Intervention de Christine Albanel

Réunion du 30 octobre 2008 à 10h00
Diffusion et protection de la création sur internet — Article 2, amendements 75 165

Christine Albanel, ministre :

Comme l’a rappelé M. le rapporteur, les accords de l’Élysée ont mobilisé des professionnels très compétents, qui ont voulu tous ensemble – c’était vraiment notre volonté –, tenter une démarche différente visant à décriminaliser l’internaute. Nous avons donc souhaité mettre en place une procédure rompant totalement avec le système précédent, qui reposait forcément sur des sanctions très lourdes : la prison ou de fortes amendes.

Avec le principe d’une peine pécuniaire, on change véritablement de logique, car on passe d’une démarche pédagogique à une démarche répressive. Je ne suis pas sûre que les internautes seront ravis de cette évolution ; je pense au contraire qu’ils la vivront douloureusement.

Le rapport direct entre une utilisation inappropriée et la nature même de la sanction me paraît riche d’enseignement. Et puis, nous éviterons de créer une inégalité entre les internautes : pour certains, une amende n’est pas grand-chose ; pour d’autres, par exemple un étudiant peu fortuné, une amende représente beaucoup d’argent.

Par ailleurs, il ne faut pas être paralysé par l’idée que l’on porte atteinte à un élément indispensable. Internet est certainement une commodité importante, mais on peut toujours continuer à y avoir accès, même en cas de suspension de l’abonnement : un étudiant qui réside dans une cité universitaire peut utiliser l’ordinateur d’un ami, on peut aller dans un cybercafé. Il existe de nombreuses possibilités de continuer à communiquer par internet en cas de suspension de l’accès au service.

M. le rapporteur l’a rappelé : lorsque vous ne payez pas votre facture, on vous coupe internet, et personne ne considère qu’il s’agit d’une atteinte insupportable aux droits de l’homme.

Par ailleurs, on a évoqué la question de la faisabilité du dispositif, surtout dans le cadre du triple play. Le projet de loi prévoit expressément que le téléphone et la télévision ne peuvent être coupés : c’est une obligation absolue !

Tous les fournisseurs d’accès, notamment SFR, Free, Orange, Numericâble, nous ont dit, lors des très longues discussions que nous avons eues – et cela figure dans les accords de l’Élysée –, qu’il est tout à fait possible de couper l’accès internet au sein de l’offre triple play. Bien sûr, cela a un coût.

De toute façon, même dans les cas résiduels où cela ne serait pas possible – nous avons revu les fournisseurs d’accès internet ces derniers jours, notamment les représentants de Free avant-hier – la loi prévoit d’autres possibilités : on peut faire injonction à l’abonné fautif d’installer sur son ordinateur un pare-feu ou un logiciel qui empêche le piratage.

Le dispositif est équilibré, porteur de justice et essentiellement pédagogique.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n° 75 rectifié et 165 rectifié bis.

En ce qui concerne l’amendement n° 113 rectifié, l’article L. 131–28 prévoit expressément que les décisions de suspension ne s’appliquent ni au téléphone ni à la télévision. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

J’émets également un avis défavorable sur les amendements identiques n° 133 et 142. En effet, il est intéressant, me semble-t-il, que la loi prévoie une phase transactionnelle. Normalement, la suspension est de trois mois à un an, mais on peut proposer une transaction à l’internaute : s’il l’accepte, la suspension sera de un à trois mois. Porter la durée de la suspension à un mois vide de son sens la transaction et va à l’encontre d’une démarche pédagogique.

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