Intervention de Michel Thiollière

Réunion du 30 octobre 2008 à 10h00
Diffusion et protection de la création sur internet — Article 2, amendements 75 165

Photo de Michel ThiollièreMichel Thiollière, rapporteur :

Le sujet mérite effectivement d’être approfondi.

Je rappellerai brièvement le processus qu’a engagé le Président de la République voilà maintenant plus d’un an en demandant à Denis Olivennes de former une commission réunissant les différentes parties prenantes afin de parvenir à une solution concertée pour mettre un terme au piratage, mais aussi pour mettre en place l’offre légale.

La commission Olivennes a abouti à des accords, signés par les parties prenantes, qui portent notamment sur l’établissement d’un processus. Ce processus est avant tout pédagogique : d’abord une recommandation, puis une lettre recommandée, enfin la possibilité de suspendre l’abonnement. C’est donc de cela qu’il est question aujourd’hui.

Revenir aujourd’hui sur les résultats de cette concertation, ce serait faire bien peu de cas de tous ceux qui, pendant un an, se sont engagés et ont travaillé pour parvenir à un texte qui soit applicable et satisfasse à la double nécessité de mettre en ligne des œuvres de plus en plus nombreuses et de pouvoir sanctionner, de façon très pédagogique et graduée, ceux qui ne respectent pas le droit d’auteur.

Il ne me semble pas possible d’instiller, en cours de procédure, une nouvelle démarche qui serait contraire à tout ce qui s’est produit depuis plus d’un an maintenant.

Je voudrais par ailleurs souligner que l’amende est, bien sûr, une solution facile à mettre en œuvre. Mais c’est une vieille recette et l’économie numérique n’a rien à voir avec les vieilles recettes !

Pour toutes ces raisons, je pense que nous devons en rester à ce qui était prévu dans le projet de loi, car c’est conforme à la fois à ce que souhaitent les parties prenantes et à la pédagogie du système.

On fait aujourd’hui le procès de la technologie. Mes chers collègues, qui est capable de dire maintenant ce qui se passera dans six mois ? On essaie d’effrayer ceux qui résident dans des zones non dégroupées. Or le texte du projet de loi est précis : en aucun cas il ne peut s’agir de priver les internautes de l’accès à la télévision ou à la téléphonie ; cela n’est pas possible !

Quand la suspension de l’accès à internet sera impossible pour des raisons techniques, la Haute autorité disposera d’autres voies, qui sont précisées dans le projet de loi. Elle aura d’abord la possibilité de proposer une transaction aux internautes afin qu’ils puissent, si vous me permettez l’expression, revenir « dans les clous » et respecter le droit d’auteur. La commission suggère également, par voie d’amendement, que la Haute autorité puisse décider de restreindre un certain nombre de services sans suspendre totalement l’accès internet, précisément pour prendre en compte l’évolution des technologies tout en obligeant au respect du droit d’auteur.

Nous ne pouvons aujourd’hui revenir sur ce qui a été voulu par les parties prenantes et que l’opinion publique admet de plus en plus. Je me permets de rappeler qu’un processus comparable a déjà été mis en place dans d’autres pays et que nulle part il n’a été question d’amende : seule a été retenue la suspension de l’abonnement, parce que c’est la solution la plus pédagogique, parce que c’est le meilleur moyen de faire comprendre aux internautes que cet outil magique qu’est internet ne doit pas être dévoyé et servir à sacrifier le droit d’auteur.

Parce qu’elle souhaite que soient respectés les accords de l’Élysée, que soit respectée la pédagogie du texte, que soit respecté le résultat de nos discussions d’hier, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Les fournisseurs d’accès coupent internet et cela ne semble gêner personne ! En effet, lorsqu’un abonné ne paie plus, internet est coupé. Des voix se sont-elles élevées contre la coupure d’abonnement en cas d’impayé ?

Il faut rester raisonnable, se montrer responsable, et se limiter au dispositif que nous évoquons depuis le début de la discussion de ce texte.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements n° 75 rectifié et 165 rectifié bis.

L’amendement n° 113 rectifié est satisfait par le dernier alinéa de l’article L. 331–28 aux termes duquel : « La suspension s’applique uniquement à l’accès à des services de communication au public en ligne. Lorsque ce service d’accès est acheté selon des offres commerciales composites incluant d’autres types de services – c’est ce qu’on appelle familièrement le triple play – tels que services de téléphonie ou de télévision, les décisions de suspension ne s’appliquent pas à ces services. »

En ce qui concerne les amendements identiques n°s 133 rectifié et 142, ils tendent à réduire à un mois au lieu de trois la durée minimale de la suspension de l’accès à internet. Cela rend la transaction moins attractive pour les internautes – une durée inférieure est déjà prévue dans le projet de loi en cas de transaction et la HADOPI peut, dans le cadre de la transaction, prévoir une durée inférieure – car, dans ce cas, la HADOPI peut suspendre l’accès pour une période de un à trois mois. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

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