Ce sujet est plus important qu’il n’y paraît, singulièrement pour le Sénat, traditionnel protecteur des libertés.
Vous avez bien compris le dispositif dont il est question : l’ANSSI est autorisée à poser des dispositifs de détection et à les mettre en œuvre soit sur les réseaux d’opérateurs, soit sur les systèmes d’information et les fournisseurs de services, pour lutter contre la délinquance et le terrorisme.
Le problème porte sur le renvoi à un décret en Conseil d’État pour fixer les modalités d’application de ces dispositifs de détection, c’est-à-dire sur la question de savoir dans quelles conditions l’ANSSI peut mettre en place de tels dispositifs sur des réseaux d’opérateurs tels qu’Orange, par exemple, ou d’autres fournisseurs de services.
L’amendement présenté par Mme la ministre vise en quelque sorte à généraliser le décret d’application, alors que nous souhaitons, dans un souci de protection des libertés, domaine ô combien complexe, non pas limiter les catégories de données, comme vous l’avez dit, madame la ministre, mais simplement les préciser. En la matière, il peut s’agir d’adresses IP, de serveurs, d’adresses URL, d’adresses mail…
Nous voulons que les mesures d’application du dispositif de détection mis en place par l’ANSSI soient proportionnées au but recherché. Si l’on combat, par exemple, un délinquant ayant des contacts avec l’étranger, il faut savoir quelles données saisir.
Nous voulons simplement que le décret précise les catégories de données, alors que le Gouvernement considère qu’un tel dispositif serait par trop précis.
Par ailleurs, notre rédaction consolide le texte sur le plan juridique. En effet, la définition précise des catégories de données, madame la ministre, est une des conditions permettant au Conseil constitutionnel de considérer que la collecte et la conservation par les opérateurs ne portent pas une atteinte disproportionnée au secret des correspondances et au respect de la vie privée. Nous retrouvons donc les mêmes arguments qui nous ont conduits à préciser que le décret devait inclure les catégories de données que l’ANSSI pouvait essayer de saisir.
Cette simple précision ne constitue pas une différence fondamentale entre nos deux positions, mais il est dans la vocation du Sénat de placer des limites pour garantir le respect des libertés. Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.