Intervention de Bertrand Martinot

Commission des affaires sociales — Réunion du 23 mai 2018 à 9h00
Projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel — Audition de M. Bertrand Martinot directeur général adjoint des services de la région ile-de-france chargé du développement économique de l'emploi et de la formation et de Mme Anne-Valérie Aujames et M. Alain Bao représentants de la fédération nationale des associations régionales de directeurs de centres de formation d'apprentis fnadir

Bertrand Martinot, directeur général adjoint des services de la région Ile-de-France chargé du développement économique, de l'emploi et de la formation :

Il faut intervenir bien avant seize ans, mais le contrat de travail de deux ans propre à l'apprentissage ne fournit pas une solution idoine à ces jeunes en difficulté. Jean-Michel Blanquer, dans son livre L'École de demain : Propositions pour une Éducation nationale rénovée, proposait de transformer le collège unique en collège commun, disposant de voies adaptées dès la quatrième et facilitant la transition vers l'apprentissage, grâce à des expériences en entreprise. Une telle démarche existe d'ailleurs, à l'état embryonnaire, à travers le dispositif d'initiation aux métiers en alternance (Dima). Or, ce projet de loi ne contient aucune disposition concernant les élèves âgés de quatorze à seize ans. Sans pour autant entrer proprement en apprentissage durant cette période, il faudrait encourager les passerelles vers les CFA.

Le taux de chômage des jeunes est inférieur en Allemagne à celui des Français et les jeunes Allemands, qui sont davantage en CDI que leurs homologues français, bénéficient d'une meilleure formation continue grâce à l'apprentissage. Par ailleurs, il ne m'a pas échappé que le système de l'apprentissage est également destiné à former des citoyens et personne ne propose que le contenu de l'enseignement général soit confié aux branches professionnelles. Néanmoins, le classement Pisa de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) démontre le retard des jeunes Français par rapport aux jeunes Allemands dans la connaissance des savoirs de base. Bref, les jeunes Français sont plus nombreux au chômage que les jeunes Allemands et ne sont pas meilleurs qu'eux en culture générale. L'insertion des jeunes sur le marché du travail représente l'une des forces traditionnelles de l'Allemagne. Le système dual allemand, analogue à celui qu'on retrouve en Suisse et aux Pays-Bas, est plutôt une force de l'économie allemande et un facteur de cohésion sociale.

Le projet de loi occulte l'orientation. Pourtant, l'Éducation nationale devrait être insérée dans un système dont le pivot demeure les régions, qui sont légitimes à s'adresser à l'ensemble des acteurs de l'emploi et de la formation.

Le contrat d'apprentissage adapté ne devrait pas être remis en cause.

C'est un ratage de la loi de ne pas créer de dispositif de transition vers l'apprentissage. A l'inverse, l'Allemagne a énormément investi dans ces sas de transition vers l'apprentissage. Contrairement à une idée reçue, les jeunes Allemands, qui sortent de la Hauptschule ou de la Realschule, ne sont pas adaptés au monde professionnel et possèdent souvent un niveau inférieur aux collégiens français. La politique de l'emploi des jeunes en Allemagne se consacre exclusivement à l'apprentissage, à l'inverse de la France qui soutient divers organismes, comme les missions locales qui n'ont pas vocation à préparer les jeunes à l'apprentissage.

Ce n'est pas en raison d'un problème de financement que l'apprentissage ne se développe pas en France. C'est vrai, le mécanisme actuel de subvention d'équilibre demeure, selon moi, quelque peu pervers, en prélevant les excédents aux CFA vertueux et en soutenant ceux qui ont des difficultés. Néanmoins, il est possible, par des conventions avec les CFA, d'améliorer le système en modulant les subventions en fonction de différents critères. Cette démarche n'est pas optimale, mais elle permet d'améliorer les performances des centres.

La région, qui finance les missions locales et les dispositifs d'accompagnement des jeunes et qui passe des conventions avec Pôle emploi, est préparée à assurer ce travail d'ensemblier. Ainsi, la région Ile-de-France subventionne les missions locales en fonction du nombre de jeunes qu'elles envoient à l'apprentissage. L'ensemble du système peut être mis sous tension grâce aux régions. Retirer la compétence apprentissage aux régions induira nécessairement un effet contraire.

L'apprentissage est très concentré dans des petites branches, qui sont à la fois généralement exonérées de la taxe d'apprentissage et qui doivent faire face à de nombreuses dépenses. La péréquation doit pouvoir être techniquement assurée par France Compétences mais elle se fera en contrepartie de la complexification du système.

Le système allemand est fondamentalement différent du nôtre. En effet, les CFA allemands sont privés et financés par les Länder, en raison de l'absence de taxe d'apprentissage et de mutualisation des coûts. Les chambres consulaires, plus puissantes qu'en France, sont les interlocuteurs des régions et elles assument une partie du rôle de l'Éducation nationale en faisant passer les examens aux jeunes apprentis.

Le système ne fonctionne pas aujourd'hui, à cause de la difficulté d'organiser des parcours mixtes entre les lycées professionnels et les CFA, et de l'incapacité d'assurer la transition entre le système scolaire et l'apprentissage.

Les branches professionnelles auront un pouvoir de codécision, et non plus consultatif, sur les référentiels des diplômes professionnels. J'y suis favorable.

Les régions ne sont pas incitées, dans l'actuel système, à investir dans l'apprentissage. Lorsque j'étais délégué général à l'emploi et à la formation professionnelle, certaines régions n'étaient guère en faveur de l'apprentissage. Il était possible d'introduire des mécanismes incitatifs pour que les régions, en situation financière difficile, mobilisent leur savoir-faire en faveur de l'apprentissage. Il eût été pertinent d'associer les régions, qui ont près de trente d'ans d'expérience dans ce secteur, à la nouvelle architecture que met en oeuvre la loi, plutôt que de les en évincer.

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