Au cours de nos travaux législatifs ou de contrôle, nous sommes très souvent amenés à demander des données ou des simulations aux services ministériels, particulièrement en matière fiscale. Nous rencontrons parfois des difficultés pour les obtenir et il n'est pas toujours aisé de comprendre pourquoi tel ministère ne peut pas procéder à la simulation des effets d'un amendement ou d'une réforme proposée, ou pourquoi les données dont dispose l'administration fiscale ne permettent pas de répondre à nos questions.
C'est pourquoi, en lien avec le Rapporteur général, particulièrement concerné par ces problématiques fiscales, il m'a semblé utile d'aborder ce matin, sous la forme d'une table ronde, la question des données et algorithmes en matière fiscale. Il s'agit d'abord de comprendre comment travaille aujourd'hui le Gouvernement et les administrations placées sous son autorité : de quelles données ces administrations disposent, comment elles sont administrées, quels sont les traitements automatisés de données de masse qui ont déjà été mis en place.
Il ne s'agit pas seulement de faire un constat mais également d'envisager les modalités d'une éventuelle ouverture accrue de ces nouveaux outils numériques, comme y appellent de nombreux acteurs du débat public.
J'ai moi-même déposé plusieurs amendements à l'automne dernier pour que davantage de données fiscales soient publiées sur la plateforme d'open data par le Gouvernement et pour que le code source de tous les impôts soit mis à la disposition du public - dans la continuité des dispositions de la loi pour une République numérique. Nous souhaitons que ces informations nous soient fournies lors de la présentation du projet de loi de finances. L'ouverture du code source n'a pas prospéré, le Gouvernement s'y étant opposé à l'Assemblée nationale sans beaucoup d'explications.
Pourtant, l'ouverture des données et des algorithmes fiscaux permettrait de rénover l'expertise du Parlement sur l'impôt, de travailler de façon plus efficace et de légiférer en toute connaissance de cause. À l'heure où la réforme institutionnelle proposée par le Gouvernement met l'accent sur l'accélération du temps parlementaire sans répondre aux difficultés que le Parlement rencontre pour exercer pleinement son rôle, cette inflexion serait de bon sens.
Le sujet appelle aussi une grande vigilance sur le respect du secret fiscal : les données fiscales sont des données sensibles, et la politique d'ouverture des données ne doit pas conduire à méconnaître le droit au respect de la vie privée.
Nous avons donc le plaisir de recevoir ce matin Henri Verdier, directeur interministériel du numérique et du système d'information et de communication (Dinsic), Yannick Girault, directeur du service à compétence nationale « Cap numérique » qui pilote l'action de la Direction générale des finances publiques (DGFiP) en matière numérique, Antoine Bozio, directeur de l'Institut des politiques publiques (IPP) et enfin Jean Lessi, secrétaire général de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).
Je vous rappelle que cette réunion est ouverte à la presse et retransmise sur le site internet du Sénat.
Pour garder un caractère interactif à nos échanges, je vais donner la parole à nos intervenants pour de brèves présentations afin de laisser ensuite le débat s'installer.
Pour commencer, je donne la parole à Henri Verdier pour un éclairage global sur la gestion des données de masse ainsi que des algorithmes par l'État et le simulateur socio-fiscal OpenFisca.