Séance en hémicycle du 29 mai 2018 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 24 mai 2018 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Madame la ministre, mes chers collègues, c’est avec émotion que nous avons appris, hier après-midi, le décès de notre ancien collègue Serge Dassault, qui fut sénateur de l’Essonne durant treize années, de 2004 à 2017.

Il s’est éteint à l’âge de 93 ans, succombant à un malaise alors qu’il se trouvait, comme chaque jour, à son bureau du rond-point des Champs-Élysées-Marcel-Dassault, où il aura exercé, jusqu’à ses derniers instants, l’ensemble de ses responsabilités avec la passion qui le caractérisait.

Au moment où le Sénat s’apprête à se prononcer, cet après-midi même, sur le projet de loi de programmation militaire, il me revient de saluer la mémoire de notre ancien collègue, qui fut un grand capitaine d’industrie au service de notre défense nationale.

Après une adolescence marquée par la déportation de son père et son incarcération au fort de Montluc, Serge Dassault devint ingénieur. Diplômé de l’École polytechnique en 1946, puis de l’École nationale supérieure de l’aéronautique et de l’espace – Supaéro – en 1951, il gravit ensuite tous les échelons au sein de l’entreprise familiale.

Directeur des essais en vol puis des exportations au sein du groupe Dassault Industries, il devint, en 1987, le président-directeur général de ce groupe fondé par son père, Marcel Dassault.

Il a, dans ces fonctions, obtenu des résultats impressionnants, non seulement dans le domaine de l’industrie militaire, mais aussi en diversifiant les activités du groupe, au travers de Dassault Systèmes et de l’aéronautique civile.

Il fut aussi, suivant là encore l’exemple de son père, un patron de presse important à la tête de la Socpresse, qui détient notamment le plus vieux quotidien de France qu’est Le Figaro.

Serge Dassault a siégé parmi nous, dans cet hémicycle, durant deux mandats consécutifs, exerçant les fonctions de doyen d’âge de notre Haute Assemblée le 1er octobre 2008. Nous nous en souvenons, et moi avec une particulière émotion.

J’ai encore en mémoire les propos de Serge Dassault lorsque, dans son allocution de doyen d’âge, il nous exhortait collectivement à « redonner à la France sa place dans le monde et aux Français, quels qu’ils soient, la croissance et les emplois dont ils ont besoin ». Cet appel est plus que jamais d’actualité ! Il avait alors conclu en ces termes : « je forme le vœu que le Sénat s’associe à cette grande ambition : promouvoir l’union nationale qui, seule, permettra d’obtenir le consensus indispensable, de la gauche à la droite, à toutes les réformes nécessaires ».

C’est cette passion pour l’entreprise qui avait conduit Serge Dassault à s’engager dans la vie de la cité. Tout d’abord, au niveau local, comme maire de Corbeil-Essonnes de 1995 à 2009, après avoir été conseiller régional d’Île-de-France, conseiller général puis conseiller départemental de l’Essonne.

Il fit son entrée au Sénat le 26 septembre 2004. Il aimait à rappeler ce parcours qu’il partageait avec son père : « Mon père et moi – disait-il – ne nous sommes engagés en politique que fort tard, non par ambition, mais par civisme, pour essayer d’apporter à l’action politique nos expériences d’industriels qui connaissent toutes les difficultés des entreprises et qui sont confrontés à la nécessité d’assurer une bonne cohésion sociale avec tous leurs salariés. »

Le sénateur que fut Serge Dassault était un parlementaire actif, qui, malgré ses multiples responsabilités, cherchait toujours à faire partager ses convictions sur toutes les travées de notre hémicycle.

Comme vice-président de la commission des finances et rapporteur spécial de cette même commission, il a constitué une vigie des finances publiques, mettant en exergue la vulnérabilité que constituait, pour l’État, le niveau de la dette.

S’il était convaincu que la relance de l’économie française passait par un allégement de la fiscalité, il n’oubliait pas que les fruits de la croissance devaient être partagés avec l’ensemble des forces productives du pays. Il a inlassablement milité pour la valorisation de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise. Il y voyait même le socle d’un nouveau contrat social.

Son action à la tête d’une entreprise de référence mondiale, avec son fleuron, l’avion Rafale, ne l’a pourtant pas éloigné du souci des autres, et particulièrement des plus vulnérables. La fondation Serge Dassault, qu’il a fondée en 1993, va poursuivre son œuvre pour accompagner les personnes handicapées et leur insertion dans la société par le travail.

Au nom du Sénat, je voudrais en cet instant assurer la famille de Serge Dassault de notre profonde sympathie, avec une pensée particulière pour notre collègue député Olivier Dassault.

En sa mémoire, je vous propose d’observer un moment de recueillement.

Mmes et MM. les sénateurs, ainsi que Mme la ministre, observent une minute de silence.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense (projet n° 383, texte de la commission n° 477, rapport n° 476, avis n° 472 et 473).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Avant de passer au scrutin, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote.

Je rappelle que chacun des groupes dispose de sept minutes pour ces explications de vote, à raison d’un orateur par groupe, l’orateur de la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

La parole à M. Christian Cambon, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Franck Menonville et Jean-Noël Guérini applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l’heure même où va se dérouler ici, au Sénat, le vote solennel du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025, 8 000 de nos soldats sécurisent nos villes, nos gares et nos aéroports ; 20 000 autres exposent, chaque jour, leur vie pour faire gagner la paix dans les déserts brûlants du Sahel ou dans la poudrière du Moyen-Orient. Avec des moyens parfois vétustes, ils font respecter nos zones de souveraineté, la liberté de circuler dans les détroits et protègent nos intérêts vitaux. C’est à eux que nous dédions ce vote pour que, d’aussi loin qu’ils se trouvent, ils nous entendent et comprennent que la France les protège et les soutient.

Alors oui, madame la ministre, il était temps. Il était temps de mettre un terme à vingt ans d’éreintement de nos armées. Il fallait que la France consente enfin l’effort nécessaire à sa sécurité.

Autant le dire tout de suite, après le mauvais signal donné en juillet dernier, l’exécutif nous a présenté une loi de programmation qui va dans le bon sens et marque un coup d’arrêt salutaire. Un coup d’arrêt à ces régiments qui ferment, à ces 50 000 emplois supprimés en dix ans, alors que l’on a multiplié les surengagements opérationnels.

Mais hélas, selon un calendrier trop tardif et avec des insuffisances et des paris difficiles, cette loi « d’intention » nous apparaît comme bien fragile. C’était donc le rôle du Parlement, particulièrement celui du Sénat, de vous aider, madame la ministre, à tenir vos engagements.

Vos priorités, elles sont les nôtres : une amélioration des conditions de vie de nos soldats, la restauration d’une capacité opérationnelle à bout de souffle, davantage d’innovation, plus de moyens pour le renseignement et la cyberdéfense, ou encore la modernisation de la dissuasion nucléaire ; tout cela contribuera à la préservation d’un modèle complet d’armée, avec des moyens mieux adaptés. Des blindés Scorpion et des canons Caesar pour l’armée de terre, six sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda, quatre sous-marins lanceurs d’engin, huit frégates FREMM, deux frégates FTI, des patrouilleurs et des ravitailleurs pour la Marine, vingt-huit nouveaux Rafale – en cet instant, j’ai une pensée, comme vous, pour notre ami Serge Dassault –, des Mirage rénovés, des avions ravitailleurs et des drones bientôt armés pour l’armée de l’air : ce n’est pas rien et, bien sûr, nous approuvons tout cela.

Malheureusement, cette programmation souffre de fragilités qui nous inquiètent. Plutôt que d’étaler cet effort de manière continue sur la période, comme l’avaient recommandé dans un rapport nos anciens collègues Jean-Pierre Raffarin et Daniel Reiner, vous concentrez les deux tiers de la programmation sur le dernier tiers du calendrier, après 2022.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

C’est d’autant plus risqué qu’une clause de « revoyure », en 2021, pourrait venir la mettre en danger.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

De cette programmation trop étalée dans le temps résulteront sûrement de graves tensions sur nombre d’équipements anciens, dont certains resteront en activité encore longtemps, tels les véhicules de l’avant blindé, les hélicoptères Gazelle ou les avions de transport. Quant aux coopérations européennes, le Royaume-Uni est affaibli par le Brexit et le partenariat avec l’Allemagne fait l’objet de belles déclarations, mais bute sur une pratique opérationnelle ou industrielle bien différente.

Dès lors, madame la ministre, la mission de nos groupes au Sénat était de vous aider à tenir vos engagements. Nous l’avons fait dans six directions essentielles.

Il s’agissait, tout d’abord, de protéger les ressources de la défense. Ainsi, le service national universel ne pourra être financé ni en crédits, ni en personnels, ni en infrastructures par les ressources de la programmation militaire. C’était essentiel et vous avez pris des engagements très forts sur ce point. De même, le Sénat a instauré une clause de sauvegarde en cas de hausse des cours du pétrole. Sur les opérations extérieures, le Sénat a souhaité inclure dans leur coût l’usure accélérée du matériel en opérations. Nous avons limité la part de la défense dans le financement des surcoûts résiduels. Nous avons aussi prévu le retour intégral aux armées des produits de vos cessions immobilières : 500 millions d’euros prévus, ce n’est tout de même pas rien !

Pour améliorer les conditions de vie de nos soldats, il fallait les aider à se loger et arrêter les ventes à bas prix du prestigieux patrimoine de votre ministère, à Paris ou en province, sans un retour suffisant pour les armées. La fameuse « décote Duflot » ne s’appliquera donc que si 100 % des logements sociaux sont réservés aux militaires. De même, le Sénat souhaite garder une partie du Val-de-Grâce pour les besoins en logements des soldats de l’opération Sentinelle.

Mme Sophie Joissains applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Nous avons été nombreux à être sensibilisés aux inquiétudes des associations de pensionnés et invalides de guerre, qui risquaient de perdre les garanties dont elles bénéficiaient devant le tribunal des pensions. Le Sénat a prévu que les tribunaux administratifs, auxquels est transféré ce contentieux, appliqueront les garanties existantes pour mieux protéger les droits des requérants.

Le statut des militaires souhaitant se présenter aux élections locales ne pouvait, bien évidemment, qu’attirer l’attention du Sénat. En assouplissant les incompatibilités et en relevant les seuils, le Sénat a évité de faire de ces futurs élus des « demi-soldes » de la démocratie locale.

Afin de favoriser l’engagement, essentiel, dans la réserve, le Sénat a relevé les conditions d’âge des préparations militaires et prévu la possibilité de dons de jours de congés à des réservistes.

Enfin, et c’était l’élément décisif pour notre groupe, le Sénat a introduit de nouveaux pouvoirs de contrôle du Parlement pour aider le Gouvernement, lors de chaque exercice budgétaire, à tenir les engagements inscrits dans ce projet de loi. Nous avons obtenu de connaître vos engagements de livraison d’équipements en 2021. C’était un « point de passage » essentiel pour nous, et je vous en remercie. Nous en contrôlerons donc scrupuleusement le respect.

En revanche, nous avons bien perçu votre hostilité à notre amendement visant à un meilleur contrôle des services de renseignement. Une fois de plus, madame la ministre, et solennellement, je veux vous assurer que les sénateurs veulent protéger les opérations qui sont en cours. Le Gouvernement pourra même s’opposer à la transmission de certains documents, car nous connaissons les compétences qui sont les siennes et nous les respectons. Nous approuvons du reste l’accroissement des personnels – 1 500 agents supplémentaires – pendant la durée d’application de la loi, ainsi que la hausse du budget, soit 4, 6 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour les services de renseignement. De même, nous vous avons suivie en adoptant l’amendement du Gouvernement pour une meilleure exploitation des données par les services.

En contrepartie, madame la ministre, comment s’opposer à une meilleure information du Parlement, à l’instar de la pratique constatée dans toutes les grandes démocraties ? D’ici à la CMP, je vous propose de poursuivre nos discussions pour tenter de trouver un dispositif qui non seulement respecte l’activité des services, mais nous permette aussi d’exercer les droits du Parlement.

Vous le voyez, le Sénat s’est emparé de ce texte et l’a considérablement amélioré, pour vous aider à en faire une LPM de rupture avec le passé. Car vous le savez, si cette loi ne remplit pas ses objectifs, la désespérance de nos soldats sera grande et nous ne rattraperons jamais le retard accumulé.

Alors, bien sûr, notre groupe votera ce projet de loi, en faisant le pari de la confiance, mais aussi en exerçant un contrôle attentif et annuel sur les engagements pris. Que les dix rapporteurs budgétaires et les deux rapporteurs pour avis qui n’ont pas ménagé leur peine soient ici remerciés, car ils ont apporté une contribution remarquable à ce texte ! Permettez-moi aussi de remercier tous les groupes du Sénat, qui, au cours de la discussion, ont montré combien leur seul intérêt était celui de nos forces armées.

Pour conclure, madame la ministre, je veux vous remercier de votre engagement personnel et de votre écoute, car nous en aurons encore besoin jusqu’à la CMP. Et puis, si, d’aventure, vous voulez témoigner votre reconnaissance pour le travail que notre assemblée a accompli, je vous suggère une idée. Quand, au sein de l’exécutif, on entend poindre des doutes sur l’efficacité ou, parfois même, sur utilité du Sénat, alors vous pouvez leur répondre : « Faites donc confiance au Sénat, car il nous a bien aidés ! »

Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste, du groupe Les Indépendants – République et Territoires et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mmes Hélène Conway-Mouret et Nelly Tocqueville applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour le groupe La République En Marche.

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous achevons l’examen du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025, dont les enjeux, chacun en est conscient, sont majeurs pour nos armées.

Les travaux en commission, comme en séance publique, ont été fructueux. Nous présentons aujourd’hui au vote un texte qui consacre le redressement de nos armées. Celui-ci leur donne les moyens d’aller vers l’objectif assumé du Président de la République de porter, à l’horizon 2025, notre effort de défense à 2 % du PIB.

Au-delà de l’ambition initiale, le projet de loi de programmation est un point d’équilibre entre la poursuite de la modernisation de nos armées, l’adaptation de ces dernières aux opérations extérieures que nous menons aujourd’hui, le poids de la contrainte budgétaire et la stratégie européenne de notre pays. Ainsi, il décline les engagements pris par le Président de la République à Istres, le 20 juillet 2017.

À la suite des attentats des 23 mars, à Trèbes, et 12 mai, à Paris, nos armées ont montré qu’elles sont des leviers puissants de réassurance face à la grande peur que voulaient imposer les terroristes. Nous disposons d’une armée compétente, servie par des femmes et des hommes d’un professionnalisme de qualité et admiré par tous. Il tient, à nous, de les encourager énergiquement contre des menaces devenant de plus en plus sournoises et massives.

Pour cela, ce projet de loi prévoit des moyens nouveaux.

En premier lieu, il fournit des moyens supplémentaires grâce à un effort budgétaire exceptionnel de 1, 7 milliard d’euros par an, puis de 3 milliards en 2023, portant le budget des armées à 39, 6 milliards d’euros par an en moyenne, hors pensions, entre 2019 et 2023, soit une augmentation de 23 %. Cet effort financier est d’autant plus crédible qu’il repose intégralement sur des crédits budgétaires pérennes, sécurisant ainsi la trajectoire financière. Concrètement, ce texte montre nos ambitions en garantissant des engagements soutenables et durables, notamment par une augmentation des effectifs sur la période, par un effort en faveur de l’entretien des matériels et des équipements individuels, et par une attention particulière accordée au quotidien des soldats et de leurs familles.

En deuxième lieu, le projet de loi renouvelle nos capacités, pour répondre aux besoins opérationnels immédiats. Il anticipe nos engagements futurs, en accélérant les principaux programmes conventionnels et en renouvelant les programmes liés à la dissuasion et à la modernisation des infrastructures de défense. En cela, ce texte garantit notre autonomie stratégique et encourage la consolidation de l’Europe de la défense, en rééquilibrant les cinq fonctions stratégiques de la doctrine française : dissuasion, connaissance et anticipation, prévention, protection, intervention. Il innove en investissant dans des capacités à forte valeur ajoutée dans les armes de demain.

Enfin, en troisième lieu, le texte nous permet de combler notre retard en matière de cyberdéfense et de lancer des programmes de prospective, notamment sur le porte-avions Charles de Gaulle.

Le projet de loi ainsi modifié sera soumis d’ici à quelques jours à une commission mixte paritaire, dont je ne doute pas de l’issue favorable.

Il restera quelques points à discuter. Le premier concerne la clause qui exclut le ministère de la défense du financement des surcoûts en matière d’opérations extérieures. Comme vous l’avez rappelé lors de la discussion des articles, madame la ministre, les dépassements de la dotation annuelle au titre des OPEX font l’objet d’un financement interministériel. Et pour des raisons évidentes de solidarité avec les autres ministères, le ministère de la défense ne saurait s’en exempter. Il s’agit de respecter un principe constitutionnel datant de la Révolution de 1789, que rien ne justifie de sacrifier aujourd’hui.

En matière de délégation parlementaire au renseignement, je pense qu’il est possible de trouver un compromis, en laissant au Parlement le soin de tirer, en 2020, les enseignements de l’évaluation de la loi du 24 juillet 2015 relative au renseignement. À cet égard, je vous invite, madame la ministre, dans la mesure du possible, à mener plus tôt qu’en 2020 l’évaluation de cette loi, ce qui faciliterait peut-être certaines choses. C’est dans ce cadre ou lors de l’examen d’un véhicule législatif dédié, plus favorable à une démarche de concertation, que la réévaluation des pouvoirs de contrôle du Parlement devra être examinée. Sur une question si sensible et technique, il serait navrant que les dispositions figurant à l’article 22 ter, non concertées avec le Gouvernement en amont, fassent échouer la commission mixte paritaire.

En conclusion, mes chers collègues, au regard de l’effort consenti à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de programmation militaire, c’est-à-dire des moyens financiers en considérable hausse, des équipements supplémentaires et plus modernes, le renforcement du lien entre armée et Nation, le groupe La République En Marche votera résolument ce texte. Nous avons déjà tous dit à plusieurs reprises combien il marque une rupture attendue non seulement par les militaires, mais aussi par la population.

Ce texte redonne de la crédibilité au politique et renforce la légitimité que requiert un effort engageant la Nation entière. Nos débats ont été le meilleur hommage que nous, parlementaires, pouvons rendre à nos armées, qui se battent, au péril de leur vie, en tous lieux et à tout instant, ici comme ailleurs.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Jean-Marie Bockel et Stéphane Artano applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Christine Prunaud, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Prunaud

En préliminaire à mon propos, je tiens, madame la ministre, monsieur le président de la commission, à vous remercier d’avoir placé nos débats sous le signe du respect des avis et opinions parfois divergents.

Ce projet de loi de programmation militaire devait relever deux défis. Le premier, ce que le Gouvernement a appelé « la LPM à hauteur d’hommes et de femmes », devait permettre une amélioration des conditions de vie et d’exercice des militaires. Le second consistait à assurer la place et l’indépendance de la France dans le monde. Qu’en est-il aujourd’hui, après nos débats ?

Sur le premier enjeu, il y a de vrais progrès. Aussi, je me réjouis des recrutements prévus dans les services d’active, et notamment au sein du service de santé des armées, le SSA. Ce dernier fait un travail remarquable, d’excellence, malgré la diminution drastique des effectifs subie ces dernières années. Cette diminution est en partie compensée par la LPM : les arbitrages prévoient un arrêt des déflations des effectifs dès 2019, puis une augmentation sur la période 2019–2025. Idem pour les crédits d’infrastructure alloués au SSA. Pour moi, c’est une très grande avancée.

Autre point positif, la question de la réserve. Demain, à la suite de l’adoption d’un amendement du groupe CRCE, ce dont je me félicite, les réservistes seront mieux protégés des dommages physiques et psychiques qu’ils pourraient subir. Ils seront également mieux valorisés pour leurs actions, via les facilités de promotion et les autorisations renforcées d’absence professionnelle.

Sur ce dernier point, tout en notant le réel progrès apporté par l’article 10 bis, je considère que nous sommes encore au milieu du gué, malgré les 500 conventions signées par le ministère. En effet, certaines entreprises sont réticentes à libérer du temps de travail pour leurs salariés engagés dans la réserve. Ou, pire encore, il faut noter le report de la solidarité de défense sur les autres salariés, via des dons de jours de repos, plutôt que sur les entreprises.

Toutefois, sur l’enjeu de l’amélioration des conditions de vie des militaires, existe un point de désaccord : la question de l’immobilier. Sous couvert de recettes exceptionnelles au profit de l’État, la poursuite des ventes nous semble extrêmement contre-productive, tant les besoins de logements décents sont grands pour nos militaires.

Si le premier défi peut être considéré comme relevé, nous ne partageons pas les ambitions sur le second défi de cette LPM, relatif à la place de la France dans le monde.

L’ambition d’indépendance et de souveraineté pour notre pays nous semble incompatible avec une intégration toujours plus grande dans l’OTAN. L’extension des accords SOFA – Status of Forces Agreement –, s’ils ne visent au final qu’à faciliter la réalisation d’exercices multilatéraux, marque bien une volonté de renforcer notre engagement dans l’OTAN.

On ne peut pas faire comme si les États-Unis, déjà prolixes en matière de décisions contestables, ne prenaient pas un virage inquiétant avec Donald Trump à leur tête. La politique étrangère de Washington s’assimile de plus en plus à la politique du pire.

Et si l’ONU doit être réformée, elle doit avant tout être rétablie comme seule garante de la sécurité mondiale face à l’OTAN.

Comme le notait la semaine dernière Dominique de Villepin à l’occasion d’un entretien à la radio : « Nous ne sommes plus, la France, tout comme l’Europe, qu’une variable d’ajustement, calculée par les États-Unis dans un camp atlantique ».

Mes chers collègues, je me permets de citer une nouvelle fois cet ancien ministre des affaires étrangères, dont nous connaissons tous sur ces travées les positions en faveur de la souveraineté et de l’indépendance de notre pays. Son jugement mériterait d’être largement considéré.

Dans ce cadre, l’Europe de la défense, à ce stade, est loin de constituer une alternative crédible.

Autre point de désaccord : la question du nucléaire. La LPM prévoit 37 milliards d’euros consacrés à un plan de modernisation. Il faudrait, au contraire, engager un processus de diminution de l’armement nucléaire. Que la France ne puisse pas, seule, démanteler l’intégralité de son arsenal, je l’entends parfaitement. Mais nous sommes face à une impasse, puisque chaque puissance nucléaire attend qu’une autre fasse un premier pas…

Une planification de démantèlement, même partielle, aurait été un message international permettant de faire avancer les choses, sans remettre en cause notre sécurité nationale.

Dernier axe stratégique, contestable à mon sens, la question du commerce des armes. Son développement dans la dernière décennie s’est appuyé sur deux objectifs : rééquilibrer la balance commerciale et maintenir l’emploi industriel.

Sur le maintien de l’emploi industriel, la réussite est en réalité très limitée, puisque le secteur de l’industrie de l’armement a vu disparaître 44 000 emplois en dix ans.

La France ne peut pas s’exonérer de ses responsabilités dans la prolifération des armements. Sous la pression de nouveaux conflits, les États se réarment, ce qui alimente en retour les conflits. Ce cercle vicieux, loin d’assurer la sécurité de notre pays, l’éloigne d’autant plus de la culture de la paix que nous souhaitons.

C’est pour ces derniers points, madame la ministre, que notre groupe votera majoritairement contre ce texte.

Applaudissements sur des travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Bockel

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi marque la remontée en puissance des moyens de nos armées après vingt ans d’attrition.

Cette inflexion était nécessaire, pour ne pas dire urgente, au regard des menaces intenses, diversifiées et durables auxquelles la France et l’Europe doivent faire face, comme l’ont montré les conclusions de la revue stratégique d’octobre dernier.

Ce projet de loi se veut d’abord « à hauteur d’homme », en donnant la priorité à la condition des personnels, à leur équipement individuel et aux familles. Je profite de cette occasion pour saluer l’engagement indéfectible de nos soldats, fortement sollicités, tant sur les théâtres d’opérations extérieures que sur le territoire national.

Ce projet entend aussi préparer l’avenir avec la modernisation des deux composantes de la dissuasion nucléaire, essentielles pour notre crédibilité stratégique.

À cela s’ajoutent un objectif de renouvellement et de modernisation des équipements sur terre, sur mer et dans les airs, ainsi qu’une volonté d’investir dans des capacités qui permettent de faire la différence, notamment dans les champs du renseignement, de la cyberdéfense et, de plus en plus, du spatial.

Les intentions de la loi de programmation sont bonnes. Celle-ci porte une vision d’autonomie stratégique, qui doit permettre à la France de se défendre, évidemment, mais aussi d’assumer sa responsabilité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et de défendre ses intérêts en pérennisant son influence diplomatique.

Toutefois, de bonnes intentions ne suffisent pas. Encore faut-il qu’elles se traduisent en actes.

Le débat en séance a permis d’apporter des réponses à certaines questions que nous posait le projet de loi.

Ainsi, pour la préparation et l’emploi des forces, la programmation qui nous était soumise ne se situait pas tout à fait au niveau espéré. Lorsque l’on s’intéresse au « cœur » de nos armées que sont la préparation opérationnelle des soldats et la disponibilité des équipements qu’ils utilisent, le projet de loi nous semblait manquer, si ce n’est d’ambition, tout au moins d’objectifs précis, fixés et quantitatifs, en d’autres termes vérifiables.

L’une des inquiétudes suscitées initialement par ce projet de loi était l’effet de ciseaux entre les moyens de l’armée française, surutilisés depuis plusieurs années, et la prise en charge du coût des opérations extérieures, les OPEX, par le ministère de la défense à lui seul, mettant fin à la solidarité interministérielle de mise jusqu’alors. Pour éviter cela, le Sénat a tenu à ce que les surcoûts non couverts fassent l’objet d’un financement interministériel.

Par ailleurs, la remontée des contrats opérationnels à hauteur des besoins constatés n’était pas prévue, alors que le niveau d’engagement des armées a été d’environ 30 % supérieur aux prévisions du Livre blanc de 2013.

C’est pourquoi le Sénat s’est assuré que tout accroissement de missions lié aux décisions prises lors des sommets de l’OTAN, organisation au sein de laquelle la France tient toute sa place aujourd’hui, ou à la conclusion de grands contrats de soutien à l’exportation, dont on ne peut que se réjouir, serait pris en compte lors de l’actualisation prévue en 2021. Cela constitue un progrès notable au regard de la précédente version.

Faisant allusion aux industries de défense, je veux ici, à mon tour, saluer la mémoire de Serge Dassault, avocat inlassable du Rafale – je peux, comme d’autres ici, en témoigner.

Le projet de loi prévoit une augmentation très importante des crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels : plus de 1 milliard d’euros supplémentaire par an par rapport à la précédente loi de programmation. Néanmoins, nous sommes tous conscients des risques de glissement des engagements, en raison des contraintes budgétaires, voire d’un report de ces derniers vers la fin de la période.

Pour pallier ce risque, le Sénat a prévu une information plus précise et annuelle sur l’état du respect des engagements pris dans la LPM. C’est un point important.

Concernant la réserve militaire opérationnelle, les améliorations obtenues lors des débats vont dans le sens d’un accroissement du vivier des réservistes, conformément au rapport sénatorial de 2016 sur la Garde nationale.

Le Sénat a également tenu à renforcer les garanties relatives au financement du futur service national universel, ou SNU : les ressources de la programmation militaire ne pourront être utilisées ni en crédits, ni en personnels, ni en infrastructures pour financer le SNU. Celui-ci bénéficiera d’un financement spécifique. Nous avons pris acte, madame la ministre, de l’engagement en ce sens du Président de la République, que vous avez bien voulu réaffirmer ici même mardi dernier.

Jean-Marc Todeschini et moi-même, corapporteurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur ce sujet, nous en félicitons. Pour le reste, nous attendons les arbitrages du Président de la République, sur la base du rapport du général Daniel Ménaouine, afin de poursuivre notre travail. Nous espérons qu’il saura tenir compte dans ses arbitrages des recommandations – notamment les pièges à éviter, les conditions de la réussite – que nous avons formulées en avril dernier.

Je tiens par ailleurs à saluer la qualité du débat très constructif que nous avons eu tout au long de l’examen de ce texte, de même que l’implication de notre rapporteur et président de commission, Christian Cambon, et de vous-même, madame la ministre.

Je tiens aussi à saluer le travail de mes collègues du groupe Union Centriste, qui a permis d’enrichir ce texte. Je pense notamment à l’apport de Gérard Poadja relatif à la protection auditive des militaires contre les traumatismes sonores, à l’amendement d’Olivier Cigolotti relatif à un rapprochement raisonné et progressif des compétences des réservistes avec les compétences des militaires d’active et au travail du rapporteur pour avis de la commission des lois, Philippe Bonnecarrère, sur la protection des droits et libertés constitutionnels.

Enfin, le groupe Union Centriste est particulièrement attentif aux ambitions européennes de ce projet de loi.

La conscience d’intérêts de sécurité partagés progresse en Europe, tout comme l’ambition de disposer de moyens d’action plus autonomes. Pour cela, il est essentiel de renouveler notre approche des coopérations européennes, y compris dans les industries de défense.

Cependant, les partenaires européens ne poursuivent pas toujours les mêmes ambitions. Le défaut d’alignement des objectifs rend moins aisée la convergence des besoins matériels. La défense européenne reste largement à bâtir, nous le savons tous.

Notre principal partenaire en matière de défense, le Royaume-Uni, est touché par le Brexit, d’où l’importance de préserver les accords de Lancaster House. Quant à l’Allemagne, notre premier partenaire européen, le chemin à parcourir est encore long pour faire converger nos doctrines d’emploi des forces.

Soyez assurée, madame la ministre, que notre assemblée sera attentive à l’effectivité de l’application de cette loi. Le groupe Union Centriste y veillera particulièrement.

À ce titre, nous nous félicitons de l’introduction d’une évaluation qui permettra aux parlementaires un meilleur suivi du respect de la trajectoire de ce texte.

Je suis convaincu que le dialogue présent et à venir, sur un sujet aussi essentiel, sera sain et nécessaire, sans attendre le rendez-vous d’actualisation de 2021. Mais le plus important est bien entendu d’aboutir à un résultat.

Faisant ce pari lucide et exigeant, le groupe Union Centriste soutiendra à l’unanimité le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe La République En Marche et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne pourrai conclure nos débats sans adresser à mon tour, au nom des membres du groupe socialiste, toutes nos pensées à nos soldats et à l’ensemble des femmes et des hommes composant nos forces de sécurité.

Cela a été dit tout au long de nos discussions, ils font preuve d’un engagement sans faille pour assurer notre défense sur les théâtres extérieur et intérieur.

Le débat qui vient de se dérouler autour de ce projet de loi de programmation militaire doit fixer la stratégie de la France pour les six prochaines années.

Cette LPM, nous en convenons toutes et tous, n’est pas désincarnée. « À hauteur de femmes et d’hommes », elle a un impact direct sur le quotidien de tous les personnels de défense. Elle établit le cadre dans lequel ils auront à mener leurs missions sous les ordres de leurs chefs, sur terre, sur mer ou dans les airs.

Qu’ils soient toutes et tous salués à travers le chef d’état-major des armées, le général François Lecointre.

Je souhaite également souligner la qualité et la rigueur de nos échanges. Ils démontrent qu’un consensus traversant toutes les travées de notre assemblée est possible.

Au demeurant, ce consensus n’exclut pas des approches différentes. C’est toute la richesse de notre démocratie.

Je ne doute pas que cet exemple aura permis à l’exécutif, en pleine réflexion sur une future réforme constitutionnelle, de mesurer l’importance du Sénat et du Parlement en général dans le processus de construction de la loi.

À l’heure où la rumeur se fait l’écho de velléités hyperprésidentielles quant au rôle de la représentation nationale, nous voulons croire que le Gouvernement aura à cœur de renforcer le Parlement dans sa fonction de contrôle, sans laquelle il ne peut y avoir de démocratie parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Exclu des réflexions et de la rédaction de la dernière revue stratégique, le Parlement avait été frustré de ne pouvoir apporter son regard et son expertise.

Je pourrais aussi évoquer, comme l’a fait Jean-Marie Bockel, les travaux entourant le service national universel, dans lesquels le Parlement est confiné à un rôle périphérique.

Les objectifs sont louables : intégrer nos jeunes dans une citoyenneté réelle, les sensibiliser aux questions de défense, par exemple. Mais, à ce stade, il semblerait que le groupe de travail, dont le Parlement a été écarté, accouche d’une souris, pour un coût en revanche assez lourd !

Heureusement, des dispositifs existent déjà et permettent aux jeunes de s’engager.

Je pense au service civique, une réussite à conforter mise en place lors du précédent quinquennat par notre président de groupe, Patrick Kanner, alors ministre de la jeunesse.

Nous aurons l’occasion de reparler du service national universel.

De manière générale, nul doute que les échanges constructifs que nous venons d’avoir sur cette LPM auront démontré à l’exécutif toute l’importance d’associer le pouvoir législatif à la construction de notre stratégie de défense.

Concernant le vote du groupe socialiste, je ne me lancerai pas ici dans un suspense inutile, car nous avons un devoir de clarté sur des questions particulièrement sensibles qui touchent à la sécurité de la Nation, à la vie de nos soldats, à l’avenir de notre industrie dans un contexte de fortes tensions stratégiques et budgétaires.

Notre groupe votera ce projet de loi de programmation militaire.

M. Robert del Picchia applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Nous le voterons en responsabilité. Cela veut dire qu’il ne s’agit nullement d’un blanc-seing à l’égard du Gouvernement ou du Président de la République.

De nombreux points de ce projet de loi de programmation militaire appellent en effet notre vigilance.

Je ne reviendrai pas sur les débuts tâtonnants du quinquennat actuel en matière de défense, même si j’adresse ici mes pensées amicales au général de Villiers, homme de devoir, proche de ses hommes et avec lequel j’ai eu plaisir à travailler.

Mais je rappelle que cette loi de programmation militaire s’inscrit dans une forme de continuité avec le travail engagé sous le précédent quinquennat.

À bien des égards, et c’est en partie satisfaisant, cette loi de programmation militaire prolonge les efforts consentis sous l’impulsion du président François Hollande.

Je sais bien que cela ne fait sans doute pas assez « nouveau monde » pour certains, qui se trouvent donc dans l’obligation de qualifier à chaque sortie médiatique cette loi de programmation militaire « de rupture avec la tendance observée pendant la précédente période ».

Mais, au-delà de la communication, il y a une continuité républicaine dans la gestion des affaires de l’État.

Dès 2015, François Hollande avait pris l’engagement d’une remontée en puissance des crédits de la défense. Cela s’est traduit budgétairement dans les projets de loi de finances successifs. Cette loi de programmation militaire s’inscrit dans cette logique, en donnant plus de moyens à nos armées.

Cependant, des doutes subsistent et, même si nous voterons le texte sensiblement amélioré par le Sénat, il me revient de vous en faire part.

Nous avons des doutes sur la question des ressources humaines et des recrutements. Si nous saluons la création de 6 000 emplois, la méthode pose questions, notamment sur le rythme des recrutements, qui fera porter les trois quarts de ceux-ci sur le prochain quinquennat.

Nous avons des doutes encore sur la stratégie de la France pour une Europe de la défense, alors que nos partenaires n’ont pas toujours les mêmes analyses. Nous assistons par exemple à des formes de spécialisations industrielles.

De ce point de vue, ce texte devra nécessairement être prolongé dans les faits afin que la France puisse consolider son autonomie stratégique tout en étant le moteur de la construction d’une Europe de la défense. Celle-ci s’impose à nous dans un monde qui se réarme et où la multiplicité des menaces appelle puissance et agilité.

Nous avons des doutes, enfin, car nous restons sceptiques quant à la trajectoire budgétaire. Un effort régulier sur la période couverte par cette loi de programmation militaire sécuriserait nos infrastructures et nos équipements.

Comme l’ont fait d’autres collègues, notamment le président de la commission et rapporteur du texte, que je tiens à saluer pour la conduite des travaux, je pourrais aussi évoquer les inquiétudes sur nos lacunes capacitaires, qui ne trouveront pas de résolutions immédiates alors que les équipements vieillissent chaque année.

Nous parlons ici des VAB, des hélicoptères, de tous ces équipements dont nos soldats ont besoin pour remplir leurs missions.

Mais nous devons aussi remarquer les efforts de l’exécutif afin de rapprocher nos points de vue et intégrer les apports du Sénat dans ce texte !

Le travail de notre assemblée aura largement permis d’améliorer ce projet de loi. Les apports du groupe socialiste et du Sénat permettent d’enrichir le texte dans son ambition première d’une loi de programmation militaire « à hauteur d’homme » : en commission, où 44 amendements cosignés par des membres du groupe socialiste ont été adoptés ; en séance, ensuite, où 14 amendements ont été portés par notre groupe et adoptés.

Je ne vais pas tous les citer, mais ils permettront par exemple de renforcer le contrôle parlementaire sur les points clés de ce texte, de sécuriser les ressources pour l’approvisionnement en munitions, de mieux soutenir et protéger nos PME du secteur de la défense, d’assurer une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie privée et de lutter contre les discriminations ; de renforcer les dispositifs de lutte contre les violences sexuelles et sexistes au sein des armées. Je m’arrête là.

Entre espoir suscité par ce texte et inquiétude quant à la concrétisation des investissements, notre groupe, cohérent avec les positions qui ont été les siennes lors du précédent quinquennat, fait le choix de l’espoir.

Ce choix, nous le faisons sans candeur, car nous savons que Bercy ne manquera pas de venir mettre son nez dans cette affaire.

Alors, nous serons aux côtés de nos armées, comme nous l’avons toujours été, car elles assurent la protection de tous les Français et interviennent partout dans le monde pour faire vivre la liberté.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste votera le texte dans sa rédaction issue du Sénat et restera vigilant, lors de la prochaine commission mixte paritaire, afin que ces avancées soient inscrites dans le texte final. Par la suite, il exercera son pouvoir de contrôle afin que ce texte trouve une traduction dans les faits, au plus proche des besoins de nos armées.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – MM. Richard Yung et Franck Menonville applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires. – Mme Sophie Joissains et M. Loïc Hervé applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Guerriau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est une chance, qui n’arrive pas souvent au cours d’un mandat, de pouvoir contribuer à la mise en œuvre de l’ambition de la France pour ses armées.

Nos débats, riches, informés, ont été à la hauteur de cette responsabilité et je tiens à remercier le président Christian Cambon pour son endurance, son écoute §et son souci de concilier les points de vue du Sénat et du Gouvernement.

Notre responsabilité d’assurer la protection de notre pays et de l’Europe n’a jamais été aussi lourde depuis la fin de la guerre froide. Le Président de la République l’a souligné lors de ses vœux aux armées en janvier dernier ; la revue stratégique de 2017 a fait le constat des grands bouleversements mondiaux que nous connaissons et qui font de notre effort de dépenses militaires un impératif catégorique.

Oui, comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, nous sommes entrés dans une ère de fortes turbulences.

Une ère où certains États se délitent, ouvrant la porte aux mouvements terroristes qui prospèrent sur leurs décombres. Du Sahel au Moyen-Orient, nos forces sont engagées contre l’obscurantisme et la barbarie qui haïssent nos valeurs et menacent notre territoire.

Une ère où de grandes nations soumettent les relations internationales à des rapports de force qui font fi de l’État de droit et des principes moraux.

Une ère où d’autres États émergents affirment leur droit de participer au concert des puissances, en choisissant des logiques de rivalité et de compétition. La complexité grandissante des armements, de nouveaux espaces de conflit nous imposent un effort d’innovation technologique pour maintenir nos capacités d’intervention et de dissuasion intactes.

Une ère, enfin, où l’Europe de la défense est à la croisée des chemins. Pour la première fois, il y a deux ans, les chefs d’État européens ont estimé que la convergence des menaces sur l’Europe nécessitait un engagement et une stratégie commune pour notre propre sécurité.

L’administration américaine est devenue plus imprévisible que jamais, au point de renier ses propres engagements et d’ignorer l’avis de ses alliés. Dans ce contexte, la crédibilité de la défense européenne doit être une priorité. Les avancées européennes en matière industrielle sont importantes, elles méritent d’être saluées. Mais il faut aller beaucoup plus loin sur le plan opérationnel, comme l’a souligné le président Cambon.

Dans ce contexte dégradé, après vingt ans de déflation de notre modèle d’armée, cette loi de programmation militaire était celle de la dernière chance pour que la France préserve son rang dans le monde et assure elle-même sa propre sécurité. Est-elle à la hauteur de cette ambition historique ?

Au terme de nos débats, la réponse me semble être la « stricte suffisance », eu égard à l’importance des défis à relever. Si ce texte répare en partie les dégâts du passé, notre modèle d’armée n’est pas à l’abri. Une sous-exécution des objectifs, qui est possible au regard des précédentes lois de programmation, mettrait en péril tout l’édifice. C’est pourquoi, en tant que législateurs, nous avons demandé des garanties, des contrôles, des clauses de revoyure. Mais, in fine, c’est vous, madame la ministre, qui devrez faire preuve de courage et de ténacité pour en assurer l’application et la pérennité.

Des programmes d’intérêt vital, qui ne devront souffrir d’aucune restriction budgétaire, doivent être menés à bien sur la période : la modernisation de notre dissuasion nucléaire avec la préservation du tissu industriel français, la sécurisation de son approvisionnement et le maintien de compétences rares ; le lancement des études pour le ou les successeurs du Charles de Gaulle, avec la possibilité d’un chevauchement entre la durée de vie des deux porte-avions, comme vous nous l’avez promis ; le renouvellement de nos sous-marins nucléaires d’attaque, avec l’entrée en service du Barracuda ; les investissements dans les capacités de cyberdéfense comme de cyberoffense ; la priorité accordée, enfin, à l’innovation.

La défense de la France ne se résume toutefois pas à la qualité de ses matériels. Les hommes et les femmes qui l’assument chaque jour en sont les principaux artisans et ils méritent notre reconnaissance. Cette « LPM à hauteur d’homme » a fait l’objet au Sénat d’une attention scrupuleuse, pour améliorer la condition militaire.

Nos débats ont été particulièrement nourris et intenses sur ces questions humaines, fondamentales pour notre effort de défense.

Madame la ministre, les amendements du Gouvernement nous ont inquiétés quant à la sincérité et donc à la sécurisation du retour à votre ministère de l’intégralité de ses produits immobiliers, évalués à 500 millions d’euros. Or nous considérons que l’effort au profit de l’offre de logements et de l’entretien des infrastructures du ministère doit s’accentuer. Vous ne nous avez pas non plus pleinement rassurés quant au financement des OPEX.

Je voudrais revenir un instant sur l’éligibilité des militaires aux fonctions communales. Nous avons atteint un compromis avec la proposition de seuils fixés par la commission. Néanmoins, je pense que cet équilibre est précaire et qu’il faudra un jour ou l’autre y revenir. Pourquoi un seuil de 9 000 habitants pour les municipalités et de 30 000 pour les intercommunalités ? Il n’y a pas là de critères réellement objectifs indiscutables, et je pense donc que nous reviendrons sur ce point.

Madame la ministre, vous avez qualifié l’exercice de préparation et de discussion de cette loi de programmation militaire d’« enthousiasmant ». Nous partageons votre sentiment. Il est enthousiasmant de se pencher enfin sur une loi qui a d’autres ambitions que la réduction d’effectifs et la déflation des moyens.

Cet enthousiasme a nourri la qualité de nos débats de la semaine dernière. Mais il ne doit pas nous faire occulter la gravité des sujets qui nous occupent. Il y va de la vie de la Nation et de la sécurité des Français.

Comme le disait le général de Gaulle à Bayeux : « La défense ! C’est la première raison d’être de l’État. Il ne peut y manquer sans se détruire lui-même. » C’est parce que nous croyons que cette raison d’être est plus que jamais d’actualité, c’est parce que nous croyons que la France n’est plus tout à fait la même sans la noblesse de ses armées, que le groupe Les Indépendants votera, unanime, en faveur de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce texte est très bon si l’on ne regarde que l’effort de structuration des armées. Mais il faut prendre aussi en compte ce que l’on fait avec l’armée, qui recouvre la politique étrangère.

Or je considère que nos armées sont employées de manière catastrophique à l’étranger. Tous les problèmes qui se posent aujourd’hui notamment au Moyen-Orient, en Afrique dans le Sahel, proviennent de choix catastrophiques effectués par un certain nombre de pays occidentaux. Le premier aura été l’invasion de l’Irak par les États-Unis, sous couvert de la présence d’armes de destruction massive. On le sait aujourd’hui : il s’agissait d’accusations mensongères, et c’est bien l’impérialisme américain qui a voulu renverser Saddam Hussein.

(Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.) Ceux qui ont renversé Saddam Hussein sont donc bien responsables de la génération de l’apparition de l’État islamique !

Murmures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Finalement, le renversement de Saddam Hussein a abouti à dix fois plus de morts en Irak et, surtout, c’est cet événement qui explique l’État islamique d’aujourd’hui. §

Ensuite, ce fut la Libye. Quand M. Sarkozy a renversé Mouammar Kadhafi – car c’est bien le Président Sarkozy qui est à l’origine de ce renversement –, il a préparé la diffusion du terrorisme islamique dans l’ensemble du Sahel. Toutes les armes qui se trouvaient en Libye ont permis d’y alimenter le terrorisme, notamment au profit de l’État islamique. Là aussi, en Libye, il y a finalement beaucoup plus de morts – trois, quatre, dix fois plus… – que si nous n’étions pas intervenus.

En plus, à l’heure du bilan, chacun constate aisément que nous sommes littéralement submergés par les flux de migrants, qui nous posent des problèmes inextricables.

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Du moins, je fais partie de ceux qui disent qu’ils s’en seraient bien passés.

Autre pays : la Syrie. M. Hollande a voulu y intervenir et contribuer à renverser M. Assad. Finalement, nous avons les mêmes problèmes qu’en Libye, et certaines situations sont extravagantes : nos soldats se font tuer et nous dépensons des sommes considérables. Et ces situations engendrent, là encore, des flux massifs d’immigrés.

(Sourires.) On a sûrement mieux à faire !

Mmes Claudine Kauffmann et Évelyne Perrot, ainsi que MM. Stéphane Ravier et Jean-Marie Mizzon applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Enfin, quelques mots sur le Président Macron. De l’autre côté de l’Atlantique, il fait face à un président des États-Unis qui s’assoit sur les traités internationaux et dont la politique ne s’appuie que sur le rapport de force, un peu comme durant les années qui ont précédé 1940. Et que fait le Président Macron ? Il prend l’avion, traverse l’Atlantique pour caresser le Président Trump. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Vous l’aurez compris, je suis évidemment d’accord pour conforter nos armées, mais je suis radicalement opposé à la manière dont on les utilise et à la politique étrangère qui est actuellement menée.

Mmes Claudine Kauffmann et Christine Herzog, ainsi que MM. Stéphane Ravier et Pierre-Yves Collombat applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Guérini, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Guérini

M. Jean-Noël Guérini. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président Cambon, mes chers collègues, il est toujours difficile d’intervenir en dernier, et, surtout, après le sénateur Masson…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Guérini

J’ai l’honneur de présenter, au nom du groupe du RDSE, l’explication de vote sur le projet de loi de programmation militaire.

S’il m’arrive, hélas, d’être parfois critique, en ce printemps, avec les propositions et choix du Gouvernement en matière de politique sociale, je me félicite, madame la ministre, de la détermination et du volontarisme du Président de la République, chef des armées, quand il incarne les fonctions qui lui incombent conformément aux articles 5 et 15 de la Constitution.

Emmanuel Macron s’inscrit dans cette perspective. Il prépare, modernise et accompagne l’armée française pour affronter les défis européens et internationaux à venir. Il le fait d’une manière déjà pensée par le président Mitterrand, lorsqu’il écrivait dans Réflexions sur la politique extérieure de la France, en 1986 : « L’Europe de la défense a plus de chances de s’incarner dans les technologies du futur que dans les manœuvres figées du passé ou la quête impossible d’une réponse commune au défi nucléaire ».

Cette réflexion est plus que jamais d’actualité. Elle résume l’enjeu du projet de loi de programmation dont nous avons eu à débattre en séance : moderniser et adapter ; dissuader et protéger ; renseigner et anticiper ; mais aussi coopérer.

Cette discussion se déroule – ne l’oublions pas ! – dans un contexte de turbulences tant à l’international, où les conflits se multiplient, que sur la scène intérieure, où nous sommes confrontés à la menace du terrorisme qui met en péril la sécurité de tous les Français et mine notre cohésion nationale.

Dans ce contexte, la sacralisation des moyens consacrés à la défense est une impérieuse nécessité.

Évidemment, nous avons des différences, qui sont parfois des différends. Nos débats, quand ils sont respectueux, sont le levain de notre vie démocratique, mais il est des moments où, face à la montée des périls, nous avons le devoir de mettre ces différends entre parenthèses.

C’est un devoir pour les Français, qui attendent à juste titre d’être protégés ; c’est aussi un devoir pour nos militaires, lesquels défendent les intérêts de la France en opérations extérieures, mais aussi dans le cadre de l’opération Sentinelle – le président Cambon l’a rappelé.

Nous ne pouvons que nous féliciter de l’effort consenti pour la défense sur la durée de la programmation : 295 milliards d’euros, dont 198 milliards investis entre 2019 et 2023. C’est une hausse non négligeable, qui permettra au budget des armées d’atteindre progressivement 2 % du produit intérieur brut, le PIB.

Les équipements des trois armées seront renforcés, 6 000 postes seront créés et le budget des opérations extérieures passera de 450 millions d’euros en 2017 à plus de 1 milliard d’euros en 2020.

En revanche, je regrette que, dans le rapport annexé, les besoins des armées soient ciblés jusqu’en 2025, alors que les ressources ne le sont que jusqu’en 2023.

Au-delà de l’augmentation du budget, je retiendrai deux points essentiels pour justifier le vote du groupe du RDSE.

D’abord, le projet de loi de programmation réaffirme le rôle substantiel et éminent du Parlement en matière de défense : consolidation du pouvoir de contrôle sur l’application et l’exécution de la loi de programmation ; reconnaissance des pouvoirs d’investigation des commissaires chargées de la défense ; présentation annuelle des principales évolutions de la programmation budgétaire ministérielle ; enfin, renforcement des moyens de contrôle de la délégation parlementaire au renseignement.

Oui, mes chers collègues, nous recevrons désormais des informations afin d’évaluer et d’apprécier l’effort fait en matière budgétaire pour moderniser les équipements. Souvenons-nous que ce sont les équipements qui ont constitué, dans les précédentes lois de programmation, les variables d’ajustement grâce à des pratiques comme la réduction de cibles ou le décalage calendaire !

Ensuite, le groupe du RDSE se félicite du traitement réservé aux besoins des personnels militaires. Si la création de 6 000 emplois prévue d’ici à 2025, prioritairement pour le renseignement et la cybersécurité, est bienvenue, la reconnaissance de la Nation envers les personnels militaires est, elle, une excellente nouvelle.

Permettez-moi de citer une série d’initiatives : l’amélioration des programmes de logements sociaux en faveur des personnels ; la poursuite active de la politique de prévention, de dépistage, de suivi et d’accompagnement des syndromes post-traumatiques ; le renforcement de la politique de lutte contre les cas de harcèlement, de discrimination et de violence à caractère sexuel ; le congé de reconversion pour tous les militaires blessés en service sans condition d’ancienneté – cela me paraît essentiel.

Ces initiatives répondent à une demande de considération de nos forces armées et de nos forces de sécurité : les moyens sont certes nécessaires, sinon indispensables, mais la reconnaissance et le respect sont vitaux.

Si nous ne faisions pas vivre ces valeurs, nos discours et nos efforts seraient vains. Notre vote s’inscrit dans cette perspective et démontre le soutien que nous apportons à ces hommes et ces femmes, engagés chaque jour pour défendre notre sécurité sur les fronts extérieurs comme sur le territoire national.

Madame la ministre, mes chers collègues, le groupe du RDSE votera ce texte à l’unanimité, moins deux abstentions que je me permets de qualifier de positives – j’espère d’ailleurs que cette position d’abstention pourra à l’avenir évoluer…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Guérini

Je souhaite enfin remercier Mme la ministre, le président Cambon…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Guérini

M. Jean-Noël Guérini. … et l’ensemble des membres de la commission, qui ont fait un travail formidable. Je remercie aussi l’ensemble des sénatrices et sénateurs d’avoir conjugué leurs efforts pour construire un budget à la hauteur de l’ambition que nous nourrissons pour notre armée et pour la France.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Bernard Lalande applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Madame la ministre, mes chers collègues, il va être procédé, dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement, au scrutin public solennel sur l’ensemble du projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des conférences.

Je remercie nos collègues Françoise Gatel, Mireille Jouve et Michel Raison, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une durée de vingt-cinq minutes et je suspends la séance jusqu’à seize heures trente-cinq, heure à laquelle je proclamerai le résultat.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures trente-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 105 :

Nombre de votants345Nombre de suffrages exprimés341Pour l’adoption326Contre 15Le Sénat a adopté, dans le texte de la commission modifié, le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Mme Florence Parly, ministre des armées. Monsieur le président, monsieur le président-rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous venons, ensemble, d’envoyer à nos armées un message clair : les privations sont finies, le renouveau commence.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Et je veux, tous, vous en remercier. Oui, je souhaite vous en remercier, car vous avez su aborder ce texte en ayant à l’esprit la volonté d’améliorer collectivement le sort de nos militaires et d’agir véritablement pour la défense de notre pays.

Le Sénat a donc pleinement joué son rôle…

Debut de section - Permalien
Florence Parly

… et je suis fière d’avoir pu apporter mon soutien à nombre d’amendements présentés ici pendant ces heures de débat. C’est un signe de la qualité du travail collaboratif qui s’est instauré entre votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et le Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Gardons cet esprit pour le reste de la mandature, gardons-le pour la commission mixte paritaire qui s’annonce ! Là encore, agissons ensemble, en pensant seulement à nos armées, à nos militaires, à la défense de la France !

( Mme Catherine Procaccia s ’ exclame.). Cette question est la suivante : souhaite-t-on ou non donner aux armées tous les moyens dont elles ont cruellement besoin pour accomplir leurs missions, pour relever les défis d’aujourd’hui et de demain ? En effet, ce qui est en jeu, ce ne sont pas des intérêts particuliers ou les pouvoirs de tel ou tel, c’est l’intérêt de notre défense nationale, de notre sécurité et de notre liberté à tous !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur quelques travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe socialiste et républicain. – M. Robert Del Picchia applaudit également.

Debut de section - Permalien
Florence Parly

Un accord en commission mixte paritaire est, je crois, à portée de main, si vous, parlementaires, vous posez la seule question qui vaille, au-delà des ego ou des querelles partisanes §

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous allons suspendre la séance pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les questions d’actualité au Gouvernement.

La séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

J’appelle chacun de vous à respecter le temps qui lui est imparti, ainsi qu’à observer dans nos échanges cette courtoisie qui est la marque du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Guillaume Arnell, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé.

Madame la ministre, l’accès aux soins est un droit fondamental pour tout citoyen. Pourtant, dans la pratique, ce droit n’est pas garanti partout. Les déserts médicaux, tout comme les difficultés d’installation des jeunes médecins, sont une des raisons de cet état de fait, mais, aujourd’hui, je voudrais attirer votre attention sur la situation des services d’urgence et, plus particulièrement, sur celle des médecins urgentistes, et ce sur l’ensemble du territoire.

Je suis bien conscient, madame la ministre, qu’il y a d’autres professions médicales en souffrance, comme les médecins-anesthésistes.

En France hexagonale, les alertes sur ces situations, qui sont sans lien avec votre arrivée au ministère, sont nombreuses. L’Association des médecins urgentistes de France alerte régulièrement sur ces difficultés : pénurie de médecins spécialisés, manque d’attractivité de certains territoires, difficultés financières de certains établissements, conditions d’exercice de plus en plus difficiles, pour n’en citer que quelques-unes.

En outre-mer, plusieurs événements récents viennent complexifier davantage la situation : les difficultés du SAMU de la Guadeloupe, amplifiées par le problème de l’incendie du CHU ; la récente démission de 17 des 25 urgentistes de Guyane ; enfin, à Saint-Martin, le territoire que j’ai l’honneur de représenter, la situation post-Irma, qui a encore amplifié l’absence de sédentarisation des médecins. Sur 11 postes de praticien hospitalier aux urgences, seuls 5 sont pourvus, et sur les 4 en anesthésie, 1 seul est pourvu.

À Saint-Martin, à ces difficultés s’ajoutent l’absence momentanée d’attractivité du territoire, à cause notamment de l’absence de logements et d’une vie sociale dégradée, et les évacuations sanitaires, qui mobilisent les professionnels pendant plusieurs heures, impactant ainsi la qualité et la continuité des soins.

Madame la ministre, ma question est simple : quelles réponses êtes-vous en mesure d’apporter aux services des urgences et aux urgentistes, qui ne demandent qu’à exercer leur mission d’aide et d’assistance dans les meilleures conditions possible ?

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – Mme Sophie Joissains applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Merci, monsieur le président.

Mme la mini stre souffrant d ’ une extinction de voix, on s’ en amuse, en particulier sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Mesdames, messieurs les sénateurs

Nouvelles réactions amusées sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. Mes chers collègues, un peu de silence pour encore mieux écouter. Allez-y, madame la ministre.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Agnès Buzyn

Merci, monsieur le président.

Monsieur le sénateur, la situation des services d’urgence en outre-mer me préoccupe, mais c’est aussi le cas de beaucoup de territoires métropolitains aujourd’hui. Dans les territoires ultramarins, ces services sont exposés en plus à des difficultés spécifiques. En effet, ils ont connu des événements particulièrement marquants ces derniers mois.

En Guyane, c’est un problème de vacance de postes qui alourdit la charge de service, avec un mouvement collectif des médecins urgentistes qui affecte le centre hospitalier de Cayenne. Nous travaillons sur ce problème avec l’ARS et nous allons envoyer la réserve sanitaire.

En Guadeloupe, vous le savez, c’est l’incendie du CHU de Pointe-à-Pitre, en novembre, qui rend nécessaire, aujourd’hui, une réorganisation complète du territoire. L’ARS est très mobilisée pour que cela n’affecte pas l’accès aux soins dans les territoires.

Quant à votre île, Saint-Martin, monsieur le sénateur, outre l’ouragan Irma, des difficultés de recrutement des médecins urgentistes y ont créé une très forte tension sur l’hôpital.

L’ensemble de ces situations fait l’objet d’une attention particulière. J’ai souhaité traiter la question de l’accès aux soins pour les territoires ultramarins dans un chapitre particulier de la Stratégie nationale de santé. J’ai d’ores et déjà programmé pour 2018 la création de 100 postes de médecins spécialistes et d’assistants spécialistes pour les territoires d’outre-mer, notamment dans les spécialités en tension, pour attirer les jeunes médecins et pour qu’ils découvrent la richesse de ces territoires. Nous allons travailler à cette attractivité tant pour les médecins que pour les équipes d’encadrement, que nous sommes en train de renouveler partiellement.

Monsieur le sénateur, vous pouvez compter sur ma détermination et sur mon affection pour les territoires ultramarins, que, je crois, vous connaissez.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Pierre Ouzoulias, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Ouzoulias

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’an passé, avec la procédure APB, la pratique illégale du tirage au sort avait touché environ 0, 4 % des candidats.

Aujourd’hui, dans de nombreuses universités, les dossiers ont été sélectionnés avec des notes d’une précision allant jusqu’à six chiffres après la virgule. Le tirage au sort illégal, mais circonscrit, selon l’expression de la Cour des comptes, a été remplacé par une grande loterie au fonctionnement opaque.

L’an passé, avec la procédure APB, plus de 80 % des lycéens avaient reçu une réponse favorable à leurs vœux dès les premiers jours. Aujourd’hui, avec Parcoursup, seuls 24 % des candidats ont accepté définitivement une proposition, et 13 000 personnes ont déjà été éliminées du dispositif. Les taux d’échec importants dans les lycées des communes populaires montrent qu’une sélection sociale est à l’œuvre.

L’an passé, avec la procédure APB, environ 3 500 bacheliers n’avaient reçu aucune affectation. Aujourd’hui, avec Parcoursup, il est à craindre que leur nombre ne soit multiplié par dix, parce que vous avez fait le choix politique de ne pas augmenter à proportion les moyens budgétaires pour accueillir les 65 000 bacheliers supplémentaires.

Parcoursup oblige les lycéens, en pleines révisions, à une angoissante vérification quotidienne de leurs classements. Pis, de nombreuses familles sont choquées par le caractère souvent incompréhensible et erratique des résultats.

Monsieur le ministre, ma question est simple : à quel contrôle de légalité avez-vous soumis les procédures mises en œuvre par les universités pour sélectionner les dossiers ? Pouvez-vous garantir aux familles que les algorithmes locaux n’utilisent aucun traitement automatisé ni aucun processus aléatoire. Vous avez publié l’algorithme national Parcoursup, vous devez maintenant rendre publics ces algorithmes locaux, comme le Sénat vous l’a demandé à l’unanimité.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et sur des travées du groupe socialiste et républicain. – M. Yvon Collin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du numérique.

Debut de section - Permalien
Mounir Mahjoubi

Monsieur le sénateur, avec Parcoursup, nous sommes dans une transition entre un système antérieur, qui était instantané, injuste et basé sur le hasard, …

Debut de section - Permalien
Mounir Mahjoubi

… et un système nouveau, progressif, …

Debut de section - Permalien
Mounir Mahjoubi

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d ’ État. … juste et basé sur l’analyse du parcours individuel de l’élève.

Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Mounir Mahjoubi

Je me préoccupe comme vous du sort des élèves qui attendent encore. Ce matin, j’étais dans le XIXe arrondissement, un arrondissement populaire où j’ai été élu pour siéger à l’Assemblée nationale, en compagnie de lycéens de terminale : un sur deux avait déjà reçu une proposition dans la filière de son choix.

Debut de section - Permalien
Mounir Mahjoubi

Quand on regarde les chiffres au niveau national, deux élèves sur trois ont déjà reçu une proposition.

Debut de section - Permalien
Mounir Mahjoubi

Sur ces deux tiers d’élèves, près de 200 000 ont déjà accepté et, chaque jour, de nouvelles places se libèrent.

Alors oui, ce n’est pas le même système que l’année dernière ; c’est un système différent, mais plus juste. Vous avez raison, il y a ces élèves qui préparent le baccalauréat et qui, chaque jour, attendent. Mais, à la fin, vous verrez, quand vous parlerez avec les familles une fois qu’une place aura été attribuée, et quand, culturellement, on aura tous compris et accepté ce système, quand on constatera que personne n’est laissé au bord du chemin, les familles comprendront que ce système est bien plus juste.

Vous parlez de transparence : jamais aucun gouvernement n’a été aussi transparent !

Oh ! sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Mounir Mahjoubi

Plusieurs éléments vous le prouvent. Ainsi, les critères que la communauté pédagogique de chaque formation a décidé d’appliquer pour prioriser les dossiers ont été rendus publics dès la mise en ligne de Parcoursup. Ensuite, nous avons voulu rendre encore plus transparent le processus complet.

Debut de section - Permalien
Mounir Mahjoubi

C’est l’ouverture que nous avons menée.

Je le répète en conclusion : par respect pour les familles, attendons, mais, si nous regardons les chiffres dès aujourd’hui, nous voyons que les résultats sont déjà là !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Samia Ghali, pour le groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Ma question s’adresse à M. le ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Comme beaucoup d’élus locaux, je m’inquiète du phénomène des rodéos sauvages, qui empoisonnent et mettent en danger la vie de milliers de personnes. Face à un arsenal juridique insuffisant pour lutter contre ce fléau, face aux humiliations récurrentes de nos forces de l’ordre sur le terrain, souvent en sous-effectif pour intervenir efficacement et en sécurité, que comptez-vous entreprendre afin que, quelle que soit la nature de l’incivilité ou du délit, force reste à la loi ?

Je ne pouvais pas intervenir aujourd’hui sans avoir une pensée pour Engin, jeune victime innocente qui a perdu la vie samedi, à Marseille, et que sa famille pleure aujourd’hui.

Je combats le cynisme de ceux qui considèrent qu’ « ils se tuent entre eux ». Je ne crois pas à la fatalité ; je crois en la République et j’espère, monsieur le ministre d’État, que, face à cette course contre la mort, nous ne serons plus seuls.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Michelle Gréaume et M. Dominique Watrin applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Madame la sénatrice Samia Ghali, vous nous interpellez sur le phénomène des rodéos motorisés.

Vous avez, tout comme le Gouvernement, pris la pleine mesure de ces pratiques qui deviennent de plus en plus insupportables. Initialement circonscrit à certains quartiers, ce phénomène s’étend désormais en périphérie des centres urbains et sur l’ensemble du territoire national, et s’amplifie bien sûr avec l’été.

Au cours de ces rodéos, nos concitoyens sont mis en danger et les forces de l’ordre, provoquées, sans parler du sentiment d’impunité et d’insécurité, ainsi que de l’exaspération croissante de la population.

Les forces de l’ordre agissent contre ces phénomènes sur le plan tant préventif que répressif, car on ne peut tolérer l’atteinte qu’ils portent à la tranquillité et à la sécurité. Cependant, l’action des forces de sécurité en la matière n’est pas tâche aisée. C’est pourquoi, dans la logique de la PSQ, la police de sécurité du quotidien, elles ont été consultées et nous ont signifié le besoin d’une évolution du dispositif législatif, afin de faciliter leur action et de gagner en efficacité.

C’est la raison pour laquelle, sur l’initiative de parlementaires – à cet égard, je veux saluer ici l’action du sénateur centriste Vincent Delahaye

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Évelyne Perrot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Je tiens à saluer leur action collective et constructive qui a permis de faire un travail avec les services des ministères de l’intérieur et de la justice pour que, ensemble, nous puissions régler ce problème qui touche nos concitoyens dans de nombreux quartiers de nos villes.

Cette proposition permettra de disposer d’un arsenal juridique adapté et dissuasif, avec une nouvelle possibilité significative : immobiliser administrativement les véhicules impliqués.

Comme vous le voyez, Parlement et Gouvernement ont agi main dans la main pour cette proposition de loi, afin que, partout sur notre territoire, la tranquillité puisse être retrouvée, que l’État de droit soit respecté, et, comme vous l’avez dit, madame Samia Ghali, que la République soit le droit partout.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

Mme Samia Ghali. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J’ai cosigné la proposition de loi de mon collègue Vincent Delahaye, considérant qu’elle dépassait les clivages politiques, dont il faut parfois savoir s’affranchir.

Très bien ! et applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Samia Ghali

À titre personnel, malheureusement, j’ai vu de près ce que ces rodéos pouvaient faire : j’ai perdu une tante, fauchée par un jeune qui faisait du rodéo. C’est très violent.

Madame la ministre, une fois l’arsenal juridique mis en place, il faudra aussi prévoir les moyens policiers pour l’appliquer. J’espère que, de ce côté-là aussi, le nécessaire sera fait.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a eu une hausse considérable des taxes au mois de janvier – de l’ordre de 7, 6 centimes pour le gazole et de 3, 9 centimes pour l’essence –, mais il faut aussi prendre en compte la hausse du cours du baril, ce qui conduit à des prix record à la pompe et impacte durement les ménages et les entreprises en milieu rural.

Bien sûr, l’objectif de cette fiscalité est de dissuader les Français d’utiliser quotidiennement leur véhicule. C’est possible en ville, mais pas en milieu rural, où les gens n’ont pas d’autre moyen de transport que leur véhicule personnel, notamment pour aller au travail ou au centre hospitalier.

J’ajoute qu’il me paraît dommage, d’un côté, d’essayer de redonner du pouvoir d’achat aux salariés grâce aux suppressions de cotisations salariales et, d’un autre côté, de leur reprendre ce gain par cette hausse de taxes.

Cela touche aussi, bien sûr, le pouvoir d’achat des retraités, notamment les retraités agricoles, qui ont parfois de très faibles pensions, même si celles-ci devraient augmenter, le plus tôt possible, je l’espère, avec l’application de la proposition de loi de nos collègues.

Toute une économie est aussi pénalisée : les transporteurs, les taxis, les agriculteurs, qui n’ont pas d’autre solution que les moteurs à essence et gazole en milieu rural.

Si le gazole se maintient au prix actuel, je crains que ces entreprises ne soient plus rentables. C’est pourtant avec elles que nous maintiendrons la vie dans les territoires ruraux.

Monsieur le ministre, la situation est très préoccupante. Nous avons besoin non pas d’une suppression du taux réduit de TICPE pour les entreprises éligibles, comme je l’ai entendu, mais d’une augmentation de son remboursement suivant la hausse des carburants. Sinon, il n’y aura plus d’entreprises de transport en milieu rural, même en France, et nous aurons des transporteurs roumains, polonais ou espagnols pour assurer nos besoins de transport routier.

Par ailleurs, il me paraît plus raisonnable d’interrompre l’augmentation de ces taxes sur les carburants dans les prochaines lois de finances et d’harmoniser les prix du gazole en Europe.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires, ainsi que sur quelques travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le sénateur Chasseing, en 2014, vous l’avez rappelé, la France a mis en place une évolution fondamentale de sa fiscalité énergétique en introduisant une composante carbone dans les tarifs de taxes intérieures de consommation, et notamment la TICPE.

Cette approche a été reprise et renforcée dans le cadre de la loi de finances pour 2018, en définissant une trajectoire jusqu’en 2022.

Les véhicules diesel, qui sont à l’origine de plus de pollution aux particules fines que les véhicules essence

M. Jean-François Husson s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Par ailleurs, afin d’atteindre les objectifs de réduction des émissions de dioxyde de carbone issus du paquet climat adopté par l’Union européenne, le dispositif de la TGAP biocarburant permet de taxer les carburants de manière proportionnelle à un seuil d’incorporation de biocarburants. C’est un dispositif efficace, qui permet d’apporter un soutien financier assez important à la production de biocarburants pour accompagner cette transition.

Le Gouvernement veille par ailleurs à ne pas pénaliser les ménages et les secteurs économiques les plus fragiles. Ainsi, des tarifs réduits et des remboursements partiels existent sur le gazole non routier utilisé par les engins agricoles, avec un taux payé de 3, 86 centimes d’euros par litre au lieu du taux normal de 59, 4 centimes d’euros, pour le gaz naturel et pour le transport routier de marchandises et de voyageurs.

Le remboursement partiel de la TICPE dont bénéficient ces professionnels est par ailleurs ajusté pour compenser la hausse de TICPE intervenue au 1er janvier, ce qui leur permet de bénéficier de tarifs inchangés.

Concernant les particuliers, comme vous le soulignez, le Gouvernement a pris le parti de déployer une politique globale plus favorable au pouvoir d’achat. Ces mesures doivent être analysées non pas isolément, mais dans leur ensemble, en tenant compte, notamment, des baisses de cotisations salariales ou autres exonérations de taxe d’habitation.

Enfin, madame Borne prépare une loi sur les mobilités qui permettra aussi d’apporter des réponses adaptées à l’ensemble de nos territoires.

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Nathalie Delattre applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Laurent

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, ma question porte sur l’épisode de grêle qui a durement touché les vignobles de la Nouvelle-Aquitaine ce week-end, mais également le Lubéron et le Champenois la semaine dernière.

J’étais hier sur le terrain avec la profession. La situation est dramatique en Nouvelle-Aquitaine, où environ 18 000 hectares ont été touchés, soit entre 60 % et 100 % des parcelles privées de récolte pour deux années, sans compter les surfaces céréalières et arboricoles.

Les mesures mobilisables, telles que le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti ou le report du paiement des cotisations sociales, demeurent indispensables. Nous ne pouvons plus rester au milieu du gué.

De nombreuses régions viticoles subissent pour la troisième année consécutive des aléas climatiques, tels que gel et grêle.

Le mécanisme existant de la déduction pour aléas n’ayant pas emporté l’adhésion des agriculteurs, la profession requiert plus que jamais un dispositif lui permettant de se constituer une réserve d’autofinancement avec les mesures fiscales idoines. En février dernier, j’ai déjà interrogé le Gouvernement, qui m’a fait alors une réponse pour le moins évasive.

Aujourd’hui, la profession agricole a besoin de visibilité. Les variations de revenus sont de plus en plus difficilement soutenables et la récurrence des aléas indique qu’il faut lui donner un outil efficace et efficient rapidement.

Vous connaissez leurs propositions en la matière, à savoir la possibilité de déduire une provision, dont le plafond serait déterminé en fonction du résultat d’exploitation. Corrélativement, un montant égal à au moins 40 % de la déduction devrait être mis en épargne financière. Ce ratio serait conservé tout au long du maintien de la provision, sous peine de réintégration, et rapporté dans un délai de dix exercices.

Le système assurantiel existe déjà et peut être complémentaire.

Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement envisage-t-il de reconsidérer sa position sur la possibilité ouverte par le règlement dit « omnibus » d’abaisser le seuil de déclenchement de l’assurance récolte de 30 % à 20 % ?

En conséquence, quelles sont les mesures que le Gouvernement envisage de mettre en œuvre dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019 ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Monsieur le sénateur Daniel Laurent, le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, qui est retenu à l’Assemblée nationale, m’a demandé de vous répondre.

Des orages de grêle ont touché la Nouvelle-Aquitaine ce week-end, affectant plusieurs milliers d’hectares dans les vignobles de Cognac et du Bordelais, ainsi que dans d’autres régions de France, le Vaucluse notamment, que vous avez cité.

Comme Stéphane Travert l’a fait à l’Assemblée nationale, je tiens à rendre hommage, au nom du Gouvernement, aux viticulteurs qui sont une nouvelle fois frappés.

Face à la recrudescence des intempéries, que vous notez à juste titre, quelles mesures pouvons-nous prendre ?

Il existe, vous le savez, des dispositifs spécifiques à la viticulture, à savoir les achats de vendanges et le volume complémentaire individuel, notamment.

Monsieur le sénateur, vous nous demandez de la visibilité. D’autres dispositifs sont également mobilisables, en particulier le recours à l’activité partielle pour les salariés des entreprises touchées, ou encore le report du paiement des cotisations sociales auprès des caisses de mutualité sociale agricole.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Mme Brune Poirson, secrétaire d ’ État. Par ailleurs, les cellules d’identification et d’accompagnement ont fait un travail remarquable pour accompagner les exploitants en difficulté. Ils les identifient ; ils les soutiennent. Je rappelle aussi que l’État, via le FEADER, subventionne jusqu’à 65 % du montant de la cotisation d’assurance.

MM. François Patriat et Claude Haut applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Alain Cazabonne, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain CAZABONNE

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, bien que mon sujet rejoigne celui qui a été évoqué par M. Daniel Laurent, je n’ai pas l’intention de parler en vain.

Ma question s’adresse à M. Stéphane Travert, ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

Samedi dernier, à la suite d’un violent orage de grêle – j’étais dessous –, qui s’est abattu sur la Gironde et sur l’ensemble du Sud-Ouest, de nombreuses parcelles viticoles ont été de nouveau durement touchées. En effet, entre 3 000 et 5 000 hectares de vignes ont été détruits, et certaines appellations, telles que les Côtes-de-Bourg ou le Blayais, sont même menacées.

Nous ne pouvons pas laisser ces acteurs économiques majeurs pour notre pays seuls face à cette situation.

Le vin français fait partie de notre patrimoine et participe fortement à notre renommée, ainsi qu’à notre rayonnement international. Il doit donc faire l’objet d’une attention toute particulière.

Cette situation concerne bien entendu la Gironde, mais également l’ensemble de nos territoires viticoles, et je suis sûr que nombre de mes collègues ici présents pourraient parler de leur terroir.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain CAZABONNE

(Exclamations amusées .) Je savais que je ferais l’unanimité.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain CAZABONNE

Néanmoins, je suis persuadé que nous serions tous d’accord pour reconnaître que le Bordeaux est quand même le meilleur. §

Face à ces difficultés, deux pistes semblent possibles : une incitation fiscale pour aider les agriculteurs à généraliser les protections efficaces qui existent, mais qui sont coûteuses ; l’autre est réglementaire, et consiste à aider les viticulteurs à conserver une partie des quotas de rendement sur une année pour compenser les pertes éventuelles causées l’année suivante par les aléas climatiques. C’est le cas, me semble-t-il, en Champagne et pour le Chablis, avec ce que l’on appelle le VCI, le volume complémentaire individuel.

Aussi, quelles sont les mesures incitatives ou réglementaires que le Gouvernement entend prendre pour aider nos viticulteurs à généraliser l’anticipation de ces aléas climatiques si dévastateurs pour les vignes, notre économie et notre patrimoine ?

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, …

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains

Une réponse !

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Mme Brune Poirson, secrétaire d ’ État auprès du ministre d ’ État, ministre de la transition écologique et solidaire . Monsieur le sénateur Cazabonne, la violence des orages de grêle qui ont affecté plusieurs milliers d’hectares de vignobles dans votre région ce week-end – vous avez précisé que vous étiez dessous – nous préoccupe particulièrement.

Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Le ministre de l’agriculture et de l’alimentation est, comme vous le savez, retenu à l’Assemblée nationale, et il m’a chargé de vous répondre.

Nouvelles exclamations ironiques sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Au nom de l’ensemble du Gouvernement, je veux de nouveau rendre hommage à ces viticulteurs qui sont, une fois de plus, victimes des aléas climatiques. §Le ministère de l’agriculture et l’alimentation en a d’ailleurs discuté en détail avec le sénateur Daniel Laurent.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Dans ces conditions, nous devons proposer des mesures d’envergure qui peuvent atténuer concrètement au maximum les difficultés auxquelles doivent faire face nos agriculteurs. Sachez que des dispositifs sont d’ores et déjà mobilisables.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Mme Brune Poirson, secrétaire d ’ État. Il faut noter que, si les dommages impactent la récolte 2019, l’exploitation passera automatiquement sous le régime des calamités agricoles, et l’exploitant pourra donc être indemnisé.

Même mouvement.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Pour les parcelles touchées par la grêle, le dégrèvement de la taxe sur le foncier non bâti est accessible.

L’importance du recours, pour les viticulteurs, à l’assurance récolte est essentielle.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Nous savons que, malheureusement, le changement climatique intensifie encore les séquences de gel comme de grêle, et la répétition de ces aléas climatiques nous rappelle toute l’importance pour les viticulteurs d’avoir recours à l’assurance récolte.

Comme je le précisais précédemment, c’est un risque que l’État prend en compte, puisque je souligne de nouveau qu’il subventionne jusqu’à 65 % du montant de la cotisation d’assurance, via le FEADER.

MM. François Patriat et Claude Haut applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de François Grosdidier

Et pour ceux qui n’ont pas d’assurance ? Il n’y a rien de plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Alain Cazabonne, pour la réplique, en huit secondes.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain CAZABONNE

Je souhaite que l’on aborde des mesures pour le futur. Actuellement, à titre expérimental, on procède à des pulvérisations dans les nuages de gaz avec de l’iodure d’argent. Cela fonctionne assez bien, mais c’est fait artisanalement. Il y a peut-être une formule à trouver pour généraliser ce procédé avec des incitations fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour le groupe La République en Marche.

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – M. Didier Guillaume applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes nombreux ici à être inquiets de l’évolution de la situation en Italie.

M. Stéphane Ravier s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Vous le savez tous, après l’élection du mois de mars, un attelage improbable s’est mis en place, avec un parti d’extrême droite et un parti d’extrême gauche, ou en partie d’extrême gauche, quoique…

Protestations sur différentes travées.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe Les Républicains

La proportionnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet attelage a accouché d’un programme économique pour le moins surprenant, avec une baisse significative de l’âge de la retraite, une baisse de la fiscalité et un revenu de solidarité – mesure certainement très louable –, l’ensemble de ces mesures représentant 130 milliards à 150 milliards d’euros, pour un pays qui a déjà 130 % de déficit public et dont la Constitution prévoit que la loi de finances doit être présentée en équilibre.

On voit donc que le souci de la coalition au pouvoir est moins de gérer correctement les affaires que de créer une crise institutionnelle et politique pour aller le plus rapidement possible vers de nouvelles élections législatives, la Ligue ayant, bien sûr, l’espoir d’en sortir gagnante, et même d’avoir une majorité à elle toute seule. C’est pourquoi nous avons ce déchaînement de campagne anti-européenne, anti-française.

Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Les Républicains

Posez votre question !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

M. Richard Yung. Vous permettez que je parle un peu, s’il vous plaît ?

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pourtant, l’Italie est une grande nation. Nous devons lui tendre la main.

La question que je pose au Gouvernement est, bien sûr, celle-ci : quelle politique entendez-vous suivre vis-à-vis de l’Italie ?

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche. – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Monsieur le sénateur Richard Yung, oui, la France et l’Union européenne ont besoin de l’Italie. Nous avons tous en tête la date du 25 mars 1957. Nous nous en souvenons, c’est à Rome qu’ont été signés les traités instituant la Communauté économique européenne dont l’Italie est donc un membre fondateur et ô combien éminent. Nous avons d’ailleurs travaillé au quotidien avec elle, par exemple, pour contrôler les investissements étrangers sur le territoire européen.

Aujourd’hui, il ne nous revient certes pas d’être les arbitres des élégances entre les uns, les autres et les commentateurs de la vie politique italienne. Nous pouvons néanmoins nous asseoir sur la Constitution italienne

Rires et exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

, nous appuyer, veux-je dire, sur la Constitution italienne.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Nous pouvons donc asseoir notre réflexion sur la Constitution italienne, laquelle prévoit, en son article 87, que le Président de la République est le garant de l’unité italienne. Il est prévu par son article 92 qu’il nomme le Président du Conseil et les ministres. Or il a fait preuve, depuis le début, d’une grande responsabilité en laissant les acteurs proposer des schémas et en ayant comme première préoccupation dans les décisions prises ces derniers jours la stabilité institutionnelle de son pays !

Le Président de la République Emmanuel Macron l’a souligné hier, en lui renouvelant son amitié et son soutien. §Un gouvernement technique est donc manifestement en train d’être mis en place et la parole va être rendue au peuple d’ici au début 2019.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d ’ État. Monsieur le sénateur, 2019 sera une année importante pour la relation franco-italienne, 2019, c’est le 500e anniversaire de la Renaissance. Nous avons donné le coup d’envoi à 2019 à Amboise, il y a dix jours. Comme le disait Emmanuel Mounier

Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

, ce philosophe qui, je crois, peut nous inspirer : « Il est temps de refaire la Renaissance ». Cela vaut pour l’Union européenne !

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur le Premier ministre, le procureur Molins est un homme respecté, un homme pondéré, il n’est ni un agité, ni un démagogue.

Le procureur Molins annonce, sereinement, si je puis dire, que 20 détenus islamistes radicalisés vont être libérés en 2018 et que 20 détenus islamistes radicalisés le seront en 2019. Les 40 sont des dangers pour la société française, les 40 ! Or ils vont tous être libérés. Et ce alors que nous venons d’assister ce matin à Liège à ce que vous savez.

Monsieur le Premier ministre, ne pensez-vous pas que l’arsenal pénal français doit être renforcé parce que la sécurité de nos concitoyens le vaut bien ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Alain Fouché applaudit également.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Monsieur le sénateur Karoutchi, vous l’avez dit, le procureur Molins est respecté. Et il a énoncé, hier, à l’occasion d’un entretien télévisé, un certain nombre de vérités qui ne sont pas contestées et que je voudrais évoquer devant vous.

D’abord, il a dit qu’il existe en France, de manière permanente, une menace durable, endogène, diffuse, que nul ici ne songe à prendre à la légère, mais qui doit nous guider, nous alerter en permanence, à chaque moment où nous avons à prendre des décisions. Et je veux vous dire, monsieur le sénateur, sachant que vous n’en doutez pas, que tel est exactement l’état d’esprit du Gouvernement.

Vingt-trois attentats – le ministre d’État, ministre de l’intérieur, a eu l’occasion de donner ce chiffre – ont été évités depuis le début de l’année 2017.

Lorsque les services de renseignement, en bonne coordination et intelligence avec les services de police et de gendarmerie, interviennent pour interdire la commission d’un attentat, ils le font en général de façon assez peu spectaculaire et, bien souvent, le grand public n’en est pas informé.

Il n’en reste pas moins que ces actes, extrêmement précis dans leur réalisation, qui sont le fruit d’un travail considérable, font honneur à nos sources de renseignements. Nous sommes, là encore, déterminés à leur donner les moyens – j’aurai l’occasion d’y revenir – pour qu’ils puissent poursuivre cette action.

Le procureur Molins a en effet indiqué qu’un certain nombre de détenus radicalisés allaient être libérés, car ils arrivaient en fin de peine. Sur les 70 000 détenus dans les prisons françaises, il en est 1 600 dont on estime qu’ils sont radicalisés, 500 – je dis bien 500 – sont détenus soit parce qu’ils sont poursuivis, soit parce qu’ils sont condamnés pour des faits liés à des actes terroristes, et 20, comme vous l’avez dit, arriveront en fin de peine en 2018, tandis que 20 autres arriveront en fin de peine en 2019.

Il faut évidemment, et telle est bien l’intention du Gouvernement, garantir un travail très étroit de coordination avec les services de renseignement pénitentiaire, avec l’ensemble des services compétents – renseignement, police, autorité préfectorale –, pour veiller à encadrer des individus qui, de par l’application de la loi, seront prochainement libérés. J’ai vu les sénateurs se lever, à juste titre, pour saluer l’attachement proclamé par le président du Sénat à la Constitution. Et j’imagine qu’ils se lèveront tout autant à l’idée qu’il appartient pour l’État, pour la justice, pour l’ensemble de nos concitoyens, de respecter la loi.

Ces individus seront donc, parce qu’ils arrivent en fin de peine, libérés, mais il va de soi que l’ensemble des services compétents maintiendra, pour des raisons évidentes, un niveau de suivi extrêmement attentif.

Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Édouard Philippe

Je pense au bureau du renseignement pénitentiaire, je pense à l’accompagnement pluridisciplinaire mis en œuvre par l’administration pénitentiaire pour essayer de déceler ou de faire décroître la radicalisation d’un certain nombre de ces détenus. Et je suis parfaitement conscient qu’en disant cela, j’énonce une vérité qui peut sembler parfois peu crédible. Toutefois, pour avoir rencontré toute une série de spécialistes intervenant dans les prisons, et qui suivent de façon spécifique les détenus radicalisés, nous savons que certaines méthodes offrent de meilleurs résultats que d’autres et qu’il serait donc peu opportun de ne pas les mettre en œuvre.

Premier élément, l’ensemble des services compétents procèdent donc à un suivi extrêmement précis et attentif des détenus.

Deuxième élément rappelé par le procureur Molins, qui l’a appelé de ses vœux, que le Président de la République a évoqué à l’occasion d’un discours prononcé à l’Élysée et dont j’ai moi-même indiqué non pas les paramètres mais les enjeux, la meilleure information des maires sur ce sujet. L’exercice est difficile. Nous le savons, la difficulté provient, d’abord, du fait que certains maires souhaitent le pratiquer et d’autres pas. La difficulté provient, ensuite, du fait qu’on ne peut pas, sans mettre en cause nos sources de renseignement, diffuser de façon trop large les éléments recueillis.

Pour donner des bons résultats, l’exercice doit donc faire l’objet de protocoles entre l’État et les maires. Il faut faire en sorte que les autorités locales, qui disposent souvent de signaux faibles, s’associent à l’État en les lui transmettant. Nous pouvons discuter avec elles pour garantir un meilleur niveau de suivi. Tel est le sens de la mesure évoquée par le procureur Molins, et je crois qu’il a raison. Je pense même que nous devons, tous ensemble, trouver les moyens de garantir l’efficacité de cet échange d’informations, lequel, je le dis encore une fois, n’a rien d’évident.

Troisième et dernier élément, monsieur le sénateur, l’engagement total du Gouvernement pour donner aux forces de l’ordre et aux services de renseignement les moyens dont ils ont besoin pour effectuer dans de bonnes conditions les missions de suivi.

J’en suis convaincu, je vous le dis, monsieur le sénateur, à vous qui avez exercé des responsabilités éminentes, en matière de sécurité, le plus utile, ce n’est ni la communication, ni même nécessairement l’arsenal législatif, c’est l’efficacité opérationnelle. Et elle passe aujourd’hui notamment par plus de moyens affectés au terrain, par plus de policiers, par plus de gendarmes, un effort de la Nation dans lequel nous sommes engagés. Il se traduira par 10 000 recrutements au cours du quinquennat, dont 1 900 serviront à étoffer les effectifs de la Direction générale de la sécurité intérieure, la DGSI. L’efficacité opérationnelle, c’est un art d’exécution ; c’est un travail remarquable fait par les forces de l’ordre. Vous les soutenez, comme nous les soutenons. L’efficacité opérationnelle, c’est un suivi qui va s’affiner. Compte tenu des effectifs que j’ai mentionnés, les 20 de 2018 et les 20 de 2019, nous sommes parfaitement en mesure de fournir cet effort et d’assurer leur suivi.

Je veux redire ma confiance et la détermination entière du Gouvernement à soutenir les efforts des forces de l’ordre.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Roger Karoutchi, pour la réplique.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur le Premier ministre, il est évident qu’ici, dans notre groupe, comme d’ailleurs dans l’ensemble de l’hémicycle, les forces de police, les forces de gendarmerie, les services de renseignement nous ont toujours trouvés à vos côtés pour faire en sorte que leurs moyens soient renforcés, et je veux leur rendre solennellement hommage.

Cependant, le problème n’est pas uniquement dans la force ou dans la présence. Il est, vous l’avez dit, aussi dans la loi. Vous nous dites : « Nous sommes ici, nous, le Gouvernement, pour appliquer la loi ». Et nous, nous vous disons, monsieur le Premier ministre : « Faites avancer la loi, faites bouger la loi ! ».

Il est évident qu’il faut bouger sur la consultation des sites djihadistes ! Il est évident qu’il faut bouger sur le fait qu’un lien avec une organisation terroriste doit être considéré comme une intelligence avec l’ennemi ! Il est évident qu’il faut que tous les Français se disent que la guerre au terrorisme, nous la menons ensemble ! Et, en tout cas, au groupe Les Républicains, nous serons, si vous avancez là-dessus, toujours à vos côtés.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – MM. Alain Fouché et Joël Guerriau applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Monsieur le président, madame la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur, mes chers collègues, depuis le 10 mai, Mayotte subit ce que les spécialistes appellent un « essaim de séismes ».

Plus de 800 secousses ont été enregistrées, dont la plus importante d’entre elles et depuis trente ans, a atteint une magnitude de 5, 8 sur l’échelle de Richter, le 15 mai dernier.

L’île se situe en zone sismique modérée et n’est historiquement pas une région où les séismes sont fréquents.

Aussi, cette activité, encore actuelle, continue et quotidienne, dont l’intensité et la durée demeurent incalculables, terrorise légitimement la population.

La propagation de rumeurs sur les réseaux sociaux alimente la panique générale, entraînant ainsi la saturation des standards des lignes de secours.

La population, peu informée sur la conduite à tenir en pareille situation, préfère passer la nuit dehors, en dépit des règles de sécurité habituelles.

Par ailleurs, eu égard à la précarité de l’habitat, les dégâts commencent à se faire sentir.

Au sein des bâtiments publics, tout d’abord, puisque des salles de classe, et parfois même des écoles entières, ont été, en raison de leur potentielle instabilité, temporairement fermées dans plusieurs communes.

Les habitations privées sont, elles aussi, touchées.

S’il appartient aux propriétaires de mandater un expert pour faire constater les dommages subis, peu de familles ont, en réalité, les moyens financiers de faire réaliser cette expertise et, le cas échéant, de se reloger.

Qu’entend faire le Gouvernement pour rassurer la population, non habituée à ce type de catastrophes naturelles ?

Cette situation étant inédite, dans quelle mesure pourrait-on mobiliser immédiatement des moyens exceptionnels pour mieux diagnostiquer le phénomène, accompagner les familles les plus modestes mais aussi pour que, collectivement, État, département et communes soient mieux préparés à faire face à une crise majeure ?

À l’avenir, l’ensemble des infrastructures ne devra-t-il pas respecter les normes de construction parasismiques ?

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la ministre auprès du ministre d’État, ministre de l’intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Monsieur le vice-président Thani Mohamed Soilihi, la région de Mayotte est actuellement touchée, il est vrai, par ce que les experts nomment « un essaim de séismes » – vous l’avez dit. Contrairement à la sismicité classique dans laquelle un choc principal est suivi de répliques de magnitude décroissante, le phénomène d’« essaim sismique » n’a pas d’événement dominant. Il est d’ailleurs à prévoir que cette activité perdure sans, à ce stade, pouvoir en donner une durée très précise.

Ce phénomène inquiète légitimement les Mahorais, qui n’en ont pas l’habitude. L’État met naturellement tout en œuvre pour informer la population en continu et de manière fiable. La préfecture diffuse quotidiennement, par voie de communiqués de presse et de messages sur les réseaux sociaux, toutes les consignes nécessaires en matière de prévention et d’anticipation en s’attachant à relayer les analyses du Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM.

L’objectif est justement de prévenir tout développement de rumeurs, vous l’avez dit, ou de mauvaises interprétations d’informations collectées sur internet.

Par ailleurs, les consignes de sécurité sont, elles aussi, systématiquement transmises aux maires, aux acteurs économiques, aux agents publics et aux médias.

À ce stade, vous l’avez dit, quelques dégâts matériels font tous l’objet d’expertises, notamment dans les écoles de Dembéni et de Combani. L’État mobilise aussi l’ensemble de ses services pour y répondre.

Notre état-major de zone et de protection civile de l’océan Indien a dépêché, au cours de ces derniers jours, une mission de reconnaissance pour anticiper une éventuelle projection de renforts et préparer le plan d’intervention.

Par ailleurs, des échanges sont en cours à l’échelon interministériel pour préparer le déploiement prochain, depuis la métropole, d’une mission d’expertise interservices composée de spécialistes, notamment de la sécurité civile, et de scientifiques spécialistes en sismologie.

MM. François Patriat, Claude Haut, André Gattolin et Jean-Marc Gabouty applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Ma question s’adresse à M. le Premier ministre et a trait précisément au montant du cadre financier pluriannuel européen pour les années 2020–2027.

La récente proposition de la Commission se chiffre à hauteur de 373 milliards d’euros, c’est-à-dire 1, 114 % du revenu national brut des vingt-sept États membres.

Si je me réjouis de l’augmentation importante des crédits affectés tant à la protection des frontières extérieures de l’Union qu’à la lutte contre l’immigration illégale ou à la création d’un Fonds européen de la défense ou de l’Europe de l’innovation, je suis particulièrement critique quant à la baisse annoncée des crédits de la politique agricole commune et des fonds de cohésion.

Pour la seule politique agricole commune, cela se traduira, pour le premier pilier, par une diminution des crédits de 14, 7 % et, pour le deuxième pilier, par une diminution des crédits de 27, 3 %.

Ma critique est plus sévère encore après avoir entendu, jeudi dernier, lors de son audition devant la commission des affaires européennes et la commission des finances, le commissaire Oettinger souligner très clairement le double langage de la France. Je m’explique : à Bruxelles, la France n’a pas suivi la proposition de l’Allemagne, qui consistait à augmenter le cadre financier pluriannuel ; à Paris, la France s’en émeut et se lamente.

Ma question est simple : quelle est la véritable position de la France sur le montant du cadre financier pluriannuel ?

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le président Jean Bizet, la France a toujours été constante : oui, il y a de nouveaux défis à relever et, de ce point de vue, certains éléments du nouveau cadre financier pluriannuel – propositions mises sur la table par la Commission – peuvent aller dans le bon sens. C’est le cas quand on parle de défense, quand on parle d’innovation, de gestion des frontières externes. Mais la France a aussi dit avec constance qu’il nous fallait préserver un certain nombre de politiques fondamentales qui font l’Europe au quotidien, dont la politique agricole commune, la PAC.

L’Europe, on s’en souvient, c’est le charbon, c’est l’acier, mais c’est aussi, dès 1957, la PAC et nous y sommes fondamentalement attachés.

La France l’a dit très clairement dès le 2 mai, elle n’acceptera pas cette baisse drastique proposée par la Commission européenne, tout simplement parce qu’elle pourrait emporter des conséquences très importantes sur la viabilité de nombreuses exploitations.

Pour la France, non, la PAC n’est pas une variable d’ajustement ! C’est clair, c’est net, c’est précis, cela a été dit et on le redit ! Stéphane Travert sera d’ailleurs, ce jeudi, à Madrid, avec un certain nombre de ses homologues, pour consolider le soutien à cette politique. Monsieur le président Bizet, nous étions ensemble à Buenos-Aires au mois de décembre, lors de la session ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce, l’OMC. Vous l’avez vu, la France a su, à ce moment-là, pour défendre notre agriculture, réactiver une coalition d’États membres qui avaient arrêté un certain nombre de lignes rouges en matière de négociations commerciales internationales. Nous sommes tout à fait dans cette logique de montrer notre attachement à cette politique.

Il y a d’ailleurs des marges de manœuvre : en matière de recettes, parlons des rabais qui peuvent éventuellement être supprimés plus vite que prévu ! Parlons des ressources propres ! Vous le voyez, monsieur le président, nous avons une ferme détermination à défendre, à Paris comme à Bruxelles, partout, cette politique !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi deux remarques.

D’abord, il ne nous reste que quelques mois – quelques mois seulement ! – pour trouver des alliés et conclure des accords. La première réunion aura lieu jeudi prochain.

Ensuite, un agriculteur français sur trois vit aujourd’hui – ou plus exactement survit – avec 350 euros par mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

Vous imaginez que toute baisse des dotations communautaires aura une répercussion humaine et territoriale dramatique, d’autant que je ne vois pas la stratégie économique agricole de ce pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Bizet

M. Jean Bizet. Ce qui annonce le déclin de l’agriculture française, et je le redoute !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe Union Centriste. – M. Franck Menonville applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Françoise Cartron, pour le groupe socialiste et républicain.

Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Madame la ministre, mon intervention se situe dans la continuité des interventions de mes deux collègues élus de la région Nouvelle-Aquitaine et concerne bien évidemment ce terrible épisode de grêle qui s’est abattu sur notre territoire samedi dernier. Certaines propriétés sont totalement dévastées !

En Gironde, ce sont les vignobles d’appellations dont les noms, souvent, chantent à vos oreilles – Côtes-de-Blaye, Côtes-de-Bourg, Haut-Médoc, Sud-Médoc – qui ont été dévastés, pour certains, et qui, tous, sont malheureusement concernés.

Selon les dernières estimations, près de 7 000 hectares du Bordelais ont été impactés par les violents orages, mais aussi 3 000 hectares dans le bassin Charentes-Cognac.

Cette situation est catastrophique pour les exploitants concernés et la production viticole. Elle aurait d’ailleurs, malheureusement, tendance à se répéter de façon alarmante. Pas une année sans que les volumes de récoltes soient entamés par des épisodes climatiques de grande ampleur !

Devant les vives inquiétudes des exploitants, je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir préciser – en plus des dispositifs d’indemnisation envisagés précédemment évoqués – les actions de prévention que le Gouvernement serait en mesure de prendre sur le long terme afin de faire face à de futurs épisodes de ce type.

En effet, parallèlement à l’indemnisation des pertes subies – que nous souhaitons la plus rapide et la plus juste possible – se pose la question du financement d’un matériel modernisé de prévention avec l’objectif de préserver l’activité de la filière agricole dans son ensemble.

Dans mon département, il existe une structure, l’Association départementale d’études et de lutte contre les fléaux atmosphériques, qui tente d’anticiper la formation des grêlons liés à la température froide en altitude par ensemencement des masses nuageuses menaçantes, quelques heures avant le déclenchement de leur précipitation. Que pensez-vous, madame la ministre, de ce type de dispositif ?

Indemniser, oui ! Réparer, oui ! Mais, aujourd’hui, il convient aussi de mieux anticiper et de prévenir le plus possible !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – M. Richard Yung applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Mme Brune Poirson, secrétaire d ’ État auprès du ministre d ’ État, ministre de la transition écologique et solidaire. Mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Françoise Cartron, je vous prie à nouveau d’excuser l’absence de Stéphane Travert.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Il est, vous le savez, retenu par un projet de loi particulièrement important, relatif aux états généraux de l’alimentation et il m’a donc chargé de vous répondre.

La répétition des aléas climatiques – gel en 2017 et grêle en 2018 – rappelle l’importance pour les entreprises agricoles, notamment les exploitations viticoles, de s’inscrire dans une démarche globale de gestion des risques.

L’amélioration de la résilience des entreprises est un axe de travail majeur pour le Gouvernement, comme vous le savez, madame la sénatrice. Sous l’égide du ministère de l’agriculture, une réflexion a été engagée en vue d’améliorer et de rendre l’ensemble de ces objectifs le plus cohérent possible.

Je veux attirer votre attention sur le fait que certains investissements matériels peuvent permettre aux exploitations de se prémunir contre certains risques – filet anti-grêle, dispositif d’irrigation, notamment. Dans plusieurs régions, ces investissements peuvent d’ailleurs être soutenus financièrement.

La mise en place d’une réserve de précaution est l’un des outils permettant de faire face aux aléas. Tel est le cas de la dotation pour aléas, qui fait aujourd’hui l’objet d’une réflexion dans le cadre du chantier sur la fiscalité agricole lancé par MM. Stéphane Travert et Bruno Le Maire. L’assurance multirisque climatique doit aussi être encouragée.

Enfin, le développement d’outils de gestion des risques plus performants constitue l’un des enjeux importants de la prochaine PAC. Ce sujet fait donc l’objet d’une attention toute particulière pour le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, …

Debut de section - Permalien
républicain

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et républicain. Il est où ?

Sourires.

Debut de section - Permalien
Brune Poirson

Mme Brune Poirson, secrétaire d ’ État. … comme pour l’ensemble du Gouvernement.

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que la prochaine séance de questions d’actualité au Gouvernement aura lieu le jeudi 7 juin, à quinze heures. Elles seront retransmises sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures quarante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Mes chers collègues, j’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue André Maman, qui fut sénateur des Français établis hors de France de 1992 à 2001.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur la proposition de loi relative à la protection du secret des affaires est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour un rappel au règlement.

Mmes et MM. les sénateurs du groupe communiste républicain citoyen et écologiste se lèvent, revêtent des gilets de sécurité au logo de la SNCF, et brandissent de petits écriteaux où figurent différents slogans : « La SNCF est notre bien commun » ; « Moins de trains, plus de pollution » ; « La SNCF n ’ est pas à vendre » ; « Mon train j ’ y tiens » ; « Concurrence = privatisation En Marche » ; « Je soutiens les cheminots ». – Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l’article 36 de notre règlement.

Le projet de loi relatif au nouveau pacte ferroviaire, qui organise – le mot n’est pas trop fort – la liquidation de la SNCF comme grande entreprise publique nationale n’est pas un simple projet de réforme économique et sociale : c’est un projet porteur d’un choix de société. C’est le choix d’une société où l’argent et ses nouveaux préceptes – la rentabilité, la productivité – prennent le pas sur les idées mêmes de service public et d’intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ce projet de loi livre le service public ferroviaire au dogme de la concurrence en brisant, de fait, le principe de la desserte de tous nos territoires, villes, villages, campagnes et montagnes.

Cette dangerosité de votre projet de loi, madame la ministre, vous avez tenté de la dissimuler, de la masquer. Vous avez tenté de rendre les cheminots coupables de tous les maux, alors que, aujourd’hui, chacun reconnaît qu’ils ne sont en rien responsables des difficultés de l’entreprise, et que, bien au contraire, ils les ont subies.

M. Daniel Chasseing s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Vous avez truffé votre texte de recours aux ordonnances pour éviter le débat parlementaire.

Vous avez dégainé un amendement de dernière minute, en séance publique à l’Assemblée nationale, pour transformer la SNCF en société anonyme et en permettre la privatisation future, alors qu’il s’agit d’un point clé, sinon du point clé, du texte.

Monsieur le président, jugez-vous acceptable que l’avenir de notre service public ferroviaire soit, pour une large part, défini par ordonnances ? Monsieur le président, doit-on accepter l’absence d’étude d’impact sur de nombreux aspects du texte ? Le Parlement avance ainsi à l’aveuglette et à marche forcée, ce qui est bien en conformité avec les projets constitutionnels présentés par le président Macron et son gouvernement…

Nous appelons donc le Sénat à la raison parlementaire : il faut forcer le Gouvernement à respecter le Parlement !

Nous appelons aussi le Sénat à réfléchir à deux fois avant de poursuivre la déstructuration – après Gaz de France, après France Télécom, après La Poste – de la grande entreprise publique qu’est la SNCF.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

C’est un rappel au règlement, ça ? La SNCF, il faut la réformer ! La réforme, c’est sa survie !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

C’est votre version, ce n’est pas la nôtre !

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire (projet n° 435, texte de la commission n° 495, rapport n° 494).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nos concitoyens et nos territoires ont besoin de mobilité. C’est un besoin vital.

C’est la première des réponses que nous avons collectivement le devoir d’apporter à celles et ceux qui se sentent encore assignés à résidence, à ces villes, ces villages et ces quartiers qui vivent l’isolement comme une relégation. Cette mobilité est aussi une réponse à la tentation du repli sur soi, terreau des populismes, face aux transformations politiques, économiques et sociales qui bouleversent notre pays.

Confortée par les échanges que nous avons déjà engagés dans cet hémicycle, je sais que nous partageons l’ambition de répondre à cette attente. Cette ambition commune est aussi celle des Assises nationales de la mobilité, qui nous ont permis de partager un diagnostic large et rigoureux.

À l’aune de ce travail riche et foisonnant, le Gouvernement s’est assigné une triple exigence à laquelle se soumettent tant le présent texte que le projet de loi d’orientation des mobilités que je présenterai dans les prochaines semaines : exigence d’efficacité, tout d’abord, pour remettre en état notre système de transport, aujourd’hui menacé par un sous-investissement chronique et insuffisamment préparé pour intégrer les nouveaux services ; exigence de justice sociale et territoriale, ensuite, afin de garantir la mobilité pour tous et dans tous les territoires ; exigence environnementale, enfin, par la création des conditions nécessaires au développement d’une mobilité plus durable et pleinement inscrite dans la transition écologique.

Répondre à cette triple exigence, c’est tirer parti de la richesse des nouvelles mobilités. Ces mobilités propres, partagées, connectées et autonomes doivent pouvoir être développées, mais aussi s’articuler avec un transport ferroviaire performant, colonne vertébrale de nos mobilités.

En effet, qui peut nier le rôle central que joue, depuis bientôt deux siècles, le transport ferroviaire dans les déplacements quotidiens de nos concitoyens, dans le développement de notre économie, dans le façonnement de nos territoires ? Qui peut nier la place centrale de la SNCF, depuis quatre-vingts ans, dans l’imaginaire collectif, depuis les trains des premiers congés payés jusqu’aux records de la grande vitesse ?

Parce que le rôle du transport ferroviaire est structurant, parce que notre attachement collectif à la SNCF est profond, nos attentes sont importantes ; c’est bien légitime.

Ces attentes sont-elles satisfaites aujourd’hui ? Je ne le pense pas, pas plus que nos concitoyens dans leurs trajets quotidiens ou plus occasionnels, pas plus que nos entreprises qui souhaitent s’appuyer sur le fret ferroviaire. Nos concitoyens et nos entreprises font un triple constat, que vous partagez tous sur ces travées et dans les territoires que vous représentez : malgré l’engagement des cheminots, la qualité de service ne répond pas aux attentes des usagers ; du fait de décennies de sous-investissement, les infrastructures se dégradent ; enfin, la dette menace dangereusement le système ferroviaire.

Face à l’urgence de la situation, le Gouvernement a engagé en février dernier une réforme d’ampleur. Celle-ci ouvre ce secteur à la concurrence, pour permettre à nos concitoyens d’avoir accès à des trains plus nombreux et circulant plus régulièrement, avec des offres tarifaires plus intéressantes.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Elle transforme la SNCF en société nationale à capitaux publics pour en faire un groupe public performant et un champion sur ce marché. Elle refonde le pacte social des cheminots pour l’adapter, dans une logique d’équité, à un monde ouvert à la concurrence. Enfin, elle consolide le modèle économique de la SNCF afin de lui donner tous les atouts pour s’engager résolument dans l’avenir.

L’objectif du pacte ferroviaire proposé est simple : il s’agit tout à la fois d’augmenter et d’améliorer l’offre de service public.

Mieux répondre aux besoins de mobilité de nos concitoyens, c’est aussi réconcilier le service public avec l’une de ses valeurs fondamentales : l’adaptabilité aux besoins des usagers et des territoires.

En ce qui concerne les territoires, et parce que je sais que l’avenir de leur desserte a pu susciter des inquiétudes à la suite de la publication du rapport de Jean-Cyril Spinetta, je veux une nouvelle fois devant vous être très claire au sujet des lignes que l’on qualifie improprement de « petites ». Parce que ces lignes sont essentielles au lien social et territorial, parce qu’elles sont indispensables au développement du fret, l’État demeurera aux côtés des collectivités pour entretenir ce maillage et respectera les engagements pris dans le cadre des contrats de plan État-régions.

L’ouverture à la concurrence, je veux le dire tout aussi clairement, peut être une chance pour ces lignes, parce que de nouvelles entreprises pourront proposer aux régions de nouvelles approches.

De même, le modèle retenu par le Gouvernement confortera la desserte des territoires par les trains à grande vitesse, les TGV, qui ne se limite pas aux grandes métropoles, mais irrigue plus de deux cent trente villes. Nous y sommes tous particulièrement attachés, et ce sera un gage de réussite de cette réforme.

À ceux qui croient, ou veulent faire croire, que cette réforme signerait un recul de l’État, je veux ici rappeler que le Gouvernement prend pleinement ses responsabilités pour donner au ferroviaire un modèle viable sur le long terme.

Cela passe par trois engagements essentiels dont la portée a été précisée vendredi dernier par le Premier ministre.

Le premier, c’est d’investir dans le ferroviaire comme aucun gouvernement ne l’a jamais fait.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Pour permettre le développement d’une offre de qualité, il nous faut, en effet, un réseau performant.

L’effort déjà consenti est sans précédent, car ce sont près de 36 milliards d’euros que l’État s’est engagé à investir dans les dix prochaines années sur le réseau existant. Il est sans précédent, mais il n’est pas encore à la hauteur des besoins. Aussi, nous irons plus loin : dès 2022, nous investirons chaque année 200 millions d’euros supplémentaires. C’est ce qui permettra de lancer, par exemple, des projets de signalisation ferroviaire pour augmenter de plus de 20 % le nombre de trains entre Paris et Lyon ou pour réduire de moitié les incidents d’infrastructure entre Marseille et Nice.

Ces investissements sans précédent, ce sont bien des améliorations concrètes du quotidien pour que nos concitoyens bénéficient d’un réseau plus sûr et d’un service plus fiable, pour que les cheminots retrouvent la fierté d’un outil de travail à la hauteur de leurs compétences.

Deuxième engagement, pour permettre le développement de l’offre ferroviaire, le Gouvernement a également souhaité sortir du cercle vicieux de la hausse des péages, qui limitait le nombre de trains et nourrissait ainsi un déficit et une dette qu’elle était censée résorber.

Aussi, comme le Premier ministre l’a indiqué et en accord avec l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER, nous limiterons la hausse des péages des TGV et du fret au niveau de l’inflation. Ce n’est pas une simple mesure technique ; c’est un levier essentiel du développement de services pour les voyageurs et de la relance du fret ferroviaire, sur lequel pesaient des hausses de péages insupportables.

Cette mesure s’inscrit dans une ambition bien plus large de développement du fret ferroviaire que je présenterai prochainement. En effet, je ne me satisfais pas d’une part modale du rail de 10 % pour les marchandises, d’autant qu’un train de fret représente cinquante camions de moins sur les routes !

Enfin, troisième engagement – je pense que, sur toutes les travées, vous pourrez le mettre à notre crédit –, le Gouvernement met un terme à des décennies de non-décision concernant la dette de la SNCF en reprenant 35 milliards d’euros de dette durant le quinquennat : 25 milliards d’euros en 2020 et 10 milliards d’euros supplémentaires en 2022. Dès 2020, la SNCF pourra ainsi se financer comme toutes les entreprises ; d’ici à la fin du quinquennat, elle sera en mesure d’investir sans creuser sa dette.

C’était un engagement fort du Président de la République : il est au cœur de ce pacte ferroviaire.

Parce que cet engagement est sans précédent, parce que cet effort demandé à nos concitoyens ne pourra être renouvelé, le Gouvernement entend se prémunir et prémunir la SNCF contre la reconstitution d’une telle dette. Aussi, je vous proposerai d’introduire dans le projet de loi une règle contraignante pour que SNCF Réseau ne puisse plus, à l’avenir, s’endetter sans que le Gouvernement prenne des mesures de rétablissement.

Par ailleurs, afin que le Parlement et, à travers lui, nos concitoyens puissent mesurer l’effort consenti pour le rétablissement de l’équilibre du système ferroviaire, le Gouvernement veillera à ce que la dette reprise soit mise en évidence dans les comptes de la Nation.

Ce sont là des garanties nécessaires au maintien dans la durée d’un équilibre enfin retrouvé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis l’annonce de ce pacte ferroviaire, le 26 février dernier, j’ai mené cette réforme avec détermination et dans un esprit de dialogue, fidèle à la méthode que le Premier ministre avait annoncée.

Pour répondre à l’urgence de la situation, nous avions présenté à l’Assemblée nationale un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances, qui s’est vu remplacé, avec méthode, chapitre après chapitre, par des dispositions concrètes, nourries de concertations structurées avec les organisations syndicales, et soumises au débat parlementaire.

Comme je m’y étais engagée, j’ai résolument poursuivi le dialogue avec celles des organisations syndicales qui, au-delà des divergences sur les fondamentaux de cette réforme – divergences que je respecte –, ont accepté de formuler des propositions concrètes pour enrichir le texte proposé par le Gouvernement dans l’intérêt des cheminots.

Dans cette œuvre commune, le Sénat a pris toute sa place, fidèle à son sens du dialogue. Je tiens à remercier votre rapporteur ainsi que le président et les membres de votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable de la qualité de nos échanges, qui se sont tenus dans un climat de confiance réciproque.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Après son adoption, à une très large majorité, par l’Assemblée nationale, le projet de loi qui vous est présenté ressort donc enrichi des travaux de votre commission.

Reprenant – je l’en remercie – les propositions que j’avais formulées lors de mon audition le 16 mai dernier, votre commission a pleinement validé les grands axes de cette réforme.

Je pense, tout d’abord, à la transformation de la SNCF en société nationale à capitaux publics, société dont votre commission a conforté le caractère incessible du capital afin de lever les inquiétudes, peut-être sincères chez certains, que l’inscription dans la loi du caractère 100 % public de la SNCF n’avait pas encore réussi à lever.

Entreprise publique hier, entreprise publique aujourd’hui, entreprise publique demain, la SNCF pourra également, je le rappelle, s’appuyer sur le caractère inaliénable du domaine public ferroviaire.

En matière d’organisation, votre commission a précisé la répartition des missions exercées jusqu’à présent par l’EPIC de tête, parachevant ainsi la démarche de remplacement des ordonnances par des articles de loi.

Afin que les enjeux de sécurité soient pleinement pris en compte dans un monde désormais ouvert à de nouveaux acteurs, il est apparu nécessaire de créer une structure permettant de partager les expériences et de définir ensemble des procédures pour assurer un service en toute sécurité.

Le deuxième axe de cette réforme est, vous le savez, l’ouverture à la concurrence, sur laquelle nous avons eu de riches débats en mars dernier. J’observe que le principe de l’ouverture à la concurrence est accepté sur la quasi-totalité de vos travées. En effet, elle se fera au bénéfice des voyageurs, en permettant d’avoir une offre accrue et des trains au meilleur coût.

Mme Éliane Assassi proteste.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Il ne s’agit pas d’une contrainte venue de l’extérieur ; l’ouverture à la concurrence constitue, au contraire, un choix validé lors du précédent quinquennat, attendu par les régions et assumé par ce gouvernement, qui l’a souhaitée progressive et protectrice.

Elle sera progressive : les régions pourront l’engager au rythme qu’elles souhaitent et sur le périmètre qu’elles auront défini. Trente-cinq ans après les premières lois de décentralisation, il s’agit de donner aux régions les outils d’une autorité organisatrice de plein exercice.

Votre commission a utilement enrichi sur ce point le texte adopté par les députés, en reprenant plusieurs mesures contenues dans la proposition de loi du président Maurey et de votre ancien collègue Louis Nègre concernant, notamment, le transfert des matériels roulants et des ateliers, et en confortant le rôle des autorités organisatrices dans la définition du périmètre des transferts.

Cette ouverture à la concurrence, je l’ai aussi souhaitée protectrice pour les salariés du secteur et pour les territoires.

Pour les salariés, l’essentiel des garanties de leur statut sera assuré en cas de transfert ; une « portabilité » des droits est créée pour les cheminots.

Partageant cette ambition et le souci d’enrichir le texte du résultat des concertations que j’ai menées et des échanges que vous avez vous-même eus avec les organisations syndicales, vous avez assorti le principe d’un transfert obligatoire, nécessaire à la continuité du service public, d’assurances supplémentaires quant au volontariat et au maintien de la rémunération, et vous avez ouvert un droit d’option individuel pour les cheminots revenant à la SNCF. C’est un point auquel je sais que vous êtes, monsieur le rapporteur, particulièrement attaché.

Votre commission a également adopté la date d’arrêt du recrutement au statut que le Gouvernement avait proposé de fixer au 1er janvier 2020. Elle a aussi garanti, au sein d’un périmètre ferroviaire social unifié, l’unité sociale du groupe, en permettant notamment de maintenir l’application du statut aux actuels salariés, de favoriser la mobilité professionnelle interne et d’organiser les œuvres sociales au sein de l’entreprise.

L’ouverture à la concurrence, protectrice pour les salariés, le sera également pour les territoires : en effet, le Gouvernement a veillé à ce que la desserte TGV de ces derniers ne soit pas affaiblie par l’arrivée de nouveaux opérateurs. Votre commission a adopté sur ce point un dispositif complémentaire dont j’approuve l’économie générale.

Au-delà de ce texte et des engagements financiers pris par le Gouvernement, un élément important est désormais entre les mains des partenaires sociaux pour parachever cette réforme : la négociation d’un nouveau cadre social à l’échelon de la branche.

En effet, si le Gouvernement a voulu, dès le départ, respecter le contrat moral passé entre la SNCF et ses agents, les futurs cheminots bénéficieront, à compter du 1er janvier 2020, d’un socle de droits communs à tous les salariés du secteur, dans le cadre de la convention collective qui devra être finalisée d’ici là.

Ce calendrier est ambitieux, mais il est réaliste. En effet, nous ne partons pas de rien : quatre accords, portant notamment sur l’organisation du travail et sur la formation professionnelle, ont déjà été conclus depuis le début des négociations, en 2015.

Sans se substituer aux partenaires sociaux, l’État s’engagera dans cette négociation essentielle en qualité d’observateur attentif et exigeant. À ce titre, je réunirai prochainement les organisations syndicales et l’Union des transports publics et ferroviaires, l’UTP, pour engager la relance de ce processus de négociation.

Pour la suite, et afin de s’assurer du respect du calendrier et des thèmes de négociations, le Gouvernement mettra en place un observatoire du dialogue social dans la branche, qui sera composé de Jean-Paul Bailly et d’une personnalité aux compétences reconnues dans le domaine des relations sociales. Cet observatoire suivra les négociations et pourra alerter l’État en cas de difficulté.

Enfin, parce que je sais votre attachement à la qualité de ces négociations, je veillerai à tenir régulièrement informée de l’avancement de celles-ci votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Alors que s’ouvre ce débat, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun dispose d’une vision complète de la réforme qui vous est proposée. Certains la contestent ; j’entends leurs craintes, nous sommes là pour y répondre. Nous devons aussi entendre la colère des usagers pénalisés par la grève.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Ils attendent beaucoup de ce service public.

La réforme que je vous propose va durablement transformer et refonder notre système ferroviaire, ce service public auquel chaque Français est attaché.

En ce qui concerne les régions, nous leur donnons de nouveaux outils pour les aider à remplir leurs missions d’autorités organisatrices et pour mettre le ferroviaire au service de nos territoires.

En ce qui concerne la SNCF, nous confirmons de façon indiscutable son statut public, tout en lui donnant la souplesse d’une véritable entreprise responsable de son destin.

En ce qui concerne les cheminots, nous maintenons le statut pour ceux qui en bénéficient aujourd’hui et nous dessinons un nouveau contrat social protecteur pour l’avenir.

En ce qui concerne nos concitoyens, nous remettons sur pied le système ferroviaire, pour qu’il y ait plus de trains, des trains moins chers, et une amélioration de la qualité de service qui permette au ferroviaire de jouer pleinement son rôle de colonne vertébrale d’une mobilité pour tous et pour tous les territoires.

Vous le voyez, le texte qui vous est proposé est le résultat d’une ambition claire du Gouvernement, qui est ferme sur les principes, d’une réelle négociation avec les partenaires sociaux ouverts au dialogue, d’un enrichissement apporté à chacune des étapes du débat parlementaire auquel votre commission a pris une part très active – je veux de nouveau, monsieur le président Maurey, monsieur le rapporteur, vous en remercier.

Nous sommes arrivés à un point d’équilibre qui sera, j’en suis certaine, conforté par les débats que nous engageons aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Elle est accompagnée par notre collègue Jacky Deromedi, présidente du groupe d’amitié France-Asie du Sud-Est.

Permettez-moi de souligner aussi la présence attentive et bienveillante dans notre hémicycle de notre collègue Gérard Cornu, président délégué pour la Thaïlande, qui n’a pu se joindre à la délégation en tribune d’honneur du fait de ses obligations de rapporteur.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Cette visite fait suite à la mission d’une délégation du groupe d’amitié en janvier 2017.

La délégation est en France pour une visite d’étude centrée sur le développement économique, avec l’objectif d’intensifier les relations commerciales entre la France et la Thaïlande.

La délégation s’est rendue hier à Toulouse pour visiter les usines d’Airbus et d’Airbus Defence and Space. Aujourd’hui, en présence de notre collègue Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques, elle a rencontré plusieurs entreprises françaises désireuses de développer leur présence en Thaïlande, en particulier dans le domaine des infrastructures, de l’agroalimentaire, des transports et de l’énergie.

Demain, la délégation visitera la Station F et le campus des start-up à Paris, vitrine de l’innovation technologique à la française, la « French Tech ».

Cette rencontre interparlementaire intervient dans le contexte d’une intensification des échanges bilatéraux, consolidant ainsi les relations d’amitié qui lient nos deux pays.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos homologues de l’Assemblée nationale législative de Thaïlande la plus cordiale bienvenue, ainsi qu’un excellent et fructueux séjour.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour un nouveau pacte ferroviaire.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Monsieur le président, permettez-moi de saluer, moi aussi, cette délégation parlementaire de Thaïlande, que j’essaierai de rejoindre à la suspension de la séance.

Madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons tous : une réforme en profondeur du système ferroviaire est indispensable. Si notre système ferroviaire constitue évidemment un motif de fierté – je commence d’ailleurs par rendre hommage aux 150 000 cheminots qui s’engagent au quotidien pour le faire fonctionner –, il convient de reconnaître qu’il a atteint ses limites.

Il nous faut impérativement mettre un terme à la dérive de la trajectoire financière du gestionnaire du réseau, et réduire les coûts de production du groupe public ferroviaire. C’est aujourd’hui nécessaire pour préserver l’attractivité du rail par rapport aux autres modes de transport. Ce sera encore davantage le cas demain, lorsque le transport ferroviaire de voyageurs sera ouvert à la concurrence.

Pour conduire cette réforme, le Gouvernement a choisi de mener en parallèle les concertations avec les acteurs concernés et le débat parlementaire, sur le fondement d’un texte comportant presque exclusivement des habilitations à procéder par ordonnance. Vous l’avez souligné, madame la ministre, certaines d’entre elles ont été remplacées à l’Assemblée nationale par des dispositions législatives modifiant directement le droit en vigueur.

La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a ainsi dû travailler à partir d’un texte hybride et non abouti, l’Assemblée nationale n’ayant eu que peu de temps pour l’examiner.

La commission a toutefois adopté une attitude constructive, en mettant à profit le temps de la navette parlementaire pour approfondir certains sujets et consulter les parties prenantes. Je veux à cet égard, madame la ministre, saluer la façon dont vous avez travaillé avec nous, en déposant l’ensemble des amendements du Gouvernement avant le délai limite et en répondant à nos interrogations. Nous avons travaillé en confiance, et c’est très bien ainsi !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Il était impératif de compléter le volet social du projet de loi et de lever les inquiétudes légitimes des salariés du groupe public ferroviaire. Nous avons d’ailleurs prêté une attention particulière aux attentes des syndicats ayant formulé des propositions concrètes d’amélioration du texte.

La commission s’est également appuyée sur le travail remarquable effectué dans le cadre de l’examen de la proposition de loi du président Hervé Maurey et de notre ancien collègue Louis Nègre – je le salue, puisqu’il est présent aujourd’hui dans les tribunes – et sur laquelle le Conseil d’État avait été saisi à la demande du président du Sénat, Gérard Larcher.

Cette procédure avait permis au rapporteur de la proposition de loi, Jean-François Longeot, de sécuriser plusieurs dispositions sur le plan juridique, avant l’adoption du texte par le Sénat lors de sa séance du 29 mars 2018. Nous avons réintroduit plusieurs de ces dispositifs dans le présent projet de loi.

La commission a modifié le texte en se fixant quatre objectifs.

Notre premier objectif a été de garantir la pérennité des dessertes TGV utiles à l’aménagement du territoire. Le Sénat avait déjà donné l’alerte sur le risque d’écrémage des dessertes TGV à l’occasion du vote de la proposition de loi.

Le Gouvernement propose deux dispositifs pour y répondre, mais nous ne sommes pas rassurés pour autant. Le premier consiste en une modulation des péages orientée vers l’aménagement du territoire. Néanmoins, d’après les chiffres du Gouvernement, une fois cette modulation mise en œuvre, une desserte TGV sur six resterait compromise, et encore, nous n’avons pas la totalité des informations sur les modalités pratiques de sa mise en œuvre.

Il faudra donc conclure des contrats de service public et apporter des financements publics pour assurer la viabilité de ces dessertes menacées de disparition. Le projet de loi donne cette possibilité de conventionnement tant à l’État qu’aux régions, y compris pour les services qui vont au-delà de leur ressort territorial.

Il n’est pas certain que l’État s’engage dans cette voie, alors qu’il vient tout juste de transférer aux régions une grande partie des services Intercités qu’il gérait jusqu’à présent. Or la responsabilité de la pérennité de ces dessertes ne saurait peser sur les seules régions, surtout en l’absence de financement spécifique. C’est la raison pour laquelle la commission a réintroduit, à l’unanimité, le dispositif de la proposition de loi adoptée par le Sénat prévoyant la conclusion par l’État de contrats de service public pour répondre aux besoins d’aménagement du territoire et préserver ainsi des dessertes directes, sans correspondance.

Notre commission a également modifié la procédure de répartition des capacités d’infrastructure, en fixant des critères de priorité en faveur des services utiles à l’aménagement du territoire en cas de saturation, et en facilitant l’attribution de sillons aux services de fret ferroviaire.

Sur le volet social, nous avons voulu renforcer les garanties des salariés, en précisant le cadre du transfert de ces derniers vers de nouveaux opérateurs. Il s’agissait de notre deuxième objectif.

Tout d’abord, nous avons souhaité confier à l’autorité organisatrice, et non plus à l’opérateur sortant, le soin de fixer le nombre de salariés à transférer, sous le contrôle de l’ARAFER, afin d’assurer que ce nombre corresponde au mieux aux besoins du service.

Ensuite, pour déterminer les transferts vers l’opérateur ayant remporté l’appel d’offres, nous avons cherché à favoriser le volontariat des salariés, en élargissant à l’ensemble des salariés de l’opérateur sortant et qui travaillent dans la région concernée la possibilité de se porter volontaires pour rejoindre le nouvel opérateur, à condition bien sûr qu’ils possèdent les qualifications professionnelles requises.

Notre commission a également renforcé les droits des salariés transférés, en complétant les éléments de rémunération qui leur seront garantis, en permettant aux salariés qui étaient régis par le statut de le réintégrer, pendant une période déterminée, s’ils sont réembauchés sur un poste vacant, ou encore en garantissant leur emploi en cas de défaillance du nouvel opérateur.

Il s’agit d’avancées sociales très importantes, de nature à rassurer les salariés sur les modalités de transfert en cas de changement d’opérateur. Je tiens à cet égard à saluer le soutien sans faille de notre président Gérard Larcher et du président de notre commission Hervé Maurey sur ce sujet extrêmement sensible.

Il était également important – c’était notre troisième objectif – de poser les conditions d’une ouverture réussie à la concurrence, qui devra se faire de manière équitable et non discriminatoire. Pour cela, nous avons cherché à lever les obstacles à une ouverture à la concurrence effective.

Dans cette optique, notre commission a précisé que le rattachement de SNCF Gares & Connexions à SNCF Réseau se ferait sous la forme d’une filiale disposant d’une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière, afin de préserver la capacité de l’entreprise à investir dans le développement et dans la modernisation des gares.

Nous avons également davantage échelonné le calendrier de l’ouverture à la concurrence en Île-de-France, en autorisant la mise en concurrence des services du RER E dès 2025 au lieu de 2033. Étant donné l’ampleur des services concernés par l’ouverture à la concurrence, il importe qu’Île-de-France Mobilités puisse lancer des appels d’offres de façon progressive.

En ce qui concerne les dérogations à l’obligation de mise en concurrence des services conventionnés, prévues par le droit européen, le projet de loi les autorise toutes. Nous ne sommes pas revenus sur ce choix qui laisse la liberté aux régions d’y avoir recours ou non. Nous avons en revanche soumis la mise en œuvre de deux d’entre elles, insuffisamment définies, à un avis conforme de l’ARAFER, pour sécuriser les décisions des autorités organisatrices dans ce domaine.

Nous avons également tenu à élargir le champ de l’obligation de transmission d’information aux autorités organisatrices de transport, de la part des entreprises ferroviaires, des gestionnaires d’infrastructure et des gares. En parallèle, nous avons renforcé la protection des informations couvertes par le secret industriel et commercial. Nous avons également précisé les modalités de communication des informations nécessaires aux candidats aux appels d’offres.

Nous avons autorisé le transfert à l’autorité organisatrice, sur demande de celle-ci, des matériels roulants et des ateliers de maintenance majoritairement utilisés pour des services conventionnés, comme le prévoyait la proposition de loi.

Par ailleurs, afin de donner davantage de prévisibilité aux entreprises ferroviaires et d’assurer la cohérence du système tarifaire, la commission a renforcé la dimension pluriannuelle de la tarification du réseau, et a prévu de donner à l’ARAFER un pouvoir d’avis conforme sur le volet tarifaire du contrat de performance signé entre l’État et SNCF Réseau.

Enfin, notre quatrième objectif était de maintenir un haut niveau de sécurité et de sûreté au sein du système ferroviaire. En particulier, dans la mesure où l’ouverture à la concurrence va conduire à une multiplication des acteurs, nous avons tenu à encourager la coordination entre ces acteurs en matière de sécurité. C’est pourquoi nous avons expressément autorisé la création d’un groupement d’intérêt public dans ce domaine, dans le respect, bien évidemment, des compétences de l’établissement public de sécurité ferroviaire et de SNCF Réseau.

Vous l’aurez compris, la commission a soutenu la réforme engagée par le Gouvernement, tout en souhaitant renforcer un certain nombre d’aspects, et ce dans une seule perspective : l’amélioration de la qualité du service rendu aux voyageurs et aux chargeurs, qui doivent être au cœur de nos préoccupations tout au long de l’examen de ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe La République En Marche, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, et sur des travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Je suis saisi, par Mme Assassi, MM. Gontard et Bocquet, Mme Cohen, M. Collombat, Mme Cukierman, MM. Foucaud et Gay, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et MM. Savoldelli et Watrin, d’une motion n° 1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, pour un nouveau pacte ferroviaire (495, 2017-2018).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au deuxième jour de la douzième séquence de grève des cheminots, nous entamons l’examen au Sénat du projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire.

Ce matin, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a reçu les syndicats de cheminots de la SNCF, la CGT, la CFDT, l’UNSA, SUD Rail, ainsi que ceux de plusieurs pays – l’Italie, l’Espagne, le Luxembourg, l’Allemagne, la Belgique ou encore l’Angleterre. Puis, à treize heures, nous étions présents au rassemblement de l’intersyndicale devant le Sénat, rassemblement qui montre que, à l’évidence, la mobilisation contre ce projet ne s’essouffle pas.

Que ce soit ici ou ailleurs, les cheminots ont tous un dénominateur commun : ils défendent avec détermination et courage leurs droits, leur outil de travail, et ils portent une certaine vision du service public ferroviaire.

Nous partageons cette vision fondée sur les missions d’intérêt général de l’entreprise publique et le droit à la mobilité pour tous et partout.

Il faut les entendre et ne pas balayer d’un revers de main les résultats du « vot’action » qui s’est clos la semaine dernière et qui démontre, n’en déplaise aux esprits malins, une opposition majoritaire à cette réforme. Celle-ci n’était d’ailleurs pas inscrite dans le programme du candidat Macron, mais elle a été décidée ensuite par celui-ci, une fois élu Président de la République, réalisant ainsi un vœu cher à la droite. Pour nous, ce sont les cheminots les premiers de cordée, ceux qui défendent ce que nous avons en commun : les services publics.

Avant d’en arriver au contenu du texte, je veux aborder une nouvelle fois la méthode, que nous jugeons contestable et dangereuse, je veux parler de cette méthode gouvernementale qui interroge par son peu de respect pour le Parlement et pour les parlementaires, mais également pour les forces sociales de notre pays, taxées d’être irresponsables lorsqu’elles exercent un droit constitutionnellement reconnu, celui de faire grève et de porter des revendications, voire de manifester.

Le message de fermeté envers les syndicats est inacceptable. Il témoigne d’une vision autoritaire de l’exercice du pouvoir. Si la place de chacun doit être claire, le dialogue social ne peut se résumer à des coups de menton des plus hauts responsables de l’État.

Par ailleurs, nous regrettons le choix de la commission de ne pas avoir réalisé l’audition de l’intersyndicale – j’ai bien dit « de l’intersyndicale », monsieur le rapporteur – que nous avions demandée. Les partenaires sociaux doivent être respectés !

J’en viens maintenant au parcours de ce projet de loi, parcours pour le moins curieux. Madame la ministre, votre gouvernement, en s’appuyant sur un rapport d’expert – le rapport Spinetta –, a fait le choix de forcer le passage par la voie des ordonnances, jugées plus rapides et plus efficaces. Votre modernité, c’est aussi cela : recentrer les pouvoirs au risque de rompre l’équilibre des pouvoirs. Drôle de conception de la démocratie parlementaire…

En tacticien maladroit qui cherche à affirmer sa posture idéologique, ce même gouvernement a indiqué aux syndicats que, s’ils étaient constructifs, des mesures plus précises seraient directement insérées dans la loi. C’est le cas, mais seulement sur des sujets connexes puisque, d’après le Premier ministre lui-même, sur le « dur », rien n’est négociable.

Quant à l’incessibilité, elle a été introduite, à la suite de l’engagement du Gouvernement, au travers d’un amendement du groupe La République En Marche, qui a été adopté en commission. Toutefois, la vigilance s’impose, car, vous le savez comme moi, mes chers collègues, ce qu’une loi a fait, une autre loi peut le défaire ! §Nous aurons d’ailleurs des propositions pour renforcer cette incessibilité.

En revanche, le Gouvernement a annoncé, sans concertation, au cours de l’examen du texte, la fin du statut de cheminot pour 2020 et la filialisation du fret. Il s’agit là d’une véritable provocation. Résultat, le texte a triplé de volume lors de son passage à l’Assemblée nationale et s’est encore épaissi après son examen par la commission du Sénat.

Nous nous retrouvons dans une situation incroyable : le texte qui nous est soumis n’a fait l’objet ni d’une étude d’impact ni d’un avis du Conseil d’État, puisque son contenu est issu très largement d’amendements du Gouvernement.

Pourtant, la portée de ces amendements est majeure. En effet, c’est par un simple amendement que le statut de la SNCF a été transformé, ce qui ouvre la voie à sa privatisation, comme cela a été le cas pour toutes les entreprises publiques qui ont vu leur statut modifié – GDF, EDF ou France Télécom, par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cette méthode du Gouvernement, qui devient une habitude, est peu conforme aux règles constitutionnelles qui définissent l’exercice du pouvoir législatif par le Parlement.

Venons-en au contenu.

Nous abordons le texte avec un sentiment de déjà-vu, puisque nous avons débattu de ces enjeux lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Hervé Maurey et notre ancien collègue Louis Nègre, qui était prête – faut-il le rappeler ? – depuis plusieurs mois, mais qui a été opportunément ressortie §pour signifier au Gouvernement que le Sénat refuse un passage par la voie d’ordonnances de la réforme ferroviaire.

Toutefois, il s’agit d’un refus de pure forme, car, sur le fond, les différences d’appréciation ne sont pas fondamentales. Soyons clairs, le Gouvernement et la majorité sénatoriale partagent l’idée qu’il n’y a pas d’autre horizon que l’ouverture à la concurrence à plus ou moins brève échéance !

Nous ne partageons pas cette idée puisque, contrairement à ce que nous entendons, l’Europe laisse aux États des marges de manœuvre suffisantes pour ne pas appliquer le quatrième paquet ferroviaire voulu par vos prédécesseurs, madame la ministre, que ce soit au travers du règlement OSP – le règlement sur les obligations de service public – ou de la reconnaissance des services publics par le traité de Lisbonne. L’Europe n’impose pas davantage le changement de statut de l’entreprise publique.

En revanche, l’Europe impose le respect de normes en matière de pollution de l’air, mais, apparemment, votre gouvernement fait son marché dans les règlements : il y a ceux qu’il décide de suivre et ceux qu’il décide de ne pas suivre. Nous en reparlerons…

Partout où la libéralisation du ferroviaire a été mise en œuvre, les conditions de transport des usagers se sont dégradées, que ce soit en raison de l’état des infrastructures, des tarifs ou encore de la sécurité. L’Italie, l’Allemagne, le Royaume-Uni, aucun de ces pays ne peut être érigé en modèle, et vous le savez bien !

En France également, l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire a conduit à réduire encore plus sa part modale, et a justifié une gestion d’entreprise tournée vers la rentabilité, ce qui a conduit à l’abandon d’un certain nombre de dessertes.

Comme l’ensemble des textes qui nous sont présentés depuis des décennies, ce projet de loi nous semble symptomatique de l’approche désormais privilégiée lorsque l’on parle du rail, une approche purement comptable et gestionnaire d’un secteur d’activité et d’une entreprise publique que l’on voudrait faire « entrer au forceps » dans le moule libéral, paquet ferroviaire après paquet ferroviaire.

Or cela n’est pas si simple parce que, justement, nous parlons d’un secteur dont l’intérêt général résulte de trois grandes caractéristiques.

Premièrement, son réseau structure l’aménagement de notre pays et constitue sa colonne vertébrale, un atout indéniable pour la compétitivité de notre économie.

Deuxièmement, son développement constitue une alternative crédible et efficace à la route et à l’aérien pour la transition énergétique et le passage à une économie décarbonée, comme nous y appellent les accords de Paris et le Grenelle de l’environnement. La dette environnementale n’est pas négociable et elle est bien plus lourde que la dette ferroviaire !

Troisièmement, enfin, son existence contribue à l’exercice du droit à la mobilité pour nos concitoyens. À l’heure où, sur les réseaux d’information, tout se mesure en nanoseconde, il est nécessaire que nos concitoyens puissent, eux aussi, se déplacer facilement.

Les politiques, menées les gouvernements successifs, d’assèchement des ressources, d’endettement massif de l’opérateur et d’absence d’investissement public à la hauteur des besoins font peser un doute réel sur la viabilité du système ferroviaire et sur l’avenir du service public. Il y a donc effectivement urgence à légiférer !

Le problème, c’est que votre projet de loi n’a qu’une boussole, l’ouverture à la concurrence, et, de facto, il n’établit aucun principe directeur en faveur d’une politique de la mobilité favorisant coopération, interconnexion et complémentarité ; il ne prévoit aucun financement nouveau.

Quant à la reprise de la dette par l’État à hauteur de 35 milliards d’euros, ce n’est pas un cadeau fait aux cheminots, c’est une stricte obligation comptable. C’est le prix à payer pour préparer la privatisation de l’entreprise historique ! Soyons précis, une société anonyme ne peut pas être endettée à un niveau supérieur à deux fois le montant de ses fonds propres qui, pour SNCF Réseau, sont estimés à 7 milliards d’euros. Donc, 50 milliards d’euros de dette dont on soustrait deux fois 7 milliards d’euros – 14 milliards d’euros –, cela fait 36 milliards d’euros. Le compte est bon…

Je le redis, tant ce texte est transparent en la matière, le seul objectif de cette réforme est la concurrence et l’arrivée de nouveaux opérateurs qui seraient, on ne sait par quel miracle, plus performants que la SNCF, laquelle a pourtant déjà fait d’importants progrès de productivité.

Toutefois, vous connaissez l’adage, qui veut noyer son chien l’accuse de la rage ; c’est exactement ce qui arrive à la SNCF et, plus largement, au système de service public ferroviaire. Cette politique n’est pas nouvelle. Elle se place dans la continuité de toutes les politiques menées depuis trente ans, qui créent les conditions du dépérissement du service public ferroviaire par l’instauration d’une concurrence déloyale et font du service ferroviaire un service déficitaire, sous-utilisé et sous-financé.

On connaît déjà la prochaine étape : préparer la vente à la découpe de l’opérateur public par le changement de statut et la filialisation. Comment comprendre cette non-préservation des intérêts publics ? Excusez-moi, mais cela ressemble à du sabotage !

Il faut en finir avec ces recettes libérales. Nous aurons l’occasion dans le débat, via nos amendements et nos interventions sur les différents articles, d’être plus explicites sur ces sujets.

Si nous avons déposé cette motion, c’est non pas pour clore le débat, mais pour affirmer publiquement que votre réforme n’est pas bonne, madame la ministre, car, loin de moderniser et de développer le service public ferroviaire, vous préférez le livrer aux appétits du privé, qui en fera ce qu’il voudra là où cela rapporte et l’abandonnera là où cela ne rapporte pas, au nom de la rentabilité !

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Vaspart

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nos collègues du groupe communiste républicain citoyen et écologiste ont présenté une motion tendant à opposer la question préalable. Vous ne serez pas surpris que, au nom du groupe Les Républicains, je vous annonce que nous voterons contre. Permettez-moi de rappeler tout d’abord que la motion tendant à opposer la question préalable aboutit à une absence de discussion sur le texte proposé.

Le quatrième paquet ferroviaire européen, adopté en décembre 2016, ouvre le réseau de la SNCF à la concurrence à partir de 2020. Nous devons prendre des mesures de transposition avant la fin de cette année, pour une ouverture à la concurrence des services conventionnés – TER, Transiliens ou Intercités – à partir du 3 décembre 2019, et des services commerciaux dès le mois de décembre 2020.

Cette nécessaire adaptation de la SNCF à la concurrence est un révélateur qui nous oblige à nous pencher sur la situation globale de notre système ferroviaire. Il apparaît clairement que les performances de la SNCF sont insuffisantes et nécessitent modernisation et adaptation de l’entreprise. Son statut actuel n’est pas compatible avec le nouveau paysage ferroviaire européen. Notre système ferroviaire n’est toujours pas prêt pour la concurrence.

La dette du gestionnaire d’infrastructure, SNCF Réseau, a atteint 46, 6 milliards d’euros à la fin de l’année 2017 et poursuit une trajectoire particulièrement inquiétante. Elle augmente chaque année de deux à trois milliards d’euros, sans que le service soit vraiment satisfaisant.

Ce rythme n’est clairement pas supportable. L’écart entre les coûts de production de notre groupe public ferroviaire et les autres entreprises ferroviaires a été estimé à près de 30 % dans le rapport de Jean-Cyril Spinetta. Ce manque de compétitivité ne sera pas soutenable dans un contexte d’ouverture à la concurrence.

La perte d’attractivité du rail par rapport aux autres types de transport témoigne aussi de cette inadaptation : sa part modale a été réduite, passant de 10 % en 2011 à 9, 2 % en 2016, alors qu’elle augmente chez nos voisins européens.

Pour le fret, les chiffres sont encore pires, avec une part modale passant de 15 % en 2001 à moins de 10 % aujourd’hui.

Le projet de loi, dont nous souhaitons poursuivre l’examen, ne se limite pas aux questions d’ouverture à la concurrence, mais traduit une réforme plus globale de l’organisation du système ferroviaire français. C’est l’une des voies qu’avaient proposées notre collègue Hervé Maurey et notre ancien collègue Louis Nègre dans la proposition de loi que nous avons débattue en mars dernier.

Le présent projet de loi laisse en suspens un certain nombre de questions, comme les conditions de transfert des salariés ou les garanties d’aménagement du territoire. Notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, soucieuse que la réforme du système ferroviaire fasse l’objet d’un véritable débat parlementaire, a très largement complété le projet de loi en adoptant des amendements substantiels et attendus.

Elle a également tenu à préciser les demandes d’habilitation en vue de fixer un cadre plus exigeant pour les ordonnances que le Gouvernement prendra et de les orienter en fonction des priorités du Parlement.

Nous avons ainsi permis de dessiner plus précisément les contours de la réforme ; le texte issu des travaux de notre commission complète très largement celui qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

Notre objectif a été de proposer une organisation plus efficiente de la SNCF. Je pense notamment à la transformation des établissements publics de la SNCF en sociétés anonymes à capitaux publics, et à la filialisation de SNCF Gares & Connexions vis-à-vis de SNCF Réseau. De plus, dans le cadre des négociations en cours, nous avons introduit dans le présent texte le caractère incessible du capital de ces trois entités. Cette disposition devrait rassurer celles et ceux qui craignaient une privatisation du groupe ou de ses filiales.

En matière financière, la reprise de 35 milliards d’euros de dette vient d’être annoncée par le Gouvernement. Cette somme sera, in fine, payée par le contribuable. C’est pourquoi il est non seulement normal, mais même absolument indispensable, que cet effort soit lié à un engagement de la part de l’entreprise et de ses personnels.

Nous avons entendu les préoccupations des salariés de SNCF Mobilités quant aux conditions de leur transfert à de nouveaux opérateurs. Le texte de notre commission propose un cadre sécurisé pour les salariés transférés.

Nous avons souhaité que le nombre de salariés à transférer soit arrêté par les régions, et non pas par l’opérateur sortant.

Nous avons également souhaité que, en cas de reprise par les autorités organisatrices de transport, les coûts liés aux matériels roulants soient équitablement répartis.

Nous avons enfin souhaité préserver l’intégralité des dessertes TGV, dans un souci d’aménagement du territoire.

Madame la ministre, les villes moyennes ont besoin de dessertes directes ; il y va de l’aménagement du territoire lui-même. Or le système de modulation des péages proposé dans le texte du Gouvernement faisait courir un risque à la desserte TGV directe des villes moyennes, dans un contexte d’ouverture à la concurrence : nous ne l’avons donc pas retenu.

À nos yeux, la responsabilité du maintien de ces dessertes directes ne saurait peser uniquement sur les régions. En l’absence de financement spécifique pour ces collectivités territoriales, nous avons introduit la possibilité, pour l’État, de conclure des contrats de service public – M. le rapporteur l’a rappelé précédemment – pour répondre aux besoins d’aménagement du territoire et, ainsi, préserver des dessertes directes, sans correspondance.

Dans un contexte de concurrence intermodale forte et de perte d’attractivité du mode ferroviaire, il nous est apparu primordial que l’État garantisse le maintien des dessertes directes. Nous pensons avec force que l’ouverture à la concurrence doit se traduire par une amélioration du service rendu aux voyageurs, et non par une offre réduite. Les dessertes TGV ne peuvent être limitées aux seules métropoles.

Mes chers collègues, cette nouvelle réforme du système ferroviaire français semble donc plus que nécessaire.

L’ouverture à la concurrence – nous en sommes convaincus – permettra de renforcer la compétitivité de l’opérateur historique et, je l’espère, de le sauver. Elle sera également positive pour les usagers du transport ferroviaire. C’est en tout cas ce que l’on constate dans beaucoup de pays qui ont mis en œuvre cette réforme avant nous.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons soutenir cette motion de procédure marquant le refus de poursuivre l’examen d’un projet de loi qui est, selon nous, essentiel pour notre pays.

J’ajoute que le travail effectué par le Sénat, par notre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, notamment par notre rapporteur, Gérard Cornu, rappelle et démontre à ceux qui en douteraient encore tout l’intérêt du bicamérisme.

Sur ces sujets, le Sénat aura travaillé en anticipation, avec la proposition de loi Maurey-Nègre, et il aura largement contribué à l’amélioration de la rédaction de la loi, malgré les délais fort contraints qui nous ont été imposés.

Le Sénat va même permettre au Gouvernement de sortir de l’impasse où il se trouve : il a considérablement amélioré ce texte en tenant compte à la fois d’un certain nombre de demandes et de souhaits des partenaires sociaux et des amendements déposés au nom du Gouvernement.

Voilà, s’il en était besoin, la preuve de l’intérêt d’un équilibre des pouvoirs, non seulement entre les deux chambres du Parlement, mais aussi entre l’exécutif et le législatif. J’espère que, pour d’autres textes, pour d’autres propositions de loi émanant de la Haute Assemblée, le Gouvernement saura enfin nous écouter.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, vous l’aurez compris, les membres du groupe Les Républicains voteront contre cette question préalable, pour que le débat démocratique ait bien lieu au sein de la Haute Assemblée !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Cornu

Madame Assassi, vous le savez très bien, si nous ne défendons pas les mêmes convictions, je respecte la constance de votre engagement et le travail que vous avez effectué, au sein de la commission, avec M. Gontard ; les nombreux amendements que vous avez déposés en sont la preuve.

Cela étant, pour des raisons évidentes, j’adhère complètement aux propos de M. Vaspart. Vous comprendrez donc que j’émette un avis défavorable sur cette motion.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Madame Assassi, j’ai bien relevé les points que vous avez soulevés, qu’il s’agisse de la méthode ou du fond.

Je vous rappelle que la méthode a été annoncée dès le départ par le Gouvernement ; elle a été choisie pour laisser la plus large place à la concertation…

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

… et au débat parlementaire.

Je l’ai donc indiqué dès l’origine, lors du conseil des ministres du 14 mars dernier, le texte alors présenté, à savoir un projet de loi d’habilitation à légiférer par ordonnances, avait vocation à être remplacé par des articles au fur et à mesure de l’avancée des concertations menées avec l’ensemble des parties prenantes – à savoir les représentants des régions, des usagers et, naturellement, des organisations syndicales.

On ne peut pas nier que le débat parlementaire a toute sa place dans la construction de ce projet de loi. D’ailleurs, plusieurs orateurs l’ont souligné, le texte déposé à l’Assemblée nationale n’est pas celui qui sortira du Sénat, et pour ma part je m’en réjouis.

À la fin du mois de mars dernier, nous avons déjà consacré deux jours de débats à ce sujet, en examinant la proposition de loi présentée par le président Maurey. En avril, l’Assemblée nationale a consacré trente-trois heures de discussions à ce projet de loi, et elle a étudié quelque 500 amendements en séance publique. J’ai été auditionnée devant votre commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, qui a accompli un important travail : elle a examiné de nombreux amendements, dont plus de 100 ont été adoptés.

Aussi, nous sommes, au contraire, face à l’excellent exemple d’un projet mené dans la concertation, d’une coconstruction assurée par le Gouvernement et par le Parlement.

Sur le fond, madame Assassi, on ne peut pas affirmer que ce projet de loi est un simple texte de transposition du quatrième paquet ferroviaire. La réforme défendue par le Gouvernement vise à assurer l’avenir de notre système ferroviaire, auquel les Français sont attachés, en offrant un meilleur service, au meilleur coût, en préparant l’ouverture à la concurrence et, dans le même temps, en donnant tous les atouts à la SNCF pour réussir dans ce contexte de concurrence.

Non, ce projet de loi ne porte pas le germe d’une privatisation. Toutes les garanties sont inscrites dans le texte qui vous est présenté ; en tout cas, elles seront adoptées à l’issue de ce débat.

Certes, ce qu’une loi fait, une autre loi peut le défaire ; mais l’unanimité qui s’est manifestée sur les bancs de l’Assemblée nationale et qui, je n’en doute pas, s’exprimera également sur les travées de la Haute Assemblée pour défendre le caractère public de la SNCF est sans doute la meilleure assurance dont on peut disposer pour l’avenir. J’espère que cette unanimité permettra de dissiper vos craintes.

Non, ce projet de loi ne met pas à mal le droit à la mobilité pour tous ni le maillage du territoire. Vous le savez, la défense de ce droit est au cœur de la politique des mobilités que je mène depuis que je suis au Gouvernement.

Nous aurons prochainement l’occasion d’examiner le projet de loi d’orientation des mobilités, qui donnera de nouveaux outils pour répondre aux besoins de tous les citoyens, dans tous les territoires. En ce qui concerne les dessertes ferroviaires, demain comme aujourd’hui, ce sont bien les régions qui définiront les dessertes, les fréquences et les tarifs pour les services régionaux conventionnés.

Par ailleurs, les dispositions, que M. le rapporteur a rappelées, relatives à la modulation des péages ont été complétées par des possibilités de conventionnement pour les TGV. Ainsi, le maintien de la desserte dans tous les territoires sera garanti.

À mon sens, on ne peut pas parler de « casse » du service public ni de désengagement de l’État, à l’heure où nous nous apprêtons à investir plus que jamais dans le système ferroviaire : un investissement de 36 milliards d’euros au cours des dix prochaines années, c’est 50 % de plus que ce qui a été fait au cours des dix dernières années.

Nous irons encore plus loin en ciblant les investissements de modernisation, qui permettront d’améliorer l’offre rapidement, de manière tant qualitative que quantitative. Ainsi la capacité de la ligne Paris-Lyon sera-t-elle accrue de 20 %.

S’y ajoutera un effort considérable, qui concerne tous les Français, à savoir la reprise de la dette. On en parlait depuis des décennies : le Gouvernement le fait, et, à l’échelle du quinquennat, il assurera cette reprise de dette à hauteur de 35 milliards d’euros. En agissant ainsi, il adresse un véritable message de confiance à notre système ferroviaire, à la SNCF et aux cheminots.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les cheminots et, plus largement, l’ensemble des Français attendent ce débat. Bien sûr, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cette motion.

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les élus du groupe du RDSE ne voteront pas cette motion, et pour cause : nous sommes, par principe, hostiles aux questions préalables.

M. le rapporteur opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

En effet, nous sommes pour le débat, pour la discussion et, le cas échéant, pour la confrontation : discutons, étudions ce texte, et, à la fin, nous voterons et la majorité l’emportera. C’est tout simplement la démocratie.

Voilà pourquoi nous souhaitons prendre le train de la discussion, qui devrait nous conduire à bon port mardi prochain. Peut-être le trajet sera-t-il un peu cahoteux, mais nous ne souhaitons pas faire dérailler le convoi avant le départ !

Sourires. – Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur Vaspart, monsieur le rapporteur, vous ne cessez de répéter que cette motion aurait pour vocation de clore le débat. C’est assez osé, alors que vos amis députés ont accepté sans broncher que le Gouvernement dépose des amendements sur des sujets cruciaux de cette réforme, comme le statut de la SNCF !

Oui, c’est assez osé de nous dire aujourd’hui que nous refusons le débat !

Monsieur le rapporteur, vous l’avez relevé, nous avons été partie prenante du débat en commission, tout en exposant les raisons pour lesquelles nous sommes opposés à ce texte.

Je ne peux donc pas accepter cette litanie : à chaque fois qu’une motion est déposée en séance, on nous reproche de vouloir rejeter le débat. Au contraire, nous voulons le débat. D’ailleurs, pour ma part, je regrette qu’il n’y ait pas plus d’amendements que les quelque deux cent cinquante qui sont à examiner en séance.

J’ai suivi les débats à l’Assemblée nationale. Sur les bancs de la droite et de La République En Marche, tous les députés étaient favorables à ce texte, mais il y a eu, sur les mêmes bancs, une multitude d’interventions d’élus pour dire qu’il ne fallait pas toucher à telle ligne de leur département ou de leur circonscription.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Pourtant, in fine, ils ont voté le projet de loi comme un seul homme !

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Il y a une vraie cohérence !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Certes, madame la ministre, c’est cohérent – tout dépend comment on comprend les choses… Pour résumer, les élus en question sont pour le texte, mais ils sont contre la fermeture des petites lignes. Il y a quand même un léger souci dans le raisonnement !

Pour notre part, nous ne baisserons pas la garde. Nous avons déposé une centaine d’amendements, et vous pouvez compter sur nous pour les défendre…

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

… autant qu’il est possible de le faire dans cet hémicycle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Alors, il faut rejeter la question préalable !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Mme Éliane Assassi. … dans le respect de chacune et de chacun.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 106 :

Nombre de votants342Nombre de suffrages exprimés342Pour l’adoption15Contre 327Le Sénat n’a pas adopté.

M. Jackie Pierre applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guillaume Gontard.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’histoire du rail français fait partie intégrante de l’histoire de France. Il s’agit d’un patrimoine national, de ceux qui font la grandeur de notre pays, de ceux auxquels les Français sont particulièrement attachés.

De fait, notre système ferroviaire a toujours compté parmi les meilleurs au monde. Par son maillage extrêmement dense, il est un facteur essentiel d’égalité entre les citoyens et d’unité territoriale. Il assure tant la vitalité des territoires que la cohésion du pays.

Alors que la fracture territoriale et la transition écologique comptent parmi les défis majeurs du siècle, il est primordial de préserver notre réseau et notre excellence ferroviaire.

Pourtant, ce projet de loi est synonyme de retour en arrière. En effet, il y a plus de quatre-vingts ans, la SNCF a été créée pour remédier aux difficultés d’investissements et d’organisation du secteur ferroviaire.

En 1937, pour mettre un terme à la myriade inopérante de petites compagnies privées, le Front populaire décide d’unifier celles-ci en une seule compagnie nationale. Cette décision historique a permis à la SNCF non seulement d’atteindre l’excellence, notamment avec la création du TGV, mais aussi d’achever le maillage du territoire en assurant une nécessaire péréquation entre les lignes rentables économiquement et les lignes rentables socialement.

C’est aujourd’hui précisément cela que menace ce paquet ferroviaire, qui obéit à la délétère idéologie néolibérale. Mais non content de répondre aux exigences européennes d’ouverture à la concurrence, ce projet de loi fait du zèle ! En effet, il n’était nullement besoin de transformer la SNCF en société anonyme. L’opération n’a qu’un seul objectif : permettre demain, par un second texte de loi, l’ouverture du capital de la SNCF et sa privatisation progressive.

Vous ne tromperez personne, cette méthode bien connue a déjà été utilisée pour Renault, France Télécom, EDF-GDF, et j’en passe.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Même le président de l’ARAFER, instance chargée de superviser la mise en concurrence de l’activité ferroviaire, a reconnu que ce changement de statut n’était pas nécessaire. La seule vertu – si j’ose dire – de ce changement est qu’il oblige le Gouvernement à s’intéresser enfin à la dette de SNCF Réseau, pour ne pas tuer dans l’œuf la future société anonyme.

Cette dette, largement imputable à une stratégie étatique mal pensée du tout LGV, obère toute capacité de rénovation et de modernisation de notre réseau ferré. Or la vétusté de ce dernier est telle que l’on peut s’estimer heureux qu’il n’y ait eu, à ce jour, qu’un seul Brétigny-sur-Orge !

Cités en exemples, l’Allemagne et le Japon ont assumé la reprise de la dette ferroviaire et déployé des investissements massifs dans leur réseau avant la mise en concurrence. Cela aurait dû être le cœur de la réforme : au lieu d’anticiper l’explosion future de la dette, le Gouvernement en éponge le minimum vital tout en contraignant drastiquement les capacités d’investissement de SNCF Réseau.

À ce sujet, il faudra donc nous contenter d’une promesse insuffisante : avec 36 milliards d’euros en dix ans, on est loin des 40 milliards d’euros que l’Allemagne a investis en cinq ans sur son réseau avant d’ouvrir son rail, loin des besoins de nos infrastructures !

Il n’y a d’ailleurs aucun exemple d’ouverture à la concurrence qui ne soit pas un échec sans investissement public massif dans les infrastructures. Plus que le dogme concurrentiel bruxellois, c’est l’investissement public qui explique que les modèles ferroviaires allemand et suédois n’aient pas suivi complètement le catastrophique exemple britannique.

Madame la ministre, pour nous répondre, vous nous direz d’attendre le projet de loi de programmation des infrastructures, mais ce texte est renvoyé aux calendes grecques, tout comme le projet de loi d’orientation des mobilités, alors que nous aurions dû consacrer un débat global aux transports du XXIe siècle !

Oui, la création d’un véritable service public ferroviaire méritait une réforme d’envergure. Or, dans une stratégie bien connue d’écran de fumée, le Gouvernement a préféré concentrer le débat sur le statut des cheminots, une paille qui permettra à la SNCF d’économiser 10 millions d’euros, 15 millions d’euros au mieux ; en revanche, ses agents s’en trouveront un peu plus précarisés… Quelle mesquinerie ! Qu’il est commode de tenter de dresser les Français les uns contre les autres pour démanteler sans bruit le service public, patrimoine de ceux qui n’en ont pas.

À rebours d’un enjeu comptable, rappelons que ces agents dévoués assurent une mission de service public et ne sauraient être des épouvantails masquant les difficultés de la SNCF. À l’opposé des attaques inacceptables que contient ce projet de loi, les cheminots doivent être confortés dans leur statut. Notre rapporteur lui-même l’a reconnu : loin d’être des privilèges, leurs acquis sociaux devraient être la norme pour tous les travailleurs de ce pays.

Nous remercions les cheminots d’avoir, par le sacrifice d’un mois de salaire, empêché le Gouvernement d’aller au bout de sa logique initiale : la privatisation de la SNCF par ordonnances. Grâce à leur engagement, la potion qui sortira du Sénat sera, je l’espère, un peu moins amère.

Néanmoins, selon une logique libérale bien connue de privatisation des profits et de socialisation des pertes, c’est tout le réseau secondaire qui restera à la charge du contribuable. En reportant le problème sur les régions sans accroître les moyens de ces dernières, on menace de disparition progressive des milliers de kilomètres de lignes.

En Allemagne, ce sont ainsi 10 000 kilomètres de lignes, soit 20 % du réseau, qui ont disparu en vingt ans. En France, Spinetta nous en promet 9 000 !

Une telle perspective est plus qu’alarmante §quand on examine les enquêtes d’opinion qui, en France, aux États-Unis ou en Autriche, établissent une corrélation irréfutable entre l’éloignement d’une gare et le vote d’extrême droite. Ce constat a d’ailleurs été relevé il y a quelques instants : supprimer une gare, supprimer une ligne, c’est renforcer ce sentiment d’abandon qui mine la concorde nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Gontard

Enfin, deux ans après la signature de l’accord de Paris, comment peut-on encore envisager de remplacer des trains par des cars, des trains de fret par des camions ? Comment peut-on envisager d’accroître nos émissions de gaz à effet de serre ?

La réflexion sur l’avenir de la SNCF doit partir des besoins et non des moyens ; du besoin de mobilité de tous nos territoires et du besoin impérieux de transition écologique.

Chers collègues, vous l’aurez compris, de notre point de vue, ce projet de loi n’apporte pas de solutions aux problèmes actuels du rail français ; pis encore, il les aggravera. Nous sommes loin d’un grand service public du ferroviaire. Partout en Europe, l’ouverture à la concurrence, vendue comme une potion magique, a systématiquement entraîné une augmentation des tarifs, des suppressions de lignes au détriment des territoires, une baisse des services et de la sécurité, ainsi qu’un allongement des trajets.

Madame la ministre, affirmer qu’il en ira différemment chez nous relève du dogmatisme et non du pragmatisme dont vous vous prévalez. Pour toutes ces raisons, vous l’imaginez bien, les élus du groupe CRCE ne voteront pas ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.

Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Longeot

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, contre toute attente, le Sénat aura fini par apporter sa pierre, et peut-être une pierre angulaire, à l’édifice de la réforme ferroviaire.

Cette réforme, la Haute Assemblée l’avait anticipée de longue date. Dès après l’adoption du quatrième paquet ferroviaire, en décembre 2016, nos travaux ont débouché sur une proposition de loi, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur et que le Sénat a adoptée il y a deux mois. Je saisis cette occasion pour féliciter les auteurs de ce texte, Hervé Maurey et notre ancien collègue Louis Nègre, qui est présent dans les tribunes, pour l’excellence de leur travail, que j’ai tâché de compléter en tant que rapporteur.

Le choix gouvernemental de réformer le ferroviaire par ordonnances a pu faire craindre que tout cela ne demeure platonique. Mais force est de constater qu’il n’en est rien : le Gouvernement a accepté de restreindre le champ des ordonnances pour donner au Parlement la place qui lui revient.

Merci, madame la ministre, de votre capacité d’écoute, qui aura, en particulier, permis de tenir compte de nos travaux puisque, en concertation avec vous, notre commission a enrichi le texte d’amendements directement issus de notre proposition de loi.

L’un de ces amendements est clef. Son adoption permet de réaffirmer le rôle de l’État pour préserver les dessertes d’aménagement du territoire : en vertu de ces dispositions, l’État conclura des contrats de service public pour préserver les dessertes directes, sans correspondance, même pour les lignes à grande vitesse. Il s’agit de garantir que l’ouverture à la concurrence dite « en open access » ne conduira pas à l’abandon des dessertes moins rentables.

Nous avons également repris l’article 7 de notre proposition de loi, relatif à la transmission obligatoire des informations nécessaires aux autorités organisatrices. Sans transmission d’information, il n’y aura pas d’ouverture à la concurrence. Mais cette obligation doit être conciliée avec le secret industriel et commercial. Nous prévoyons donc que la liste des données devant être nécessairement transmises soit fixée par décret en Conseil d’État pris sur avis de l’ARAFER.

Enfin, l’adoption de deux autres amendements a permis de reprendre des dispositions de notre proposition de loi sur des sujets plus techniques et plus pratiques, mais qui ne sont pas anecdotiques pour autant. Il s’agit du transfert des matériels roulants, des ateliers de maintenance et de la vente des billets.

Premièrement, le texte issu de nos travaux prévoit le transfert de la propriété des matériels roulants et des ateliers à l’autorité organisatrice compétente, à la demande de celle-ci.

Deuxièmement, dans la rédaction que nous avons adoptée, ce projet de loi permet à l’usager d’acheter un billet unique, même lorsque la prestation de transport est assurée par plusieurs opérateurs.

Comme je le disais lors de la discussion générale de la proposition de loi relative à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, le 28 mars 2018, je suis convaincu que nous transformerons cette ouverture à la concurrence, obligation européenne, en opportunité pour nos transports ferroviaires. Je suis également certain des effets positifs de l’ouverture à la concurrence sur la qualité du service, la fréquentation ou encore la réduction des coûts au profit des usagers. C’est pourquoi nous soutenons, sur le fond, cette réforme.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, l’ancien rapporteur de la proposition de loi Maurey-Nègre que je suis ne peut que se réjouir de voir ses travaux aboutir. Je veux, à cette occasion, saluer le travail remarquable réalisé par notre rapporteur, Gérard Cornu.

Dans ces conditions, le groupe Union Centriste, que je représente aujourd’hui, soutiendra le présent texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen ainsi qu ’ au banc des commissions.

Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, on nous annonçait une révolution ferroviaire, nous avons pour l’instant un beau désordre dans le pays, avec une grève historique qui pénalise tout le monde – les cheminots en premier lieu, mais également les usagers, qu’ils soient voyageurs ou qu’ils aient besoin dans leur activité économique du fret ferroviaire. Profitons de ce débat pour apporter les solutions permettant de sortir de ce conflit par le haut ; c’est possible !

Madame la ministre, je crains que les Français ne soient déçus au lendemain du vote, car le temps ferroviaire est long, très long dans cette industrie lourde, très lourde. Même en 2022, il n’y aura pas beaucoup de signes des changements induits par votre réforme.

En effet, l’offre ferroviaire, bien qu’imparfaite dans notre pays, est abondante, et nos tarifs plutôt faibles – les études réalisées au sein des pays de l’OCDE le montrent. Rien ne dit que l’usager verra les tarifs diminuer, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays ; mais peut-être ciblait-on le contribuable plutôt que l’usager ?

Surtout, la réforme est menée à l’envers. Nous aurions pu avoir une grande loi sur les mobilités, complète et cohérente, qui aurait permis de fixer une trajectoire, notamment financière, au ferroviaire, lequel tient une place cruciale dans la chaîne des mobilités, mais vous mettez la charrue avant les bœufs en commençant par le ferroviaire, le projet de loi d’orientation sur les mobilités, ou LOM n’étant prévu que pour… plus tard !

Quant à la façon de légiférer, cette méthode hétérodoxe ne saurait nous satisfaire. Vous deviez aller très vite et, par ordonnances, décider, imposer et dépasser le temps parlementaire dans une fulgurance jupitérienne, mais depuis les premières annonces vous n’avez fait que reculer.

Premièrement, le Premier ministre, fort du surprenant rapport Spinetta, a eu vite fait de différer la question des petites lignes. Prudence, mes chers collègues, car elles ne sont pas sauvées pour autant…

Deuxièmement, nouvelle reculade, il avait annoncé une nouvelle organisation autour de sociétés anonymes, mais, dès lors que la presse a eu révélé une réunion secrète avec la SNCF ouvrant la brèche à une possible privatisation, le Gouvernement a amendé le texte et a proposé l’incessibilité, alors même que vous aviez émis, madame la ministre, un avis défavorable sur un amendement ayant le même objet à l’Assemblée nationale. Donc prudence encore, mes chers collègues.

Dans le même sens, vous annoncez que, dorénavant, une règle d’or sera observée, mais vous ne faites en réalité qu’améliorer celle qui a été créée avec raison par Frédéric Cuvillier en 2014. Tant mieux !

De même, quant aux ordonnances, le projet de loi comportait huit articles en arrivant à l’Assemblée nationale, et nous voilà au Sénat face à vingt-quatre articles, ce qui donne l’impression de légiférer au doigt mouillé, sans étude d’impact ni avis du Conseil d’État. S’il y a des marges de concertation, c’est sans aucun doute grâce à la pression démocratique…

Enfin, la brutalité des mots du Président de la République et du Premier ministre à l’encontre des cheminots a provoqué, humilié et menacé injustement ces derniers. Les voilà dans la rue, et même devant le Sénat ! Vous êtes les responsables, madame la ministre, du désordre qui règne en ce moment dans le pays.

Pourquoi avoir mis ainsi le feu et avoir voulu le scalp des cheminots et de leur statut, sinon pour anticiper d’autres réformes dans les services publics et préparer la réforme des retraites en tentant de désespérer les résistances à venir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Avec la réforme de 2014 et le vote du quatrième paquet ferroviaire, l’ouverture à la concurrence était sur de bons rails – la discussion de la proposition de loi Maurey-Nègre l’a montré –, nous n’avions plus besoin que de trois éléments : les dates et le mode d’ouverture à la concurrence et les conditions de transfert du personnel.

Profitons donc de ce débat au Sénat pour sortir au plus vite de ce conflit, en respectant les cheminots, les usagers et les Français. Il suffit pour cela, mes chers collègues – nous avons une proposition –, d’adopter notre amendement visant à conditionner le recrutement au statut à la signature de la convention collective ferroviaire nationale, dont les chapitres étaient pour moitié signés avant le début de cette réforme.

Sachez en effet que, dans les cinq ans à venir – cela va peut-être en surprendre certains –, sur les 130 000 salariés de SNCF, quelques centaines d’agents seulement seront concernés par des transferts ; il y en aura dans tous les cas moins de 1 000, et même, probablement, je le répète, quelques centaines, dont seulement quelques dizaines refuseront un transfert vers un nouvel opérateur. Or la question de ces transferts est la raison de l’acharnement du Gouvernement à brutaliser aussi rapidement les cheminots et leur statut, les faisant ainsi sortir dans la rue.

Le temps ferroviaire est long. Ainsi, en Allemagne, l’ouverture à la concurrence a eu lieu en 1994. Aujourd’hui, vingt-quatre ans après, la Deutsche Bahn conserve la quasi-intégralité des grandes lignes et les trois quarts du marché régional. Nous pouvons donc lever la contrainte qui pèse sur ce débat. Soyons raisonnables, mes chers collègues, adoptons cet amendement et laissons la négociation avancer ; c’est du bon sens.

Par ailleurs, avec la même énergie que pour réformer le statut des cheminots, vous voulez mieux unifier encore le groupe ferroviaire ; c’est bien. Cela prolongerait la réforme de 2014, qui avait notamment permis de mettre fin à la partition stérile qui existait entre Réseau ferré de France, ou RFF, et SNCF.

Vous souhaitez transformer la SNCF en société anonyme, mais, pour cela, il faut désendetter la SNCF et transférer la dette à l’État, c’est la règle. C’est ce que les socialistes n’ont pas fait durant le précédent mandat, ai-je déjà entendu dire par les uns ou les autres. Pourtant, bien des solutions avaient été imaginées. Pourquoi n’avons-nous pas pu reprendre cette dette ? Tout simplement parce qu’il n’était pas possible de le faire. La France avait, début 2012, un déficit public de 5, 2 % du PIB, et avait subi un déclassement de sa note par les agences de notation, tout le monde s’en souvient.

Il fallait rétablir les comptes publics, nous l’avons fait et, aujourd’hui, sur la base du budget pour 2017, la France est sortie la procédure européenne de déficit excessif pour la première fois depuis dix ans, ce qui rend possible ce désendettement.

Vous annoncez une reprise de dette à hauteur de 35 milliards d’euros ; c’est un montant tout à fait significatif, mais nous attendons des précisions, et surtout, nous souhaitons que cela soit consigné par écrit parce que d’ici à 2020 et à 2022, de l’eau aura coulé sous les ponts. Qui nous dit en effet que vous ne diminuerez pas alors d’autres contributions de l’État – les liens financiers entre l’État et la SNCF sont nombreux – pour combler la reprise de dette ? Il conviendrait donc d’écrire un protocole d’accord et de définir une nouvelle trajectoire financière sur le long terme, ainsi qu’un nouveau contrat de performance.

Rien ne nous dit d’ailleurs que cette réforme permettra de sortir de la logique malthusienne qui prévaut dans le rail français depuis des décennies. On coupe de petites lignes, on réduit des vitesses de circulation, on supprime certains services et, ainsi, on limite l’offre. Le rapport Spinetta expliquait bien cette logique selon laquelle on suggère de compenser une dette et des pertes d’un côté par, de l’autre côté, une suppression du réseau, 30 % de celui-ci ne supportant que 2 % des voyageurs. À Bercy, dans un tel cas, on coupe ; Spinetta le proposait aussi.

C’est cela, la logique malthusienne.

En agissant ainsi, on limite l’effet de réseau du rail ; quand on réduit le service à l’extrémité d’une ligne, parce qu’il est moins fréquenté, on n’incite pas le recours au train sur le début du parcours, parce qu’on provoque une rupture de charge. On entre alors dans une spirale infernale…

Ceux qui ont vu l’effet du cadencement réussi, dans certaines régions, sont étonnés : avec une augmentation de l’offre, il est possible de diminuer les coûts unitaires. C’est ainsi dans les industries de réseau, plus la voie est utilisée, plus il y a de passages de trains – fret ou voyageurs –, plus les coûts unitaires baissent, car on travaille, in fine, au coût marginal. C’est mathématique. C’est possible, certains pays y parviennent.

Le Gouvernement nous vante souvent le modèle allemand, mais, si on l’observe bien – je me suis rendu outre-Rhin –, je ne suis pas sûr qu’il mérite tant d’éloges. J’aurais préféré que votre réforme soit inspirée du modèle suisse – je suis également allé en Suisse –, un modèle d’intermodalité, de ponctualité et de complémentarité entre le transport de voyageurs et le fret. Mais voilà, la Suisse est un pays trop petit, trop montagneux et trop riche, me dit-on. Pourtant, elle représente, avec le Japon, où je ne me suis pas encore rendu

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Jacquin

Oui, il est possible de porter une ambition pour le ferroviaire et pour les mobilités dans un pays développé, c’est une question de volonté politique ; nous n’en voyons pas de telle ici. En effet, votre projet de loi – c’est sa faiblesse – ne prévoit pas de résoudre l’inégalité de traitement que subit le transport ferroviaire, pourtant vertueux et dans lequel l’usager paie l’infrastructure, par rapport aux modes routier ou aérien.

Seul le report modal permettra de relever le défi climatique et d’atteindre l’objectif qu’une autre loi de votre gouvernement nous a fixé pour 2030.

Seul le report modal permettra de mieux organiser le flux routier en traitant la question du fret, bien trop peu abordée dans le présent texte. Quand il est moins cher de traverser le pays en avion ou en bus qu’en train, il faut se poser des questions !

Je conclus en vous rappelant les trois axes de progrès qui guident les travaux du groupe socialiste et républicain.

Le premier axe est celui de l’aménagement du territoire et de la poursuite de la décentralisation. Cette réforme doit permettre plus d’égalité entre les hommes et entre les territoires, car il n’y a pas de petit territoire. Ces aspects sont encore insuffisamment garantis du point de vue tant des moyens financiers que de la définition fine des petites lignes.

Le deuxième axe est le respect des cheminots et des travailleurs des transports.

Enfin, troisième axe, nous nous battrons pour conserver une maîtrise publique des services publics. Pas question de brader au plus offrant notre patrimoine commun !

Madame la ministre, mes chers collègues, tous ensemble, dynamisons le ferroviaire, ne dynamitons pas la SNCF !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, aujourd’hui la question de l’avenir du rail français est sur toutes les lèvres.

Il y a quatre-vingt-quatre ans, la SNCF était créée avec la volonté d’organiser le maillage du territoire. Ce formidable système a vieilli, il s’est dégradé. Il faut donc le réformer. Le présent projet de loi entend répondre à cette nécessité.

Le réseau ferroviaire français souffre d’un sous-investissement depuis la fin des années soixante-dix en raison d’arbitrages budgétaires politiques – de tous les horizons ! – et qui ont favorisé, au détriment de l’entretien du réseau existant et des petites lignes, la construction de lignes à grande vitesse, car chacun voulait la sienne. Ayant siégé pendant quatre ans au conseil d’administration de RFF, j’ai vu comment les choses se passaient…

Le réseau classique souffre aujourd’hui « des prémices d’une dégénérescence ». Quelque 25 % des voies ont dépassé leur durée de vie normale, et l’effort de rénovation coûterait à lui seul 3 milliards d’euros.

À ce double constat de dégradation et de baisse de la qualité de service s’ajoute une troisième inquiétude : l’ouverture à la concurrence prévue par les textes européens. La SNCF devra se moderniser pour ne pas rester 30 % plus chère que ses concurrents étrangers.

Le Gouvernement, avec ce texte, se fixe aujourd’hui quatre objectifs.

Le premier objectif est la remise à niveau du réseau pour améliorer la ponctualité des trains. C’est le fameux engagement de plusieurs millions d’euros investis tous les jours pendant dix ans. C’est un effort sans précédent, de 50 % supérieur à celui qui a été consenti au cours de la décennie précédente.

Le deuxième objectif est l’ouverture à la concurrence, qui vise à favoriser la baisse des prix. L’État se fonde sur des exemples étrangers qui ont montré que l’ouverture à la concurrence occasionnait une baisse des prix des billets.

Le troisième objectif est la nouvelle configuration du champion français, réorganisé en un seul groupe uni. Il est toutefois hors de question de privatiser la SNCF, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable l’a d’ailleurs confirmé à l’unanimité.

Enfin, le quatrième objectif est la modernisation de la SNCF pour la préparer au monde de demain. Il faut l’armer, et chacun devra faire des efforts : au Gouvernement, la reprise de 70 % de la dette du groupe ; à la SNCF, la fin du statut des cheminots pour les nouveaux entrants.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires défendra une quinzaine d’amendements au cours des débats. Nous avons notamment tenu à inscrire le respect des engagements de lutte contre le changement climatique dans cette modernisation, à assurer une juste représentation des usagers et des associations environnementales dans les instances décisionnelles, à rendre transparente la vente des billets via le contrôle de l’ARAFER, à soumettre à l’avis des collectivités la création ou la suppression de dessertes sur leur territoire, à instaurer une représentation des usagers et des associations agréées au sein de l’ARAFER.

Tous ces engagements s’inscrivent dans l’objectif de la réussite de l’ouverture à la concurrence, qui ne pénalise ni l’aménagement du territoire, ni nos politiques de préservation de l’environnement, ni la qualité de service public attendu par nos compatriotes. C’est la raison pour laquelle nous espérons que nos amendements seront adoptés pour améliorer le texte.

Quoi qu’il en soit, le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants – République et Territoires et sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi qui a tant fait parler de lui ne saurait masquer davantage une grande duperie. C’est le pyromane qui appelle au feu, dirait-on au café du commerce : ceux-là même, qu’ils fussent socialistes ou membres des Républicains, qui votèrent au Parlement européen l’ouverture de la SNCF à la concurrence européenne, prévue depuis 2005, sont aujourd’hui obligés, après avoir été ripolinés « En Marche », de reconnaître leur forfaiture.

Ils sont dès lors responsables et coupables, ces politiques au pouvoir depuis vingt ans, tous fidèles agents de la Commission européenne, qui dicte ses lois ultralibérales et brise les monopoles d’État, comme c’est le cas de la SNCF.

Ce qui est en route, mes chers collègues, c’est bien la privatisation du rail. Ce gouvernement de la basse besogne européiste se charge de démanteler les derniers services publics au nom de la loi suprême de la concurrence libre et non faussée.

Or, derrière ce verset de la religion laïque et obligatoire de l’ultralibéralisme, apparaît ce dont les Français ne veulent pas : la dérégulation sauvage, la mobilité forcée, le déracinement économique et social.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Seniors responsables de la dette, fonctionnaires qui seraient des privilégiés, étudiants qui s’accrochent à leur allocation pour le logement, l’APL, « mâles blancs » qui n’ont plus droit de cité, ou encore cheminots qui auraient endetté la SNCF : cette méthode utilisée par le Gouvernement qui consiste à culpabiliser les Français, à les dresser les uns contre les autres, est tout bonnement insupportable.

Vos maîtres mots, ou plutôt devrais-je dire, les mots de vos maîtres, sont efficacité, rentabilité et profit, quand l’aménagement du territoire et l’égalité entre les citoyens riment avec mobilité, solidarité et proximité.

Pour faire vivre équitablement et durablement la France dans toute sa diversité territoriale, nous avons besoin de petites lignes ferroviaires, quitte à ce qu’elles soient déficitaires. Le service public n’est issu ni d’un ancien ni d’un nouveau monde : il est intemporel car universel. Il est le garant de l’égalité, et son unique profit réside dans le bien-vivre partout où l’on se trouve sur le territoire national. C’est une tradition, un art de vivre à la française qui ne correspond évidemment pas à votre logiciel, madame la ministre.

Par votre réforme, vous approfondissez encore un peu plus la fracture territoriale et, par là même, la fracture entre les Français. La grande grève n’a que deux conséquences néfastes : prendre en otage les Français qui travaillent, et faire passer le Gouvernement pour un grand réformateur, alors que celui-ci ne répond absolument pas aux problèmes de la SNCF.

L’État reprendrait la dette à son compte en échange de l’abandon du statut de cheminot et de l’adoption des autres modalités du démantèlement pur et simple de la SNCF. Non, définitivement non, cela ne nous semble pas adapté, comme ne sont plus adaptés ni plus crédibles ces syndicats qui voudraient incarner une opposition à Emmanuel Macron alors qu’ils se sont époumonés il y a une année à peine pour que ce même Macron puisse devenir, réforme de la SNCF sous le bras, le locataire de l’Élysée.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Camarades du Sénat, le banquet à l’Élysée, vous l’avez voulu, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

… eh bien, vous l’avez désormais ! Et nous l’avons pour cinq ans ferme, car je crains que la peine ne soit pas réduite.

À l’inverse de cette réforme, mes chers collègues, nous devons reprendre le contrôle de la SNCF et investir massivement dans le secteur ferroviaire, pour les voyageurs comme pour le fret.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

À cette privatisation rampante, nous opposons l’État stratège, le patriotisme économique et social et l’égalité entre les Français.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Gold

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, après plusieurs semaines de discussions et de tension, et avec une grève en pointillé qui se poursuit, le Sénat se réunit aujourd’hui pour entamer l’examen d’un projet de loi majeur qui doit permettre de réformer en profondeur le deuxième plus grand réseau ferré d’Europe.

Quel en est l’enjeu principal ? Il est de rendre plus efficace, plus pérenne, plus performant, plus attractif notre système ferroviaire.

Cette réforme intéresse nos concitoyens en tant qu’usagers d’abord, car ils ont conscience de l’importance du train en termes de lien social et de maillage territorial, et en tant que contribuables ensuite, puisque 13 milliards d’euros de dépenses publiques sont alloués chaque année au ferroviaire. À ce tarif, et compte tenu de l’importance du train dans la vie de bon nombre de Français, ils sont en droit d’exiger un service complet et de qualité.

Il s’agit effectivement d’une mission de service public vitale, du point de vue de l’accès de tous au transport, de la réduction des gaz à effet de serre et du maillage territorial. Il est donc essentiel d’aborder cette discussion sous l’angle de l’aménagement du territoire. J’ai la conviction qu’un tel service peut aller de pair avec une gouvernance plus efficace et des finances assainies.

Je partage sur ce point avec le Gouvernement le souhait que la nécessaire reprise de la dette de la SNCF s’accompagne d’efforts substantiels, notamment d’organisation, pour une trajectoire financière durablement équilibrée.

Nous avons donc pour mission cette semaine de tenir nos engagements envers nos concitoyens : bâtir le rail du XXIe siècle en défendant les territoires et en garantissant la continuité d’un service public essentiel.

L’une des raisons qui nous amènent à débattre de ce projet de loi, hormis la définition d’un cadre nécessaire à l’ouverture à la concurrence, est l’absence totale d’État stratège depuis plus de trente ans dans le domaine de l’aménagement du territoire, que ce soit en matière de choix de desserte ou de financement des infrastructures. Des investissements massifs ont été réalisés sur les lignes à grande vitesse au détriment des trains du quotidien et de ceux qui maillent les territoires.

Or, vous l’avez vous-même rappelé, madame la ministre, nous devons nous astreindre à une exigence de justice territoriale. Sur les travées de la Haute Assemblée et dans chaque région et chaque département de France, ce nouveau pacte ferroviaire fait l’objet d’un examen particulièrement attentif, car les grandes et les petites lignes, quelles qu’elles soient, sont essentielles au lien territorial et social.

En ce qui concerne les TGV, c’est le principe de l’open access qui a été choisi pour s’appliquer à partir de décembre 2020. Les TGV desservent plus de deux cent trente villes avec un certain nombre de sillons peu ou non rentables. Considérant que la modulation des péages à elle seule ne suffirait pas à maintenir les dessertes actuelles, la commission a introduit dans le texte la possibilité pour l’État de conclure un contrat de service public afin de sécuriser l’engagement des opérateurs sur les liaisons déficitaires. Est également proposée la remise d’un rapport au Parlement sur la classification des lignes les moins circulées du réseau.

Afin de compléter ces mesures et d’établir un état des lieux fondé sur des réalités concrètes, le groupe du RDSE a déposé un amendement visant à faire établir par SNCF Mobilités une comptabilité analytique par liaison de l’ensemble des services non conventionnés, car un travail régulier d’actualisation doit être fait.

Plusieurs dispositions ont été adoptées en commission pour permettre aux régions d’être davantage consultées, par exemple dans le cas de la définition des tarifs maximaux ou de la transmission des informations, pour des appels d’offres plus proches des besoins et des réalités.

Nous souhaitons aller plus loin et répartir la charge du démantèlement du matériel entre SNCF Mobilités et les autorités organisatrices de transport. Il serait incompréhensible de faire peser ce surcoût sur les seules collectivités.

J’en viens aux mesures qui concentrent une bonne partie des crispations des représentants du personnel, les mesures relatives à l’avenir des salariés de la SNCF. Madame la ministre, vous avez indiqué que la question du recrutement au statut de cheminot dans un monde ouvert à la concurrence se posait naturellement. Si je partage sur ce point votre désir de cohérence et d’équité, il ne faut pas laisser penser que c’est ce statut qui expliquerait la dette abyssale de la SNCF.

Une convention collective sera conclue d’ici au 1er janvier 2020 pour fixer les conditions communes à l’ensemble des personnels recrutés après cette date dans le secteur du transport ferroviaire. Le groupe du RDSE restera vigilant quant à l’engagement de l’État dans cette phase.

Pour ce qui concerne le personnel transféré dans le cadre d’un changement d’opérateur, le projet de loi transmis au Sénat ne permettait pas d’obtenir des garanties suffisantes. Les membres de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ont donc choisi de préciser les conditions de transfert, de favoriser le volontariat en l’étendant à l’ensemble de la région et de confier à l’ARAFER la gestion des différends dans ce domaine.

Étant élu d’une région particulièrement étendue, je souhaite toutefois que soient limitées au département et aux départements limitrophes les offres d’emploi proposées aux salariés en cas de refus d’un transfert.

J’aimerais terminer en revenant à ceux que j’évoquais en commençant, les usagers, car ils sont au cœur de cette réforme. La garantie d’un service public fiable et de qualité doit être notre priorité. En ce sens, le groupe du RDSE est bien évidemment favorable à l’inscription dans la loi du caractère incessible des capitaux de la SNCF ; cette belle entreprise nationale doit rester dans le giron de l’État !

Nous sommes également favorables à la création d’un système commun d’information des voyageurs et de vente de billets ; l’usager doit rester au centre de l’organisation du ferroviaire sans pâtir de la multiplication des acteurs. Il doit pouvoir acheter un billet unique même lorsque la prestation de transport est assurée par plusieurs opérateurs.

De la même façon, la proposition de création d’un groupement d’intérêt public pour coordonner les actions des opérateurs en matière de sécurité nous semble être une bonne garantie.

Je souhaite enfin saluer le travail constructif réalisé en commission, qui a permis d’enrichir considérablement le texte puisqu’une centaine d’amendements ont été adoptés. Nous espérons que les échanges se poursuivront en séance publique.

Applaudissements sur les travées du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Bories

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à féliciter, au nom du groupe Les Républicains, notre rapporteur, Gérard Cornu, pour la qualité de son travail et sa très grande implication sur un projet de loi pour le moins technique et particulièrement délicat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Bories

Nous le savons tous, la France, qui a une longue tradition de monopole, n’a jamais manifesté une ferveur excessive face à la libéralisation du transport ferroviaire.

L’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs est toutefois devenue inéluctable depuis l’adoption du quatrième paquet ferroviaire en décembre 2016. Cet ensemble de textes européens impose dès le 3 décembre 2019 l’ouverture à la concurrence des services conventionnés, à savoir, en France, les TER et les trains d’équilibre du territoire.

Concernant les services commerciaux – les TGV –, cette libéralisation devra être prévue par la loi à compter du 1er janvier 2019 pour une application effective dès le 14 décembre 2020 et un début de l’horaire de service en 2021.

Aussi était-il impératif de définir au plus vite le cadre de cette réforme majeure pour permettre aux différents acteurs, mais surtout à l’opérateur historique, de s’y préparer dans les meilleures conditions. À défaut, c’est tout notre système ferroviaire qui serait fragilisé.

Le groupe Les Républicains est bien évidemment favorable au principe d’une réforme de notre système ferroviaire, ainsi qu’à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs. En effet, loin de représenter une contrainte, nous pensons que cette obligation de mise en concurrence doit être vue comme une formidable opportunité.

Nous ne pouvons ignorer que, si la concurrence progresse partout en Europe sur le trafic intérieur des États membres, la France ne pourra pas rester isolée et se targuer d’une sorte d’exception française de moins en moins facile à défendre, a fortiori lorsque la SNCF opère déjà sur des marchés étrangers.

Nous le savons bien, cette concurrence sera sans doute limitée et progressive ; mais la prudence et la lucidité obligent tous les opérateurs à s’y préparer.

Le travail en commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a permis d’enrichir et de renforcer le texte transmis par l’Assemblée nationale : désormais, le projet de loi prévoit toutes les conditions d’une ouverture réussie à la concurrence.

D’abord, une nouvelle organisation de la SNCF. Je pense notamment à la transformation des établissements publics du groupe public ferroviaire en sociétés anonymes à capitaux publics, ainsi qu’à la filialisation de Gares & Connexions au sein de SNCF Réseau, avec incessibilité des titres du capital, comme le propose la commission.

Ensuite, le renforcement des garanties offertes aux salariés. Nous avons, bien sûr, entendu les inquiétudes légitimes des salariés de SNCF Mobilités quant aux conditions de leur transfert à de nouveaux opérateurs. Le cadre du transfert de personnel a ainsi été sécurisé, et les droits garantis aux salariés transférés, renforcés.

Par ailleurs, le maintien d’un haut niveau de sécurité et de sûreté au sein de notre système ferroviaire a été abordé.

Enfin, le projet de loi prévoit la préservation des dessertes TGV utiles à l’aménagement du territoire. Sénatrice du Gard, représentant les territoires, je serai très attentive au maintien de dessertes directes vers les villes moyennes, mais aussi des lignes secondaires, qui feront l’objet de futurs débats.

Je citerai l’exemple de la nouvelle gare TGV Nîmes-Pont du Gard, dont les travaux ont débuté en 2017, pour un coût de 95 millions d’euros, dont 22 millions financés par la région et 8 millions par la métropole de Nîmes.

À cela s’ajoutent deux projets de réouverture de ligne, particulièrement attendus par la population et les élus et déjà engagés financièrement par la région Occitanie : la ligne de la rive droite du Rhône, qui desservira non seulement le premier bassin industriel du Gard, mais aussi les points touristiques importants entre la Drôme et Nîmes, en passant par Villeneuve-lès-Avignon et le pont du Gard, pour plus de 2 600 voyageurs estimés par jour ; et la ligne Alès-Bessèges, suspendue en 2012 par manque de rénovation et qui était très utilisée, notamment par les lycéens.

Par ailleurs, je tiens à saluer la décision du conseil régional d’Occitanie de maintenir sa confiance à notre opérateur historique en signant, en avril dernier, une nouvelle convention pour les huit années à venir.

Ces exemples, madame la ministre, sont la preuve que nos collectivités territoriales savent s’engager dans des projets structurants pour nos territoires, mais aussi auprès de notre opérateur national.

Mes chers collègues, au-delà des moyens financiers nécessaires pour maintenir notre patrimoine ferroviaire et le moderniser, nous devons avoir une véritable vision pour notre système ferroviaire. Cette vision doit, nous en sommes convaincus, passer par un assainissement financier de SNCF Réseau et par l’ouverture à la concurrence pour stimuler la SNCF, afin d’améliorer sa compétitivité, mais aussi de rendre un meilleur service aux usagers.

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains votera le projet de loi.

Madame la ministre, vous avez souligné que notre commission avait utilement enrichi ce texte. Je tiens à vous en remercier. Nous espérons que vous saurez convaincre nos collègues députés, afin que nous aboutissions à une commission mixte paritaire conclusive !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions. – Mme Michèle Vullien et M. Yves Détraigne applaudissent également.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

M. René Danesi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis que la réforme ferroviaire est en marche, nous entendons que l’ouverture à la concurrence détruirait un service public de qualité. Le Royaume-Uni est le contre-exemple abondamment cité par le chœur des pleureuses.

Mme Éliane Assassi s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

Je m’attacherai à remettre quelques pendules à l’heure, …

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

… à l’aide d’un rapport officiel, présenté en mars dernier et passé sous silence. En effet, il va à l’encontre de toutes les contrevérités propagées.

Je veux parler du rapport de l’Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, l’ARAFER. Cette autorité a dressé un panorama objectif des effets de l’ouverture à la concurrence dans les douze pays européens où elle a déjà été réalisée.

En quatre minutes, je ne pourrai pas parler des douze pays ; je limiterai donc mes comparaisons au Royaume-Uni, si souvent cité, et à l’Allemagne, avec seulement quatre critères d’analyse.

Premier critère : la sécurité. De ce point de vue, l’Allemagne comme le Royaume-Uni affichent moins d’accidents de trains que la France, relativement au niveau de leur trafic ferroviaire.

Deuxième critère : la fréquentation. Avec l’ouverture à la concurrence, elle a plus que doublé au Royaume-Uni entre 1994 et 2015, avec une hausse moyenne annuelle de 6 %. En Allemagne, elle s’est accrue de 29 % sur la même période.

Debut de section - PermalienPhoto de René Danesi

En France, dans le même temps, alors que l’évolution générale de la mobilité aurait dû se traduire par une hausse de la fréquentation, celle-ci a baissé au profit des autres moyens de transport : voitures particulières, autocars Macron et avions, notamment.

Troisième critère : la ponctualité. Arrivent à l’heure, 90 % des trains britanniques, contre 78 % avant l’ouverture à la concurrence dans ce pays. Du côté de la SNCF, en 2016, le pourcentage de retard moyen des TER était de 10 % ; pour les TGV, il était de 18 % en moyenne, mais atteignait 25 % lors de la pointe du vendredi après-midi. Au total, 11 % des trains ont accusé un retard supérieur à six minutes.

Quatrième critère : les coûts d’exploitation. Ils ont baissé de 20 à 30 % en Allemagne entre le début de la libéralisation et 2015, sans que le niveau de service s’en ressente, au contraire. En revanche, en Grande-Bretagne, il faut constater que les coûts d’exploitation ont effectivement progressé de 25 %. En effet, la façon désordonnée dont la libéralisation a été menée a conduit à mettre en concurrence l’opérateur historique avec un trop grand nombre de sociétés privées, permettant ainsi aux cheminots, plus particulièrement aux conducteurs de train, trop peu nombreux, de monnayer leurs services au plus offrant.

En définitive, et malgré tout ce qu’on lit à propos de la Grande-Bretagne, l’indicateur trimestriel de l’autorité de régulation britannique fait apparaître un taux de satisfaction des usagers de 83 % en 2017.

La conclusion de l’ARAFER est la suivante : « Lorsque les pays européens ont utilisé l’ouverture à la concurrence comme un instrument visant à relancer le transport ferroviaire de voyageurs, cet instrument a porté ses fruits. Il a contribué à une amélioration parfois spectaculaire de l’offre, des performances, de la qualité de service et du prix payé par l’usager. »

C’est la raison pour laquelle nous voterons ce projet de loi, que le Sénat va encore améliorer !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions. – Mme Annick Billon applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer l’action du Gouvernement, qui a engagé une réforme ambitieuse et trop longtemps attendue pour préparer l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire.

Cette réforme est nécessaire pour préparer la SNCF à l’ouverture du marché. Comme le pointe le rapport de Jean-Cyril Spinetta, l’entreprise publique ne répond pas, en l’état actuel, aux critères de compétitivité. Or nous avons besoin de cette compétitivité pour offrir à nos compatriotes, par la réduction des coûts d’exploitation, plus de trains et plus de services, avec des billets à prix raisonnable.

Chers collègues du groupe communiste, nous souhaitons, comme vous, un avenir pour la SNCF : nous pensons qu’il passe par une réforme et un ajustement indispensables !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Des efforts sont donc à mener, mais tout ne doit pas reposer sur cette logique financière, notamment en ce qui concerne le volet social et l’aménagement du territoire.

Pour ce qui est du volet social, je tiens, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, à saluer le travail de la commission, qui, en étroite coopération avec le Gouvernement, madame la ministre, a apporté des garanties supplémentaires aux cheminots qui quitteront le statut ou souhaiteront y revenir.

Nous en parlerons en détail dans la discussion du texte de la commission, mais je veux dès à présent souligner la compétence et l’engagement remarquables des cheminots ; je pense notamment à ceux qui travaillent dans des conditions contraintes, sur les chantiers de modernisation de nos gares et de nos réseaux.

En matière d’aménagement du territoire, la vigilance fait partie de l’ADN du Sénat. Cela m’amène à parler des petites lignes et des dessertes TGV.

Le texte qui nous est soumis ne traite pas directement des petites lignes, mais, nous le savons, celles-ci sont de plus en plus menacées par un manque d’investissement, donc d’entretien.

Ces lignes moins rentables, ce sont avant tout des dessertes des territoires ruraux. J’aime à citer la liaison Strasbourg–Saint-Dié-des-Vosges, qui permet le désenclavement de toute une vallée et comporte des ouvrages d’art remarquables ; elle relève d’un service public qu’il est indispensable de préserver.

L’article 3 quater du projet de loi prévoit justement que le Gouvernement remette au Parlement une évaluation de ces lignes. Je propose, madame la ministre, d’aller un peu plus loin, en prévoyant l’établissement d’une typologie tenant compte de l’état physique, de la fréquentation et du nombre de voyageurs de chaque ligne, en plus de leur contribution à l’aménagement du territoire, déjà inscrite dans le texte. La comptabilisation du nombre de voyageurs devrait tenir compte de la saisonnalité éventuelle : certaines lignes importantes pour des territoires sont utilisées à différentes périodes de l’année.

Madame la ministre, l’État doit apporter des garanties quant au maintien de ces lignes. Ce sont certes les régions qui ont compétence pour les exploiter, mais l’État doit assurer, au moins en partie, le financement des investissements. Je crois que vous l’avez vous-même dit, madame la ministre : l’État a trop souvent fait défaut dans la mise en œuvre des contrats de plan successifs, ce qui a entraîné – plusieurs d’entre nous le savent trop bien – la baisse des vitesses maximales de circulation, donc l’augmentation des temps de transport sur de trop nombreuses sections.

Je souhaite dire un mot des gares, car ce sont des lieux de vie précieux à toutes les échelles. Elles pourraient être de nouveaux cœurs de ville dans les petites villes, les villes moyennes et les métropoles. Je forme le vœu que nous promouvions tous ensemble une vision ambitieuse des gares, nouveaux centres-villes. Nous en parlerons à l’article 4.

Enfin, j’en viens à la desserte fine des territoires par les TGV.

Une part importante des deux cent trente villes actuellement desservies ont été pointées comme non rentables par le rapport Spinetta. Je n’accepte pas cette qualification. Ces dessertes ont souvent été la contrepartie des financements apportés par les collectivités publiques aux lignes à grande vitesse !

Mme Marie-Thérèse Bruguière opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Je présenterai donc un amendement tendant à faire de cet engagement un critère pour l’adaptation des péages ferroviaires, afin d’assurer la desserte de ces villes.

J’ai entendu qu’étaient envisagés des contrats spécifiques, mais j’ai une forme de prudence à l’égard de tels contrats. On a vu ce qu’il est advenu des Intercités, qui ont été, voilà de longues années, la contrepartie de la mise en service des lignes TGV.

Tout l’enjeu est de permettre l’irrigation de nos territoires par les TGV. On sait bien que, pour les villes qui disposent d’un arrêt TGV, cette liaison est tout à fait stratégique en termes d’image et de qualité de desserte.

Madame la ministre, j’invite donc le Gouvernement à s’engager fermement pour la préservation des petites lignes et le maintien de l’ensemble du maillage TGV !

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. le rapporteur, ainsi que MM. Alain Richard et Franck Menonville applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues :

« Il est facile de prendre un train, encore faut-il prendre l’bon

« Moi je suis monté dans deux-trois rames, mais ce n’était pas l’bon wagon

« Car les trains sont capricieux et certains sont inaccessibles

« Et je ne crois pas tout le temps qu’avec la SNCF c’est possible ».

Cet extrait des Voyages en train de Grand Corps Malade résume assez bien le lien si étroit, si particulier, qui unit notre pays avec le ferroviaire.

Car nous entamons l’examen d’un projet de loi dont l’aspect emblématique n’échappe à personne, ne serait-ce qu’au regard du mouvement social inédit que traverse notre pays depuis plusieurs semaines et de l’attente très forte de nos concitoyens de voir la réforme ferroviaire menée à son terme.

À ce stade, je veux réaffirmer notre attachement profond et sincère à celles et ceux qui sont les artisans de notre grand service public ferroviaire et qui le font vivre chaque jour : je veux bien évidemment parler des cheminots.

Mais, nous le savons bien, notre système ferroviaire est aujourd’hui en bout de course. L’ouverture à la concurrence qui se profile à l’horizon nous donne une occasion unique de repenser complètement, de refonder intégralement notre logiciel ferroviaire, dans un souci d’efficacité, de modernité et de justice sociale.

Efficacité, car celle-ci est aujourd’hui remise en cause par les usagers ou par telle ou telle autorité organisatrice de transport avec laquelle nous avons pu échanger ces dernières semaines.

Modernité, car la SNCF ne peut pas faire l’économie d’une refondation globale dans un monde en perpétuel mouvement.

Justice sociale, car ici nous sommes toutes et tous attachés à notre grand service public ferroviaire et aux conditions de travail des cheminots.

Tous ces défis se retrouvent dans le texte qui nous est proposé, un texte qui est le fruit d’une volonté collective.

Je tiens, madame la ministre, à saluer votre volonté, votre engagement de mener cette réforme dans un souci de dialogue et d’écoute permanent. Je ne saurais passer sous silence l’engagement personnel du Premier ministre dans ce dossier, qui témoigne de la dimension collective qui anime le Gouvernement.

Je veux aussi saluer notre président de commission, Hervé Maurey, et notre rapporteur, Gérard Cornu, qui ont mis toute leur énergie et tout leur savoir-faire au service de l’élaboration d’un texte qui donne toutes ses chances à la réforme.

Je veux, enfin, saluer toutes celles et tous ceux qui se sont associés au travail collectif : la SNCF, bien sûr, les opérateurs, les usagers, les collectivités territoriales et les organisations syndicales qui ont accepté le dialogue et la confrontation des idées.

La concrétisation de ce travail, c’est ce projet de loi : il fera date, j’en suis convaincu, car il marque le début d’une ère nouvelle pour le ferroviaire et pour notre grande Société nationale des chemins de fer.

Je dis bien : « nationale », pour m’inscrire en faux contre celles et ceux qui ont agité et agitent encore le chiffon rouge de la privatisation. Oui, la SNCF restera bien publique, avec un capital intégralement détenu par l’État et incessible ! Si les mots ont un sens, ceux-ci sont clairs et sans ambages, n’en déplaise aux dogmatiques et censeurs de tout poil et de tous horizons.

Dans ce cadre, l’ouverture à la concurrence est bien une chance pour notre grande SNCF, qui, en revisitant son modèle, va sans conteste ouvrir de nouvelles voies.

L’ouverture à la concurrence, ce n’est pas ce que certains, là aussi, nous ont présenté de manière souvent caricaturale. La concurrence a été un aiguillon positif, qui nous a permis de repenser encore et encore le groupe : voilà ce que m’ont dit hier les nombreux collaborateurs de la Deutsche Bahn que j’ai pu rencontrer à l’occasion d’un déplacement à Berlin avec mon collègue de l’Assemblée nationale Jean-Baptiste Djebbari.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabien Gay

Nous n’avons pas dû rencontrer les mêmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Parmi les principaux enseignements de cette ouverture, nous notons que, partout où elle a été réalisée, la fréquentation ferroviaire a augmenté, et la société nationale s’en trouve confortée.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Mais l’ouverture à la concurrence n’est pas cette baguette magique qui réglera, d’un coup d’un seul, une situation qui s’est dégradée pendant plusieurs années et dont nous portons collectivement la responsabilité, par les choix d’investissement qui ont été faits.

Oui, l’ouverture à la concurrence doit permettre de mieux irriguer nos territoires, comme il a été dit, et de redonner à l’État et aux collectivités territoriales un rôle éminemment stratégique. C’est ce qui est proposé dans le projet de loi, pour ne laisser aucun territoire à quai ou au bord du chemin.

L’ouverture à la concurrence doit être bénéfique pour toutes et pour tous, notamment pour les usagers, pour qui le ferroviaire est un enjeu essentiel dans le domaine des mobilités du quotidien. Du reste, bien des aspects sont repris dans le texte pour associer davantage les usagers.

L’ouverture à la concurrence doit être bénéfique aussi pour les collectivités territoriales, notamment pour les régions, qui sont déjà des acteurs des mobilités du quotidien et dont le rôle va s’accroître avec cette ouverture. Là aussi, le nouveau pacte ferroviaire apportera des garanties fortes.

L’ouverture à la concurrence doit être bénéfique, enfin, pour cette grande dame qu’est la SNCF. Tous les ingrédients sont réunis dans le projet de loi pour ouvrir une nouvelle page de la vie de l’entreprise. La transformation en SA, les garanties sur la reprise de la dette et la trajectoire financière du groupe et les garanties sociales apportées aux cheminots sont autant d’éléments essentiels.

Sans doute pourrions-nous même aller plus loin, en imaginant, en préambule de la future loi PACTE, que la SNCF soit la première entreprise à responsabilité sociale élargie.

L’État s’engage aussi pour accompagner les négociations relatives à l’élaboration de la convention collective avant le 1er janvier 2020, date de l’arrêt du recrutement au statut. Cet engagement est l’affirmation d’une volonté forte : un État acteur, et non pas simple spectateur !

Enfin, dans ce formidable édifice qui se profile, un sujet doit retenir toute notre attention : les gares.

Comme nombre de mes collègues, je suis de ceux qui partagent la conviction qu’elles doivent jouer, demain, dans ce nouveau cadre, un rôle encore plus important qu’aujourd’hui, qu’il s’agisse des intermodalités ou de l’aménagement de nos territoires urbains ou ruraux. Imaginer de faire des gares de véritables maisons de service public contribuant à la redynamisation de nos bourgs, voilà un beau projet collectif !

Ce nouveau pacte ferroviaire donne le coup d’envoi d’un nouvel âge ferroviaire partagé entre toutes celles et tous ceux qui en sont les acteurs. Il ne s’agit pas d’opposer les uns aux autres, mais de les unir dans une communauté de destin : notre destin, notre grand roman national qui fait ce que nous sommes et que nous sommes regardés et attendus, en France mais aussi en Europe.

Les ingrédients sont sur la table, et nos débats devraient permettre d’en ajouter d’autres. Je ne doute pas un seul instant que le Sénat saura répondre à l’injonction lancée en son temps par Victor Hugo : « Sénateurs, montrez que vous êtes nécessaires ! » Oui, nous le sommes, et nous allons collectivement en faire la démonstration !

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

M. Frédéric Marchand. Cette nécessité va de pair avec la volonté qui anime le groupe La République En Marche : elle nous conduira à voter en faveur de ce projet de loi !

Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche. – MM. Franck Menonville et Didier Guillaume applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier Jean-François Longeot, orateur du groupe Union Centriste, qui a bien voulu me laisser un peu de son temps de parole. En effet, les présidents de commission n’ont malheureusement plus la parole dans la discussion générale, ce que je regrette.

Madame la ministre, voilà deux mois, jour pour jour, que le Sénat a adopté la proposition de loi dont Louis Nègre, que je salue, et moi-même étions à l’origine. Je ne puis que regretter de nouveau que cette proposition de loi n’ait pas été, comme prévu, le véhicule législatif de la réforme ferroviaire. Nous aurions incontestablement gagné du temps et nous ne serions pas réunis aujourd’hui pour débattre à nouveau de dispositions qui, pour certaines, ont déjà été examinées.

La méthode originale que vous avez choisie a été soulignée par les différents orateurs. Elle présente, il est vrai, des inconvénients, à commencer par l’absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’État, mais je dois reconnaître que, finalement, comme l’on dit en Normandie, elle est moins pire que ce qui était initialement prévu… En effet, il est quand même mieux de débattre au fond que sur une autorisation donnée au Gouvernement de légiférer par ordonnance.

Je dois admettre en outre, madame la ministre, que vous avez fait en sorte de nous consulter, de nous associer et que nous avons pu avoir avec vous un dialogue tout à fait constructif. Je le dis d’autant plus volontiers qu’il n’est pas si fréquent avec ce gouvernement que nous ayons le sentiment d’être écoutés, a fortiori entendus.

Néanmoins, madame la ministre, il ne faut pas se voiler la face : nous ne sommes pas d’accord sur tout ! Vous avez parlé de point d’équilibre par rapport au travail du Sénat : j’en suis très heureux, mais, malheureusement, vous avez déposé hier un certain nombre d’amendements visant à revenir sur des dispositions adoptées par la commission qui, loin d’être anodines, sont pour nous essentielles à la réussite de l’ouverture à la concurrence.

En particulier, vous entendez réduire le rôle de l’ARAFER en matière de contrats de performance, de dérogations et de tarification. Vous voulez aussi limiter l’autonomie de Gares & Connexions, que nous avons inscrite dans le texte, ainsi que l’incompatibilité des fonctions de responsabilité entre SNCF Réseau et la holding de tête. Vous souhaitez également modifier le dispositif que nous avons adopté pour le transfert d’informations par SNCF Mobilités à l’autorité organisatrice.

Ces points ne sont pas mineurs, ce qui prouve que, malheureusement, le point d’équilibre auquel vous pensez n’est pas celui de la commission. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

Permettez-moi d’insister à mon tour sur les apports du Sénat à ce projet de loi, fruits du travail remarquable du rapporteur.

Sur le volet social, la commission et son rapporteur ont montré que nous avions une approche pragmatique, humaine et responsable. Ce n’est pas parce que l’on revient sur le statut qu’il ne faut pas être humain. Au contraire, il est primordial que le transfert de personnel ait lieu dans de bonnes conditions.

Nous avons voulu aussi conforter le dispositif en matière d’aménagement du territoire, parce que nous pensons que le système de modulation de péage que vous avez fait adopter à l’Assemblée nationale, madame la ministre, n’est pas suffisant. D’ailleurs, le père de cette suggestion, le président de l’ARAFER lui-même, l’a dit voilà une semaine devant notre commission : ce dispositif est certainement utile, mais insuffisant. Aussi avons-nous jugé nécessaire d’inscrire dans le projet de loi un système de conventionnement destiné à préserver les dessertes directes et sans correspondance.

Je me félicite que d’autres dispositions de notre proposition de loi aient été reprises, s’agissant du matériel roulant, de la maintenance et de la vente des billets.

Pour conclure, madame la ministre, je dois dire que je suis assez fier du travail accompli par notre commission et par son rapporteur. Je pense que, après-demain, quand nous aurons achevé l’examen de ce projet de loi, nous pourrons, collectivement, être fiers du travail accompli par le Sénat.

Il faudra s’en souvenir : chacun aura pu constater que le Sénat ne pratique pas une opposition stérile, mais que nous adoptons une approche constructive et pragmatique. À l’approche de la réforme constitutionnelle, il est important que chacun ait bien à l’esprit le rôle essentiel du Sénat et du bicamérisme dans nos institutions !

Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains et du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais, en réponse aux orateurs, préciser la position du Gouvernement.

Monsieur le sénateur Gontard, je vous confirme qu’il s’agit bien d’une réforme globale, et pas simplement de la transposition d’une directive européenne. Oui, le Gouvernement croit utile et nécessaire d’ouvrir à la concurrence, pour proposer à nos concitoyens plus de trains et des trains moins chers et pour faire des régions qui le demandent des autorités organisatrices de plein exercice.

Le Gouvernement entend réaliser cette ouverture en donnant tous les atouts à la SNCF ; tel est bien le sens de la nouvelle organisation proposée pour une SNCF plus efficace, plus réactive et plus responsabilisée.

Nous proposons aussi, en effet, un nouveau cadre social pour les futurs embauchés, à travers une convention collective de haut niveau qui s’appliquera à tous les salariés de la branche.

Je ne pense pas vous convaincre de l’intérêt de ces mesures, mais je m’interroge : alors que des assurances ont été données, pourquoi inquiéter les cheminots en laissant croire que l’intention du Gouvernement et du Parlement serait de privatiser la SNCF ?

Protestations sur les travées du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Mme Élisabeth Borne, ministre. Je pense que ni le Gouvernement ni personne sur les bancs de l’Assemblée nationale ou les travées du Sénat ne veut privatiser la SNCF !

Protestations redoublées sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Mes chers collègues, je vous en prie, seule Mme la ministre a la parole.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

On peut ne pas être d’accord, mais décrivons au moins la réalité telle qu’elle est !

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Monsieur le sénateur Longeot, je partage votre conviction que cette réforme permettra des avancées pour nos territoires et pour nos concitoyens, grâce à un meilleur service public ferroviaire.

Je me félicite de la méthode proposée par le Gouvernement : elle a permis de tirer parti du travail accompli par votre assemblée dans le cadre de la proposition de loi de M. Maurey, dont vous étiez le rapporteur.

Monsieur le sénateur Jacquin, il ne m’a pas échappé que le ferroviaire, c’est souvent du temps long ; mais je ne pense pas que cela justifie de différer les réformes. On peut même penser qu’il aurait été utile de démarrer plus tôt…

Je pense que nous nous sommes mal compris sur la méthode : il ne s’agissait pas de faire une réforme ignorant les concertations, les partenaires sociaux et le Parlement. Dès le départ, le Gouvernement a indiqué que nous choisissions cette réforme précisément pour donner du temps à la concertation et toute sa place au débat parlementaire. Je pense que, à la fin de ce débat, nous aurons démontré que c’est bien ce que nous avons fait !

Vous parlez de recul ; je parle, moi, de choix. Ainsi, dès le départ, le Gouvernement a fait le choix d’écarter les propositions de Jean-Cyril Spinetta en ce qui concerne les petites lignes. Je l’ai dit, je le répète : je pense que ces petites lignes sont essentielles pour nombre de nos concitoyens, et le Gouvernement, ainsi qu’il l’a toujours indiqué, continuera d’accompagner les régions pour leur remise à niveau.

J’en viens à l’incessibilité et aux mails qui auraient pu circuler. Je n’ai pas changé d’avis : le texte présenté à l’Assemblée nationale donnait bien les garanties nécessaires, mais, puisque certains veulent agiter les peurs, …

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

… il est utile de dire et de redire que nous voulons tous une SNCF 100 % publique.

Je ne partage pas votre description de l’ouverture à la concurrence, notamment le rythme.

À mes yeux, les mots ont un sens. D’aucuns évoquent la brutalité dont on ferait preuve vis-à-vis des cheminots en ce qui concerne les transferts. Je répète que les cheminots qui sont aujourd’hui à la SNCF garderont leur statut. Ceux qui seront transférés et repris par un autre opérateur emporteront avec eux l’essentiel des garanties du statut : la garantie d’emploi, le régime de retraite, la rémunération – des garanties supplémentaires ont été apportées par votre commission sur le maintien intégral de la rémunération.

Le volontariat – un volontariat encore élargi dans le cadre des travaux de votre commission – est privilégié. Ainsi, les cheminots bénéficieront, s’ils reviennent à la SNCF, d’une possibilité d’opter pour ce statut.

Voilà pourquoi j’ai du mal à accepter le terme de « brutalité ».

Les raisons que vous avez avancées concernant la dette sont sans doute bonnes, mais il en est de même d’autres raisons qui ont pu être développées. Reste que ce gouvernement prend ses responsabilités, au travers d’une reprise de dette de 35 milliards d’euros. Nous faisons ce que nous avons dit, mais nous pourrons évidemment inscrire cette reprise de dette et la future trajectoire financière dans un nouveau contrat de performance entre l’État et SNCF Réseau.

Monsieur le sénateur Fouché, je vous confirme que l’ambition de cette réforme, c’est bien un meilleur service, un bon aménagement du territoire ou le respect de l’équilibre de nos territoires et, bien sûr, la lutte contre le changement climatique.

Monsieur le sénateur Éric Gold, personne n’a prétendu que le statut expliquait la dette de 45 milliards d’euros de la SNCF. Le Gouvernement a toujours indiqué qu’en cette matière les responsabilités étaient partagées et que ce n’était pas la SNCF qui avait choisi de réaliser des lignes à grande vitesse ayant augmenté son endettement, au détriment d’ailleurs de l’entretien et de la modernisation du réseau, lequel supporte tous les transports du quotidien, essentiels pour la vie de nos concitoyens.

Nous choisissons, pour l’avenir, de proposer un cadre social de haut niveau pour tous les cheminots de la branche.

Madame la sénatrice Keller, je connais votre attachement et votre intérêt pour le rôle essentiel que jouent les gares dans notre système de mobilité. Nous avons vous comme moi une vision ambitieuse. D’ailleurs, le projet de loi d’orientation des mobilités ira dans ce sens, mettant l’accent sur la place centrale des gares et des pôles d’échanges multimodaux pour la qualité de la mobilité de nos concitoyens.

Ce texte comporte des avancées très importantes, avec une réunification des actifs qui sont aujourd’hui partagés entre SNCF Réseau et SNCF Mobilités, ce qui rend très compliquée pour les cheminots sur le terrain la réponse en cas d’incident. Nous allons donc simplifier ce cadre.

Le texte adopté par votre commission prévoit aussi d’associer toutes les parties prenantes à la gouvernance des gares. C’est un enjeu majeur, car les gares constituent non seulement un élément essentiel du système ferroviaire, mais aussi un élément majeur dans la politique de mobilité et, souvent, un élément majeur de développement et d’aménagement urbains.

S’agissant des petites lignes, je ne peux que rappeler l’engagement du Gouvernement au côté des régions pour en assurer la pérennité et garantir l’exécution des contrats de plan, telle que nous nous y sommes engagés.

Monsieur le sénateur Marchand, je vous remercie d’avoir proposé en commission cet amendement sur l’incessibilité. Malheureusement, il n’a pas l’air de rassurer ceux qui ne souhaitent sans doute pas l’être.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Mme Élisabeth Borne, ministre. Monsieur le président Maurey, je me réjouis qu’il y ait encore de la place pour un débat sur ces sujets. Je ne doute pas qu’il sera passionnant.

Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures cinquante.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-et-une heures cinquante, sous la présidence de Mme Catherine Troendlé.