Intervention de Gérard Cornu

Réunion du 29 mai 2018 à 15h00
Nouveau pacte ferroviaire — Suite de la discussion d'un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Photo de Gérard CornuGérard Cornu :

Il était impératif de compléter le volet social du projet de loi et de lever les inquiétudes légitimes des salariés du groupe public ferroviaire. Nous avons d’ailleurs prêté une attention particulière aux attentes des syndicats ayant formulé des propositions concrètes d’amélioration du texte.

La commission s’est également appuyée sur le travail remarquable effectué dans le cadre de l’examen de la proposition de loi du président Hervé Maurey et de notre ancien collègue Louis Nègre – je le salue, puisqu’il est présent aujourd’hui dans les tribunes – et sur laquelle le Conseil d’État avait été saisi à la demande du président du Sénat, Gérard Larcher.

Cette procédure avait permis au rapporteur de la proposition de loi, Jean-François Longeot, de sécuriser plusieurs dispositions sur le plan juridique, avant l’adoption du texte par le Sénat lors de sa séance du 29 mars 2018. Nous avons réintroduit plusieurs de ces dispositifs dans le présent projet de loi.

La commission a modifié le texte en se fixant quatre objectifs.

Notre premier objectif a été de garantir la pérennité des dessertes TGV utiles à l’aménagement du territoire. Le Sénat avait déjà donné l’alerte sur le risque d’écrémage des dessertes TGV à l’occasion du vote de la proposition de loi.

Le Gouvernement propose deux dispositifs pour y répondre, mais nous ne sommes pas rassurés pour autant. Le premier consiste en une modulation des péages orientée vers l’aménagement du territoire. Néanmoins, d’après les chiffres du Gouvernement, une fois cette modulation mise en œuvre, une desserte TGV sur six resterait compromise, et encore, nous n’avons pas la totalité des informations sur les modalités pratiques de sa mise en œuvre.

Il faudra donc conclure des contrats de service public et apporter des financements publics pour assurer la viabilité de ces dessertes menacées de disparition. Le projet de loi donne cette possibilité de conventionnement tant à l’État qu’aux régions, y compris pour les services qui vont au-delà de leur ressort territorial.

Il n’est pas certain que l’État s’engage dans cette voie, alors qu’il vient tout juste de transférer aux régions une grande partie des services Intercités qu’il gérait jusqu’à présent. Or la responsabilité de la pérennité de ces dessertes ne saurait peser sur les seules régions, surtout en l’absence de financement spécifique. C’est la raison pour laquelle la commission a réintroduit, à l’unanimité, le dispositif de la proposition de loi adoptée par le Sénat prévoyant la conclusion par l’État de contrats de service public pour répondre aux besoins d’aménagement du territoire et préserver ainsi des dessertes directes, sans correspondance.

Notre commission a également modifié la procédure de répartition des capacités d’infrastructure, en fixant des critères de priorité en faveur des services utiles à l’aménagement du territoire en cas de saturation, et en facilitant l’attribution de sillons aux services de fret ferroviaire.

Sur le volet social, nous avons voulu renforcer les garanties des salariés, en précisant le cadre du transfert de ces derniers vers de nouveaux opérateurs. Il s’agissait de notre deuxième objectif.

Tout d’abord, nous avons souhaité confier à l’autorité organisatrice, et non plus à l’opérateur sortant, le soin de fixer le nombre de salariés à transférer, sous le contrôle de l’ARAFER, afin d’assurer que ce nombre corresponde au mieux aux besoins du service.

Ensuite, pour déterminer les transferts vers l’opérateur ayant remporté l’appel d’offres, nous avons cherché à favoriser le volontariat des salariés, en élargissant à l’ensemble des salariés de l’opérateur sortant et qui travaillent dans la région concernée la possibilité de se porter volontaires pour rejoindre le nouvel opérateur, à condition bien sûr qu’ils possèdent les qualifications professionnelles requises.

Notre commission a également renforcé les droits des salariés transférés, en complétant les éléments de rémunération qui leur seront garantis, en permettant aux salariés qui étaient régis par le statut de le réintégrer, pendant une période déterminée, s’ils sont réembauchés sur un poste vacant, ou encore en garantissant leur emploi en cas de défaillance du nouvel opérateur.

Il s’agit d’avancées sociales très importantes, de nature à rassurer les salariés sur les modalités de transfert en cas de changement d’opérateur. Je tiens à cet égard à saluer le soutien sans faille de notre président Gérard Larcher et du président de notre commission Hervé Maurey sur ce sujet extrêmement sensible.

Il était également important – c’était notre troisième objectif – de poser les conditions d’une ouverture réussie à la concurrence, qui devra se faire de manière équitable et non discriminatoire. Pour cela, nous avons cherché à lever les obstacles à une ouverture à la concurrence effective.

Dans cette optique, notre commission a précisé que le rattachement de SNCF Gares & Connexions à SNCF Réseau se ferait sous la forme d’une filiale disposant d’une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière, afin de préserver la capacité de l’entreprise à investir dans le développement et dans la modernisation des gares.

Nous avons également davantage échelonné le calendrier de l’ouverture à la concurrence en Île-de-France, en autorisant la mise en concurrence des services du RER E dès 2025 au lieu de 2033. Étant donné l’ampleur des services concernés par l’ouverture à la concurrence, il importe qu’Île-de-France Mobilités puisse lancer des appels d’offres de façon progressive.

En ce qui concerne les dérogations à l’obligation de mise en concurrence des services conventionnés, prévues par le droit européen, le projet de loi les autorise toutes. Nous ne sommes pas revenus sur ce choix qui laisse la liberté aux régions d’y avoir recours ou non. Nous avons en revanche soumis la mise en œuvre de deux d’entre elles, insuffisamment définies, à un avis conforme de l’ARAFER, pour sécuriser les décisions des autorités organisatrices dans ce domaine.

Nous avons également tenu à élargir le champ de l’obligation de transmission d’information aux autorités organisatrices de transport, de la part des entreprises ferroviaires, des gestionnaires d’infrastructure et des gares. En parallèle, nous avons renforcé la protection des informations couvertes par le secret industriel et commercial. Nous avons également précisé les modalités de communication des informations nécessaires aux candidats aux appels d’offres.

Nous avons autorisé le transfert à l’autorité organisatrice, sur demande de celle-ci, des matériels roulants et des ateliers de maintenance majoritairement utilisés pour des services conventionnés, comme le prévoyait la proposition de loi.

Par ailleurs, afin de donner davantage de prévisibilité aux entreprises ferroviaires et d’assurer la cohérence du système tarifaire, la commission a renforcé la dimension pluriannuelle de la tarification du réseau, et a prévu de donner à l’ARAFER un pouvoir d’avis conforme sur le volet tarifaire du contrat de performance signé entre l’État et SNCF Réseau.

Enfin, notre quatrième objectif était de maintenir un haut niveau de sécurité et de sûreté au sein du système ferroviaire. En particulier, dans la mesure où l’ouverture à la concurrence va conduire à une multiplication des acteurs, nous avons tenu à encourager la coordination entre ces acteurs en matière de sécurité. C’est pourquoi nous avons expressément autorisé la création d’un groupement d’intérêt public dans ce domaine, dans le respect, bien évidemment, des compétences de l’établissement public de sécurité ferroviaire et de SNCF Réseau.

Vous l’aurez compris, la commission a soutenu la réforme engagée par le Gouvernement, tout en souhaitant renforcer un certain nombre d’aspects, et ce dans une seule perspective : l’amélioration de la qualité du service rendu aux voyageurs et aux chargeurs, qui doivent être au cœur de nos préoccupations tout au long de l’examen de ce texte.

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