Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons des conclusions de la commission mixte paritaire sur un projet de loi relatif à l’élection des représentants des citoyens européens vivant sur le territoire français – j’y insiste ! – au Parlement européen et non pas des représentants de la France.
Avec ce texte, nous en revenons à des listes nationales. Ce système, que nous avons connu dans un temps plus ancien, n’était peut-être pas parfait, mais il avait au moins le mérite de susciter dans chaque pays – en tout cas, il en allait ainsi en France – un débat sur les orientations européennes de chaque liste.
L’instauration des listes régionales, il faut le constater, n’a pas permis une plus grande proximité des élus. Surtout, il n’y avait plus d’incarnation des différentes orientations possibles pour l’Europe que permettaient les listes nationales. Tout l’objet du présent texte consiste donc à revenir à cette possibilité de débat à l’échelon national permettant à chaque liste d’incarner des orientations particulières pour l’Union européenne et la place de la France en son sein. L’expérience des listes régionales fut donc relativement peu satisfaisante, mais ce retour aux listes nationales est une sorte de pis-aller auquel nous nous résignons à partir du moment où la position du Parlement européen nous empêche de faire des listes transnationales.
Le groupe socialiste éprouve quand même quelques regrets. Il déplore, en particulier, de n’avoir pas pu progresser sur la voie de ce que certains appellent les Spitzenkandidaten. Ce système aurait permis à chaque liste d’indiquer le nom du candidat potentiel qu’elle souhaite porter à la tête de la Commission européenne. Or c’est bien là que se situe une bonne partie du débat ! Se prononcer sur l’Europe que nous voulons revient également à savoir quelle Commission européenne nous voulons. Il n’est donc pas du tout indifférent, même sous l’angle de la participation électorale, de savoir, au moment de l’élection européenne, quel sera le candidat à la Commission européenne soutenu par les listes qui se présentent au Parlement européen. En effet, le Parlement européen a une prérogative particulière pour confirmer la nomination du président de la Commission européenne. Le Gouvernement n’a pas souhaité aller dans cette voie. Je le regrette, parce que c’était une manière de progresser vers la démocratie européenne, une solution qui aurait, au bout du compte, renforcé cette idée de débat au niveau européen.
Nous avions progressé en 2014 sur ce point. Nous aurions pu continuer. C’est pourquoi il faut regretter que n’ait pas été retenue notre proposition permettant d’indiquer sur les bulletins de vote le candidat que les listes souhaitaient voir prendre la tête de la Commission européenne.
L’autre regret de certains de nos collègues – je sais qu’il est partagé sur toutes les travées –, c’est que les outre-mer n’aient pas obtenu la spécificité qu’ils demandaient compte tenu de leur relation particulière avec l’Union européenne. Je ne peux retenir un petit sourire ironique quand je vois les anciens ardents défenseurs de l’unité du territoire et de la non-divisibilité de la République qui n’hésitent pas à déposer des propositions de loi pour instituer un droit du sol différent à Mayotte… En revanche, quand il s’agit d’évoquer les spécificités de l’outre-mer par rapport à l’Union européenne, ils restent sur cette position de la République une et indivisible ! On ne tient pas compte des différences et spécificités, et je crois que c’est dommage pour l’outre-mer.
Je vous ferai une demande, madame la ministre, qui est l’expression d’un petit regret. Elle concerne la résolution du Sénat, en date de 2016, qui évoquait les listes transnationales. Il y était proposé de commencer par former une liste transnationale pour les ressortissants européens vivant hors de l’Union européenne.
Les négociations ne sont pas encore tout à fait terminées sur la répartition, après le Brexit, des sièges au Parlement européen. Il est bien évident que la proposition que je vais formuler arrive trop tard pour être appliquée en 2019, mais je pense à 2024. Dans le cadre de ces négociations, le Gouvernement ne pourrait-il revenir à la charge au sujet des listes transnationales en s’appuyant sur cette résolution du Sénat ?
Les apports du Sénat sur ce texte sont de deux ordres : d’abord, la répartition du temps de parole lors de la campagne, qui prend en compte les parlementaires européens. Ensuite, la précision des médias qui auront en charge l’animation de la campagne électorale, inscrite dans le texte pour satisfaire les observations du Sénat, en particulier celles de David Assouline.
Un autre regret appelle notre vigilance. Nous veillerons à ce que les consultations citoyennes en cours n’impactent pas, en termes de temps de parole dans les médias, la campagne électorale. En effet, il n’y a pas des gens qui sont pour l’Europe et des gens qui sont contre l’Europe. Chacun a sa manière de voir l’avenir de l’Europe. Nous sommes tous des Européens !