Intervention de Jean-Marie Bockel

Réunion du 29 mai 2018 à 15h00
Programmation militaire pour les années 2019 à 2025 — Explications de vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Marie BockelJean-Marie Bockel :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi marque la remontée en puissance des moyens de nos armées après vingt ans d’attrition.

Cette inflexion était nécessaire, pour ne pas dire urgente, au regard des menaces intenses, diversifiées et durables auxquelles la France et l’Europe doivent faire face, comme l’ont montré les conclusions de la revue stratégique d’octobre dernier.

Ce projet de loi se veut d’abord « à hauteur d’homme », en donnant la priorité à la condition des personnels, à leur équipement individuel et aux familles. Je profite de cette occasion pour saluer l’engagement indéfectible de nos soldats, fortement sollicités, tant sur les théâtres d’opérations extérieures que sur le territoire national.

Ce projet entend aussi préparer l’avenir avec la modernisation des deux composantes de la dissuasion nucléaire, essentielles pour notre crédibilité stratégique.

À cela s’ajoutent un objectif de renouvellement et de modernisation des équipements sur terre, sur mer et dans les airs, ainsi qu’une volonté d’investir dans des capacités qui permettent de faire la différence, notamment dans les champs du renseignement, de la cyberdéfense et, de plus en plus, du spatial.

Les intentions de la loi de programmation sont bonnes. Celle-ci porte une vision d’autonomie stratégique, qui doit permettre à la France de se défendre, évidemment, mais aussi d’assumer sa responsabilité de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et de défendre ses intérêts en pérennisant son influence diplomatique.

Toutefois, de bonnes intentions ne suffisent pas. Encore faut-il qu’elles se traduisent en actes.

Le débat en séance a permis d’apporter des réponses à certaines questions que nous posait le projet de loi.

Ainsi, pour la préparation et l’emploi des forces, la programmation qui nous était soumise ne se situait pas tout à fait au niveau espéré. Lorsque l’on s’intéresse au « cœur » de nos armées que sont la préparation opérationnelle des soldats et la disponibilité des équipements qu’ils utilisent, le projet de loi nous semblait manquer, si ce n’est d’ambition, tout au moins d’objectifs précis, fixés et quantitatifs, en d’autres termes vérifiables.

L’une des inquiétudes suscitées initialement par ce projet de loi était l’effet de ciseaux entre les moyens de l’armée française, surutilisés depuis plusieurs années, et la prise en charge du coût des opérations extérieures, les OPEX, par le ministère de la défense à lui seul, mettant fin à la solidarité interministérielle de mise jusqu’alors. Pour éviter cela, le Sénat a tenu à ce que les surcoûts non couverts fassent l’objet d’un financement interministériel.

Par ailleurs, la remontée des contrats opérationnels à hauteur des besoins constatés n’était pas prévue, alors que le niveau d’engagement des armées a été d’environ 30 % supérieur aux prévisions du Livre blanc de 2013.

C’est pourquoi le Sénat s’est assuré que tout accroissement de missions lié aux décisions prises lors des sommets de l’OTAN, organisation au sein de laquelle la France tient toute sa place aujourd’hui, ou à la conclusion de grands contrats de soutien à l’exportation, dont on ne peut que se réjouir, serait pris en compte lors de l’actualisation prévue en 2021. Cela constitue un progrès notable au regard de la précédente version.

Faisant allusion aux industries de défense, je veux ici, à mon tour, saluer la mémoire de Serge Dassault, avocat inlassable du Rafale – je peux, comme d’autres ici, en témoigner.

Le projet de loi prévoit une augmentation très importante des crédits consacrés à l’entretien programmé des matériels : plus de 1 milliard d’euros supplémentaire par an par rapport à la précédente loi de programmation. Néanmoins, nous sommes tous conscients des risques de glissement des engagements, en raison des contraintes budgétaires, voire d’un report de ces derniers vers la fin de la période.

Pour pallier ce risque, le Sénat a prévu une information plus précise et annuelle sur l’état du respect des engagements pris dans la LPM. C’est un point important.

Concernant la réserve militaire opérationnelle, les améliorations obtenues lors des débats vont dans le sens d’un accroissement du vivier des réservistes, conformément au rapport sénatorial de 2016 sur la Garde nationale.

Le Sénat a également tenu à renforcer les garanties relatives au financement du futur service national universel, ou SNU : les ressources de la programmation militaire ne pourront être utilisées ni en crédits, ni en personnels, ni en infrastructures pour financer le SNU. Celui-ci bénéficiera d’un financement spécifique. Nous avons pris acte, madame la ministre, de l’engagement en ce sens du Président de la République, que vous avez bien voulu réaffirmer ici même mardi dernier.

Jean-Marc Todeschini et moi-même, corapporteurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur ce sujet, nous en félicitons. Pour le reste, nous attendons les arbitrages du Président de la République, sur la base du rapport du général Daniel Ménaouine, afin de poursuivre notre travail. Nous espérons qu’il saura tenir compte dans ses arbitrages des recommandations – notamment les pièges à éviter, les conditions de la réussite – que nous avons formulées en avril dernier.

Je tiens par ailleurs à saluer la qualité du débat très constructif que nous avons eu tout au long de l’examen de ce texte, de même que l’implication de notre rapporteur et président de commission, Christian Cambon, et de vous-même, madame la ministre.

Je tiens aussi à saluer le travail de mes collègues du groupe Union Centriste, qui a permis d’enrichir ce texte. Je pense notamment à l’apport de Gérard Poadja relatif à la protection auditive des militaires contre les traumatismes sonores, à l’amendement d’Olivier Cigolotti relatif à un rapprochement raisonné et progressif des compétences des réservistes avec les compétences des militaires d’active et au travail du rapporteur pour avis de la commission des lois, Philippe Bonnecarrère, sur la protection des droits et libertés constitutionnels.

Enfin, le groupe Union Centriste est particulièrement attentif aux ambitions européennes de ce projet de loi.

La conscience d’intérêts de sécurité partagés progresse en Europe, tout comme l’ambition de disposer de moyens d’action plus autonomes. Pour cela, il est essentiel de renouveler notre approche des coopérations européennes, y compris dans les industries de défense.

Cependant, les partenaires européens ne poursuivent pas toujours les mêmes ambitions. Le défaut d’alignement des objectifs rend moins aisée la convergence des besoins matériels. La défense européenne reste largement à bâtir, nous le savons tous.

Notre principal partenaire en matière de défense, le Royaume-Uni, est touché par le Brexit, d’où l’importance de préserver les accords de Lancaster House. Quant à l’Allemagne, notre premier partenaire européen, le chemin à parcourir est encore long pour faire converger nos doctrines d’emploi des forces.

Soyez assurée, madame la ministre, que notre assemblée sera attentive à l’effectivité de l’application de cette loi. Le groupe Union Centriste y veillera particulièrement.

À ce titre, nous nous félicitons de l’introduction d’une évaluation qui permettra aux parlementaires un meilleur suivi du respect de la trajectoire de ce texte.

Je suis convaincu que le dialogue présent et à venir, sur un sujet aussi essentiel, sera sain et nécessaire, sans attendre le rendez-vous d’actualisation de 2021. Mais le plus important est bien entendu d’aboutir à un résultat.

Faisant ce pari lucide et exigeant, le groupe Union Centriste soutiendra à l’unanimité le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025.

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