suffrage universel direct et l’élection des sénateurs au suffrage indirect sont une seule et même chose. Non, ce n’est pas la même chose ! Relisez, pour vous en convaincre, les textes qui régissent notre vie publique.
Personne n’interdit aux militaires de participer à la désignation des députés, pour la raison très simple que le suffrage universel est direct. Les militaires ne souffrent évidemment d’aucune forme d’ostracisme par rapport aux autres citoyens.
En revanche, et ce n’est pas à vous que je vais l’apprendre, mesdames, messieurs les sénateurs, les règles sont différentes s’agissant de l’élection des sénateurs, qui sont élus non au suffrage direct, mais par un collège de grands électeurs.
Sans vouloir prolonger inutilement ce débat, permettez-moi de vous dire que certains propos m’ont choquée. On ne peut pas parler de déni de démocratie, comme je l’ai entendu tout à l’heure.
Il s’agit de la stricte application de nos règles constitutionnelles.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 78, présenté par M. Grand, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les nécessités liées à la préparation et à la conduite des opérations ainsi qu’à la bonne exécution des missions des forces armées et formations rattachées, le militaire en activité titulaire d’un mandat local peut ne pas remplir des fonctions dévolues par les lois aux conseillers municipaux.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand.
Madame la ministre, notre assemblée est une assemblée démocratique, quel qu’en soit le mode d’élection. Naturellement, toute atteinte à la démocratie touche la démocratie dans son ensemble.
En vous écoutant, je pensais que, si le général Jacques Chaban-Delmas ou le colonel Rol-Tanguy avaient dû affronter les lois que nous votons aujourd’hui, ils n’auraient pas pu exercer les fonctions politiques qui furent les leurs. Voilà pourquoi il ne faut jamais toucher à la liberté de quiconque de se présenter à une élection. C’est ce que je ressens au plus profond de moi-même. Il y a aujourd’hui, entre la nouvelle majorité et nous, un monde – nous ne représentons pas forcément le monde ancien ! –, un monde à la fois d’expérience, de sensibilité et de très grand respect des grandes valeurs qui fondent la République et, en ce qui me concerne, qui fondent le gaullisme.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste.
L’amendement n° 78 vise à sécuriser l’exercice du mandat municipal des militaires.
Le code général des collectivités territoriales prévoit que tout membre d’un conseil municipal qui, sans excuse valable, a refusé de remplir l’une des fonctions qui lui sont dévolues par les lois est déclaré démissionnaire par le tribunal administratif.
En raison de sa disponibilité dans l’armée, un militaire peut être amené à ne pas pouvoir exercer certaines fonctions, notamment celles d’assesseur lors d’une élection dans la commune où il est conseiller municipal. Cette absence sera très certainement considérée comme une excuse valable par tout le monde, mais il me semble préférable de bien préciser la volonté du législateur, chère à la justice administrative, pour éviter, une nouvelle fois, que la jurisprudence fasse les lois en lieu et place du Parlement.
Nous devons respecter une certaine cohérence.
Venant de défendre l’idée que le militaire conseiller municipal doit exercer autant que faire se peut les droits inhérents à cette fonction élective, il serait assez paradoxal que nous l’exonérions de ses obligations de conseiller municipal sous prétexte qu’il est militaire.
Que se passe-t-il si le militaire qui exerce des fonctions de conseiller municipal est empêché, parce qu’il est en activité ? Toutes celles et tous ceux d’entre nous qui ont été maire ou maire adjoint – nous sommes extrêmement nombreux dans ce cas – savent que, d’une part, les textes envisagent ces situations, et que, d’autre part, dans la pratique, lorsqu’un conseiller municipal dispose d’une excuse valable, il est bien évidemment tenu pour excusé et n’est nullement sanctionné.
J’invite donc Jean-Pierre Grand à retirer cet amendement, même si je comprends tout à fait sa motivation.
Soyons logiques : nous venons d’affirmer que nous voulions que le statut du militaire conseiller municipal se rapproche le plus possible de celui des autres conseillers municipaux. Ne l’exemptons pas, à l’envers, de responsabilités qui sont les siennes !
L ’ article 18 est adopté.
I. – Le code des postes et des communications électroniques est ainsi modifié :
1° La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 33-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 33 -14. – Pour les besoins de la sécurité et de la défense des systèmes d’information, les opérateurs de communications électroniques peuvent recourir, sur les réseaux de communications électroniques qu’ils exploitent, après en avoir informé l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, à des dispositifs mettant en œuvre des marqueurs techniques aux seules fins de détecter des événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information de leurs abonnés.
« À la demande de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, lorsque celle-ci a connaissance d’une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d’information, les opérateurs de communications électroniques ayant mis en œuvre les dispositifs prévus au premier alinéa procèdent, aux fins de prévenir la menace, à leur exploitation, en recourant, le cas échéant, à des marqueurs techniques que cette autorité leur fournit.
« Par dérogation au II de l’article L. 34-1, les opérateurs de communications électroniques sont autorisés à conserver, pour une durée maximale d’un an, les données techniques strictement nécessaires à la caractérisation d’un évènement détecté par les dispositifs mentionnés au premier alinéa du présent article. Les données recueillies dans le cadre de l’exploitation de ces dispositifs autres que celles directement utiles à la prévention et à la caractérisation des menaces sont immédiatement détruites.
« Lorsque sont détectés des événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information, les opérateurs de communications électroniques en informent sans délai l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information.
« À la demande de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, les opérateurs de communications électroniques informent leurs abonnés de la vulnérabilité de leurs systèmes d’information ou des atteintes qu’ils ont subies.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. Celui-ci détermine notamment les catégories de données pouvant être conservées par les opérateurs de communications électroniques. » ;
2° L’article L. 36-7 est complété par un 12° ainsi rédigé :
« 12° Est chargée, en application de l’article L. 2321-5 du code de la défense, de veiller au respect par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information des conditions d’application de l’article L. 2321-2-1 et du deuxième alinéa de l’article L. 2321-3 du même code. » ;
3° La section 1 du chapitre IV du même titre Ier est complétée par un article L. 36-14 ainsi rédigé :
« Art. L. 36 -14. – La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction mentionnée à l’article L. 130 est compétente pour exercer la mission mentionnée au 12° de l’article L. 36-7. Pour l’accomplissement de cette mission, la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction :
« 1° Est informée sans délai, par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, des mesures mises en œuvre en application de l’article L. 2321-2-1 du code de la défense ainsi que des demandes formulées en application du deuxième alinéa de l’article L. 2321-3 du même code ;
« 2° Dispose d’un accès complet et permanent aux données recueillies ou obtenues en application des mêmes articles L. 2321-2-1 et L. 2321-3 ainsi qu’aux dispositifs de traçabilité des données collectées et peut solliciter de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information tous les éléments nécessaires à l’accomplissement de sa mission ;
« 2° bis Peut, à la demande de son président, se faire assister par des experts individuellement désignés et habilités au secret de la défense nationale.
« 3° Peut adresser, à tout moment, à l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information toute recommandation qu’elle juge nécessaire aux fins d’assurer la régularité des mesures mises en œuvre en application des dispositions mentionnées au 1° du présent article. Elle est informée, sans délai, des suites données à ces recommandations.
« Lorsque l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information ne donne pas suite à ces recommandations ou que la formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction estime insuffisantes les suites données à ces recommandations, la formation peut enjoindre à l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information d’interrompre les opérations ou de détruire les données mentionnés aux articles L. 2321-2-1 et L. 2321-3 du code de la défense.
« Le Conseil d’État peut être saisi par le président de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes d’un recours lorsque l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information ne se conforme pas à une injonction qui lui est adressée en vertu du présent article. Le Conseil d’État statue alors dans les conditions prévues au chapitre III quater du titre VII du livre VII du code de justice administrative.
« L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes remet chaque année au Gouvernement et au Parlement, dans le respect du secret de la défense nationale, un rapport d’activité sur les conditions d’exercice et les résultats du contrôle exercé au titre du présent article.
« Elle peut adresser au Premier ministre, au Président de l’Assemblée nationale et au Président du Sénat, à tout moment, les observations qu’elle juge utiles.
« Les modalités d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État. » ;
4° Le titre II du livre III est ainsi modifié :
a) Après le septième alinéa de l’article L. 130, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La formation de règlement des différends, de poursuite et d’instruction est compétente pour exercer la mission mentionnée au 12° de l’article L. 36-7, dans les conditions prévues à l’article L. 36-14. » ;
b) Le premier alinéa de l’article L. 131 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’accomplissement de leur mission l’exige, ces membres sont habilités au secret de la défense nationale. » ;
c) L’article L. 132 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque l’accomplissement de leur mission l’exige, ces personnels sont habilités au secret de la défense nationale. »
I bis
1° Après les mots : « code de la sécurité intérieure », la fin du premier alinéa de l’article L. 311-4-1 est ainsi rédigée : «, la mise en œuvre de l’article 41 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, pour certains traitements ou certaines parties de traitements intéressant la sûreté de l’État et la mise en œuvre des mesures prévues à l’article L. 2321-2-1 du code de la défense ainsi que des demandes formulées en application du second alinéa de l’article L. 2321-3 du même code. » ;
2° Après le chapitre III ter du titre VII du livre VII, il est inséré un chapitre III quater ainsi rédigé :
« CHAPITRE III QUATER
« Le contentieux de la mise en œuvre des dispositifs de prévention des atteintes aux systèmes d’information
« Art. L. 773 -10. – Le Conseil d’État examine les requêtes présentées sur le fondement de l’article L. 36-14 du code des postes et des communications électroniques conformément aux règles générales du présent code, sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre.
« Art. L. 773 -11. – Lorsqu’est en cause le secret de la défense nationale, les affaires relevant du présent chapitre sont portées devant la formation spécialisée prévue à l’article L. 773-2.
« Art. L. 773 -12. – Lorsque la formation de jugement constate qu’un dispositif de prévention des atteintes aux systèmes d’information est ou a été mis en œuvre illégalement ou que des données ont été collectées ou conservées illégalement, elle peut ordonner l’interruption des opérations et la destruction des données irrégulièrement collectées ou conservées. »
II. – Le chapitre Ier du titre II du livre III de la deuxième partie du code de la défense est ainsi modifié :
1° Après l’article L. 2321-2, sont insérés des articles L. 2321-2-1 et L. 2321-2-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 2321 -2 -1. – Lorsqu’elle a connaissance d’une menace susceptible de porter atteinte à la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques, des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 ou des opérateurs mentionnés à l’article 5 de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité, l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information peut mettre en œuvre, sur le réseau d’un opérateur de communications électroniques ou sur le système d’information d’une personne mentionnée aux 1 ou 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, des dispositifs mettant en œuvre des marqueurs techniques aux seules fins de détecter des événements susceptibles d’affecter la sécurité des systèmes d’information des autorités publiques et opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du présent code ou à l’article 5 de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 précitée. Ces dispositifs sont mis en œuvre pour la durée et dans la mesure strictement nécessaires à la caractérisation de la menace.
« Les agents de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information individuellement désignés et spécialement habilités sont autorisés, aux seules fins de prévenir et de caractériser la menace affectant les systèmes d’information des autorités publiques ou des opérateurs mentionnés aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du présent code ou des opérateurs mentionnés à l’article 5 de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 précitée, à procéder au recueil et à l’analyse des seules données techniques pertinentes, à l’exclusion de toute autre exploitation. Un décret en Conseil d’État détermine les catégories de données susceptibles d’être collectées en application du présent alinéa.
« Les données techniques recueillies directement par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information en application du premier alinéa du présent article ou obtenues en application du second alinéa de l’article L. 2321-3 ne peuvent être conservées plus de dix ans.
« Les données recueillies autres que celles directement utiles à la prévention et à la caractérisation des menaces sont immédiatement détruites.
« Art. L. 2321 -2 -2. – Est puni de 150 000 € d’amende le fait, pour un opérateur de communications électroniques ou ses agents ou pour une personne mentionnée au premier alinéa de l’article L. 2321-2-1, de faire obstacle à la mise en œuvre, par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information, des dispositifs mentionnés au même premier alinéa.
« Les personnes physiques coupables de cette infraction encourent également l’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer l’activité professionnelle à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise. » ;
2° L’article L. 2321-3 est ainsi modifié :
a)
b)
c)
d) Il est ajouté deux alinéas ainsi rédigés :
« Lorsque l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information est informée, en application de l’article L. 33-14 du même code, de l’existence d’un événement affectant la sécurité des systèmes d’information d’une autorité publique ou d’un opérateur mentionné aux articles L. 1332-1 et L. 1332-2 du présent code ou d’un opérateur mentionné à l’article 5 de la loi n° 2018-133 du 26 février 2018 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la sécurité, les agents mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent obtenir des opérateurs de communications électroniques les données techniques strictement nécessaires à l’analyse de cet événement. Ces données ne peuvent être exploitées qu’aux seules fins de caractériser la menace affectant la sécurité de ces systèmes, à l’exclusion de toute autre exploitation.
« Les surcoûts identifiables et spécifiques des prestations assurées par les opérateurs de communications électroniques à la demande de l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information en application du premier alinéa du présent article sont compensés selon les modalités prévues par le III de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques. » ;
3° Il est ajouté un article L. 2321-5 ainsi rédigé :
« Art. L. 2321 -5. – L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes est chargée de veiller au respect par l’autorité nationale de sécurité des systèmes d’information des conditions d’application de l’article L. 2321-2-1 et du deuxième alinéa de l’article L. 2321-3. »
Nous abordons maintenant un chapitre important, concernant la cyberdéfense. Je veux souligner précisément l’importance de traiter ces questions, y compris dans le cadre de la loi de programmation militaire.
L’enjeu est de taille. Partout, dans le monde, les États se dotent des outils nécessaires pour combattre les cyberattaques.
Mes chers collègues, rappelez-vous ce qui s’est passé aux États-Unis lors de la dernière élection présidentielle ! Je pense à la fois aux interférences dans l’élection proprement dite dont a été victime le Parti démocrate, mais aussi aux cyberattaques ayant visé un certain nombre d’infrastructures importantes du gouvernement.
C’est pourquoi la France doit se doter des ressources technologiques et humaines nécessaires. C’est ce que prévoit le présent projet de loi, par une augmentation des effectifs de cyberdéfense à hauteur de 1 000 personnes ainsi qu’à travers un budget de 1, 6 milliard d’euros, hors masse salariale.
Mais notre réponse doit aussi être juridique. Tel est aussi l’objet de l’article 19, qui crée un régime spécifique autorisant la mise en place de dispositifs de détection au sein des opérateurs de télécommunications. C’est une nouvelle avancée.
Cette tâche de protection sera pilotée par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI. Pour éviter les difficultés et les débordements, le principe de précaution s’appliquera, puisque les activités de l’ANSSI seront contrôlées par l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP.
L’amendement n° 125, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
II. – Alinéas 28 à 35
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement a pour objet de simplifier les dispositions applicables au recours juridictionnel à disposition de l’ARCEP en cas de méconnaissance d’une injonction adressée à l’ANSSI.
Votre commission a souhaité garantir l’effectivité du contrôle de l’ARCEP sur la mise en œuvre des nouveaux outils de détection dont la loi va doter l’ANSSI, en lui ouvrant une voie de recours spécial devant la formation spécialisée du Conseil d’État.
Pourtant, une telle voie de recours me semble inappropriée.
Tout d’abord, je veux souligner que l’ANSSI ne manquera pas de déférer aux injonctions de l’ARCEP et rappeler que le droit au recours existe, même sans texte. L’ARCEP en dispose, même si la loi ne le prévoyait pas jusqu’à présent. La loi peut, certes, rappeler que l’ARCEP peut saisir le Conseil d’État. Le présent amendement ne remet pas cette dimension en cause.
En revanche, ce qui paraît tout à fait inapproprié, c’est de confier ce contentieux à la formation spécialisée du Conseil d’État, dont ce n’est pas le rôle. La loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement a créé, en effet, au sein du Conseil d’État, cette formation spécialisée, dans un but bien précis, qui est de connaître des litiges relatifs à l’utilisation des techniques de recueil de renseignements et à l’exercice du droit d’accès indirect aux fichiers de renseignement.
La justification d’une telle création repose évidemment sur la spécificité des activités de renseignement couvertes par le secret, ainsi que par le caractère intrusif des techniques mises en œuvre, compte tenu des risques d’atteinte à la vie privée.
Or les dispositifs techniques mentionnés à l’article 19 répondent à une logique tout à fait autre, puisqu’ils n’impliquent pas, par eux-mêmes, d’atteinte à la vie privée ni au secret des correspondances. C’est ce qui explique que le contrôle de leur mise en œuvre soit confié à l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, et non pas à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Dans ces conditions, procéder, comme le fait la rédaction actuelle de l’article 19, telle qu’elle résulte des travaux de votre commission, à l’élargissement du champ de compétence de la formation spécialisée du Conseil d’État au-delà de sa raison d’être, c’est-à-dire les activités de renseignement, ferait perdre sa cohérence à cette voie de droit tout à fait spécifique et fragiliserait le régime procédural qui lui est attaché. Par ailleurs, j’ajoute que, devant les juridictions supranationales, le caractère très particulier de son champ d’intervention est un argument important.
Les juridictions de droit commun pourront, quoi qu’il en soit, être saisies et, à ce titre, le présent amendement maintient bien la possibilité pour l’ARCEP de saisir le Conseil d’État, mais en formation ordinaire, et de faire usage, si nécessaire, des procédures d’urgence ouvertes devant le juge administratif.
Lorsque certaines informations sont couvertes par le secret de la défense nationale, le juge administratif pourra naturellement solliciter leur déclassification auprès de l’autorité administrative indépendante compétente, à savoir la Commission consultative du secret de la défense nationale.
Ainsi, le seul fait que le contentieux propre à la mise en œuvre des dispositifs techniques puisse concerner des informations classifiées ne peut à lui seul justifier un recours devant la formation spécialisée du Conseil d’État, sauf à vouloir fragiliser le rôle de la Commission consultative du secret de la défense nationale.
C’est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir accepter la modification ponctuelle du texte voté en commission qui fait l’objet de l’amendement n° 125.
La commission est favorable à cet amendement.
En effet, le Gouvernement maintient la possibilité offerte au président de l’ARCEP de saisir le Conseil d’État – ce droit de recours est au fondement même du fonctionnement de nos juridictions administratives – dans l’hypothèse, certes très hypothétique
Sourires.
Le dispositif du Gouvernement, contrairement à celui de la commission, supprime l’exercice de ce recours devant la formation spécialisée du Conseil d’État. Nous pensions qu’il était plus aisé de renvoyer à une formation spécialisée…
Toutefois, cet amendement répond à notre volonté de prévoir l’exercice d’un droit de recours en cas de désaccord éventuel entre l’ANSSI et l’ARCEP ce qui était le point essentiel. Nous considérons donc que la volonté de la commission est respectée.
J’aurai l’occasion de dire, au moment de voter cet article, tout le bien que nous pensons de cet article 19, que les deux assemblées ont contribué à améliorer.
L’avis de la commission est donc favorable.
L’article 19 envisage deux modalités en matière de cyberdéfense. La première, volontaire, ne fait pas débat : il s’agit de permettre aux opérateurs de réguler les flux qui transitent par leurs tuyaux et de placer des sondes pour identifier d’éventuelles attaques.
C’est la seconde, contraignante, qui pose problème, en permettant à un service de l’État, l’ANSSI, de placer des sondes, des marqueurs, de manière « autoritaire » sur les réseaux pour identifier les risques et tenter de les prévenir.
La question est de savoir si cette modalité entraîne une atteinte à la vie privée, au secret des correspondances. Le type de technique utilisée amène la commission des lois à une position différente de celle du Gouvernement : nous pensons qu’il y a très clairement atteinte à la vie privée.
Il faut maintenant faire en sorte que cette atteinte soit proportionnée. Nous nous sommes donc efforcés, dans le cadre de cet article 19, d’assurer certaines garanties, notamment en élargissant les modalités de contrôle de l’ARCEP. Nous lui avons permis, par exemple, de se doter de compétences externes, dans la mesure où elle dispose de relativement peu d’agents, et de faire appel au contrôle parlementaire. Dorénavant, l’ARCEP peut s’adresser au Parlement à tout moment et lui indiquer si elle estime ou non être en présence d’une atteinte à la vie privée.
Nous discutons ici de la question précise du droit au recours. L’amendement du Gouvernement laisse au président de l’ARCEP, autorité de contrôle, la possibilité, en cas de non-respect de ses injonctions par l’ANSSI, qui agit pour le compte de l’exécutif, de saisir le Conseil d’État qui statuera en premier et dernier ressort.
Le principe de l’exercice d’un droit de recours est donc maintenu, comme vient de l’expliquer le président Cambon. Le Gouvernement supprime simplement les dispositions introduites par nos commissions prévoyant la saisine de la formation spécialisée du Conseil d’État, compétente en matière de renseignement.
Cette précision avait pour but de garantir la protection du secret de la défense nationale sans contraindre le Gouvernement à des procédures trop lourdes, notamment de déclassification. Mais si ce dernier estime préférable de saisir les formations de droit commun, je n’y vois pas d’obstacle. L’essentiel est de préserver le principe d’un recours devant le Conseil d’État et d’assurer un équilibre entre l’ANSSI et l’ARCEP, dont la mission de contrôle vise à garantir la protection des libertés privées.
Dans la mesure où il garantit l’existence d’un droit de recours de droit commun devant le Conseil d’État, la commission des lois est prête à suivre l’amendement du Gouvernement.
M. Cadic et moi-même, ainsi que la commission des lois, avons souhaité renforcer le contrôle de l’ARCEP, notamment en cas de différend éventuel avec l’ANSSI.
Tout d’abord, en lui donnant accès au dispositif de traçabilité des données et en lui permettant d’être assistée par des experts habilités.
Ensuite, en permettant à son président non seulement de saisir le Conseil d’État si l’ANSSI refusait d’obtempérer à ses injonctions, mais aussi d’adresser des observations au Premier ministre et de les transmettre aux présidents des deux assemblées parlementaires. Ces deux points nous paraissaient primordiaux.
Dans la mesure où le Gouvernement a retenu l’essentiel de nos préoccupations, nous voterons cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 124, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 39, seconde phrase
Après le mot :
détermine
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
les modalités d’application du présent article.
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement concerne le décret en Conseil d’État prévu dans la nouvelle rédaction de l’article 19 issue des travaux de votre commission.
Cet article dispose que le décret visé doit a priori définir les catégories de données techniques qui font l’objet d’une analyse par l’ANSSI.
Or ces données, recueillies dans le cadre d’un dispositif de détection sur un équipement infecté par un attaquant, ont un caractère essentiellement technique. Elles sont relatives au trafic de l’attaquant lui-même.
Restreindre les catégories de données techniques susceptibles d’être ainsi recueillies aurait pour effet de limiter les capacités de l’ANSSI à analyser le mode opératoire d’un attaquant, sans pour autant renforcer le droit au respect de la vie privée qui n’est pas, en soi, affecté par cette analyse.
De surcroît, l’expérience montre que les techniques d’attaque évoluent sans cesse, en tout cas extrêmement rapidement. Le risque existe donc que des données qui auraient été préalablement définies par grandes catégories dans un décret ne soient plus celles qu’il serait in fine pertinent de recueillir.
Dans ces conditions, le recours à un décret en Conseil d’État pour définir a priori la nature des données conservées par l’ANSSI dans le cadre spécifique de la mise en détection d’un équipement qui aurait été infecté par un attaquant me paraît tout à fait contre-productif.
En revanche, un décret en Conseil d’État pourrait, conformément au souhait exprimé par la commission, préciser les modalités d’application de ce dispositif afin d’entourer sa mise en œuvre de toutes les garanties supplémentaires qui pourraient être souhaitées.
Tel est l’objet de cet amendement.
Ce sujet est plus important qu’il n’y paraît, singulièrement pour le Sénat, traditionnel protecteur des libertés.
Vous avez bien compris le dispositif dont il est question : l’ANSSI est autorisée à poser des dispositifs de détection et à les mettre en œuvre soit sur les réseaux d’opérateurs, soit sur les systèmes d’information et les fournisseurs de services, pour lutter contre la délinquance et le terrorisme.
Le problème porte sur le renvoi à un décret en Conseil d’État pour fixer les modalités d’application de ces dispositifs de détection, c’est-à-dire sur la question de savoir dans quelles conditions l’ANSSI peut mettre en place de tels dispositifs sur des réseaux d’opérateurs tels qu’Orange, par exemple, ou d’autres fournisseurs de services.
L’amendement présenté par Mme la ministre vise en quelque sorte à généraliser le décret d’application, alors que nous souhaitons, dans un souci de protection des libertés, domaine ô combien complexe, non pas limiter les catégories de données, comme vous l’avez dit, madame la ministre, mais simplement les préciser. En la matière, il peut s’agir d’adresses IP, de serveurs, d’adresses URL, d’adresses mail…
Nous voulons que les mesures d’application du dispositif de détection mis en place par l’ANSSI soient proportionnées au but recherché. Si l’on combat, par exemple, un délinquant ayant des contacts avec l’étranger, il faut savoir quelles données saisir.
Nous voulons simplement que le décret précise les catégories de données, alors que le Gouvernement considère qu’un tel dispositif serait par trop précis.
Par ailleurs, notre rédaction consolide le texte sur le plan juridique. En effet, la définition précise des catégories de données, madame la ministre, est une des conditions permettant au Conseil constitutionnel de considérer que la collecte et la conservation par les opérateurs ne portent pas une atteinte disproportionnée au secret des correspondances et au respect de la vie privée. Nous retrouvons donc les mêmes arguments qui nous ont conduits à préciser que le décret devait inclure les catégories de données que l’ANSSI pouvait essayer de saisir.
Cette simple précision ne constitue pas une différence fondamentale entre nos deux positions, mais il est dans la vocation du Sénat de placer des limites pour garantir le respect des libertés. Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
La commission des lois partage l’avis de la commission de la défense.
De quoi est-il question ? Nous sommes également préoccupés par les enjeux collectifs et les risques encourus par nos sociétés dans le domaine de la cyberdéfense. Il est normal que notre pays cherche à se protéger. La question reste de savoir si ces dispositifs peuvent constituer ou non une atteinte à la vie privée et, dans l’affirmative, quelles garanties nous pouvons mettre en place.
Contrairement au Gouvernement, nous considérons que la réponse à cette question est positive. Supposons que l’ANSSI pose une sonde de manière contraignante, parce qu’elle pense avoir détecté un risque : elle va alors analyser des flux.
Elle n’est pas dans une action de renseignement, j’en conviens. L’idée n’est pas de connaître le contenu du mail que j’ai pu adresser à Mme la ministre ou à Mme la secrétaire d’État, par exemple. L’idée est bien d’examiner les flux, de détecter les éventuelles anomalies, de regarder si l’enveloppe contenant le mail
M. le rapporteur pour avis de la commission des lois déchire légèrement une enveloppe qu ’ il tient entre ses mains et sort la lettre qu ’ elle contient.
Toutefois, dans la mesure où l’ANSSI recherche des marqueurs de virus, il lui faut ouvrir le mail en question et ses éventuelles pièces jointes pour vérifier toute anomalie de signature ou de caractère. La recherche des virus oblige donc intrinsèquement à regarder dans le document, non pour le lire – je vous en donne acte, madame la ministre –, mais pour vérifier la présence d’un caractère anormal.
Sous cet angle, il nous semble difficile de contester l’existence d’une atteinte à la vie privée. Et cette atteinte est d’autant plus marquante que l’ANSSI conservera les données qu’elle aura collectées – ce qu’elle a excellemment justifié lors de nos auditions – durant dix ans.
Nous voulons tout simplement mettre en place une garantie en renvoyant à un décret en Conseil d’État la définition des éléments pouvant être vérifiés et collectés, car ils porteront à l’évidence, au-delà des seules adresses mail, sur les contenus.
Nous partageons l’avis de la commission.
Pour que l’ARCEP puisse exercer son contrôle, il convient de définir les catégories de données que l’ANSSI est autorisée à collecter lorsqu’elle met en œuvre des sondes de détection sur les réseaux ou sur les serveurs des opérateurs, comme l’a souligné M. le rapporteur.
Il nous semble important de prévoir dans la loi ce renvoi à un décret en Conseil d’État. C’est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à l’amendement du Gouvernement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
Je voudrais souligner l’importance de l’article 19, qui va permettre d’améliorer à la fois la détection et la prévention des cyberattaques tout en confiant un rôle tant aux opérateurs de communication électronique et de téléphonie qu’à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information.
Je veux souligner le travail effectué par nos deux commissions et, monsieur le président Bas, notamment par la commission des lois. Nous avons très sensiblement amélioré le dispositif par plusieurs amendements, certains d’entre eux étant d’ailleurs communs à nos deux commissions – je pense, par exemple, à la clarification des obligations des opérateurs de communication.
Nous avons conforté le contrôle de l’ARCEP en créant un lien de contrôle juridique avec l’ANSSI. Nous avons étendu aux opérateurs de services essentiels le périmètre de la détection et de la protection.
Je veux remercier le Gouvernement d’avoir accepté la plupart de nos amendements. Il nous reste un petit point de désaccord, mais je pense que nous aurons l’occasion de trouver, avec nos collègues de l’Assemblée nationale, une rédaction adéquate qui permette de respecter les libertés.
Nous pouvons saluer le travail des deux assemblées sur un texte qui n’était pas totalement stabilisé initialement.
Pour ces raisons, nous voterons bien évidemment l’article 19.
Je pense qu’il convient d’adopter une approche très pragmatique sur ces questions. Aujourd’hui, nul ne sait, dans cet hémicycle, où se nichera la prochaine cyberattaque.
C’est pour cette raison, et pour cette raison seulement, que le Gouvernement proposait, à travers l’amendement n° 124, de renoncer à toute définition a priori de catégories de données qu’il serait possible ou non de collecter.
Il s’agissait simplement d’adopter une approche pragmatique, liée à un souci d’efficacité opérationnelle des services.
Pour répondre à la préoccupation bien légitime du Sénat de préservation des libertés publiques, nous proposions que ce décret en Conseil d’État examine les modalités d’un renforcement de garanties, dont nous ne doutons pas qu’elles soient nécessaires.
Ne nous méprenons pas sur les raisons pour lesquelles nos approches diffèrent. Je tenais à préciser les choses avant que vous ne recherchiez, comme vient de l’indiquer M. Cambon, un terrain d’entente avec les députés en commission mixte paritaire.
L ’ article 19 est adopté.
(Suppression maintenue)
(Non modifié)
Au II de l’article L. 4123-12 du code de la défense, après les mots : « y compris », sont insérés les mots : « les actions numériques, ». –
Adopté.
Chapitre III bis
Qualification de certains appareils et dispositifs techniques
L’article L. 2371-2 du code de la défense est ainsi rédigé :
« Art. L. 2371 -2. – Sous réserve d’une déclaration préalable à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, le service du ministère de la défense chargé de la qualification des appareils ou des dispositifs techniques mentionnés au 1° de l’article 226-3 du code pénal au profit des armées et des services du ministère de la défense, d’une part, et les militaires des unités des forces armées définies par arrêté du ministre de la défense, d’autre part, sont autorisés à effectuer des essais des appareils ou dispositifs permettant de mettre en œuvre les techniques ou mesures mentionnées à l’article L. 851-6, au II de l’article L. 852-1 ainsi qu’aux articles L. 852-2, L. 854-1 et L. 855-1 A du code de la sécurité intérieure. Ces essais sont réalisés par des agents individuellement désignés et habilités, à la seule fin d’effectuer ces opérations techniques et à l’exclusion de toute exploitation des données recueillies. Ces données ne peuvent être conservées que pour la durée de ces essais et sont détruites au plus tard une fois les essais terminés.
« La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement est informée du champ et de la nature des essais effectués sur le fondement du présent article. À ce titre, un registre recensant les opérations techniques réalisées est communiqué, à sa demande, à la commission. La commission peut, à sa demande et à la seule fin de s’assurer du respect des conditions prévues par le premier alinéa du présent article, se faire présenter sur place les dispositifs et capacités d’interception ayant fait l’objet d’essais.
« Les conditions d’application du présent article sont fixées par arrêté du ministre de la défense, pris après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. »
Je tiens à vous faire remarquer, madame la ministre, messieurs les présidents et rapporteurs, mes chers collègues, que, depuis la reprise de la séance, nous n’avons examiné que sept amendements, dont trois ont été retirés.
Les débats se déroulent certes dans d’excellentes conditions, mais à un rythme assez lent. §J’ai laissé courir le chronomètre sur certaines interventions ; je vais m’efforcer d’être un peu plus strict…
L’amendement n° 138, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3, dernière phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement vise à revenir sur un dispositif adopté à l’Assemblée nationale et modifié par votre commission.
Il s’agit d’encadrer la possibilité, pour la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, la CNCTR, de procéder à des contrôles sur les campagnes d’essais.
Le dispositif retenu par l’Assemblée nationale est fondé sur un régime de déclaration préalable des campagnes d’essais de matériel de renseignement auprès de la CNCTR, auquel s’ajoute un contrôle a posteriori sur le champ et sur la nature des tests réalisés. Ce contrôle se traduit par la possibilité, pour la CNCTR, d’obtenir, sur sa demande, communication du registre qui recense les opérations techniques effectuées.
La nouvelle rédaction de l’article 22 issue des travaux de votre commission va plus loin. Le fait d’autoriser un contrôle sur place des dispositifs et des capacités d’interception qui ont fait l’objet des essais aurait pour effet d’entretenir une confusion entre la mise en œuvre des techniques de renseignement, qui peut être soumise à des contrôles approfondis par la CNCTR, et les simples essais de matériel de renseignement qui doivent répondre à un contrôle moins poussé.
Il y aurait donc un paradoxe à prévoir un contrôle sur place pour de simples essais de matériel, alors même que le législateur a exclu tout récemment cette possibilité dans le cadre de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme en ce qui concerne la mise en œuvre par les armées de mesures de surveillance peu attentatoires à la vie privée, c’est-à-dire relevant de techniques dites de « hertzien ouvert ».
En effet, les unités des armées autorisées à mettre en œuvre de telles mesures ne sont pas soumises à un contrôle sur place de la CNCTR, cette dernière étant uniquement informée du champ et de la nature des mesures de surveillance hertzienne, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 2016 et à l’avis de l’assemblée générale du Conseil d’État du 15 juin 2017.
Cette disposition a été préparée en lien étroit avec la CNCTR et les modalités de ce contrôle répondent à ses demandes.
Pour l’ensemble de ses raisons, je vous demanderai de bien vouloir revenir sur la disposition votée en commission.
La commission des lois est à l’origine de cette disposition, adoptée en termes identiques par la commission de la défense.
Il s’agissait de permettre à la CNCTR de contrôler sur place les dispositifs et capacités d’interception faisant l’objet d’essais.
Mme la ministre nous dit qu’il s’agit de simples essais de matériel soumis à déclaration et contrôlés a posteriori par la CNCTR. Toutefois, on ne peut éliminer le risque d’interceptions dépassant la stricte limite nécessaire, raison pour laquelle ce contrôle sur place nous semblait important.
La commission a décidé de s’en remettre à la sagesse du Sénat.
Richard Yung a parlé de « cyberdéfense », le président de la commission et la ministre, eux, de « cyberattaques ». Pourquoi ne pas parler de « cybersécurité » ?
Richard Yung évoquait l’exemple des élections américaines. Plus près de nous, des cyberattaques – je pense aux virus WannaCry et NotPetya – ont frappé des hôpitaux britanniques, Renault, Vodafone ; on dit qu’elles auraient coûté plus d’un milliard d’euros, ce qui est beaucoup. La dernière attaque en date a affecté la SNCF, Auchan et Saint-Gobain.
Il s’agit d’un sujet intéressant. Il est bon de rappeler que le budget a été multiplié par trois, ce qui nous paraît essentiel.
J’ai entendu les arguments du rapporteur sur cet amendement n° 138. La commission a voulu renforcer les protections encadrant les collectes de flux de données pour éviter qu’elles n’aillent au-delà du strict nécessaire prévu par la loi ou qu’elles concernent le contenu des correspondances.
Vos arguments, madame la ministre, nous paraissent également recevables. C’est la raison pour laquelle je m’en remettrai également à la sagesse du Sénat.
Les arguments de Mme la ministre sont tout à fait recevables.
Le mécanisme mis en place pour contrôler les activités de la CNCTR, et notamment la communication du registre des mesures effectuées, me semble une garantie suffisante pour les libertés publiques. Je voterai donc cet amendement.
Pour ma part, je ne suis pas opposé à ce que la CNCTR étende son contrôle sur place, à l’occasion d’essais de matériel.
Comme l’a souligné M. le rapporteur voilà quelques instants, on n’est jamais à l’abri d’un dérapage. Je ne voterai donc pas cet amendement.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 22 est adopté.
L’amendement n° 91 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 22
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre IV du titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :
1° L’article L. 854-1 est ainsi modifié :
a) Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les autorisations prévues à l’article L. 851-1, à l’article L. 851-2 et au I de l’article L. 852-1 peuvent valoir, lorsque la décision d’autorisation le prévoit, autorisation d’exploitation des communications, ou des seules données de connexion, interceptées dans le cadre de la mise en œuvre de mesures de surveillance des communications internationales, dans la limite de la portée de ces autorisations et dans le respect des garanties qui les entourent. » ;
b) Au quatrième alinéa, les mots : « du troisième alinéa du présent article » sont remplacés par les mots : « des troisième et quatrième alinéas du présent article ainsi que des dispositions du V de l’article L. 854-2 » ;
2° L’article L. 854-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du III, après le mot : « également », sont insérés les mots : « après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement » ;
b) Après le III, sont insérés deux paragraphes ainsi rédigés :
« IV. – L’autorisation prévue au III vaut autorisation d’effectuer au sein des données de connexion interceptées des vérifications ponctuelles aux seules fins de détecter une menace pour les intérêts fondamentaux de la Nation liée aux relations entre des numéros d’abonnement ou des identifiants techniques rattachables au territoire français et des zones géographiques, organisations ou personnes mentionnés au 3° du III.
« À la seule fin de détecter, de manière urgente, une menace terroriste, cette vérification ponctuelle peut porter sur les communications de numéros d’abonnement ou d’identifiants techniques rattachables au territoire national. Ces numéros et identifiants sont immédiatement communiqués au Premier ministre et à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, pour les besoins du contrôle prévu à l’article L. 854-9.
« Des vérifications ponctuelles peuvent également être mises en œuvre pour détecter sur les communications d’identifiants techniques rattachables au territoire national, à des fins d’analyse technique, des éléments de cyberattaques susceptibles de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation mentionnés au 1° de l’article L. 811-3.
« Lorsque les vérifications ponctuelles mentionnées aux alinéas précédents font apparaître la nécessité d’une surveillance, l’exploitation des communications, ou des seules données de connexion interceptées, ne peut être poursuivie que sur le fondement d’une autorisation obtenue en application des chapitres I ou II du présent titre ou du V du présent article, dans le respect des règles qui leur sont propres.
« V. – Par dérogation au troisième alinéa de l’article L. 854-1 et pour la défense ou la promotion des finalités mentionnées aux 1°, 2°, 4°, 6° et 7° de l’article L. 811-3, le Premier ministre ou l’un de ses délégués peut, dans les conditions prévues au III, délivrer une autorisation d’exploitation de communications, ou de seules données de connexion interceptées, de numéros d’abonnement ou d’identifiants techniques rattachables au territoire national dont l’utilisateur communique depuis ce territoire.
« Le nombre maximal des autorisations d’exploitation, en vigueur simultanément et portant sur des correspondances, est arrêté par le Premier ministre, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. La décision fixant ce contingent et sa répartition entre les ministres mentionnés au premier alinéa de l’article L. 821-2 sont portées à la connaissance de la commission ».
3° À la première phrase de l’article L. 854-4, après le mot : « chapitre », sont insérés les mots : « ainsi que la vérification ponctuelle mentionnée au IV de l’article L. 854-2 » ;
4° L’article L. 854-9 est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement émet un avis sur les demandes mentionnées au III et au V de l’article L. 854-2 dans les délais prévus à l’article L. 821-3. Elle reçoit communication de toutes les décisions et autorisations mentionnées à l’article L. 854-2. » ;
b) Aux première et seconde phrases du quatrième alinéa, après les mots : « de surveillance », sont insérés les mots : « ou de vérification ponctuelle » ;
c) Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, toute personne souhaitant vérifier qu’elle n’a pas fait l’objet d’une surveillance irrégulière au titre du V de l’article L. 854-2 peut saisir le Conseil d’État du recours prévu au 1° de l’article L. 841-1. » ;
La parole est à Mme la ministre.
Il s’agit de compléter la loi relative aux mesures de surveillance des communications électroniques internationales, pour autoriser la mise en place de mécanismes de levée de doute et une meilleure prise en compte des menaces transnationales.
Cet amendement répond à une double nécessité. Tout d’abord, il convient de permettre aux services de n’engager qu’avec discernement la surveillance des communications d’un individu.
Les services doivent traiter quotidiennement une masse d’informations toujours croissante. Faire le tri est une opération essentielle, non seulement pour leur efficacité opérationnelle, mais aussi pour que l’usage de techniques plus invasives prévu par la loi soit aussi proportionné que possible.
Ensuite, nous voulons mieux lutter contre la menace que présentent sur notre sol des individus du fait de leurs liens avec l’étranger. La séparation étanche entre surveillance des communications nationales et internationales pose des difficultés que l’évolution de la menace met au jour.
En 2015, le législateur n’a jeté qu’une passerelle très étroite entre les deux régimes pour permettre un droit de suite quand une personne menaçante quitte notre sol. Mais il n’est pas possible d’exploiter les données légalement recueillies au titre de la surveillance des communications internationales pour apprécier la menace que présente un résident français en France du fait de ses liens hors du territoire national. Il est donc difficilement compréhensible que l’on se coupe ainsi de données légalement recueillies. Par exemple, un résident français qui planifierait un attentat depuis le Yémen peut être surveillé. En revanche, ses complices, qui font des allers-retours entre la France et la Belgique, ne peuvent pas l’être.
L’expérience des trois dernières années nous conduit malheureusement à évaluer très différemment le caractère transnational de la menace, qu’il s’agisse de terrorisme ou de cyberattaques. Cette réflexion, partagée par la CNCTR, justifie de réévaluer la frontière tracée en 2015. Comment allons-nous procéder ? Avec quelles garanties ?
Le Gouvernement ne souhaite évidemment pas, par le biais d’un amendement au détour du projet de loi relatif à la programmation militaire, remettre sur le métier la loi relative au renseignement. C’est un chantier qui nous occupera plutôt en 2020 et auquel il paraît indispensable d’associer étroitement la délégation parlementaire au renseignement, la DPR.
Je vous propose donc, mesdames, messieurs les sénateurs, de permettre simplement une utilisation plus rationnelle des données légalement recueillies dans le cadre de la surveillance des communications internationale. Nous ne donnons pas aux services de nouveaux moyens de collecte ni ne modifions en profondeur les équilibres retenus en 2015.
La levée de doute prendra la forme d’une vérification ponctuelle sur les données de connexion légalement interceptées dans le cadre de la surveillance des communications internationales.
Il s’agit d’opérations très rapides, non répétées et susceptibles de mettre en évidence un graphe relationnel ou la présence à l’étranger d’une personne, qui pourra alors être surveillée si elle présente une menace. Dès que la vérification fera apparaître la nécessité d’une surveillance, l’exploitation des communications ne pourra être poursuivie que via les techniques de renseignement inscrites dans la loi de 2015, dans le respect des garanties procédurales qui les entourent.
Nous voulons toutefois aller plus loin dans deux cas très particuliers.
D’abord, pour prévenir des menaces terroristes urgentes, les services doivent pouvoir recourir à un tamis plus fin, permettant une orientation plus rapide de leurs investigations. Il est donc prévu que, dans ce cas, les vérifications ponctuelles puissent porter sur des correspondances, avec une obligation de traçabilité renforcée, dans la mesure où des identifiants criblés seront transmis au Premier ministre et à la CNCTR.
Ensuite, pour détecter les cyberattaques majeures, celles qui sont susceptibles de mettre en cause l’indépendance nationale ou les intérêts de la défense nationale, il faut aussi que les vérifications ponctuelles puissent porter sur les correspondances. La démarche proposée est très différente : il ne s’agit pas de mettre en évidence la menace ou la vulnérabilité que présente un individu, mais des marqueurs techniques de flux malveillants circulant entre des machines victimes ou relais de l’attaque.
Le Conseil d’État et la CNCTR ont émis un avis favorable sans réserve sur ce dispositif.
Cet amendement comporte un second volet : pour mieux prendre en compte les menaces transnationales, nous prévoyons deux mesures.
Nous voulons d’abord permettre l’exploitation des données d’un identifiant technique rattachable au territoire national interceptées dans le cadre de la surveillance des communications internationales, alors même que son utilisateur est en France. Aujourd’hui, ce n’est pas possible et c’est une faille importante.
Cette surveillance ne pourra être demandée que pour la promotion et la défense de certains des intérêts fondamentaux de la Nation, ceux que compromettent des menaces transnationales. Elle relèvera d’une autorisation individuelle du Premier ministre, après avis de la CNCTR.
La même démarche d’adaptation de la frontière entre les régimes applicables en France et à l’étranger conduit à prévoir une mesure de moindre portée. Il s’agit de mettre fin à une situation peu cohérente résultant de la rédaction de la loi, afin que certaines techniques de renseignement autorisées sur le territoire national puissent permettre l’exploitation des données strictement correspondantes interceptées dans le cadre de la surveillance des communications internationales.
Ainsi, les interceptions de sécurité donneraient accès pour trente jours au flux des communications mixtes, vers ou depuis l’étranger, et les demandes de « fadettes » permettraient d’obtenir un double relevé de données de connexions nationales et internationales, sur une durée bornée à un an.
C’est donc une clarification importante au plan opérationnel et très cadrée que le Gouvernement soumet, mesdames, messieurs les sénateurs, à votre approbation.
Constatant que Mme la ministre vient de donner une explication plus que complète de ces dispositifs, je dirai simplement deux choses.
Tout d’abord, chacun le comprend bien, dans ces moments où nous devons lutter contre le terrorisme international, qui utilise les moyens de communication et de télécommunication, soit avec des numéros français commençant par 33, soit avec des numéros étrangers, mais opérant depuis la France, il faut évidemment donner à nos services tous les moyens pour renforcer la surveillance électronique de ces communications.
Ensuite, nous nous sommes bien évidemment appuyés sur l’avis du 9 mai 2018 de la CNCTR, qui est très vigilante sur ce sujet. L’occasion m’est ainsi donnée de rendre un hommage appuyé à notre collègue Michel Boutant, qui nous représente à la CNCTR et y effectue un travail exceptionnel.
Applaudissements.
Le présent amendement vise à introduire une série de garanties, afin de concilier les objectifs de protection de la sécurité nationale, de respect de la vie privée et de secret des correspondances, auxquels le Sénat est particulièrement attaché. En effet, il faudra l’autorisation du Premier ministre après avis de la CNCTR ; la durée de conservation sera plus limitée ; et c’est l’application du droit commun qui permettra de poursuivre l’exploitation des communications. Ce sont autant d’avancées.
Cet amendement est motivé par le constat que la menace est transnationale, comme Mme la ministre l’a fort bien expliqué, et qu’il existe une nécessité opérationnelle d’exploiter des données légalement recueillies au titre de la surveillance des communications internationales pour apprécier la menace que présenterait un résident français en France ou hors de France.
Pour ces raisons, je vous invite, mes chers collègues, à voter cet amendement déposé par le Gouvernement.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 22.
L’amendement n° 118, présenté par M. Decool, n’est pas soutenu.
Chapitre III ter
Dispositions relatives au contrôle parlementaire du renseignement
L’amendement n° 139, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans l’intitulé de cette division, remplacer les mots :
au contrôle parlementaire du renseignement
par les mots :
à la commission de vérification des fonds spéciaux
La parole est à Mme la ministre.
Il s’agit d’un amendement de coordination visant à revenir à la rédaction initiale de l’Assemblée nationale, en lien avec l’amendement n° 140, que je serai amené à défendre dans le cadre de l’examen de l’article 22 ter.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Non modifié)
L’article 154 de la loi de finances pour 2002 (n° 2001-1275 du 28 décembre 2001) est ainsi modifié :
1° Au V, les mots : « avant le 31 mars de » sont remplacés par le mot : « dans » ;
2° À la seconde phrase du second alinéa du VI, après le mot : « finances », sont insérés les mots : «, au Président de l’Assemblée nationale et au Président du Sénat, autorisés à cet effet à connaître ès qualités des informations du rapport protégées au titre de l’article 413-9 du code pénal » ;
3° Le VII bis est abrogé. –
Adopté.
L’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Après les mots : « À cette fin, elle », la fin du deuxième alinéa est ainsi rédigée : « peut solliciter tout document, information ou élément d’appréciation nécessaire à l’accomplissement de sa mission. Lorsque la transmission d’un document, d’une information ou d’un élément d’appréciation est soit susceptible de mettre en péril le déroulement d’une opération en cours ou l’anonymat, la sécurité ou la vie d’un agent relevant d’un service spécialisé de renseignement mentionné à l’article L. 811-2 du code de la sécurité intérieure ou d’un service autorisé par le décret en Conseil d’État mentionné à l’article L. 811-4 du même code, soit concerne les échanges avec les services étrangers ou avec les organismes internationaux compétents dans le domaine du renseignement, le Premier ministre ou les ministres de tutelle des services mentionnés au présent alinéa peuvent, par une décision motivée, s’opposer à sa communication. » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sont en outre communiqués à la délégation : » ;
c) Après le 6°, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° La liste annuelle des rapports de l’inspection des services de renseignement ainsi que des rapports des services d’inspection générale des ministères portant sur les services de renseignement qui relèvent de leur compétence. » ;
d) Après les mots : « tout ou partie des rapports », la fin de l’avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « mentionnés au 7° du présent I. » ;
e) Le dernier alinéa est supprimé ;
2° Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La délégation peut nommer, parmi ses membres, un rapporteur auquel elle peut déléguer une mission d’évaluation ou de contrôle sur une ou plusieurs thématiques relatives à l’activité des services mentionnés au I. » ;
3° Le premier alinéa du III est ainsi modifié :
a) À la première phrase, après les mots : « coordonnateur national du renseignement », sont insérés les mots : « et de la lutte contre le terrorisme » ;
b) Après la même première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’elle se rend sur le site de l’un des services mentionnés au I, la délégation peut entendre tout personnel placé auprès de ce service. »
Cet article soulève un double problème, sur le fond et la forme.
Sur le fond, sous couvert de renforcer le contrôle du Parlement sur nos organes de renseignement, il menace en réalité la sécurité de nos agents sur le terrain.
Il vise en effet à étendre la liste des personnes pouvant être entendues par la délégation parlementaire au renseignement, la DPR, à l’ensemble des personnels des services de renseignement. Il prévoit à cet effet que les membres de la délégation pourront se déplacer directement sur le site où ces agents opèrent, de manière à ne pas mettre en péril leur anonymat, autrement dit leur couverture.
Mais c’est justement le contraire qui risque de se produire ! Cet article prévoit en effet l’audition d’agents sur le lieu même de leur action. Une telle mesure est hautement susceptible d’exposer leur identité. La venue d’un groupe de députés ou de sénateurs, dans un pays ou une localité quelconque, ne se fera bien évidemment pas de façon anonyme.
Par ailleurs, une telle mesure individualise le contrôle parlementaire sur le renseignement, ce qui risque, à terme, d’en enrayer l’efficacité. Je tiens à le rappeler, l’objet initial de cette délégation parlementaire est « le suivi de l’activité générale des moyens des services de renseignement ». En aucun cas il n’est fait mention d’une forme de contrôle généralisé.
Enfin, cet article pose également un problème de forme, plus précisément de procédure. La délégation parlementaire au renseignement est un organisme paritaire, c’est-à-dire qu’elle comporte un nombre égal de sénateurs et de députés. Or ce projet de loi étant soumis à une procédure accélérée, l’Assemblée nationale ne sera pas en mesure de se prononcer sur ces dispositions avant la commission mixte paritaire.
Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai contre l’article 22 ter.
L’amendement n° 140, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement a pour objet d’écarter la possibilité d’un contrôle de la délégation parlementaire au renseignement sur l’ensemble de l’activité des services de renseignement.
La loi du 9 octobre 2007, qui a créé la délégation parlementaire au renseignement, permet l’information du Parlement sur l’activité des services de renseignement selon les exigences propres à toute démocratie. Ses possibilités d’audition et d’obtention de documents ont été accrues bien légitimement, à l’occasion d’évolutions législatives successives, la dernière ayant eu lieu en 2015.
Le Gouvernement a naturellement à cœur d’établir et d’entretenir une relation de travail dense entre les services de renseignement et la délégation parlementaire au renseignement. Toutefois, l’article dont nous discutons introduit à notre sens un véritable bouleversement, qui pose d’importantes difficultés juridiques et opérationnelles.
Pour l’exercice de ses missions, la délégation reçoit des informations sur le budget, l’activité générale et l’organisation des services, mais pas sur l’activité opérationnelle des services. Or le présent article remet profondément en cause cet équilibre, en reconnaissant un droit à l’information sur l’ensemble des pans de l’activité des services de renseignement, qu’il s’agisse d’informations relatives aux procédures et aux méthodes opérationnelles, des échanges avec les services étrangers partenaires ou encore d’informations, comme cela a été rappelé à l’instant, concernant les agents des services spécialisés, qui sont pourtant protégés par le droit au respect de l’anonymat.
Il existe donc à ce titre un véritable risque d’atteinte au principe de séparation des pouvoirs et aux prérogatives constitutionnellement garanties au pouvoir exécutif. Le présent article ouvre en effet la possibilité d’une information de la DPR sur les opérations en cours, alors même que le Conseil constitutionnel juge que le contrôle opéré par le Parlement ne peut concerner de telles opérations.
Par ailleurs, cet article vise à conférer à la délégation parlementaire au renseignement une faculté de supervision de l’action des services de renseignement qui ne respecte pas la délimitation du rôle du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, qui a été consacrée par la jurisprudence constitutionnelle, lorsque le pouvoir exécutif intervient dans le cadre de sa mission de défense des intérêts fondamentaux de la Nation.
En outre, un tel droit à l’information sur l’ensemble des pans de l’activité des services de renseignement est de nature à entraver l’efficacité opérationnelle des services et à mettre en péril leur sécurité opérationnelle, ainsi que celle de leurs agents.
L’article tend à fragiliser les méthodes de travail et les modalités d’action des services de renseignement, qui sont fondées sur le principe de cloisonnement de l’information. Ce cloisonnement se traduit par l’octroi d’habilitations et ce que l’on appelle le « besoin d’en connaître », qui restreignent l’accès à l’information au sein même des services. La sécurité des personnels et des opérations est ainsi assurée, aucun agent n’ayant accès à l’ensemble des informations détenues par le service.
L’article 22 ter, tel qu’il est aujourd’hui rédigé, tend aussi à fragiliser le lien de confiance existant avec les services étrangers, alors que l’accord exprès d’un partenaire est requis pour mettre à disposition d’un tiers des informations qu’il a partagées.
Par ailleurs, cet article confère à la DPR, sans aucunement l’encadrer, un droit nouveau : celui de se rendre sur le site d’un service de renseignement et d’y auditionner tout le personnel.
Tout personnel, donc tout le personnel !
Une telle évolution est peu compatible avec les avancées législatives récentes, qui ont précisément visé à protéger de façon systématique l’anonymat des agents des services de renseignement.
Par ailleurs, elle contrevient aux dispositions de l’article 20 de la Constitution aux termes duquel le Gouvernement dispose de l’administration.
Je ne l’ignore pas, les promoteurs de cet amendement invoquent des exemples étrangers.
Mais on ne peut isoler des dispositions de contrôle des services étrangers des prérogatives de ces derniers ni du contexte politique et juridique de chaque pays. Chaque système repose sur un équilibre différent. On ne peut importer, comme cela, certains éléments parcellaires provenant d’autres législations, sans repenser l’ensemble.
Je voudrais, à ce stade de nos débats, rappeler l’ordonnance de 1958, qui a connu récemment deux importantes modifications, la dernière dans le cadre de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. Je l’ai indiqué tout à l’heure, ce texte devrait faire l’objet, en 2020, après cinq années de mise en œuvre, d’une évaluation par le Parlement. C’est donc dans ce cadre, ou à l’occasion de l’examen d’un vecteur législatif dédié, qu’il me semble plus propice d’examiner, conformément à une démarche de concertation entre les services concernés et le Parlement, la question de la réévaluation des pouvoirs de la délégation parlementaire au renseignement, à l’aune de l’expérience de la mise en œuvre des dispositions récentes qui les ont renforcés.
Je ne doute pas qu’une telle évolution sera de nature à consolider la relation nécessaire de confiance avec les services de renseignement, que le législateur a souhaité instaurer lors de la création de la délégation parlementaire au renseignement en 2007.
Inversement, il serait difficilement compréhensible que, sur un sujet aussi important et aussi sensible, qui touche au cœur de la souveraineté de notre pays, un amendement non concerté avec le Gouvernement vienne porter atteinte au bon fonctionnement de nos services de renseignement et à la sécurité de leurs opérations et de leurs agents.
Je vous invite donc, mesdames, messieurs les sénateurs, à adopter le présent amendement, afin que nous puissions engager ensemble les travaux qui s’imposent en effet sur ce sujet, mais dans un contexte différent et après une concertation que je crois indispensable.
Monsieur le président, je vous propose de donner la parole à M. le président Bas, d’abord par courtoisie, ensuite parce que j’ai été son modeste vice-président à la DPR, dont il a quitté récemment la présidence. Il est le premier auteur non seulement de cet amendement, mais aussi de la proposition de loi que nous avons cosignée.
Madame la ministre, je vous ai bien écoutée, et vous ne m’avez pas convaincu.
Mes chers collègues, il est toujours plus facile d’inquiéter, comme vient de le faire Mme la ministre, que de rassurer. Néanmoins, je tenterai de vous rassurer.
Aucune des objections qui viennent d’être évoquées ne correspond à des risques que l’article 22 ter soulèverait. Celui-ci a été adopté par nos deux commissions. Il résulte des recommandations délibérées au sein de la délégation parlementaire au renseignement, lorsqu’elle a adopté son rapport au mois d’avril dernier.
Il ne s’agit nullement de nous substituer au pouvoir exécutif. Tout votre raisonnement sur la séparation des pouvoirs est parfaitement hors de propos, madame la ministre. Toutefois, puisque vous parlez de séparation des pouvoirs, vous ne contesterez pas que l’article XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, selon lequel « la Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration », doit s’appliquer à toutes les fonctions de l’État, y compris à la fonction de renseignement.
Mais elle doit bien évidemment s’y appliquer dans des conditions particulières, car il ne s’agit en aucun cas de fragiliser ni des opérations en cours, ni la coopération avec des services étrangers, ni des agents ou des sources activées par nos services de renseignement.
Je veux également rappeler, madame le ministre, que le Président de la République, le 3 juillet dernier – mais vous n’étiez peut-être pas présente ce jour-là –, a souligné l’importance qu’il attache au renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement. Nous voulons nous aussi contribuer à ce renforcement, mais nous voulons le faire avec discernement.
C’est la raison pour laquelle, en nous inspirant en effet des exemples étrangers, sans pour autant copier la constitution américaine, nous voulons mettre à niveau le contrôle parlementaire et permettre à notre délégation parlementaire au renseignement de franchir ainsi un palier dans l’exercice de sa responsabilité au nom de la représentation nationale, en prévoyant que, au lieu d’être destinataire d’une liste limitative de documents prévus par la loi, la DPR aura désormais accès à toute information qui lui est utile, sauf les informations que la ministre ou le Premier ministre lui refuseront parce que, si elles étaient divulguées, elles pourraient compromettre la sécurité et l’efficacité de nos services.
C’est dire si nous avons veillé – veuillez excuser mon immodestie – à ce que la responsabilité de l’État dans une fonction aussi vitale pour les intérêts fondamentaux de la Nation soit pleinement respectée, le Gouvernement conservant la clé de l’information qu’il communique.
Quant à la possibilité, reconnue par cet article à la délégation parlementaire au renseignement, de se rendre sur place, dans les services – et non pas sur les lieux d’opération ! –, et d’entendre les agents des services, c’est une exigence bien modeste. Je vous le rappelle, la DPR se rend déjà régulièrement dans les services, fort heureusement, où elle rencontre de très nombreux agents.
Madame la ministre, je tiens à formuler une ultime observation. Selon moi, votre réponse participe d’une méfiance à l’égard de la représentation nationale. §Pour notre part, nous exprimons notre confiance à l’égard des services de renseignement. Mais la confiance n’exclut pas le contrôle ! Ils vont de pair : le contrôle s’effectuera dans un esprit de responsabilité, et les dispositions que nous avons prévues permettront à nos services de renseignement d’avoir la garantie qu’il n’y aura pour eux aucun risque.
D’ailleurs, je vous le rappelle, la délégation parlementaire au renseignement, du fait de la loi elle-même, a accès aux secrets de la défense nationale, et ses membres sont assujettis à ce secret. On ne peut retenir l’idée étonnante selon laquelle les parlementaires membres de cette délégation divulgueraient immédiatement toute information qui leur serait communiquée. Tel n’est pas le cas ; tel n’a jamais été le cas ; et tel ne sera pas le cas après l’adoption de cet article.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.
Bien que je ne veuille pas allonger les débats, l’intervention de M. le président de la commission des lois nécessite de ma part, me semble-t-il, une courte prise de parole.
Je répondrai sur le fond, puisque M. Bas considère que mes objections constitutionnelles ne sont pas fondées, puis sur la méthode. Je voudrais rappeler aux membres de cette assemblée qui sont trop jeunes pour s’en souvenir…
… un recours devant le Conseil constitutionnel formé en décembre 2001 contre un article de la loi de finances qui créait une commission de contrôle des comptes des fonds spéciaux – j’avais eu l’honneur de défendre moi-même cet article devant cette assemblée.
Je cite le texte de la saisine : « Cet article encourt, sinon la censure, du moins de strictes réserves d’interprétation en ce qu’il enfreint le principe de la séparation des pouvoirs et, en particulier, l’exclusivité des responsabilités du Président de la République et du Premier ministre en matière de défense nationale.
« Tout d’abord, la désignation au sein de la commission n’est pas subordonnée à une habilitation de niveau Très Secret-Défense. […] Ensuite, la commission reçoit communication de l’état des dépenses se rattachant à des opérations en cours, ce qui est susceptible de compromettre la sécurité de celles-ci. Enfin, elle peut déléguer un de ses membres pour procéder à toutes enquêtes et investigations en vue de contrôler les faits retracés dans les documents comptables soumis à sa vérification.
« Toutes ces prérogatives sont excessives et mettent en péril la sécurité des opérations des services secrets, ainsi que, par conséquent, la séparation des pouvoirs elle-même. »
Cette saisine avait été signée par soixante sénateurs qui ne faisaient pas partie de la majorité politique de l’époque. C’est un peu le monde à l’envers, me direz-vous : nous sommes aujourd’hui, en quelque sorte, à fronts renversés. J’ajoute qu’il s’agissait non pas de la délégation parlementaire au renseignement, mais des prémices de cette délégation, à savoir la commission de vérification des fonds spéciaux.
Voici les termes de la décision du Conseil constitutionnel : « Considérant que, selon les sénateurs requérants, cette disposition méconnaîtrait les prérogatives du Président de la République et du Premier ministre dans la conduite des affaires relevant de la défense nationale et mettrait “en péril la sécurité des opérations des services secrets” ; considérant qu’aux termes du second alinéa de l’article 5 de la Constitution, le Président de la République “est garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités” ; qu’en vertu de son article 15, il est “le chef des Armées” ; que son article 21 dispose que le Premier ministre “est responsable de la Défense nationale” ; qu’aux termes de son article 35, le Parlement autorise la déclaration de guerre ; qu’en application de ses articles 34 et 47, le Parlement vote, à l’occasion de l’adoption des lois de finances, les crédits nécessaires à la défense nationale ; considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions constitutionnelles précitées que, s’il appartient au Parlement d’autoriser la déclaration de guerre, de voter les crédits nécessaires à la défense nationale et de contrôler l’usage qui en a été fait, il ne saurait en revanche, en la matière, intervenir dans la réalisation d’opérations en cours ; qu’il y a lieu, dès lors, de déclarer contraires à la Constitution les dispositions » de l’article instaurant la commission de vérification des fonds spéciaux.
S’agissant de la méthode, monsieur le président, je ne suis pas constitutionnaliste ; en outre, je vous l’accorde, nous étions en 2001, c’est-à-dire à la fin du XXe siècle, et nous sommes aujourd’hui en 2018. Entre-temps, la législation sur le renseignement s’est évidemment considérablement enrichie. Mais la Constitution, elle, reste fondamentalement la même, même si, là aussi, quelques évolutions ont pu intervenir.
S’agissant de la méthode, donc, je pense très sincèrement que ces matières sont suffisamment sensibles pour que nous prenions le temps de les examiner sereinement, sur le fond. Vous dites que la concertation a eu lieu. Je sais ce qu’il en est pour le Gouvernement : elle n’a pas eu lieu ! Et pour ce qui concerne l’Assemblée nationale, je crois comprendre que celle-ci a été, elle aussi, fort peu consultée.
Ne pourrait-on donc pas, à l’issue de ces échanges d’arguments, vifs et passionnés – il s’agit quand même de matières sérieuses ! –, envisager de reprendre ces questions dans un autre cadre, en prenant le temps, car – je le redis – il ne s’agit nullement de contrarier le contrôle parlementaire ? Et je ne souscris pas à certains propos qui ont été tenus tout à l’heure, selon lesquels ce gouvernement serait défavorable au contrôle exercé par le Parlement. C’est le contraire qui est vrai !
Il s’agit d’adapter le contrôle du Parlement à une matière qui est très spécifique – vous le savez mieux que personne.
Je propose donc, de façon raisonnable, me semble-t-il, que nous reprenions ces discussions dans un autre cadre.
Quelques éléments complémentaires, car je ne souhaite pas allonger le débat ; malgré tout, nous sommes au cœur d’une controverse importante – les arguments essentiels ont été évoqués par le président Bas.
Tout d’abord, vous évoquez cette décision du Conseil constitutionnel de 2001 ; elle date tout de même d’un certain nombre d’années. Depuis, la notion de contrôle parlementaire a beaucoup évolué, y compris dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Ensuite, je vous redis que nous vous tendons la main – je l’ai dit dans mon propos liminaire. Il n’y a donc aucune volonté d’affrontement, simplement la volonté de doter le Parlement des moyens nécessaires à l’évaluation des opérations de renseignement, lesquelles coûtent cher à la Nation.
Je rappelle, madame la ministre, qu’aux termes de cette LPM, vous vous engagez à créer 1 600 postes supplémentaires dans le seul renseignement et à consacrer 4, 6 milliards d’euros aux équipements dédiés au renseignement ! C’est une dépense considérable. Dans quel pays démocratique le Parlement refuserait-il d’examiner…
… de contrôler, l’engagement de sommes de cette importance, ce qui suppose de disposer d’éléments d’information ?
Par ailleurs, vous nous parlez de la concertation avec l’Assemblée nationale. Je rappelle quand même que ce n’est pas le Sénat qui a choisi la procédure accélérée, en vertu de laquelle le texte ne fait l’objet d’aucune navette.
Je suis obligé d’évoquer ce point. Nous avons émis ce souhait à plusieurs reprises.
Je redis solennellement ce que j’ai eu l’occasion de vous dire, madame la ministre, lors d’une rencontre que vous avez eu la gentillesse d’organiser avec les rapporteurs, et ce qu’a dit le président Bas : nous ne souhaitons absolument pas interférer dans les opérations en cours ni mettre en cause la sécurité de nos agents.
Nous avons passé toute cette discussion à montrer que nous voulions au contraire vous donner les moyens d’épuiser l’ensemble de vos compétences. Nous pensons simplement que dans un État moderne, doté d’un Parlement qui fonctionne et exerce à ce titre un certain nombre de compétences, vient un moment où, en matière de renseignement, les parlementaires sont en droit de recevoir un retour sur les engagements d’effectifs et de crédits mis en œuvre.
J’ai l’honneur de siéger, auprès du président Bas, au sein de la DPR. Je peux vous dire, sans crainte d’être contredit, que le contenu des rapports qui nous sont adressés, au demeurant tout à fait intéressants, ne correspond absolument pas à l’esprit du contrôle que nous souhaitons effectuer, dans la limite – je le répète – prescrite par l’exigence d’efficacité de nos services de renseignement.
Nous savons quelles sont les contraintes auxquelles ces services sont exposés. Nous savons que la vie même d’un certain nombre d’agents peut être mise en cause. Comme l’a souligné le président Bas, nous sommes donc tenus à un secret absolument rigoureux. Et vous conviendrez, madame la ministre – je le dis au passage –, que ce n’est jamais au Sénat que les secrets sont divulgués en matière de défense – je laisse cela à qui vous savez.
Je souhaite donc calmer le débat, vous tendre la main. Il reste, d’ici à la réunion de la commission mixte paritaire, quelques semaines. Nous serons attentifs aux propositions que vous souhaitez nous faire. Mais prenez en compte notre volonté de nous comporter comme les membres d’un Parlement moderne ! Vous avez cité – et nous avons nous aussi cité – les parlements d’Italie, d’Allemagne, du Royaume-Uni. Je rappelle qu’au Royaume-Uni, on confie ce contrôle à des organismes extérieurs à l’État !
Vous voyez donc que nous ne sommes pas dans l’anathème ; ce que nous proposons ne relève pas de quelque domaine interdit. Ce signal qui vous est envoyé doit ouvrir la voie à une discussion et à une négociation. Le président Philippe Bas et moi-même, ainsi que l’ensemble de nos collègues et de nos commissions, y sommes tout à fait ouverts.
Mme Marie-Thérèse Bruguière et M. Robert del Picchia applaudissent.
Je ne suis pas insensible aux propos que je viens d’entendre, aux échanges vifs auxquels viennent de se livrer Mme la ministre de la défense et M. le président de la commission des lois.
Mme la ministre faisait allusion à la décision, datant de 2001, du Conseil constitutionnel. Depuis, les choses ont évolué.
Je suis intervenu tout à l’heure pour indiquer que je voterais contre un amendement qui visait à revenir sur une légère extension des pouvoirs de contrôle de la CNCTR : vous aurez compris que je suis fondamentalement favorable, comme beaucoup de mes amis du groupe socialiste et républicain, à l’exercice de ce contrôle par le Parlement, qui est l’expression de la volonté du peuple.
Les contrôles que nous effectuons dans le cadre de la CNCTR sont uniquement a posteriori : ils portent toujours sur les affaires passées, pas sur les affaires en cours – ou bien notre rôle a changé sans que je m’en sois rendu compte !
Il n’y a donc pas de risque, en cas de contrôle, que soient dévoilées des affaires en cours et donc que soit mis en danger l’exercice professionnel de nos agents ou leur sécurité, voire leur intégrité.
L’un de nos collègues a évoqué l’éventualité de visites sur place qui pourraient être de nature à alimenter le risque ; mais la commission de vérification des fonds spéciaux, qui est une émanation de la DPR, se rend dans un certain nombre de pays et fait son travail de la manière la plus discrète possible.
Je suis donc très favorable à un contrôle qui soit le plus raisonnable possible, mais aussi le plus étendu possible, de la part soit de la CNCTR – en la matière, l’affaire est désormais entendue – soit de la DPR.
Pour autant, madame la ministre, j’entends vos arguments, celui de la constitutionnalité, celui du risque que l’on ferait peser sur nos agents. Ce dernier point est particulièrement important ! Je voudrais d’ailleurs profiter de l’occasion – ils ne peuvent se mettre eux-mêmes en avant – pour rendre hommage à tous ces hommes et à toutes ces femmes qui, dans l’ombre, dans des pays parfois très agités, remplissent leur mission au péril de leur vie.
Applaudissements.
Sensible aux arguments des uns et des autres, je suis donc favorable à la proposition que vous avez faite, madame la ministre, et qui semble être reprise par M. Cambon : qu’exécutif et législatif puissent, je ne sais sous quelle forme, s’asseoir autour d’une table pour discuter de l’évolution du rôle de la délégation parlementaire au renseignement.
En effet, dans le même temps où notre rôle demeure inchangé, on constate bien une extension des domaines dans lesquels interviennent nos services de renseignement et une augmentation du nombre de renseignements en circulation, toujours plus colossal depuis 2001.
Il y a vraiment lieu de contrôler le plus efficacement possible, mais sans que la confiance soit rompue avec les services de renseignement, qu’ils soient du premier ou du deuxième cercle – peu importe –, qui sont placés sous votre autorité, la DGSE, direction générale de la sécurité extérieure, la DRM, direction du renseignement militaire, et la DRSD, direction du renseignement et de la sécurité de la défense.
Nulle volonté de nuire, sachez-le, soyez-en persuadée, madame la ministre ; mais il faut que l’on fasse évoluer les choses !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Raymond Vall et Richard Yung applaudissent également.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 22 ter est adopté.
Madame la ministre, mes chers collègues, il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu’à zéro heure trente, afin de poursuivre l’examen de ce texte.
Il n’y a pas d’opposition ?…
Il en est ainsi décidé.
Chapitre IV
Dispositions relatives aux opérations, à la coopération et à l’entraînement des forces
(Non modifié)
Le I de l’article L. 2381-1 du code de la défense est ainsi modifié :
1° Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Des personnes dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu’elles présentent une menace pour la sécurité des forces ou des populations civiles. » ;
2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les prélèvements biologiques opérés sur les personnes mentionnées au 3° ne peuvent être que salivaires. » ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Les personnes mentionnées au même 3° sont informées, préalablement à tout relevé signalétique ou prélèvement biologique, des motifs et des finalités de ces opérations. »
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 37 est présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 75 est présenté par M. Devinaz, Mmes Perol-Dumont et G. Jourda et MM. Vallini et Mazuir.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Fabien Gay, pour présenter l’amendement n° 37.
Cet article a pour objet les relevés biométriques. Il nous pose un certain nombre de problèmes.
Premièrement, l’opacité autour de la nature du fichier BIOPEX est totale.
Si la sécurité nationale peut justifier un accès limité, il faut quand même prendre la mesure de ce fichier très clairement constitué pour un usage discrétionnaire. En effet, en cas de contentieux, le rôle du juge judiciaire est détourné au profit d’une formation spécialisée du Conseil d’État, alors que les pouvoirs de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, sont réduits depuis le décret du 4 août dernier. Ceci nous interroge d’autant plus que les activités de nos militaires ne se bornent pas à la lutte contre le terrorisme.
Aujourd’hui, les risques de « dérapages » sont pourtant limités, puisque le fichier BIOPEX ne concerne que les combattants décédés, lors d’actions de combat, ou capturés par les forces armées. Il s’agit donc, a posteriori, d’identifier une personne et de faire la preuve de sa culpabilité.
Mais la réforme proposée modifie diamétralement le dispositif. Il ne s’agira plus d’identifier et de confondre, mais de tout faire reposer sur l’intuition de nos militaires.
La protection des militaires est une priorité absolue, mais j’ai du mal à voir en quoi cet article permet d’œuvrer en sa faveur. Soit le dispositif est pleinement utilisé, et l’on va vers un fichage généralisé susceptible de créer des troubles ; soit le fichage se concentre sur des suspects déjà établis dont les services de renseignement s’occupent déjà.
La seule garantie apportée par le texte, à savoir la mention des motifs « précis et sérieux », est bien floue pour être efficace. Faudrait-il considérer ceux que certains appellent des agitateurs publics comme constituant une menace « précise et sérieuse » ?
Deuxièmement, nous l’avons déjà évoqué, un sentiment de toute-puissance ressort de cet article. Or, si l’on considère qu’aucun recours n’est réellement viable, que se passera-t-il en cas d’absence de coopération des personnes civiles, refusant de se soumettre aux prélèvements ? Il existe un risque que l’armée française passe pour une force d’occupation plus que de protection. Et nous supposons que la sécurité des militaires serait ébranlée tout autant par un rejet de la population que par l’impossibilité de prélever à tout-va des données pour BIOPEX.
Pour ces raisons, nous vous proposons la suppression de cet article.
La parole est à M. Gilbert-Luc Devinaz, pour présenter l’amendement n° 75.
Cet amendement vise à supprimer l’article 23, pour trois raisons.
Le socle légal de cet article est incertain ; sa formulation est imprécise ; il peut induire des formes d’insécurité.
Selon le Conseil d’État, cet article s’inscrit dans le cadre des conventions de Genève. Ces dernières sont elles-mêmes fondées sur la distinction entre civil et soldat. Le droit international humanitaire ne reconnaît donc pas d’autre catégorie de personnes. Or, dans les conflits actuels, les combattants ne portent pas forcément d’uniforme. Ils peuvent être en civil le jour, et combattants la nuit.
Je me pose donc la question suivante : à quel statut correspond la catégorie des « personnes dont il existe des raisons précises et sérieuses de penser qu’elles présentent une menace » ?
La rédaction de l’article ne résout pas cette difficulté. Les personnes visées ne sont considérées ni comme combattantes, ni comme prisonnières, ni comme civiles.
Ma question rejoint celle qui vient d’être posée ; elle est simple : en cas de refus de l’individu, sur quel droit peut s’appuyer notre soldat pour le soumettre au prélèvement ?
Par ailleurs, il faut considérer les conséquences de l’application de cette mesure sur les relations avec la population locale. En opérations extérieures, notre armée essaie, dans la mesure du possible, de se mêler à la population, ce qui n’est pas le cas d’autres armées comme l’armée américaine ou l’armée chinoise. Je crains que de tels prélèvements conduisent à une suspicion généralisée de la part de la population ; une telle suspicion ne peut produire qu’une défiance à l’encontre des forces françaises.
Cet ajout au code de la défense ouvre donc plus de questions qu’il n’apporte de réponses. C’est pourquoi je propose sa suppression.
Mes chers collègues, j’essaie de bien comprendre la portée de vos arguments juridiques, parce que, malheureusement, à la lumière des éléments qui sont à notre disposition, nous voyons un tout autre contexte.
S’il est une disposition qui est absolument attendue par nos militaires, c’est certainement celle-là : la possibilité d’opérer un certain nombre de prélèvements à la suite d’arrestations de personnes dont on a immédiatement besoin de savoir si elles appartiennent à la population civile ou font partie des terroristes.
Vous savez que, malheureusement, et singulièrement dans les opérations extérieures, nos soldats se battent contre des ennemis sans visage, qui, en un instant, peuvent se mêler à la population civile et s’en servir comme d’un bouclier humain.
À quelle situation sommes-nous confrontés ? Nous avons des morts et des blessés terribles. Lorsque je suis arrivé au Sahel en compagnie du général Bosser, un médecin avait sauté, trois jours auparavant, sur un IED, autrement dit sur une mine artisanale. Admis à l’hôpital Percy, il avait définitivement perdu un bras, une jambe et les deux yeux.
Croyez-moi : à ce moment-là, on ne regarde pas le code pour savoir si les mesures que l’on prend sont adéquates. Il est absolument nécessaire que, lorsque nos forces procèdent à des arrestations in situ, elles puissent immédiatement identifier les personnes concernées grâce à un fichier permettant de retrouver les apprentis terroristes ou terroristes confirmés dans quelque opération que ce soit.
Il y a le texte, la loi, bien sûr, et il y a la pratique.
Je pense que nous devons tous les égards possibles à ces militaires qui se battent avec courage et qui endurent des pertes importantes, des décès ou des blessures excessivement graves – il s’agit non seulement de blessures par balles, mais de membres arrachés. Il faut que ces actes cessent, et qu’à tout le moins celles et ceux qui les commettent puissent être réidentifiés, afin d’éviter qu’elles ou ils ne réapparaissent systématiquement à chaque opération, à chaque contrôle, dans les villages ou les douars situés à proximité.
Pour cette raison, je souhaite que notre assemblée suive l’avis défavorable émis par la commission sur ces amendements. Nos militaires ont bien besoin de cette reconnaissance pour les aider à lutter contre cette forme effroyable de terrorisme.
Monsieur le rapporteur, il est bon que nous ayons ce débat qui, à mon avis, est autant politique que philosophique. Je ne voudrais pas qu’on nous fasse dire, à mon collègue et à moi-même, que nous ne respectons pas les militaires en opération – nous sommes tous ici d’accord sur ce point.
Par ailleurs, évidemment, nous pensons tous, sur toutes les travées de cet hémicycle, qu’il faut assurer leur protection. Ne laissez pas croire, en rappelant un fait extrêmement grave, que nous pourrions ne pas être touchés par l’exemple que vous nous donnez.
Mais nous pensons à ce que nos militaires peuvent faire sur le terrain. Il faut évidemment pouvoir retrouver le plus rapidement possible celles et ceux qui commettent des atrocités…
Pour quelle raison ?
Je poursuis mon explication, et vous pourrez me répondre, mon cher collègue, avec grand plaisir – nous sommes dans un hémicycle où la parole est libre. Mais je ne vois pas ce qui n’est pas « bien » dans ce que je viens de dire. Et je n’ai, me semble-t-il, offensé personne.
J’ai dit que j’abondais dans le sens des propos tenus par M. le président de la commission. Justement, ne faisons pas dire aux auteurs de ces deux amendements qu’ils ne souhaiteraient pas la protection de nos forces armées !
Mais je dis qu’il faut respecter le droit partout. Vous avez dit qu’il fallait parfois, à certains moments, aller vite. Oui, mais en respectant le droit !
Par ailleurs, une telle disposition peut mettre nos forces en difficulté. Par exemple, si la personne civile n’accepte pas le prélèvement, dans le cadre d’une opération extérieure, comment fait-on ? Nous posons la question.
Je la pose à Mme la ministre des armées ; je vous la pose à vous, cher président de la commission ; je vous la pose à vous aussi, cher collègue qui m’interpellez. Admettons qu’un tel cas se présente : comment nos forces armées procèdent-elles ?
Sur cette base, je pense que le débat mérite d’avoir lieu. Nous pourrions mettre nos forces en difficulté en pensant leur donner une arme, laquelle sera complexe à mettre en œuvre. C’est tout ce que nous disons !
Je voudrais simplement rassurer notre collègue. Du reste, nous n’avons pas porté la moindre accusation contre les auteurs de ces amendements.
J’ai seulement dit que nos militaires avaient absolument besoin de ce dispositif pour faire face à cette forme nouvelle de terrorisme où l’assaillant peut disparaître du jour au lendemain et se confondre avec la population – on risque alors de le retrouver plus tard perpétrant des actions identiques.
Je veux rassurer notre collègue d’un point de vue juridique : le Conseil d’État a bien évidemment été saisi de ce dispositif, et a émis un avis favorable.
La Cour européenne des droits de l’homme a elle aussi donné son avis sur ce dispositif. Je n’allongerai pas le débat en en donnant lecture. Mais, dès lors que les mesures proposées sont reconnues comme justement proportionnées aux formes de terrorisme contre lesquelles on souhaite lutter, la Cour européenne des droits de l’homme admet tout à fait la possibilité pour les gouvernements d’utiliser de tels dispositifs.
Je rappelle qu’on demande à une personne qui commet un excès de vitesse de quelques kilomètres par heure de bien vouloir souffler dans le ballon ! Et je ne parle pas des prélèvements effectués dans le cadre des recherches relatives à des crimes ou à des délits.
Face à la gravité des attaques que subissent nos soldats, nous devons mettre en œuvre cette disposition essentielle ; elle permettra d’affronter un terrorisme qui prend plusieurs visages. Je souhaite que vous soyez le plus grand nombre à aller voir sur place la vie que mènent nos soldats.
Au camp de Gao, qui est équipé de moyens extraordinaires, 1 500 militaires font face à des terroristes qui s’approchent, la nuit, à 150 mètres – eux-mêmes n’ont aucun respect de leur propre vie et considèrent que la lutte doit être une lutte de tous les instants, pour laquelle tous les moyens sont bons.
À visiter l’hôpital de campagne, l’envie vous prend de faire quelque chose pour nos militaires. C’est ce que je fais ce soir.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ article 23 est adopté.
Le chapitre Ier du titre IX du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° L’article 689-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Pour l’application de la convention pour la répression d’actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime et du protocole pour la répression d’actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, faits à Rome le 10 mars 1988 et révisés à Londres le 14 octobre 2005, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l’article 689-1 toute personne coupable de l’une des infractions suivantes : » ;
a bis)
b) Après le 2°, sont insérés des 2° bis et 2° ter ainsi rédigés :
« 2° bis Infractions prévues au titre II du livre IV du code pénal ;
« 2° ter Infractions prévues aux articles L. 1333-9 à L. 1333-13-11, L. 2341-3 à L. 2341-7, L. 2342-57 à L. 2342-81 et L. 2353-4 à L. 2353-14 du code de la défense, ainsi qu’à l’article 414 du code des douanes lorsque la marchandise prohibée est constituée par les armes mentionnées dans la convention et le protocole mentionnés au premier alinéa du présent article ; »
c) Au 3°, les mots : « l’infraction définie au 1° » sont remplacés par les mots : « l’une des infractions définies aux 1°, 2° bis et 2° ter » ;
d) Sont ajoutés des 4° et 5° ainsi rédigés :
« 4° Délit de participation à une association de malfaiteurs prévu à l’article 450-1 du code pénal, lorsqu’il a pour objet un crime ou un délit mentionné aux 1°, 2° et 2° ter du présent article ;
« 5° Délit prévu à l’article 434-6 du code pénal. » ;
2° L’article 689-6 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « sur » est remplacé par le mot : « pour », la première occurrence du mot : « et » est remplacée par les mots : « du protocole complémentaire à la convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, fait à Pékin le 10 septembre 2010, », et, après la date : « 23 septembre 1971, », sont insérés les mots : « et de la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale, faite à Pékin le 10 septembre 2010, » ;
b) Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Toute infraction concernant un aéronef non immatriculé en France et figurant parmi celles énumérées à l’article 1er de la convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs précitée et tout autre acte de violence dirigé contre les passagers ou l’équipage et commis par l’auteur présumé de ces infractions, en relation directe avec celles-ci ; »
c) Il est ajouté un 3° ainsi rédigé :
« 3° Toute infraction figurant parmi celles énumérées à l’article 1er de la convention sur la répression des actes illicites dirigés contre l’aviation civile internationale précitée. » ;
3° Il est ajouté un article 689-14 ainsi rédigé :
« Art. 689 -14. – Pour l’application de la convention pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, faite à La Haye le 14 mai 1954, et du deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé, fait à La Haye le 26 mars 1999, peut être poursuivie et jugée dans les conditions prévues à l’article 689-1 toute personne qui réside habituellement sur le territoire de la République et qui s’est rendue coupable des infractions d’atteinte aux biens culturels mentionnés aux a à c du 1 de l’article 15 du protocole précité. La poursuite de ces infractions ne peut être exercée qu’à la requête du ministère public. » –
Adopté.
L’amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Guerriau et les membres du groupe Les Indépendants - République et Territoires, est ainsi libellé :
Après l’article 24
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet tous les deux ans au Parlement un rapport relatif aux partenariats stratégiques conclus par la France avec des pays tiers et impliquant la défense nationale et l’engagement des forces armées. Cette transmission est suivie d’un débat au sein des commissions chargées de la défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale et du Sénat.
La parole est à M. Joël Guerriau.
Les partenariats stratégiques sont des partenariats transversaux, qui sont moins formalisés qu’un traité. Certains d’entre eux, comme ceux conclus avec l’Australie ou avec l’Inde, ont des implications en matière de défense.
Selon le rapport annexé à la présente LPM, certains partenariats stratégiques ont acquis une telle importance qu’ils sont mentionnés au titre de la fonction d’« intervention », au même titre que nos engagements auprès de l’OTAN.
Face à la prolifération d’engagements et de coopérations, même informels, qui ont des implications pour la défense nationale, il nous semble important de réaliser un état des lieux bisannuel des partenariats existants, de leur adéquation avec nos intérêts nationaux et de leur compatibilité avec les moyens alloués à nos forces dans le cadre de la LPM.
Il nous semble également essentiel que l’information du Parlement soit renforcée et que la représentation nationale puisse débattre des implications de ces partenariats, sans bien sûr s’immiscer dans les prérogatives de l’exécutif en la matière.
Les partenariats stratégiques sont absolument essentiels. La France travaille – je prends l’exemple de l’Asie – avec des pays tels que le Japon ou l’Inde. Par ailleurs, avec l’Australie, nous avons un partenariat tout à fait exceptionnel.
Nous avons discuté de ce sujet en commission. J’étais d’avis que nous puissions souligner l’importance de ces partenariats stratégiques lors de notre débat en séance publique. Néanmoins, je pense que nous pouvons nous éviter la remise d’un rapport. On a souvent tendance, au Parlement, à demander la remise de rapports successifs.
Je pense que votre amendement, mon cher collègue, est plutôt une invitation adressée au président de la commission à augmenter l’activité de celle-ci : procéder à des auditions, vérifier et valider les bonnes hypothèses des partenariats et dresser des bilans réguliers. Cela sera, me semble-t-il, beaucoup plus vivant que de disposer de documents complémentaires. Nous répondrons ainsi à votre préoccupation, car, je le répète, les partenariats stratégiques sont essentiels, tout en allégeant le travail du Gouvernement, ce qui sera certainement apprécié. Nous serons ainsi tout aussi efficaces les uns et les autres.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement.
L’article L. 2338-3 du code de la défense est ainsi modifié :
1°
2°
Au troisième alinéa, après les mots : « Ils peuvent également », sont insérés les mots : « faire usage de moyens techniques appropriés, conformes à des normes techniques définies par arrêté du ministre de la défense, pour ». –
Adopté.
I. – Le troisième alinéa de l’article L. 3211-3 du code de la défense est ainsi rédigé :
« L’ensemble de ses missions militaires s’exécute sur toute l’étendue du territoire national, ainsi qu’en haute mer à bord des navires battant pavillon français. Hors de ces cas, elles s’exécutent en application des engagements internationaux de la France, ainsi que dans les armées. »
II. – Le cinquième alinéa de l’article L. 421-1 du code de la sécurité intérieure est ainsi rédigé :
« L’ensemble de ses missions civiles s’exécute sur toute l’étendue du territoire national, ainsi qu’en haute mer à bord des navires battant pavillon français. Hors de ces cas, elles s’exécutent en application des engagements internationaux de la France. » –
Adopté.
Chapitre V
Dispositions relatives au droit de l’armement
I. – Le titre III du livre III de la deuxième partie du code de la défense est ainsi modifié :
1° L’article L. 2331-1 est complété par un IV ainsi rédigé :
« IV. – Les dispositions relatives aux importations, aux exportations et aux transferts à destination ou en provenance des États membres de l’Union européenne sont applicables à l’Islande et à la Norvège. » ;
2° L’article L. 2332-1 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi rédigé :
« I. – Les entreprises qui se livrent à la fabrication ou au commerce de matériels de guerre, armes, munitions et de leurs éléments relevant des catégories A et B mentionnées à l’article L. 2331-1 ou qui utilisent ou exploitent, dans le cadre de services qu’elles fournissent, des matériels de guerre et matériels assimilés figurant sur la liste mentionnée au second alinéa de l’article L. 2335-2 ne peuvent fonctionner et l’activité de leurs intermédiaires ou agents de publicité ne peut s’exercer qu’après autorisation de l’État et sous son contrôle. » ;
b) Au premier alinéa du II, après le mot : « État », sont insérés les mots : « ou à la fourniture de services fondés sur l’utilisation ou sur l’exploitation des matériels de guerre et matériels assimilés mentionnés au I » ;
3° Le V de l’article L. 2335-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, après la référence : « L. 2331-1 », sont insérés les mots : « ou de services fondés sur l’utilisation ou sur l’exploitation des matériels de guerre et matériels assimilés figurant sur la liste mentionnée au second alinéa de l’article L. 2335-2 » ;
b) À la fin du second alinéa, les mots : « des matériels de catégories A et B » sont remplacés par les mots : « de ces matériels » ;
4° L’article L. 2335-18 est ainsi modifié :
a) Le I est ainsi modifié :
– les 1° et 2° sont ainsi rédigés :
« 1° Les satellites de détection, de renseignement, de télécommunication ou d’observation, leurs sous-ensembles, leurs équipements d’observation et de prise de vue, dont les caractéristiques leur confèrent des capacités militaires ;
« 2° Les stations et moyens au sol de contrôle, d’exploitation ou d’utilisation des matériels mentionnés au 1°, conçus ou modifiés pour un usage militaire ou dont les caractéristiques leur confèrent des capacités militaires ; »
– au 4°, le mot : « spécialisés » est supprimé ;
– au 5°, les mots : « et matériels spécifiques » sont remplacés par les mots : «, matériels » et, après le mot : « maintenance, », sont insérés les mots : « et moyens d’essais spécifiques » ;
– après le 6°, il est inséré un 7° ainsi rédigé :
« 7° Les connaissances requises pour le développement, la production ou l’utilisation des matériels mentionnés aux 1° à 5°, transmises sous la forme de documentation ou d’assistance techniques. » ;
b) Au II, la référence : « L. 2335-12 » est remplacée par la référence : « L. 2335-11 » ;
5° Au premier alinéa du I de l’article L. 2339-2, après la première occurrence du mot : « essentiels », sont insérés les mots : «, utilise ou exploite, dans le cadre de services qu’il fournit, des matériels de guerre et matériels assimilés » ;
6° L’article L. 2339-4-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « d’armes et de munitions » sont supprimés ;
b) Le 1° est complété par les mots : «, ou les prestations de services fondés sur l’utilisation ou sur l’exploitation de matériels de guerre et matériels assimilés ».
II. –
Non modifié
1° Les autorisations d’exportation délivrées sur le fondement de l’article L. 2335-2 du même code à destination de l’Islande et de la Norvège antérieurement à la publication de la présente loi conservent leur validité jusqu’à leur terme ;
2° Les autorisations d’importation délivrées antérieurement à la publication de la présente loi sur le fondement de l’article L. 2335-1 dudit code en provenance de l’Islande et de la Norvège et concernant les matériels de guerre figurant sur la liste mentionnée au second alinéa de l’article L. 2335-2 du même code conservent leur validité jusqu’à leur terme.
Nous avions déposé un amendement tendant à insérer un article additionnel après l’article 25, afin de renforcer le contrôle du Parlement sur les ventes d’armes. Cet amendement a été déclaré irrecevable.
Nous proposions d’instituer un mécanisme de contrôle des commissions permanentes sur les délivrances de licence. J’en conviens, cela représenterait une charge pour les commissions, mais cette mesure visait à mettre la pratique en conformité avec l’article 53 de la Constitution, qui détermine les prérogatives du Parlement s’agissant des traités.
Au demeurant, notre amendement était un amendement d’appel. À ce titre, le choix de le déclarer irrecevable alors qu’il visait à faire appliquer une disposition constitutionnelle m’interroge. Peut-être ne considérez-vous pas les contrats d’armement comme des traités ? Car, autrement, la Constitution n’est à notre avis pas respectée.
L ’ article 25 est adopté.
L’amendement n° 41, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À l’article L. 2333-3 du code de la défense, les mots : « peuvent imposer » sont remplacés par le mot : « imposent ».
La parole est à Mme Michelle Gréaume.
Cet amendement vise à compléter les quatre articles du code de la défense relatifs aux commissaires du Gouvernement chargés de contrôler l’activité des entreprises d’armement exportant du matériel. Ces commissaires, déjà importants lorsque les entreprises exportatrices étaient publiques, sont aujourd’hui vitaux alors que les prestataires sont privés.
Nous souhaitons renforcer le contrôle de l’État sur ces entreprises, marquant la spécificité de l’industrie d’armement. Car, comme je l’ai déjà évoqué, cette dernière est politique avant d’être économique.
Elle est politique d’abord, car l’exportation d’armements est, qu’on la condamne ou qu’on l’approuve, un outil de diplomatie important, comme l’a montré l’épisode de la vente des Mistral à la Russie, puis finalement à l’Égypte, avec financement saoudien.
Elle est politique ensuite, car, au-delà du profit, c’est toute une stratégie industrielle qui doit être discutée. Comment la France a-t-elle pu sacrifier 44 000 emplois entre 2008 et 2013, tout en montant en charge en matière d’exportations ? Comment expliquer que, avec 10 % à 20 % de chiffre d’affaires, des entreprises exportatrices consacrées à la recherche et au développement présentent une part si faible d’emplois convertis dans le civil ?
Elle est politique enfin, car la nature même des matériels concernés fait de l’armement une industrie spécifique qui doit relever du contrôle politique. Sans cela, il y a toujours le risque que la recherche absolue de profits n’entre en confrontation directe avec l’ambition de la France de lutter contre la prolifération des armes conventionnelles.
Ma chère collègue, les questions que vous posez reflètent vos convictions, qui sont tout à fait respectables, …
… même si je ne les partage pas.
Néanmoins, le dispositif envisagé dans votre amendement, qui vise à mettre en place un commissaire du Gouvernement auprès de toutes les entreprises ayant une activité d’armement, est beaucoup trop lourd. En outre, il ne serait pas du tout efficace dans les cas que vous évoquez. Un commissaire du Gouvernement est chargé de recueillir des renseignements d’ordre financier, administratif et comptable.
Je confirme que la possibilité de désigner un commissaire du Gouvernement existe déjà. Le Gouvernement peut tout à fait – d’ailleurs, il le fait – nommer des commissaires du Gouvernement quand c’est nécessaire. Il est donc inutile d’alourdir la procédure en systématisant la nomination des commissaires du Gouvernement.
Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 39, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article ainsi rédigé :
Le code de la défense est ainsi modifié :
1° Après le V de l’article L. 2335-3, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« … – L’autorisation préalable d’exportation mentionnée au I ne peut concerner un État engagé dans une intervention militaire extérieure sans mandat de l’Organisation des Nations unies. » ;
2° Après le premier alinéa de l’article L. 2335-4, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’autorité administrative mentionnée à l’alinéa précédent doit suspendre, modifier, abroger ou retirer les licences d’exportation qu’elle a délivrées et qui concernent un État engagé dans une intervention militaire extérieure sans mandat de l’Organisation des Nations unies. »
La parole est à M. Fabien Gay.
La France doit porter une voix forte et singulière, particulièrement à l’ONU. Cela passe par une réforme interne de l’organisation, afin d’enrayer tout blocage.
Il est essentiel de mener une politique claire vis-à-vis des États qui se soustraient à l’autorité des Nations unies. L’arrêt de la vente d’armes à ces pays serait à la fois un fort message politique et une sécurité pour la France elle-même. La crainte est que la France perde toute crédibilité à condamner des opérations extérieures illégales alors que ses propres armes sont parfois sur le terrain. Nous pensons, par exemple, au Yémen, où des armes françaises pourraient être impliquées.
Madame la ministre, nous avons bien entendu votre intervention du 9 février dernier, expliquant que les armes françaises vendues à l’Arabie Saoudite n’étaient « pas censées être utilisées au Yémen ». Notre amendement va donc dans votre sens. Si nous ne vendons plus à des pays intervenant sans mandat de l’ONU et dont les pratiques constituent de graves atteintes aux droits humains, les armes françaises ne se retrouveront plus associées à de véritables crises humanitaires.
J’ajoute que nous avons été quelque peu indignés lorsque le porte-parole du Gouvernement a déclaré que la vente d’armes françaises à l’Arabie Saoudite était « un intérêt clair pour l’industrie française ». La France serait donc prête à assumer la perte de milliers de vies au nom du commerce, de l’emploi…
Si ce n’était pas le cas, vous iriez manifester pour l’emploi avec la CGT !
… ou encore d’une influence que nous qualifierons d’« ingérence ».
Vous l’aurez compris, cet amendement correspond à un enjeu humanitaire ; nous reprenons le principe de l’article 26 de la Charte des Nations unies. De fait, l’adoption de notre amendement ne ferait que légitimer l’ONU dans son action pour la paix.
En liant les exportations d’armes aux opérations sous mandat de l’ONU, la France porterait une atteinte particulière à sa propre souveraineté.
Par ailleurs, comme l’ont montré les récents événements, lorsque le Conseil de sécurité se trouve en situation de blocage, toutes les exportations françaises d’armes sont paralysées.
J’imagine que nous aurons un jour une confrontation en commission sur cette éternelle question : la France ne doit-elle exporter que des armes défensives ? Or si nous n’exportions pas d’armes, notre propre sécurité serait remise en cause, car nous ne pourrions pas financer les investissements nécessaires pour mettre au point ces équipements. Nous aurons ce débat, mais sans doute pas à cette heure tardive.
En attendant, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
J’ai bien entendu la réponse de M. le rapporteur. Nous en avons d’ailleurs débattu ce matin en examinant les amendements.
Que les choses soient claires : là, nous ne sommes pas contre le commerce des armes – dans l’absolu, c’est autre chose –, nous parlons des ventes d’armes à des pays qui commettent des actes de barbarie contre leur population civile ; la nuance est importante.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 40, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 11 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale est ainsi rédigé :
« Art. 11. – Le rapport annuel sur les exportations d’armement de la France est public.
« Il contient notamment :
« 1° Le nombre de licences acceptées depuis le second semestre de l’année N-2 ;
« 2° Le nombre et le montant des licences délivrées en année N-1 par pays et par catégories de la liste commune des équipements militaires de l’Union européenne ;
« 3° Le détail des prises de commandes depuis l’année N-5 ;
« 4° Les autorisations de transit de matériels de guerre ;
« 5° Les livraisons d’armes légères en année N-1 ;
« 6° Les cessions onéreuses et gratuites réalisées en année N-1 par le ministère de la défense ;
« 7° Les types de matériels concernés par des autorisations d’exportation ou de transfert sur l’année N-1 ;
« 8° Les destinataires et usages finaux des matériels d’armement en année N-1 ;
« 9° Les motifs ayant justifié les refus de délivrance de licences et d’autorisations d’exportation ou de transfert ;
« 10° La liste des embargos sur les armes du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, de l’Union européenne et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ;
« 11° Les autorisations de réexportation accordées en année N-1 ;
« 12° Les principaux clients sur la période N-5/N-1.
« Une copie en est adressée aux présidents des commissions permanentes parlementaires chargées des affaires étrangères, de la défense et des questions économiques au plus tard le 1er juin de chaque année. Ce rapport fait l’objet d’un débat suivi d’un vote en séance publique de l’Assemblée nationale et du Sénat dans le mois suivant sa publication.
« Sont considérés comme armement dans ce rapport :
« a) Les armes classiques relevant des catégories établies par la liste commune des équipements militaires de l’Union européenne et le Traité sur le commerce des armes du 2 avril 2013 ;
« b) Les matériels à finalité duale ;
« c) Les composants dont la destination finale est d’être incorporés dans du matériel militaire ou dual. »
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Apparue pour la première fois dans le cadre de la LPM de 1996, l’information au Parlement sur les exportations d’armes s’est généralisée lors de l’examen du projet de loi de programmation militaire de 2013. Cependant, aujourd’hui, les limites du rapport sont régulièrement observées.
Tout d’abord, on note une certaine confidentialité du rapport annuel faute de débat au Parlement sur son contenu.
Ensuite, il manque un espace de contrôle, puisque ce rapport ne fait même pas l’objet d’un vote, ne serait-ce que symbolique, permettant une prise de position du Parlement sur la politique menée en matière d’exportation d’armements.
Enfin, l’opacité est totale, puisqu’il manque à ce rapport de nombreux éléments susceptibles d’éclairer la représentation nationale. Je pense au nombre et aux motifs de refus de délivrance de licence chaque année, aux destinataires finaux des armes exportées ou encore aux matériels à finalité duale.
Je vous rassure, madame Prunaud, le rapport actuel est public. Il est du reste disponible sur internet. Il comporte une foultitude d’éléments statistiques ; j’en ai deux pages entières sous les yeux !
Le niveau de détail que vous préconisez nous apparaît donc déraisonnable. Au demeurant, cela rendrait un fier service à nos concurrents en matière d’exportation d’armes. En revanche, les commissions de la défense, et singulièrement la nôtre, sont tout à fait en mesure de demander des informations plus précises en tant que de besoin ; en général, nous ne nous gênons pas pour le faire lorsque nous auditionnons des industriels.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur le rapporteur, je le dis sans polémique aucune : l’important, pour moi et les membres de mon groupe, est de pouvoir voter sur le rapport. Plusieurs membres de notre commission demandent un contrôle accru du Parlement. Nous sommes favorables à un vote, même symbolique.
La loi ne prévoit pas que la commission de la défense s’exprime par un vote sur ces rapports. Elle en prend simplement connaissance. Je ne peux donc pas forcer la procédure.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 42, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 25
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le titre III du livre IV du code pénal est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :
« CHAPITRE VII
« De la violation des embargos et autres mesures restrictives
« Art. 437 -1. – I. – Constitue un embargo ou une mesure restrictive au sens du présent chapitre le fait d’interdire ou de restreindre des activités commerciales, économiques ou financières ou des actions de formation, de conseil ou d’assistance technique en relation avec une puissance étrangère, une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents ou toute autre personne, en application :
« 1° De la loi ;
« 2° D’un acte pris sur le fondement du traité sur l’Union européenne ou du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
« 3° D’un accord international régulièrement ratifié ou approuvé ;
« 4° D’une résolution du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies.
« II. – Le fait de ne pas respecter un embargo ou une mesure restrictive est puni d’une peine de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 € d’amende.
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 500 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.
« Toutefois, les peines d’amende prévues aux deux premiers alinéas du présent II peuvent être fixées au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou de la valeur des biens et services ayant été l’objet de transactions illicites.
« La tentative des infractions prévues au présent article est punie des mêmes peines.
« La confiscation de l’objet du délit, des équipements, matériels et moyens de transport utilisés pour sa commission, ainsi que des biens et avoirs qui en sont le produit direct ou indirect est ordonnée par le même jugement.
« L’autorité judiciaire peut prescrire ou faire effectuer la mise hors d’usage ou la destruction, aux frais de l’auteur de l’infraction, des biens confisqués.
« III. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2, de l’infraction prévue au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38, les peines prévues à l’article 131-39.
« IV. – L’abrogation, la suspension ou l’expiration d’un embargo ou d’une mesure restrictive ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l’exécution de la peine prononcée.
« V. – Lorsque l’embargo ou la mesure restrictive qui n’est pas respecté porte sur des matériels de guerre et des matériels assimilés dont l’exportation est soumise à autorisation préalable en application de l’article L. 2335-2 du code de la défense ou sur des équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne et que les faits en cause sont commis à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 du présent code et la seconde phrase de l’article 113-8 n’est pas applicable. »
II. – À l’article 414-2 du code pénal, la référence : « et 412-1 » est remplacée par les références : «, 412-1 et 437-1 ».
III. – Après le 11° de l’article 706-73 du code de procédure pénale, il est inséré un 11°… ainsi rédigé :
« 11°… Délit de violation d’un embargo ou d’une mesure restrictive commis en bande organisée prévue à l’article 437-1 du code pénal ; ».
IV. – La section 3 du chapitre VI du titre XII du code des douanes est complétée par un paragraphe… ainsi rédigé :
« Paragraphe…
« Violation des embargos et autres mesures restrictives
« Art. 440 … – L’abrogation, la suspension ou l’expiration d’un embargo ou d’une mesure restrictive définis à l’article 437-1 du code pénal ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions prévues au présent code qui ont été commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l’exécution de la peine prononcée. »
La parole est à M. Fabien Gay.
Vous l’aurez compris, nos amendements étaient des amendements d’appel ; il s’agissait de susciter un débat. C’est pourquoi je vous remercie, monsieur le rapporteur, d’avoir pris le temps de nous répondre, malgré l’heure tardive. Je pense que nous aurons à poursuivre ce débat.
J’ai bien conscience que ma sensibilité politique occupe seulement quinze sièges dans cet hémicycle. Je m’incline devant la représentativité nationale. Nous sommes minoritaires. Je sais que la majorité est de droite, et je la respecte. Il arrive parfois que nos avis fassent bondir certains, mais nous sommes là pour que le débat puisse avoir lieu.
Madame la ministre, je regrette que vous n’ayez pris le temps de nous répondre sur aucun de ces amendements d’appel. Cela correspond avec la méthode qui est la vôtre, parfois empreinte d’un peu de mépris – je le ressens comme ça –, consistant à ne pas prendre le temps d’échanger quelques mots pour pouvoir répondre politiquement dans un débat.
L’amendement n° 42, qui est aussi un amendement d’appel, vise à voir arriver enfin au bout de la navette parlementaire le projet de loi relatif à la violation des embargos. Je dis « enfin », car il faut quand même rappeler que ce projet de loi a été porté par Mme Michèle Alliot-Marie.
Plus de dix ans après son adoption par l’Assemblée nationale et cinq ans après son adoption par le Sénat, ce texte n’est toujours pas arrivé au bout de son processus. Pourtant, il nous semble qu’on peut difficilement s’opposer à un texte voté par deux majorités différentes et visant seulement à créer un délit d’infraction aux embargos, ce qui semble relever du bon sens.
Cet amendement comporte deux enjeux spécifiques.
Le premier, qui concerne l’adoption de telles dispositions, viendra légitimer les organisations internationales, en l’espèce l’Union européenne, l’ONU et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. En effet, il apparaît difficile de se satisfaire du fait que des embargos décidés par la communauté internationale ne soient pas respectés.
J’ajouterai par ailleurs que, du fait des insuffisances du rapport français annuel sur les exportations d’armement, rien n’indique aujourd’hui que les livraisons de matériel, par exemple en Côte d’Ivoire, en Chine, en Biélorussie, en Russie ou encore en République démocratique du Congo, ne tombent pas sous le coup des embargos applicables à ces pays.
Le second enjeu est, bien évidemment, humanitaire. Il s’agit de ne pas oublier que, derrière ces embargos, se cache bien souvent la volonté de limiter les risques d’une explosion armée sur des territoires instables, pouvant à tout moment déboucher sur de vraies crises humanitaires.
Une nouvelle fois, ces dispositions s’inscrivent pleinement dans le droit international, que ce soit le traité sur le commerce des armes ou la résolution 1198, vieille de déjà vingt ans et avec laquelle la France devrait se mettre en conformité.
Mon cher collègue, vous avez tout à fait raison s’agissant de la procédure législative. Effectivement, ce texte a fait l’objet de deux votes successifs : l’un au Sénat, en 2007, et un autre à l’Assemblée nationale, en 2016.
Néanmoins, sauf instruction particulière du Gouvernement, pour poursuivre le processus législatif, il faut une deuxième lecture. Il revient donc au Gouvernement de faire inscrire la deuxième lecture de ce projet de loi au Sénat. La commission sera bien évidemment prête à l’étudier, car le problème du non-respect des embargos se pose dans de nombreuses contrées. Nous sommes bien au fait de ces sujets.
Monsieur le sénateur, ma réponse laconique aux trois amendements précédents n’était nullement la preuve d’un quelconque mépris ; ce n’est pas du tout ma façon de me comporter. C’est simplement que M. le rapporteur avait développé l’ensemble des arguments que je partageais.
Le Gouvernement ne peut évidemment qu’adhérer aux objectifs de l’amendement. Le projet de loi étant encore en cours de navette législative entre les deux assemblées, je crois qu’il faut laisser celle-ci aller jusqu’à son terme.
Mais, sur le fond, je n’ai évidemment pas d’opposition aux objectifs affichés. Simplement, il faut un travail en concertation avec le ministère des affaires étrangères, le ministère de la justice et notre ministère.
Par conséquent, je vous recommande, si vous en étiez d’accord, de poursuivre le travail et de retirer votre amendement. Nous retrouverons ce texte ultérieurement.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse.
Notre amendement était un amendement d’appel. Pour une fois, nous avons eu une réponse. Nous allons vous accompagner et regarder de très près le parcours de la navette. Nous retirons donc notre amendement.
L’amendement n° 42 est retiré.
Mes chers collègues, nous avons examiné 62 amendements au cours de la journée ; il en reste 88.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 23 mai 2018, à quatorze heures trente et le soir :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen ;
Rapport de M. Alain Richard, rapporteur pour le Sénat, fait au nom de la commission mixte paritaire (n° 443, 2017-2018) ;
Texte de la commission mixte paritaire (n° 444, 2017-2018).
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (n° 383, 2017-2018) ;
Rapport de M. Christian Cambon, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 476, 2017 2018) ;
Avis de M. Philippe Bonnecarrère, fait au nom de la commission des lois (n° 472, 2017-2018) ;
Avis de M. Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances (n° 473, 2017-2018) ;
Texte de la commission (n° 477, 2017-2018).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 23 mai 2018, à zéro heure trente-cinq.