Intervention de Christine Prunaud

Réunion du 29 mai 2018 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Christine PrunaudChristine Prunaud :

En préliminaire à mon propos, je tiens, madame la ministre, monsieur le président de la commission, à vous remercier d’avoir placé nos débats sous le signe du respect des avis et opinions parfois divergents.

Ce projet de loi de programmation militaire devait relever deux défis. Le premier, ce que le Gouvernement a appelé « la LPM à hauteur d’hommes et de femmes », devait permettre une amélioration des conditions de vie et d’exercice des militaires. Le second consistait à assurer la place et l’indépendance de la France dans le monde. Qu’en est-il aujourd’hui, après nos débats ?

Sur le premier enjeu, il y a de vrais progrès. Aussi, je me réjouis des recrutements prévus dans les services d’active, et notamment au sein du service de santé des armées, le SSA. Ce dernier fait un travail remarquable, d’excellence, malgré la diminution drastique des effectifs subie ces dernières années. Cette diminution est en partie compensée par la LPM : les arbitrages prévoient un arrêt des déflations des effectifs dès 2019, puis une augmentation sur la période 2019–2025. Idem pour les crédits d’infrastructure alloués au SSA. Pour moi, c’est une très grande avancée.

Autre point positif, la question de la réserve. Demain, à la suite de l’adoption d’un amendement du groupe CRCE, ce dont je me félicite, les réservistes seront mieux protégés des dommages physiques et psychiques qu’ils pourraient subir. Ils seront également mieux valorisés pour leurs actions, via les facilités de promotion et les autorisations renforcées d’absence professionnelle.

Sur ce dernier point, tout en notant le réel progrès apporté par l’article 10 bis, je considère que nous sommes encore au milieu du gué, malgré les 500 conventions signées par le ministère. En effet, certaines entreprises sont réticentes à libérer du temps de travail pour leurs salariés engagés dans la réserve. Ou, pire encore, il faut noter le report de la solidarité de défense sur les autres salariés, via des dons de jours de repos, plutôt que sur les entreprises.

Toutefois, sur l’enjeu de l’amélioration des conditions de vie des militaires, existe un point de désaccord : la question de l’immobilier. Sous couvert de recettes exceptionnelles au profit de l’État, la poursuite des ventes nous semble extrêmement contre-productive, tant les besoins de logements décents sont grands pour nos militaires.

Si le premier défi peut être considéré comme relevé, nous ne partageons pas les ambitions sur le second défi de cette LPM, relatif à la place de la France dans le monde.

L’ambition d’indépendance et de souveraineté pour notre pays nous semble incompatible avec une intégration toujours plus grande dans l’OTAN. L’extension des accords SOFA – Status of Forces Agreement –, s’ils ne visent au final qu’à faciliter la réalisation d’exercices multilatéraux, marque bien une volonté de renforcer notre engagement dans l’OTAN.

On ne peut pas faire comme si les États-Unis, déjà prolixes en matière de décisions contestables, ne prenaient pas un virage inquiétant avec Donald Trump à leur tête. La politique étrangère de Washington s’assimile de plus en plus à la politique du pire.

Et si l’ONU doit être réformée, elle doit avant tout être rétablie comme seule garante de la sécurité mondiale face à l’OTAN.

Comme le notait la semaine dernière Dominique de Villepin à l’occasion d’un entretien à la radio : « Nous ne sommes plus, la France, tout comme l’Europe, qu’une variable d’ajustement, calculée par les États-Unis dans un camp atlantique ».

Mes chers collègues, je me permets de citer une nouvelle fois cet ancien ministre des affaires étrangères, dont nous connaissons tous sur ces travées les positions en faveur de la souveraineté et de l’indépendance de notre pays. Son jugement mériterait d’être largement considéré.

Dans ce cadre, l’Europe de la défense, à ce stade, est loin de constituer une alternative crédible.

Autre point de désaccord : la question du nucléaire. La LPM prévoit 37 milliards d’euros consacrés à un plan de modernisation. Il faudrait, au contraire, engager un processus de diminution de l’armement nucléaire. Que la France ne puisse pas, seule, démanteler l’intégralité de son arsenal, je l’entends parfaitement. Mais nous sommes face à une impasse, puisque chaque puissance nucléaire attend qu’une autre fasse un premier pas…

Une planification de démantèlement, même partielle, aurait été un message international permettant de faire avancer les choses, sans remettre en cause notre sécurité nationale.

Dernier axe stratégique, contestable à mon sens, la question du commerce des armes. Son développement dans la dernière décennie s’est appuyé sur deux objectifs : rééquilibrer la balance commerciale et maintenir l’emploi industriel.

Sur le maintien de l’emploi industriel, la réussite est en réalité très limitée, puisque le secteur de l’industrie de l’armement a vu disparaître 44 000 emplois en dix ans.

La France ne peut pas s’exonérer de ses responsabilités dans la prolifération des armements. Sous la pression de nouveaux conflits, les États se réarment, ce qui alimente en retour les conflits. Ce cercle vicieux, loin d’assurer la sécurité de notre pays, l’éloigne d’autant plus de la culture de la paix que nous souhaitons.

C’est pour ces derniers points, madame la ministre, que notre groupe votera majoritairement contre ce texte.

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