Intervention de Florence Parly

Réunion du 22 mai 2018 à 21h30
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Article 22 ter nouveau

Florence Parly :

… un recours devant le Conseil constitutionnel formé en décembre 2001 contre un article de la loi de finances qui créait une commission de contrôle des comptes des fonds spéciaux – j’avais eu l’honneur de défendre moi-même cet article devant cette assemblée.

Je cite le texte de la saisine : « Cet article encourt, sinon la censure, du moins de strictes réserves d’interprétation en ce qu’il enfreint le principe de la séparation des pouvoirs et, en particulier, l’exclusivité des responsabilités du Président de la République et du Premier ministre en matière de défense nationale.

« Tout d’abord, la désignation au sein de la commission n’est pas subordonnée à une habilitation de niveau Très Secret-Défense. […] Ensuite, la commission reçoit communication de l’état des dépenses se rattachant à des opérations en cours, ce qui est susceptible de compromettre la sécurité de celles-ci. Enfin, elle peut déléguer un de ses membres pour procéder à toutes enquêtes et investigations en vue de contrôler les faits retracés dans les documents comptables soumis à sa vérification.

« Toutes ces prérogatives sont excessives et mettent en péril la sécurité des opérations des services secrets, ainsi que, par conséquent, la séparation des pouvoirs elle-même. »

Cette saisine avait été signée par soixante sénateurs qui ne faisaient pas partie de la majorité politique de l’époque. C’est un peu le monde à l’envers, me direz-vous : nous sommes aujourd’hui, en quelque sorte, à fronts renversés. J’ajoute qu’il s’agissait non pas de la délégation parlementaire au renseignement, mais des prémices de cette délégation, à savoir la commission de vérification des fonds spéciaux.

Voici les termes de la décision du Conseil constitutionnel : « Considérant que, selon les sénateurs requérants, cette disposition méconnaîtrait les prérogatives du Président de la République et du Premier ministre dans la conduite des affaires relevant de la défense nationale et mettrait “en péril la sécurité des opérations des services secrets” ; considérant qu’aux termes du second alinéa de l’article 5 de la Constitution, le Président de la République “est garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités” ; qu’en vertu de son article 15, il est “le chef des Armées” ; que son article 21 dispose que le Premier ministre “est responsable de la Défense nationale” ; qu’aux termes de son article 35, le Parlement autorise la déclaration de guerre ; qu’en application de ses articles 34 et 47, le Parlement vote, à l’occasion de l’adoption des lois de finances, les crédits nécessaires à la défense nationale ; considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions constitutionnelles précitées que, s’il appartient au Parlement d’autoriser la déclaration de guerre, de voter les crédits nécessaires à la défense nationale et de contrôler l’usage qui en a été fait, il ne saurait en revanche, en la matière, intervenir dans la réalisation d’opérations en cours ; qu’il y a lieu, dès lors, de déclarer contraires à la Constitution les dispositions » de l’article instaurant la commission de vérification des fonds spéciaux.

S’agissant de la méthode, monsieur le président, je ne suis pas constitutionnaliste ; en outre, je vous l’accorde, nous étions en 2001, c’est-à-dire à la fin du XXe siècle, et nous sommes aujourd’hui en 2018. Entre-temps, la législation sur le renseignement s’est évidemment considérablement enrichie. Mais la Constitution, elle, reste fondamentalement la même, même si, là aussi, quelques évolutions ont pu intervenir.

S’agissant de la méthode, donc, je pense très sincèrement que ces matières sont suffisamment sensibles pour que nous prenions le temps de les examiner sereinement, sur le fond. Vous dites que la concertation a eu lieu. Je sais ce qu’il en est pour le Gouvernement : elle n’a pas eu lieu ! Et pour ce qui concerne l’Assemblée nationale, je crois comprendre que celle-ci a été, elle aussi, fort peu consultée.

Ne pourrait-on donc pas, à l’issue de ces échanges d’arguments, vifs et passionnés – il s’agit quand même de matières sérieuses ! –, envisager de reprendre ces questions dans un autre cadre, en prenant le temps, car – je le redis – il ne s’agit nullement de contrarier le contrôle parlementaire ? Et je ne souscris pas à certains propos qui ont été tenus tout à l’heure, selon lesquels ce gouvernement serait défavorable au contrôle exercé par le Parlement. C’est le contraire qui est vrai !

Il s’agit d’adapter le contrôle du Parlement à une matière qui est très spécifique – vous le savez mieux que personne.

Je propose donc, de façon raisonnable, me semble-t-il, que nous reprenions ces discussions dans un autre cadre.

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