Intervention de Florence Parly

Réunion du 22 mai 2018 à 21h30
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Article 22 ter nouveau

Florence Parly :

Cet amendement a pour objet d’écarter la possibilité d’un contrôle de la délégation parlementaire au renseignement sur l’ensemble de l’activité des services de renseignement.

La loi du 9 octobre 2007, qui a créé la délégation parlementaire au renseignement, permet l’information du Parlement sur l’activité des services de renseignement selon les exigences propres à toute démocratie. Ses possibilités d’audition et d’obtention de documents ont été accrues bien légitimement, à l’occasion d’évolutions législatives successives, la dernière ayant eu lieu en 2015.

Le Gouvernement a naturellement à cœur d’établir et d’entretenir une relation de travail dense entre les services de renseignement et la délégation parlementaire au renseignement. Toutefois, l’article dont nous discutons introduit à notre sens un véritable bouleversement, qui pose d’importantes difficultés juridiques et opérationnelles.

Pour l’exercice de ses missions, la délégation reçoit des informations sur le budget, l’activité générale et l’organisation des services, mais pas sur l’activité opérationnelle des services. Or le présent article remet profondément en cause cet équilibre, en reconnaissant un droit à l’information sur l’ensemble des pans de l’activité des services de renseignement, qu’il s’agisse d’informations relatives aux procédures et aux méthodes opérationnelles, des échanges avec les services étrangers partenaires ou encore d’informations, comme cela a été rappelé à l’instant, concernant les agents des services spécialisés, qui sont pourtant protégés par le droit au respect de l’anonymat.

Il existe donc à ce titre un véritable risque d’atteinte au principe de séparation des pouvoirs et aux prérogatives constitutionnellement garanties au pouvoir exécutif. Le présent article ouvre en effet la possibilité d’une information de la DPR sur les opérations en cours, alors même que le Conseil constitutionnel juge que le contrôle opéré par le Parlement ne peut concerner de telles opérations.

Par ailleurs, cet article vise à conférer à la délégation parlementaire au renseignement une faculté de supervision de l’action des services de renseignement qui ne respecte pas la délimitation du rôle du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, qui a été consacrée par la jurisprudence constitutionnelle, lorsque le pouvoir exécutif intervient dans le cadre de sa mission de défense des intérêts fondamentaux de la Nation.

En outre, un tel droit à l’information sur l’ensemble des pans de l’activité des services de renseignement est de nature à entraver l’efficacité opérationnelle des services et à mettre en péril leur sécurité opérationnelle, ainsi que celle de leurs agents.

L’article tend à fragiliser les méthodes de travail et les modalités d’action des services de renseignement, qui sont fondées sur le principe de cloisonnement de l’information. Ce cloisonnement se traduit par l’octroi d’habilitations et ce que l’on appelle le « besoin d’en connaître », qui restreignent l’accès à l’information au sein même des services. La sécurité des personnels et des opérations est ainsi assurée, aucun agent n’ayant accès à l’ensemble des informations détenues par le service.

L’article 22 ter, tel qu’il est aujourd’hui rédigé, tend aussi à fragiliser le lien de confiance existant avec les services étrangers, alors que l’accord exprès d’un partenaire est requis pour mettre à disposition d’un tiers des informations qu’il a partagées.

Par ailleurs, cet article confère à la DPR, sans aucunement l’encadrer, un droit nouveau : celui de se rendre sur le site d’un service de renseignement et d’y auditionner tout le personnel.

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