Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les membres du groupe du RDSE voteront, sans réserve, pour l’adoption de ce projet de loi, qui permet un retour à la circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen.
Comme nous le faisons valoir depuis 2010, rien ne permet de dire que le découpage en huit circonscriptions a atteint les objectifs fixés par la loi de 2003. Constatant que le lien entre l’électeur et l’élu se trouve excessivement distendu, celle-ci visait à faire sortir les élus de « l’anonymat des listes nationales ». Nous avons pu constater, au cours de nos débats, combien la distension du lien entre l’électeur et l’élu est difficilement mesurable, les ressentis des uns et des autres étant parfois totalement opposés. C’est la preuve qu’on ne peut se rattacher à des sentiments pour évaluer ce lien de proximité. Le seul fait objectivement mesurable est l’abstention. Or, comme vous le savez tous, l’abstention aux élections européennes n’a cessé de croître.
Je ne reviendrai pas non plus en détail sur les conditions d’adoption du découpage actuel et le recours à l’article 49, alinéa 3, de la Constitution par le Gouvernement de l’époque, qui soulignait l’importance politique de la question. En effet, bien que le législateur s’en soit expressément défendu en 2003, le découpage en huit circonscriptions a contribué à affaiblir les effets du scrutin à la proportionnelle. Au moment de son adoption, ce choix était justifié par le rôle marginal du Parlement européen, qui servait de faible décorum démocratique. Comme le rappelait l’exposé des motifs de la loi de 2003, « cette consultation, eu égard aux compétences du Parlement européen, n’a pas pour objet de dégager une majorité de Gouvernement. Dans ces conditions, le législateur a estimé souhaitable de faire en sorte que toutes les sensibilités politiques puissent être représentées au Parlement de Strasbourg ».
Il est clair que le traité de Lisbonne, en modifiant les équilibres institutionnels européens, a rendu ce raisonnement caduc, sans effacer l’impératif de représentativité au sein de l’Union européenne. Les débats autour de la désignation du président de la Commission européenne et de la règle des Spitzenkandidaten impliquent au contraire de renforcer la légitimité de nos représentants au Parlement européen.
Nous restons convaincus que le rétablissement de la circonscription unique remédie à la marginalisation électorale de ces représentants. Il pourrait également renforcer leur mandat, en leur donnant une légitimité plus forte, proportionnelle à leur base électorale, et consolider ainsi leur poids dans les négociations quotidiennes avec leurs collègues européens.
Pour autant, nous n’avons pas la naïveté de croire que ce texte permettra à lui seul de restaurer un lien de qualité entre les Français et leurs élus au Parlement européen. Nos principaux amendements tendaient d’ailleurs à souligner l’important travail de pédagogie à conduire sur le rôle croissant du Parlement européen au sein des institutions européennes. Ces propositions s’inscrivaient totalement dans l’esprit du discours de la Sorbonne du Président de la République, dans lequel il déclarait : « Organisons un débat ouvert, libre, transparent, européen, pour construire ce projet qui peut donner enfin un contenu et un enjeu à nos élections européennes de 2019. »
Une plus grande médiatisation des sujets européens reste absolument nécessaire, en parallèle des consultations européennes organisées par le Gouvernement. Comme je le disais, nous adopterons ce texte sans réserve, mais avec quelques regrets…
Malgré cela, nous nous félicitons des arbitrages retenus par la commission mixte paritaire sur la rédaction des articles 2 et 2 bis, qui permettront d’apporter un peu plus de réalisme dans des règles de calcul de temps de parole relativement complexes. En particulier, la solution proposée par notre rapporteur d’allonger le temps de parole réparti par le Conseil supérieur de l’audiovisuel d’une heure à une heure trente présente le double avantage d’augmenter la durée totale des débats consacrés à l’Union européenne et de faciliter les péréquations.
La prise en compte de la représentativité des listes nationales en fonction du soutien apporté par des députés et sénateurs, mais également par des membres du Parlement européen, est plus pertinente au regard de l’objet du texte. Il aurait été paradoxal que le temps d’antenne accordé aux candidats aux élections européennes reste principalement déterminé par la représentativité de leur mouvement politique au niveau national.
Il ne faut pas minimiser les défis qui attendent les futurs membres du Parlement européen. Le changement de découpage électoral présente un enjeu important, qui a été très débattu au moment de l’examen de l’article 1er, à propos de la représentation des territoires d’outre-mer. Le droit de l’Union européenne étant plus attaché à la différenciation territoriale que ne l’est le droit français, nos prochains représentants au Parlement européen devront être particulièrement vigilants sur ces questions.
Enfin, et c’était le sens de notre soutien au développement de listes transnationales, il reviendra à nos représentants de faire émerger de véritables formations politiques européennes et de promouvoir le parlementarisme au sein de l’Union pour y apporter toute la représentativité que nos concitoyens attendent.